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Analyses de certaines reformulations demandées par l’enseignante

Deuxième partie :

2. Paroles réunionnaises : observables et modélisation qualitative. qualitative

2.1. Observations de la parole d’adultes

2.1.2. Discours d’enseignants en cours de créole

2.1.2.1. Parole d’une enseignante de l’école maternelle

2.1.2.1.1. Analyses de certaines reformulations demandées par l’enseignante

Nous avons relevé dans l’enregistrement des séquences où une reformulation est demandée. Dans plusieurs cas, celle-ci intervient car un lexique commun aux deux langues est qualifié par l’enseignante de « non créole ». Pourtant dans bien des cas ces mots sont retenus par les dictionnaires de Baggioni (1987, 1990) et/ou d’Armand (1987) qui avaient déjà opéré une sélection dans l’ensemble des productions réunionnaises.

Nous présentons ici quelques séquences où la reformulation en déviance maximale a été faite.

Tableau 8. Exemples de reformulations faites par MC.

Extraits du corpus Commentaires Reformulation

Demande de reformulation pour rechercher une variante lexicale plus éloignée du français, « bokou » étant jugé appartenir exclusivement au français. Pourtant « bokou » est une

Demande de reformulation pour rechercher une variante lexicale plus éloignée du français, « balé » étant jugé appartenant exclusivement au français. Pourtant « balé » est une des entrées de

Armand (1987 : 26), avec un renvoi à « balié ». in port kosa nana ankor

El: in fenèt En: in fenèt El: in toi

En: in toi / kosa i lé

Demande de reformulation pour rechercher une variante syntaxique plus éloignée du français où l’emploi correct en créole serait l’absence des articles indéfinis ou définis féminins du français. La remarque de

Demande de reformulation pour rechercher une variante lexicale plus

El: in kaz En: in kaz El: la kaz

En: la kaz // euh- Julie

jugé appartenir exclusivement au français. Remarquons que contrairement à la reformulation n°3, ici une reformulation basilectale n’est pas demandée concernant le genre du mot « kaz ».

Reformulation 5

El: dépin (des pains) En: dépin (des pains) i di El: dopin

En: dopin / alor Thomas avèk Tomy

Ici « dé pin » peut-être analysé comme une variante acrolectale où

« dé » joue le rôle d’article indéfini pluriel, ou comme une variante basilectale de « dopin ». La demande de reformulation porte uniquement sur la première possibilité où « dé pin » est jugé appartenir exclusivement au français.

Reformulation 6

El : in éskargo (un escargot) En: koman nou di an kréol El: léskargo (l’escargot) El: une étoile de mer En :Téva

El: léskargo (l’escargot)

Demande de reformulation pour rechercher une variante lexicale plus éloignée du français, « éskargo » étant jugé appartenir exclusivement au français. Pourtant l’absence de l’article « in » dans les deux reformulations d’élèves ne permet pas de lever l’ambiguïté entre l’emploi de la variante basilectale de

« éskargo » (qui est « léskargo ») et un remplacement de l’article « in » par l’article « l’ ».

Reformulation 7

El: in arozoir (in arrosoir)

En: kosa i lé / koman on a di / i di ankor

El: in larozoir

Demande de reformulation pour rechercher une variante lexicale plus éloignée du français, « arozoir» étant jugé appartenir exclusivement au français. Ici la présence de l’article

« in » dans la reformulation de

l’élève permet de lever l’ambiguïté mentionnée dans la reformulation 6.

Reformulation 8

El : mi fé du brui

En : alor mi fé du bruit / koman i pe dir sa ankor mié an kréol El: mi fé

En: koman i di brui an kréol/ mi fé

El: dézord

En : mi fé dézord / Constance kosa i lé / kosa in shoz kosa èl nana dan son min

Demande de reformulation pour rechercher une variante lexicale plus éloignée du français, « brui » étant jugé moins soutenu car commun au français et au créole. Nous remarquons tout de même ici que la consigne de reformulation n’exclut pas le mot « brui » du lexique créole mais invite l’élève à utiliser un mot jugé par l’enseignante plus soutenu.

Le mot « brui » est présent dans Baggioni (1987 : 62) et Armand (1987 : 63).

Reformulation 9

El: moin néna in volan El : le konter

El: moin néna kat rou

En: éske lé asé pou trouvé ke sa sé in loto

El : j’ai un guid - moin néna in volan

En : éske zot i pans lé asé pou trouvé sa sé in loto /oui / alor El: moin néna in kapo

En: moin néna in kapo / é koman i apèl le volan / an kréol koman i di / éske zot i koné koman i di El: in gidon

En: in gidon / moin néna in gidon / lé bien sa / alor XXXXXXXXX

Demande de reformulation pour rechercher une variante lexicale plus éloignée du français, « volan» étant jugé appartenir exclusivement au français. Pourtant « volan » est présent dans Baggioni (1987 : 338) et Armand ( 1987 : 376).

Reformulation El: moin néna / moin néna- moin Même remarque que celle pour

10 néna in mézon su mon do En: koman i di mézon an kréol El: in kaz

reformulation 4.

Reformulation 11

El : moin néna / néna in boi / in in in boi in in truk rouj

En: oui / in truk / koman i pe dir in truk an- an kréol

El: in zafèr En: in zafèr rouj El: plin d’shoz

En: plin d’shoz lé pa an kréol

Demande de reformulation pour rechercher des variantes lexicales plus éloignées du français, « truk» et

« shoz » étant jugés appartenir exclusivement au français. Pourtant

« trik (truk) » est présent dans Armand (1987 : 364), de même que

« soz (choz) » dans Armand (1987 : 340).

Les reformulations demandées par MC sont fonction de ses représentations de la situation sociolinguistique réunionnaise. Tout en ayant le souci d’enrichir le lexique créole des élèves, elle construit une norme arbitraire de classe visant à « distinguer les codes », perçus comme séparés alors que les élèves semblent moins conscients de la frontière entre les « langues ». Cette construction basilectale se fait sur certains éléments lexicaux ou phonologiques conscients ou repérés par l’enseignante. Ce choix normatif ne se maintient pourtant pas sur l’ensemble de l’échange, même dans ses prises de parole.