© Camille Robitaille-Bérubé, 2019
L'adaptation des coopératives agricoles aux impacts
des changements climatiques: Le cas de deux
coopératives dans le département d'Ancash au Pérou
Mémoire
Camille Robitaille-Bérubé
Maîtrise en sciences géographiques - avec mémoire
Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)
L’adaptation des coopératives agricoles aux impacts des changements
climatiques
Le cas de deux coopératives dans le département d’Ancash au Pérou
Mémoire
Camille Robitaille-Bérubé
Sous la direction de :
ii
Résumé
Depuis quelques années, les changements climatiques sont au cœur des préoccupations de plusieurs États. Les impacts des variabilités climatiques se font de plus en plus sentir et cette réalité est avérée dans les pays en développement. Les pays pauvres sont particulièrement touchés par les impacts des changements climatiques, aggravant leur vulnérabilité aux intempéries. Une grande part de la population des pays dits du tiers monde dépend de l’agriculture comme principale activité de subsistance. Or, l’agriculture est très dépendante du climat. Ainsi, pour sa pauvreté, sa sensibilité, son exposition aux catastrophes naturelles et sa dépendance à l’agriculture, le Pérou mérite une attention particulière.
Cette étude vise à élaborer une méthodologie d’aide à la décision mise à la disposition des coopératives agricoles dans un contexte de collaboration avec SOCODEVI (société de coopération pour le développement international). Cette méthodologie tend à identifier les vulnérabilités des membres ainsi qu’à identifier des stratégies d’adaptation vis-à-vis des changements climatiques et de prendre en compte cette dimension dans les outils de planification et d’interventions techniques des coopératives. L’étude a adopté une approche dite participative ce qui permettra d’adapter ce guide aux différents contextes dans lesquels il sera mis en œuvre.
Les résultats obtenus sont issus de groupes de discussion, d’entrevues semi-dirigées, de données tant subjectives (perceptions) qu’objectives (sources scientifiques), de cartographies participatives, de SIG et de cartographies. Cette recherche a entre autres permis de montrer que les changements climatiques ne sont pas considérés comme une priorité des membres des coopératives rencontrées dans le département d’Ancash. Bien qu’ils soient exposés et affectés par ces derniers, la présence de stratégie d’adaptation est presque inexistante. Dans ce mémoire, quelques pistes de suggestions seront ainsi proposées dans le cadre d’une méthodologie d’aide à la décision.
iii
Abstract
For several years, climate change has been a major concern for many states. The impacts of this climatic variability are becoming more and more felt and this reality is proven in developing countries. Poor countries are particularly affected by the impacts of climate change, exacerbating their vulnerability to harsh weather. A large part of the population of so-called third world countries depends on agriculture as their main livelihood activity. Agriculture is very dependent on the climate. Thus, for its poverty, its sensibility, its exposure to natural disasters and its dependence on agriculture, Peru deserves special attention.
This study aims to develop a decision-making methodology available to agricultural cooperatives in a collaborative context with SOCODEVI (International Development Cooperation Corporation). This methodology aims to identify members’ vulnerabilities as well as to identify adaptation strategies with regard to climate change and to take this dimension into account in the planning tools and technical interventions of cooperatives. The study has adopted a so-called participatory approach which will make it possible to adapt this guide to the different contexts in which it will be implemented.
The results were obtained from focus groups, semi-directed interviews, both subjective (perceptions) and objective (literature) data, participatory mapping, GIS and mapping. This research has, among other things, shown that climate change is not a priority for members of cooperatives encountered in the department of Ancash. Although they are exposed and affected by them, the presence of coping strategies is almost non-existent. In this thesis, some suggestions will be proposed as part of a decision support methodology.
