• Aucun résultat trouvé

3.3 De l’écho intellectuel de Romain Rolland en Asie aux réactions conservatrices franco-suisses

3.3.2 Les amitiés suisses

Carl Spitteler (1845-1924) fut une des grandes amitiés de Rolland en Suisse allemande, poète suisse d'expression allemande. Influencé par Schopenhauer, proche de Nietzsche, il tenta de réactualiser les mythes grecs dans la vie quotidienne suisse en composant des fresques épiques opposant la révolte de l'ascète au confort bourgeois.

322 Ibid., p.26.

323 Ibid., p.42.

324 In Europe, n°942, Octobre 2007.

157 La relation de Rolland et de Spitteler fut jugé « exceptionnelle, elle eut un retentissement international et un impact politique. »325

L’analyse de Jean-Pierre Meylan se poursuit : « Il avait vingt ans de plus que Rolland et sa position politique correspondait au néo-nationalisme suisse des milieux de la Nouvelle Société helvétique, qui fut fondée en 1914 et qui était influencée par Barrès, voir même Maurras. Ce nationalisme d’anti-modernité, élitiste et en Suisse fédéraliste, avait ses tenants aussi bien du côté catholique que protestant ; s’il refusait une idéologie de l’action directe ou des coups de mains, il penchait toutefois vers un autoritarisme et un corporatisme peu démocratiques. Rolland ignorait sans doute cette ascendance. Sur invitation de la Nouvelle Société helvétique, Spitteler exhorta les Alémaniques et les Romands à plus de retenue dans leur positionnement à l’égard des nations belligérantes, mais aussi à mieux se connaitre mutuellement et à renforcer la cohérence de leur pays. »326

Ce discours est connu sous le titre Notre point de vue suisse. Les deux hommes se rencontrèrent à plusieurs reprises jusqu’à la mort de Spitteler en 1924. Rolland contribua à diffuser la pensée de Spitteler qui reçut le prix Nobel de littérature en 1919.

Romain Rolland appuya sa candidature par une lettre au secrétaire de la fondation Nobel le 23 février 1918 en expliquant que la lecture des poèmes de Spitteler fut pour lui une découverte ainsi qu’une illumination pendant ces sombres années. Il le décrit en tant que peintre, poète et penseur. Il ajoute qu’il est le plus grand poète que la Suisse n’ait jamais connu.

L’analyse de leur relation est intéressante d’autant que l’on assista à une reconnaissance paradoxale de l’œuvre de Spitteler : il était perçu comme le garant de la tolérance et de la libre-pensée en dehors de la Suisse et de l’Allemagne alors que dans son pays, il fut capté par une droite autoritaire et catholique. De plus, l’annulation de l’invitation de Romain Rolland à un banquet se tenant à Genève en l’honneur de Spitteler en octobre 1915 est à mentionner d’autant que parmi les autres invités se trouvaient notamment Robert de Traz.

Cette annulation n’est finalement pas surprenante sachant l’opposition entre les deux hommes dont le paroxysme sera atteint à la fin de la guerre, Robert de Traz accusant alors Romain Rolland d’avoir fait du mal à son pays.

L’amitié avec Paul Seippel (1856-1926) fut parfois empreinte de désaccords mais toujours dans un climat de profond respect entre les deux hommes. Né à Lausanne en 1858, Paul

325 Jean-Pierre Meylan, in Romain Rolland, une œuvre de paix, Paris, Publications de la Sorbonne, 2010.

326 Ibid.

158 Seippel fut professeur de littérature française à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, critique littéraire puis directeur du Journal de Genève au début de la guerre. Souvent mentionné au cours de notre étude, il fut pour Rolland un soutien moral essentiel pendant les années passées en Suisse.

Edmond Privat (1889-1962) quant à lui fut le correspondant suisse du Temps puis du Journal de Genève à Paris. Né en 1889, il fut comme nous l’avons déjà évoqué le propagandiste et le propagateur de l'œuvre de Romain Rolland.

Frédéric Ferrière (1848-1924) fut une des personnalités avec laquelle Romain Rolland échangea à de nombreuses reprises. Il fut délégué du CICR dans de nombreux pays, créa l’Agence internationale des prisonniers de guerre et devint vice-président du CICR.

