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Chapitre 8 : Stratégies d’adaptation et recommandations

8.1.2 En Amérique latine

En Colombie, certains producteurs et productrices ont opté pour la production de panela ou dénommé chancaca au Pérou (biscuits faits à base de canne à sucre), puisque la culture de canne à sucre est semi-permanente et la majorité des problèmes phytosanitaires sont déjà résolus biologiquement. De plus, cette culture protège le sol de l’érosion et maintient l’équilibre des agroécosystèmes dans les pentes. Lorsque les prix de panela sont faibles sur le marché, ces producteurs ont toujours la possibilité d’engraisser leurs bovins ou leurs poulets à partir du jus de la canne à sucre (Rodriguez-Borray, 2008). Bref, la diversification

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productive comme stratégie peut être une mesure d’adaptation envisageable face aux changements climatiques.

Comme mentionné plus tôt, un des enjeux majeurs liés aux changements climatiques est le manque de conscientisation et d’éducation de la population des pays en développement. Néanmoins, selon une étude, 65% de la population péruvienne perçoit la gravité des changements climatiques (MINAM, 2016). Une des actions mises de l’avant depuis 2015 dans le parc National Huascarán est l’organisation d’ateliers pour la mise en œuvre du Système d’information sur la gestion des risques de catastrophes (SIGRID) (Ibid). Une autre mesure a été réalisée dans la province de Carhuaz, il s’agit d’un système d’alerte qui vise à prévenir les communautés locales des différents risques glaciaires tels que les avalanches. Au total 10 projets d’irrigations, 6 projets de services écosystémiques, 2 projets de récolte d’eau et 1 d’assainissement ont été réalisés dans le cadre de ce plan d’action visant l’adaptation aux changements climatiques (Gobierno Regional de Ancash, 2016). Pour arriver à atteindre ces objectifs, le gouvernement régional a différentes stratégies d’actions dont la gestion de la disponibilité et de la qualité de l’eau, la sensibilisation et le renforcement des capacités des décideurs, la réduction des risques des écosystèmes aux impacts prévisibles des changements climatiques, etc. (Ibid).

Selon une étude réalisée dans la vallée de Mantaro au Pérou, certaines priorités doivent être mises de l’avant quant aux options de réponses aux changements climatiques (tableau 25) (R. Lee et al., 2014). D’ailleurs en 2003, le Pérou a lancé une stratégie nationale sur les changements climatiques (ENCC) pour développer les politiques et les mesures afin d’améliorer la capacité d’adaptation du pays. Le département de Junín fut le premier à élaborer une stratégie en 2007. Quant au département d’Ancash, le gouvernement d’une des régions du Pérou s’est donné un plan d’action comprenant trois principaux objectifs en 2016 pour l’année 2021 (Gobierno Regional de Ancash, 2016). Le premier est que le gouvernement régional, les gouvernements locaux, les autres entités et les agents

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économiques améliorent la capacité d'adaptation de la population, des moyens de subsistance et des écosystèmes face aux impacts actuels et potentiels de la variabilité et du changement climatique. Quant au deuxième objectif, il cible le gouvernement régional, les gouvernements locaux, les agents économiques et la population en général à contribuer à la réduction des émissions de GES et à conserver les réserves de carbone. Puis le troisième objectif de ce plan d’action vise le gouvernement régional, les gouvernements locaux, les agents économiques et la population en général à renforcer la gouvernance du changement climatique pour l'adaptation et la gestion des émissions de gaz à effet de serre (Gobierno Regional de Ancash, 2016).

Tableau 25: Établissements des priorités pour les options de réponse au changement climatique de la part des agriculteurs et agricultrices de la vallée de Mantaro au Pérou

en 2014

1. Gestion durable intégrée des microbassins versants

2. Mini-réservoirs pour le stockage de l'eau et la formation

3. Adaptation technologique pour la production et la gestion des cultures

4. Adaptation technologique pour la production et la gestion du bétail

5. Surveillance de l'agrobiodiversité des variétés de pommes de terre indigènes

6. Renforcement des institutions et du cadre réglementaire

Source : R. Lee et al. (2014).

Sur la côte péruvienne, qui connaît des déficits hydriques, deux types de systèmes d’irrigation sont utilisés, soit les systèmes gravitaires (sillons) et pressurisés (goutte à