iv
Table des matières
Résumé ... ii
Abstract ... iii
Liste des tableaux ... xi
Remerciements ... xiv
Introduction ... 1
Chapitre 1 : Problématique, objectifs et portrait général ... 5
1.1 Question de recherche ... 5
1.2 Objectifs de recherche ... 9
1.3 Quelques éléments du problème… ... 10
1.3.1 L’originalité du territoire péruvien pour l’organisation agricole ... 10
1.3.2 Les types de cultures ... 13
1.3.3 L’importance économique de l’agriculture ... 16
1.3.4 Les coopératives agricoles ... 18
1.3.5 La question de genre ... 19
1.3.6 Les informations climatiques globales ... 23
Chapitre 2 : Concepts ... 27 2.1 Cadre conceptuel ... 27 2.1.1 Approche participative ... 28 2.1.2 Perception sociale ... 28 2.1.3 Savoirs traditionnels ... 29 2.1.4 Vulnérabilité ... 30 2.1.5 Capacité d’adaptation ... 31 2.1.6 Aléa ... 32 Chapitre 3 : Méthodologie... 33 3.1 Terrain à l’étude ... 33 Catac... 37 Huarmey ... 37
3.2 Moyens de collecte, représentations et traitement des données ... 41
3.2.1 La revue de littérature ... 43
3.2.2 Les groupes de discussion ... 44
3.2.3 La cartographie participative ... 47
v
3.2.5 L’entretien semi-dirigé ... 53
3.2.6 Les SIG et la cartographie ... 56
3.2.7 Le traitement des données ... 58
Chapitre 4 : Portrait agricole... 60
4.1 Littérature scientifique ... 60
Catac... 60
Huarmey ... 61
4.2 Réalité des membres des coopératives ... 67
Catac... 67
Huarmey ... 70
Chapitre 5 : Informations climatiques passées et futures retrouvées dans la littérature ... 74
5.1 Caractéristiques climatiques des sites à l’étude ... 74
5.2 Évolution passée du climat ... 75
Catac... 76
Huarmey ... 78
5.3 Climat futur attendu ... 81
2030... 81
2050... 83
Catac... 86
Huarmey ... 86
2071-2100 ... 100
Chapitre 6 : Impacts des changements climatiques ... 101
6.1 Littérature scientifique ... 101
6.2 Réalité des coopératives et des professionnels ... 111
Catac... 111
Huarmey ... 115
Professionnels ... 124
Chapitre 7 : Facteurs de vulnérabilité ... 125
7.1 Littérature scientifique ... 125
7.2 Réalité des coopératives et des professionnels ... 129
Catac... 129
Huarmey ... 130
Professionnels ... 137
vi
8.1 Exemples de solutions d’adaptation et de mesures pour réduire les
vulnérabilités issues de la littérature ... 139
8.1.1 Dans le monde ... 139
8.1.2 En Amérique latine ... 142
8.2 La réalité des coopératives et des professionnels ... 147
Catac... 147 Huarmey ... 150 Professionnels ... 151 8.3 Recommandations ... 154 Catac... 158 Huarmey ... 162
8.4 L’avenir des cultures ... 165
Chapitre 9 : Discussion ... 168
9.1 La relève ... 168
9.2 Au final, laquelle des deux est la plus vulnérable? ... 173
Conclusion ... 177
La problématique de départ ... 177
Les apports de l’étude ... 178
Les limites de l’étude ... 179
Les perspectives futures ... 180
Bibliographie ... 182
Annexe 1 : Détails agronomiques des principales cultures à l’étude ... 196
Pomme de terre ... 196
Maïs ... 196
Blé ... 196
Asperge... 197
Annexe 2 : Guide Méthodologique ... 202
Avant de rencontrer les coopératives ... 203
Pendant les échanges lors des groupes de discussion ... 204
Cartographie participative ... 205
Calendrier agricole ... 206
Questions à débattre ... 209
Compilation et analyse des données ... 210
Validation des données ... 210
vii
Annexe 3 : Questionnaire de groupe de discussion ... 214
Annexe 4 : Plan du deuxième groupe de discussion... 222
1. Catac... 222
2. Huarmey ... 226
Annexe 5 : Questionnaire d’entrevues individuelles semi-directives ... 231
Annexe 6 : Modèle de lettre pour une demande d’information auprès du SENAMHI ... 233
Annexe 7 : Exemple de courriel pour contacter un professionnel... 239
Annexe 8 : Plus de cartes… ... 240
viii
Liste des figures
Figure 1 : Les départements du Pérou et plus particulièrement les deux zones à l‘étude
(Catac en jaune et Huarmey en rose) dans le département d’Ancash (bleu) ... 4
Figure 2: Les trois espaces géographiques du Pérou ... 12
Figure 3: La moyenne mensuelle des températures et des précipitations entre 1901 et 2015 sur tout le territoire du Pérou ... 26
Figure 4: Urgences météorologiques par région du Pérou entre 2003 et 2014 ... 34
Figure 5: Les zones d'étude dans la région d'Ancash... 40
Figure 6: Exemple de cartographie participative ... 50
Figure 7: Le déroulement d'une entrevue semi-dirigée... 53
Figure 8: Superficie agricole selon les provinces d’Ancash (Huarmey est situé à l’aide de la flèche gauche et Catac par celle de droite) ... 63
Figure 9: Superficie de la culture de blé selon la province en 2016 (Huarmey est situé à l’aide de la flèche gauche et Catac par celle de droite) ... 64