L’intellectuel français travailla donc avec lui :

« Samedi 3 juillet 1915. A la veille de quitter Genève, j’envoie au Dr Ferrière la collection de mes vieux Jean-Christophe, en lui disant combien j’ai été heureux de travailler auprès de lui, depuis neuf mois. Certes, une des rares bonnes chances qui m’aient échu, en cette guerre, a été de me trouver journellement en rapport avec le seul esprit de Genève (je le crois), qui soit resté juste, impartial et largement humain, au milieu du conflit universel. Nous ne pouvions guère échanger que des propos hâtifs dans notre travail pressant. Mais ce m’était un réconfort. Deux traits que j’aime surtout en ce noble caractère : sa sensibilité extrême à toutes les injustices et son indulgence à toutes les faiblesses de la pauvre espèce humaine ».327

Le respect de Rolland à son égard est repris dans son journal en janvier 1918. Alors que Rolland lui demande par lettre une consultation à Genève, le Dr Ferrière lui rend le service en se déplaçant lui-même. Il lui apprend au même moment, de façon secrète, qu’un de ses amis (chimiste allemand) lui a confié que le haut commandement allemand disposait désormais de gaz asphyxiants. Ce chimiste souhaite que le Croix-Rouge fasse une démarche, notamment auprès du pape et du roi d’Espagne. Le Dr Ferrière ne voit alors guère comment une protestation morale pourra empêcher le haut commandement allemand d’exécuter ses décisions. De même, il n’envisage pas que la Suisse neutre voudra, osera

327 JAG, op.cit., p.426.

159 présenter une telle protestation. Cet exemple a pour objectif aussi de montrer que le commerce spirituel de Rolland était en plein cœur des évènements quels que soient leur nature. Dans le cas présent, nous apprenons donc que la Croix-Rouge internationale avait été mise au courant de l’existence de gaz asphyxiants. Elle en est informée aussi par un certain nombre d’informateurs dont Romain Rolland cache volontairement les noms dans son journal :

« Le Dr Ferrière me communique les lettres qu’il a reçues au sujet des gaz. Elles sont si graves que je ne transcrirai pas ici les noms des correspondants. »328

Finalement, la Croix-Rouge internationale se décidera à lancer un appel daté du 6 février 1918 qui est publié dans de nombreux journaux. Romain Rolland s’en félicite même s’il se questionne sur le fait que l’organisation humanitaire s’était jusque là abstenue de toute intervention :

« Je suis de ceux qui regrettent que la Croix-Rouge Internationale n’ait pas, dès le début de la guerre, élevé la voix, inlassablement, contre toutes les atrocités, contre toutes les violations du droit et les outrages à l’humanité. Elle a trop douté de sa force morale. »329

Romain Rolland se trouve ici au cœur d’une des premières prises de position publiques de la Croix-Rouge internationale. Il salue bien entendu l’Appel de l’organisation mais on voit que cette dernière fut hésitante (en la personne du Dr Ferrière notamment) et qu’elle ne le fit qu’après s’être rapproché de la figure importante du mouvement, Gustave Ador son président. En effet, la première prise de position humanitaire du mouvement au cours de la guerre devait être pesée, réfléchie et rédigée de manière à ne pas être trop violente à l’égard de l’Allemagne. Romain Rolland suit donc, avec son ami et homme de confiance Frédéric Ferrière, de près cette première « sortie » publique du mouvement humanitaire genevois.

La trame relationnelle suisse à laquelle Romain Rolland s’accroche est présente tout au long de notre étude, si bien qu’un paragraphe ne peut suffire à résumer cette relation de Romain Rolland et de la Suisse. Elle fut le plus souvent apaisée, à la grande différence de sa relation avec la France qui elle allait déchainer les passions.

328 Ibid, p.1402.

329 Ibid., p.1403.

160 3.3.3 Passions françaises

Il serait fastidieux et quasiment impossible de citer tous les noms, contacts, personnes qui ont été en relation avec Romain Rolland entre 1914 et 1919.