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goutte) (Marshall, 2009). Le système par gravité utilise une plus grande quantité d’eau que le pressurisé, ce qui n’est pas l’idéal pour des régions où la ressource hydrique est déficiente (Ibid). Par contre, il a aussi ses avantages puisqu’il est peu coûteux et qu’il nécessite peu d’investissement de la part des agriculteurs et agricultrices comparativement aux systèmes pressurisés (Marshall, 2009). De plus, « [une autre] des solutions privilégiées pour remédier à cette problématique serait la construction de tranchées d’infiltration afin de capter et canaliser l’eau des pluies, afin de la réutiliser pour l’agriculture au cours de la période sèche » (Allier, 2011, p. 105). Au Pérou, en plus d’avoir des millions de personnes avec un accès limité d’eau potable, 40% de cette eau comprenait des niveaux de contamination supérieurs aux limites maximales autorisées (Ibid). D’autres moyens moins coûteux peuvent aussi être envisagés comme l’utilisation de systèmes de cultures économes en eau (tolérantes au stress hydrique, au froid et moins exigeant en fertilité), la refonte du calendrier agricole (pour ajuster le cycle des cultures avec la configuration des saisons), l’entretien de la fertilité des sols (compostage, fumier), le développement des outils pour emmagasiner l’eau de pluie, etc. (Dugué, 2012). Par exemple, le quinoa est connu comme étant une culture très tolérante. En effet, « […] ses mécanismes d’adaptation aux stress multiples, et souvent simultanés, qu’est le gel, la sécheresse et les fortes radiations solaires » (Del Castillo, 2008, p. 422) en font une culture qui est caractérisée par sa rusticité. La diversification des cultures permet aussi de minimiser les pertes. En plus de ces ajustements autonomes, à mesure que les changements climatiques prendront de l’ampleur, les mesures d’adaptation planifiées à long terme deviendront plus importantes pour aider et minimiser les impacts des conditions défavorables des changements climatiques (R. Lee et al., 2014). Ces mesures d’adaptation à long terme comprennent de nouvelles technologies et de nouvelles techniques de gestion, l’efficacité des systèmes d’utilisation et de distribution de l’eau, des changements dans les intrants et les pratiques, etc. (Ibid). Dans le domaine de l’agriculture, il est encore plus important de développer des stratégies locales et régionales qui s’appuient sur les réalités du milieu.

Au nord du Pérou, certains producteurs ont opté pour une culture de bananes à la place du coton. « La sècheresse, [responsable] d’une mauvaise production, associée à la menace de

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se voir racheter leurs terres par des entreprises étrangères en contrepartie d’une embauche salariale au sein de ces mêmes entreprises, les incite à opter pour la banane qu’ils considèrent comme plus appropriée au climat » (Gautrey, 2016, p. 155). De plus, dans une optique de survie, ils entament un processus de certification biologique. En effet, semble- t-il que dans les systèmes agraires familiaux, la diversification de la production est souvent un moyen pour diminuer les risques écologiques et économiques face aux changements climatiques (Rodriguez-Borray, 2008). Il y aurait quatre types de stratégies de diversification :

i)horizontale, quand l’entreprise vend de nouveaux produits sur des marchés semblables au marché traditionnel ; ii) verticale, quand l’entreprise entre dans des activités qui auparavant étaient faites par d’autres acteurs ou liens de la chaîne de valeur ; iii) concentrique, quand l’entreprise produit de nouveaux produits, liés au processus traditionnel et les vend sur de nouveaux marchés ou sur le marché traditionnel ; et iv) conglomérée, quand les produits et les marchés nouveaux ne sont pas liés aux produits et aux marchés traditionnels de l’entreprise (Rodriguez- Borray, 2008, p. 573).

Dans un autre ordre d’idées, l’érosion des sols est aussi un phénomène important puisqu’il altère la productivité agricole. Dans la plupart des cas, elle résulte de vents violents ou de pluies intenses. L’érosion nuit ainsi à la fertilité des sols et réduit les surfaces de terres cultivables (Dugué, 2012). Pour minimiser les surfaces dégradées, la construction de terrasses ou bien l’utilisation de cultures en courbes à niveau peuvent être appliquées (Ibid). Au Pérou, l’étagement des Andes a poussé la population à construire des terrasses agricoles. Pour leur part, les terrasses permettent de diminuer le ruissellement et d’emmagasiner l’eau. Les cultures sont orientées perpendiculairement à la pente pour ralentir le ruissellement (Roose, 2004). Toutefois, cette méthode est limitée aux faibles pentes. L’utilisation de paillage léger et temporaire peut aussi être appliquée pour couvrir le sol lors de fortes pluies (Ibid).

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Dans les Andes centrales, certaines familles décident de migrer en raison du marché du travail (activités agricoles) faiblement rémunérateur et plutôt instable (Aubron, 2005). Au lieu de supprimer totalement l’agriculture à leur mode de vie, certaines coopératives ont trouvé un moyen de garder les activités agricoles dans leur communauté. En effet, « le recours à diverses modalités de faire-valoir indirects de la terre cultivée et des troupeaux (location, production à part de fruits, mise en gardiennage) est […] de plus en plus fréquent. [Ces mesures] apportent une réponse à la saturation du foncier et sont particulièrement adapté[e]s aux stratégies des migrants » (Aubron, 2005, p. 53).

Bref, la diversification des moyens de subsistance joue un rôle majeur dans la majorité des mesures d’adaptation reliées au secteur agricole.

8.2 La réalité des coopératives et des professionnels