Figure 10: Superficie de la culture d'ocullo selon la province en 2016 (Huarmey est situé à l’aide de la flèche gauche et Catac par celle de droite) ... 65
Figure 11: Utilisation des terres selon les provinces d’Ancash (Huarmey est situé à l’aide de la flèche gauche et Catac par celle de droite) ... 66
Figure 12: Champs de pomme de terre, partiellement récoltée, Catac ... 67
Figure 13: Pâturage clôturé, Catac ... 68
Figure 14: Espace de pâturage naturel, Catac ... 68
Figure 15: Les arbres fruitiers (bananes, raisins et guanabana) et l’asperge, Huarmey .. 71
Figure 16: Moyenne des températures maximales et minimales annuelles entre 1964 et 2013 à Recuay ... 77
Figure 17: Précipitations annuelles entre 1964 et 2013 à Recuay ... 78
Figure 18: Moyenne mensuelle des températures maximales et minimales à Huarmey de 2014 à 2018 ... 80
Figure 19: Projection des anomalies des températures minimales au Pérou pour les mois de décembre, janvier et février en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions ... 88
Figure 20: Projection des anomalies des températures minimales au Pérou pour les mois de mars, avril et mai en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions... 89
Figure 21: Projection des anomalies des températures minimales au Pérou pour les mois de juin, juillet et août en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions... 90
Figure 22: Projection des anomalies des températures minimales au Pérou pour les mois de septembre, octobre et novembre en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions ... 91
Figure 23: Projection des anomalies des températures maximales au Pérou pour les mois de décembre, janvier et février en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions ... 92
Figure 24: Projection des anomalies des températures maximales au Pérou pour les mois de mars, avril et mai en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions... 93
ix
Figure 25: Projection des anomalies des températures maximales au Pérou pour les mois de juin, juillet et août en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux
scénarios d’émissions... 94
Figure 26: Projection des anomalies des températures maximales au Pérou pour les mois de septembre, octobre et décembre en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions ... 95
Figure 27: Projection des anomalies de précipitations au Pérou pour les mois de décembre, janvier et février en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions ... 96
Figure 28: Projection des anomalies de précipitations au Pérou pour les mois de mars, avril et mai en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions ... 97
Figure 29: Projection des anomalies de précipitations au Pérou pour les mois de juin, juillet et août en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions ... 98
Figure 30: Projection des anomalies de précipitations au Pérou pour les mois de septembre, octobre et novembre en 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 et pour deux scénarios d’émissions ... 99
Figure 31: Cartographie participative, Catac ... 112
Figure 32: Système d'irrigation, Catac ... 113
Figure 33: Pièges à insectes, Huarmey ... 117
Figure 34: Feuillage d'asperge qui est brûlé, Huarmey... 118
Figure 35: Cartographie participative, Huarmey ... 119
Figure 36: Les terres autour de la rivière Huarmey, Huarmey ... 120
Figure 37: Une terre qui a été affectée par l'inondation de 2017, Huarmey ... 122
Figure 38: Risque agricole aux périodes de gel selon les provinces d’Ancash de 2012 à 2021 (Huarmey est situé à l’aide de la flèche gauche et Catac par celle de droite) ... 133
Figure 39: Risques agricoles aux inondations selon les provinces d’Ancash de 2012 à 2021 (Huarmey est situé à l’aide de la flèche gauche et Catac par celle de droite) ... 134
Figure 40: Risque agricole aux sécheresses selon les provinces d’Ancash de 2012 à 2021 (Huarmey est situé à l’aide de la flèche gauche et Catac par celle de droite) ... 135
Figure 41: Vulnérabilité agricole selon les provinces d'Ancash de 2012 à 2021 (Huarmey est situé à l’aide de la flèche gauche et Catac par celle de droite) ... 136
Figure 42: Abris pour les ovins, Catac... 148
Figure 43: Queñoal, Catac ... 149
Figure 44:Zones inondables de la rivière Santa pour une période de retour de 50 ans .. 161
Figure 45: Population par groupe d'âge et de sexe au Pérou en 2017... 170
Figure 46: Population par groupe d'âge et de sexe au Pérou en 2050... 171