On peut aisément avancer que le commerce spirituel de Romain Rolland fut très intense entre 1914 et 1919. Dès lors en effet, il ne fut pas isolé d’un point de vue intellectuel car il échangea continuellement avec de très nombreuses autres consciences en Europe et au-delà. Mais ce commerce spirituel ne serait pas totalement complet si nous omettions de mentionner ses échanges avec la France.

Louis Gillet, son ami lointain, avait joué sur scène sa pièce Danton le 18 mars 1899. Leur correspondance330 révèle notamment une tension qui s'installe entre les deux hommes au fur et à mesure que la guerre dure. Gillet est au front, Romain Rolland à Genève.

Ainsi le 3 octobre 1914, Romain Rolland écrit à Louis Gillet :

« Peut-être trouverez-vous qu'elles étaient -mes lettres- moins absurdes qu'elles n'en ont l'air, à présent. Vous les relirez après la guerre. »331

Puis le 27 janvier 1915, Louis Gillet à Romain Rolland :

« Je pense souvent à vous, à la vie que vous menez dans Genève. Vous êtes dans le seul coin du monde qui reçoive toutes les nouvelles, et où elles doivent produire l'effet des plus grandes folies. Ce que nous faisons doit vous paraître incompréhensible. »332

De nouveau, Louis Gillet à Romain Rolland, le 19 février 1915 :

« Il faut pardonner quelque chose à ceux qui vivent depuis 5 mois dans les tranchées. […]

Je vous prie de croire que nous ne sommes pas sur des lits de roses. Et je ne croirai pas avoir travaillé inutilement au fond de ma tranchée, à la cause de la paix et à l'avènement de l'Europe idéale. »333

Puis le 14 juin 1915 :

« Vous ne vous doutez pas, mon ami, qu'à chaque instant je puis mourir, que je vis depuis 8 mois sous cette perpétuelle menace : il m'est insupportable qu'en un sujet de cette importance je puisse être accusé de penser faiblement. »334

330 Cahiers Romain Rolland 2, op.cit.

331 Ibid.

332 Ibid.

333 Ibid.

334 Ibid.

161 Leur correspondance prend dès lors un tour plus polémique. Romain Rolland lui répondit le 21 juin 1915 :

« Je ne doute pas que vous n'ayez de la réalité de la guerre une amère connaissance, que je ne puis avoir. […]Mes amis m'affirment leur étroite communion de cœur et d'esprit avec moi ; ils connaissent mes idées et les partagent sans réserve. »335

A quoi Gillet répondit, le 25 juin 1915 :

« Il faut bien qu'il y ait quelque chose, morbleu ! Pour que tant d'honnêtes gens soient brouillés avec vous : et, laissez moi vous le dire, il y a un peu de votre faute. »336

A la suite de cette lettre, à laquelle Romain Rolland ne répondit pas, les deux écrivains rompirent toute relation pendant vingt sept ans. Paul Claudel en 1942 fut l'auteur de leur réconciliation. Il a déjà été mentionné la célèbre formule de Louis Gillet : cette formule résume de façon très nette le profond décalage entre la position de Rolland et celle de ses camarades du front. Alors qu’ils entendent à longueur de journée le son des canons, Romain Rolland entend celui des cloches ; alors que leur horizon est borné, le sien est peut-être bien trop vaste.

Le célèbre poète, dramaturge, et diplomate français Paul Claudel envoya une lettre à Rolland depuis Bordeaux (Ministère de la Guerre, cabinet du Ministre) le 29 septembre 1914 :

« Mon cher Rolland, je m’associe de tout cœur à votre protestation contre les abominables crimes de Louvain et de Reims, qui déshonorent à jamais la nation allemande. Je vous serre la main bien affectueusement. »337

C’est la seule lettre du journal adressé par Claudel à Rolland car au-delà de la proximité intellectuelle et spirituelle qui devait exister entre les deux écrivains, Paul Claudel était en responsabilité alors. La Première Guerre mondiale marqua d’ailleurs un tournant important dans sa carrière car il passa à ce moment-là du corps consulaire au corps diplomatique avec une nomination en 1917 en tant que ministre plénipotentiaire au Brésil. Il avait rempli avant les fonctions d’attaché commercial en Italie. Il est par ailleurs intéressant de voir que

335 Ibid.

336 Ibid.

337 JAG, op.cit., p.70.

162 Romain Rolland le cite à plusieurs reprises en raison du succès de ses écrits, même en temps de guerre :

« Mais je me demande comment un Français pourrait faire pour empêcher, pendant la guerre, qu’on exploite ses œuvres en Allemagne. On oublie de dire que les revues de Berlin et de Munich publient constamment du Claudel, du Suarès, du Francis Jammes, du Gide, du Verhaeren, du Maeterlinck etc. Un des derniers numéros des Weissen Blätter consacrait les ¾ de ses feuilles à la publication intégrale d’un drame de Claudel.

