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Analyse du discours général de NL

Deuxième partie :

2. Paroles réunionnaises : observables et modélisation qualitative. qualitative

2.1. Observations de la parole d’adultes

2.1.2. Discours d’enseignants en cours de créole

2.1.2.2. Parole d’une professeure de l’école élémentaire

2.1.2.2.1. Analyse du discours général de NL

Nous analysons les prises de parole de NL en reprenant les éléments choisis dans l’analyse des segments conversationnels de MC, c'est-à-dire certains comportements de l’enseignante au niveau phonologique, lexical, de la gestion du genre, de la variation des formes verbales longues et courtes.

MC tente de se rapprocher de temps en temps d’une prononciation basilectale sans parvenir à maintenir cette rigueur tout au long de l’échange. NL opte pour une stratégie différente qui semble consister à ne pas dévier de sa prononciation courante, prononciation que nous connaissons pour avoir eu plusieurs entretiens informels avec elle. Nous mettons en évidence la gestion de ces pôles phonologiques à travers la prononciation des couples [i]/[y], [s]/[ʃ], [ʒ]/[z] et [ə]/[e] dans les prises de parole de NL.

Tableau 22. Gestion de [i]/[y] par NL.

[i]/[y] (numéros de lignes entre parenthèses) Variantes basilectales

utilisées Variantes acrolectales

utilisées Traduction en français

si (333) Occurrences des variantes

basilectales : 15 Occurrences des variantes acrolectales : 28

Au niveau du couple [i]/[y], NL produit principalement les variantes acrolectales à l’exception des pronoms personnels sujets et compléments de la troisième personne du singulier.

Tableau 23. Gestion de [s]/[ʃ] par NL.

[s]/[ʃ] (numéros de lignes entre parenthèses) Variantes basilectales

utilisées Variantes acrolectales

utilisées Traduction en français

pèsh (300, 300, 302, 305, 340)

pésher (313, 350)

shanson (307, 310, 311, 315, 317, 327, 335, 340, 342, 347, 438, 457)

bishik (330, 331, 419, 459) bransh (386) Occurrences des variantes

basilectales : 0 Occurrences des variantes acrolectales : 31

Tableau 24. Gestion de [ʒ]/[z] par NL.

[ʒ]/[z] (numéros de lignes entre parenthèses) Variantes basilectales

utilisées Variantes accrolectales

utilisées Traduction en français

jordu (306, 373, 454) jordi (365, 488, 505) jour (488)

déja (338, 338)

manjé (345, 346, 369, 369, 472)

arkorij (402) korij (412, 421) just (404, 406)

mélanj (408, 408, 419) jone (416)

pièj (436)

jinjanm (436, 437, 438, 439) justeman (445, 473)

jamé (468, 476) manj (468) jénéral (475) jedi (486, 489)

aujourd’hui aujourd’hui jour

déjà

mangé/repas recorrige corrige juste mélange jaune piège gingembre justement jamais mange général jeudi Occurrences des variantes

basilectales : 0 Occurrences des variantes acrolectales : 36

Tableau 25. Gestion de [ə]/[e] par NL.

[ə]/[e] (numéros de lignes entre parenthèses) Variantes basilectales

utilisées Variantes acrolectales

utilisées Traduction en français

aster (300, 315, 411, 412, kouler (413, 415, 416, 420) milie (443) Occurrences des variantes

basilectales : 0 Occurrences des variantes acrolectales : 80

Au niveau des couples [s]/[ʃ], [ʒ]/[z] et [ə]/[e] aucune variante basilectale n’est prononcée par NL là ou MC tente d’ériger une pratique basilectale. Pourtant l’enseignante est, elle aussi, soucieuse de distinguer les énoncés créoles produits lors de son enseignement de Langue et Culture Régionales de ceux produits en français lors des autres enseignements. NL semble donc porter la distinction ailleurs que sur phonologie.

Au niveau du lexique, nous constatons que NL, tout comme MC, respecte les consignes données lors de sa formation quant à l’emploi de la forme « kosa » comme pronom interrogatif ou exclamatif (24 occurrences). Le tableau suivant récapitule les choix lexicaux employés par l’enseignante quand deux variantes étaient possibles.

Tableau 26. Variantes lexicales employées par NL.

Variantes lexicales employées par NL (numéros de lignes entre parenthèses)

En caractères gras les variantes possibles mais pas employées par l’enseignante.

Variantes basilectales Variantes acrolectales Traduction en français dann bor (300)

395, 408, 408, 408) Occurrences des variantes

basilectales : 199 Occurrences des variantes acrolectales : 55

A première vue, on pourrait dire que l’enseignante privilégie les variantes basilectales jugées souvent plus soutenues. Les fortes occurrences de quelques éléments comme « pou » (24 occurrences), « kosa » (24 occurrences), « lé bon » (17 occurrences),

« in ti kou » (19 occurrences) montrent une volonté de construire une certaine norme de classe qui s’appuie fortement sur le lexique.

Au niveau syntaxique, l’utilisation des articles indéfinis ou définis dans les cas où le féminin est requis en français ne permet pas de dégager une stratégie claire mise en place par l’enseignante comme le montre le tableau suivant.

Tableau 27. Utilisations par NL des articles indéfinis ou définis dans les cas où le féminin est requis en français

Utilisations des articles indéfinis ou définis

masculins Utilisations des articles indéfinis ou définis

féminins le shanson (306, 335, 340, 342, 346, 438,

457)

le muzik (506) inn shanson (327) inn ti resèt (450)

son moman (318, 321, 321, 329) le moman (337)

le fason (336) in fason (372) in késtion (378) in bransh (386) son fey (391)

le fey (396, 396, 496) son parol (394)

la mér (300) la plas (380)

la poud (400, 407, 409, 409, 413) la fin (450, 451)

la viann (468)

la ke (478, 483, 484, 484, 484) la lis (481)

la parol (462)

Occurrences : 24 Occurrences : 17

Le nombre d’occurrences est ici légèrement augmenté dans la première colonne du fait de l’emploi du mot « shanson » qui a un lien direct et important avec le support principal de la séance observée.

Par contre, quant à la variation de la forme verbale dans les cas où deux formes sont attestées au niveau de la forme longue et de la forme courte dans un emploi équivalent à celui de l’infinitif en français, la forme la plus éloignée du français est posée en modèle. Contrairement à MC, la stratégie est maintenue par NL tout au long de la séance.

Tableau 28. Emplois des formes verbales courtes ou longues par NL.

Emplois de la forme courte Emplois de la forme longue fé (315, 322, 322, 325, 326, 326, 327, 329,

346, 367, 410, 457, 457, 459, 459, 464, 465, 475, 479, 481, 486, 497, 501, 502, 503, 503, 504, 504)

di (327, 337, 495) ékri (347, 432, 492, 495) kui (455)

fér (342, 481) dir (386)

Occurrences de la forme courte : 36 Occurrences de la forme longue : 3

Les prises de parole de NL et le constat de l’utilisation de toute l’étendue du pôle créole de son répertoire langagier, montrent que NL élabore une certaine rigueur dans la gestion de son discours en créole qui ne s’effectue pas sur les mêmes modalités que MC.

NL n’érige pas une prononciation en déviance maximale par rapport au français comme norme et semble plus souple que MC dans ce domaine. Par contre, à travers le lexique et certains points syntaxiques, une rigueur semble s’élaborer pour proposer aux élèves un discours jugé plus soutenu.

Cette différence de stratégie concernant la langue de la séance d’enseignement est-elle vérifiée au niveau du système verbal ?