Figure 47: Population par groupe d'âge et de sexe au Pérou en 2100... 171
Figure 48: Les températures optimales et les stades phénologiques de la culture de la pomme de terre ... 198
Figure 49: Les températures optimales et les stades phénologiques de la culture de maïs ... 199
Figure 50: Les températures optimales et les stades phénologiques de la culture de blé 200 Figure 51: Les températures optimales et les stades phénologiques de la culture de l'asperge ... 201
x
Figure 52: Projection des précipitations annuelles au Pérou en 2030 ... 240
Figure 53: Projection des températures maximales annuelles au Pérou en 2030 ... 241
Figure 54: Projection des températures minimales annuelles au Pérou en 2030 ... 242
Figure 55: Pourcentage de la variation des précipitations pour l'année 2030 au Pérou .. 243
Figure 56: Variations de la température minimale annuelle pour l'année 2030 au Pérou ... 244
Figure 57: Local de la communauté, Catac ... 245
Figure 58: Arrière-boutique de la communauté, Catac ... 246
Figure 59: Participants du groupe de discussion, Catac ... 246
Figure 60: Pâturage appartenant à la communauté, Catac ... 247
Figure 61: Les participants, l'assistant technique et l'étudiante lors du premier groupe de discussion, Huarmey ... 248
Figure 62: Visite des terres d'un membre de la coopérative, Huarmey ... 249
Figure 63: Les participants et l'étudiante lors du deuxième groupe de discussion, Huarmey ... 250
Figure 64: Récolte d’asperge à la coopérative de Huarmey le 24 mai 2018 ... 251
Figure 65: Un champ d’asperge récolté à Huarmey, 24 mai 2018 ... 252
Figure 66:Une variété d’haricot à Huarmey, 24 mai 2018 ... 253
Figure 67: Des asperges à Huarmey, 24 mai 2018 ... 254
Figure 68: Un champ de vigne à Huarmey, 24 mai 2018 ... 255
Figure 69: Mixité d’arbres et d’arbustes fruitiers à Huarmey, 24 mai 2018... 256
Figure 70: Une guanabana à Huarmey, 24 mai... 257
Figure 71: De gauche à droite : deux membres de la coopérative de Huarmey avec deux employés de SOCODEVI, 24 mai 2018 ... 258
Figure 72: Un plant d’asperge à Huarmey, 24 mai 2018 ... 259
Figure 73: Les restants des plans d’asperges à Huarmey, 24 mai 2018 ... 260
xi
Liste des tableaux
Tableau 1: Principaux impacts sur la population du Pérou à la suite des changements
climatiques ... 6
Tableau 2 : Les températures minimales moyennes pluriannuelles et les précipitations totales moyennes pluriannuelles du Pérou en 2009 ... 25
Tableau 3 : Les températures moyennes minimales saisonnières du Pérou en 2009 ... 25
Tableau 4: Ressources influençant la capacité d'adaptation ... 31
Tableau 5: Régression glaciaire dans le département d'Ancash entre 1970 et 2007 ... 34
Tableau 6: La production des principales cultures pour le département d'Ancash en 2013 ... 35
Tableau 7 : Population d'animaux d’élevage par unité agraire pour le département d’Ancash en 2012 ... 36
Tableau 8: Récapitulatif des caractéristiques des deux coopératives à l'étude ... 39
Tableau 9: Objectifs spécifiques et les différentes approches méthodologiques utilisées 41 Tableau 10: Calendrier d'activité ... 42
Tableau 11: Les principaux avantages et limites des entrevues de groupe... 46
Tableau 12: Synthèse des groupes de discussion réalisés pour les deux terrains d'étude 47 Tableau 13: Les principaux avantages et limites de la cartographie participative ... 49
Tableau 14: Les principaux avantages et limites des calendriers agricoles ... 52
Tableau 15: Exemple de calendrier saisonnier ... 52
Tableau 16: Les principaux avantages et limites des entretiens semi-dirigés ... 54
Tableau 17: Synthèse des entretiens semi-dirigés et des rencontres informelles réalisés 55 Tableau 18: Comparaison du profil agricole des deux coopératives ... 73
Tableau 19: Les températures annuelles maximales projetées pour 2020 à 2030 selon la période de référence de 1983 à 2003 ... 81
Tableau 20: Précipitations annuelles projetées pour l'année 2030 selon la période de référence de 1983 à 2003 ... 82
Tableau 21: Synthèse des changements attendus pour l’année 2050 selon les années de référence 1970 à 2000 pour les différents lieux du pays, les différents paramètres, les différentes saisons et pour deux scénarios d’émissions (scénarios générés avec des données mondiales) ... 84
Tableau 22: Températures optimales et critiques des principales cultures du Pérou ... 106
Tableau 23: Quelques maladies, ravageurs et pathogènes des cultures ... 109
Tableau 24: Calendrier d’événements, Catac ... 115
Tableau 25: Calendrier d’événements, Huarmey... 121