Les œuvres du même Claudel sont éditées, en ce moment, à Hellerau, et les réclames de librairies disent que c’est le plus grand poète depuis Dante. Cela prouve combien les Allemands sont moins passionnés que nous et ne s’inquiètent pas des opinions politiques d’un poète pour apprécier son talent. »338

Il a déjà été fait mention de la profonde émotion avec laquelle Romain Rolland avait relaté la mort de Charles Péguy. Auguste Rodin avait également écrit à Romain Rolland le 30 septembre 1914, depuis Londres. Alphonse de Châteaubriant (né en 1877, prix Goncourt en 1911) fut engagé au service des ambulances au moment où la guerre éclata.

Romain Rolland pense à lui comme il pense à de nombreux autres amis :

« La pensée de Châteaubriant, de Gillet, de Jean-Richard Bloch, de tous ces chers amis jetés dans le gouffre, sacrifiés peut-être à cette heure, ne me laisse pas en paix une minute… »339

Il recevra plusieurs lettres de lui, du front, lui relatant par exemple en décembre 1914 le fait qu’il ait été envoyé en Belgique. Ces évènements gigantesques le submergent alors, il souhaiterait pouvoir transporter Rolland près de lui dans cette effroyable mêlée criblée par la mort. Châteaubriant lui explique qu’il vit dans la boue et qu’il souffre :

« Peut-être aurai-je besoin de toi pour me guérir de toute la haine que j’amasse contre le troupeau humain. Ce n’est rien de le voir à distance. Il faut, pour le connaitre bien, marcher au milieu de lui au rang de bête qui vous est assigné, il faut l’entendre gueuler, il faut en sentir autour de soi monter l’odeur forte.340

Dans une lettre à sa mère du 22 mars 1915, on apprend par ailleurs que Rolland a reçu une lettre de Châteaubriant qui lui apprend qu’un ordre a été donné aux soldats, leur interdisant

338 Cahiers Romain Rolland 20, op.cit., p.243.

339 JAG, op.cit., p.40.

340 Ibid., p.192.

163 de correspondre avec la Suisse, la Hollande et le Danemark, c’est-à-dire avec tous les pays neutres en relation avec la France. Le fil était donc rompu entre Romain Rolland et certains de ses amis engagés au front.

Jean-Richard Bloch, quant à lui, fait partie de cette seconde génération de jeunes intellectuels marqués par l'onde de choc du dreyfusisme, qui se retrouvent dans le courant

« vitaliste »341 rêvant de régénérer la vieille société occidentale à la fois sur le plan politique et sur le plan culturel.

Agrégé d'histoire en 1907, il quitte vite l'enseignement pour plonger dans le combat politique et littéraire. Il milite au Parti socialiste unifié, devenant en 1911 secrétaire fédéral de la Vienne, en même temps qu'il fonde en 1910 la revue L'Effort (puis L'Effort libre), assez proche du courant unanimiste, et publie ses premiers recueils à la NRF.

La guerre est un tournant essentiel : mobilisé en août 1914, blessé trois fois gravement, il approuve, comme tant d'autres intellectuels socialistes, la guerre patriotique.

Il partage les mêmes sentiments que Rolland au début de la guerre :

« Jean-Richard Bloch, qui est toujours à Poitiers, attendant son prochain renvoi sur le front, avec le titre de sous-lieutenant, m’écrit sa complète sympathie avec mes idées.

Il a lu mes articles, et dit : « Quelle bassesse d’esprit ou quelle imbécilité il a fallu pour qu’on se méprit ! … Le son de votre parole durera dans le monde ; il était peut-être compréhensible qu’elle dut heurter, en France, à l’excès de l’action, et ne trouvât, pour commencer, que des individus isolés pour lui faire accueil ; mais qu’elle ait été prononcée, en un pareil moment, par un Français, restera un honneur éternel pour notre pays devant l’étranger, devant l’ennemi et devant l’avenir ».342

Progressivement, la guerre alimentera la haine et quand Thiesson rend visite à Rolland en octobre 1915, il lui rend compte de sa visite récente à l’hôpital de Lyon où il a vu Jean-Richard Bloch. Il lui explique que ce dernier est moralement transformé par la guerre, qu’il brule d’un farouche enthousiasme contre les Allemands. Même si Bloch garde une estime profonde pour Romain Rolland, il n’en demeure pas moins qu’il sort meurtri et changé par les évènements connus au front. Sa profonde amitié envers Rolland n’entrave cependant

341 Doctrine philosophique qui pose le principe que l’idée de vie est conçue comme le principe de toute réalité.

342 Cahiers Romain Rolland 20, op.cit., p.64.

164 pas le fait qu’il en vient à célébrer l’idéal collectif, la joie de fondre une individualité dans une masse guerrière (et ce, à la très grande différence des sentiments de Rolland) :

« J’exprimerai un jour cette volupté rare de n’être plus qu’un atome au cœur d’un peuple entier, une poitrine parmi d’autres poitrines, un combattant nu et sans protection au coude à coude d’un million de frères semblables à vous. Quelle chaude et lumineuse affection, quelle force de confiance, quelle obligation de conscience, quelle loi de vérité, quel consigne de loyal ouvrage s’en dégage ! »343

La guerre et le fait de servir la patrie changea beaucoup les hommes qui découvraient alors un nouveau contexte et un nouveau rapport vis-à-vis des autres.

L’introspection de certains d’entre eux, tout comme les nombreux témoignages découverts après la guerre, ont permis d’établir que la guerre fut aussi totale car elle a éprouvé et profondément marqué de nombreux soldats du front.

Les travaux de Frédéric Rousseau, notamment dans La Grande Guerre en tant qu’expériences sociales344mentionnent ainsi ces histoires combattantes comme expériences de guerre et tentent d’en expliquer le contenu. Le chapitre « Expériences combattantes » revient ainsi sur les raisons de combattre, les raisons de tenir. Au-delà du sentiment patriotique bien entendu réel chez de nombreux soldats, et au-delà du rôle de l’armée et de son organisation poussant chacun à obéir aux ordres, l’esprit de corps semble aussi avoir joué un rôle important : « Chacun est insensiblement entrainé à faire son maximum.

Chacun comprend que la sécurité de chaque élément du groupe dépend de la vigilance, de l’adresse, et du courage de tous. […] Chaque individu sous l’uniforme est enserré dans cet inextricable réseau des fidélités du front. […] La pression morale du groupe explique en partie pourquoi tant d’hommes endurent l’insoutenable. Mais dans cette guerre, comme dans de nombreuses autres, c’est pour les copains que le soldat tient son rôle si longtemps. »345

Jean-Richard Bloch relate lui aussi à sa façon la manière dont cette cohésion du groupe au front s’exprime et à quel point elle est selon lui enivrante, ce que Rolland lui contestait d’ailleurs. On rejoint ici les travaux de Stéphane Audouin-Rouzeau qui dans Combattre346 s’interroge aussi sur les raisons qui ont poussé les combattants à combattre et sur

343 JAG, op.cit., p.597.

344 Frédéric Rousseau, La Grande Guerre en tant qu’expériences sociales, Paris, Ellipses, 2006.

345 Ibid., p.58.

346 Stéphane Audouin-Rouzeau, Combattre, une anthropologie historique de la guerre moderne, Paris, Le Seuil, 2008.

165 l’engagement de ces derniers au niveau de leur corps, recoupant ainsi l’analyse des anthropologues sur le sujet.

Célèbre pacifiste, Gabriel Séailles estimait que la guerre avait été imposée à la France et qu’alors, il fallait la mener jusqu’à la victoire pour éviter l’asservissement du monde

Célèbre pacifiste, Gabriel Séailles estimait que la guerre avait été imposée à la France et qu’alors, il fallait la mener jusqu’à la victoire pour éviter l’asservissement du monde