Tableau 26: Comparaison des impacts des changements climatiques touchant les deux coopératives ... 123
Tableau 27: Comparaison des perceptions des éléments accentuant la vulnérabilité selon les facteurs physique, social, environnemental et économique pour les deux communautés ... 137
Tableau 28: Comparaison des mesures d'adaptation mises en place et pensées auprès des deux coopératives... 150
Tableau 29: Synthèse des recommandations élaborées pour chacune des coopératives 164 Tableau 30: Le niveau de risque des principales cultures retrouvées au Pérou en 2050 en fonction de leurs paramètres climatiques requis ... 167
xii
Acronymes
AGROBANCO Banco Agropecuario
AMICAF Analysis and Mapping of Impacts under Climate Change for Adaptation and Food Security
ANA Autoridad Nacional del Agua
CIAT International Center for Tropical Agriculture
CC Changements Climatiques
CCSM4 Community Climate System Model version 4
CICAFE Instituto del Café de Costa Rica
CO2 Dioxyde de carbone
ENSO El Niño/Southern Oscillation
FAO Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture FIDA Fonds international de développement agricole
GES Gaz à Effet de Serre
GIEC Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
GIZDeutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit
HDI Human Development Index
INEI Instituto Nacional de Estadística e Informática
IPCC Intergovernmental Panel on Climate change
ITC Centre du commerce international
MIMP Ministerio de la Mujer y Poblaciones Vulnerables
MINAGRI Ministerio de Agricultura y Riego
xiii ONG Organisation Non Gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
PIB Produit Intérieur Brut
PNIA Programme National d’Investissements Agricoles
PRODIVCOM Projet de diversification et d’amélioration de la compétitivité des entreprises associatives
RCP Representative Concentration Pathway
SENAMHI Servicio Nacional de Meteorología e Hidrología
SERFOR Servicio Nacional Forestal y de Fauna Silvestre
SIG Système d’Information Géographique
SOCODEVI Société de coopération pour le développement international
SIGRID Sistema de Información para la Gestión del Riesgo de Desastres
UNICEF Fonds des Nations unies pour l’enfance
xiv
Remerciements
J’aimerais tout d’abord remercier Nathalie Barrette sans quoi, ce mémoire n’aurait pu être réalisé. Merci de ton temps, ton implication et ton soutien tout au long de ce processus. Je désire aussi remercier le soutien financier et organisationnel que m’a offert SOCODEVI. Je remercie Arthur Perin, Mario Boivin, Régis Goulet et tous les membres de l’équipe de SOCODEVI de Lima. Vous m’avez fourni plusieurs données nécessaires, mais aussi répondu à mes nombreuses questions, me rassurant. J’apprécie particulièrement l’accueil que j’ai eu lors de mon terrain de recherche cet été, me permettant de réaliser une expérience très enrichissante autant au niveau personnel que professionnel. Merci aux membres des deux coopératives pour leur temps et leurs réponses. Cette recherche n’aurait jamais vu le jour sans vous. Cette expérience fut sans aucun doute marquante pour moi. J’ai rencontré plusieurs personnes fascinantes qui m’ont redonné espoir en l’avenir. Je désire aussi remercier mes parents et ma famille de m’avoir encouragée et soutenue dans mes études. Un merci particulier à toutes mes amies qui ont su m’écouter, m’appuyer et me conseiller dans mes moments de doutes. Mes amies de longue date, Aurélie, Laurie, Élodie, Marie-Pier, mais aussi mes fidèles partenaires de géographie, Maude C., Catherine, Audrey et Maude D. avec qui j’ai discuté de mille et une chose. Votre soutien m’est cher!
1
Introduction
Avec les changements climatiques, les conditions de production agricole sont généralement plus difficiles dans certains pays. Cette réalité est encore plus vraie pour les pays pauvres qui ont une économie fortement dépendante de l’agriculture. Or, le climat et l’agriculture sont intimement liés. L’instabilité des calendriers, la variabilité des précipitations, l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, l’augmentation des températures et l’augmentation des années considérées comme anormales sont des facteurs qui influencent grandement l’avenir de l’agriculture telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’agriculture est à la fois une victime et une des responsables des changements climatiques (Dovonou-Vinagbe et Barrette, 2014). En effet, elle contribue à l’émission de gaz à effet de serre par la conversion des forêts en pâturage/champ et par l’utilisation des combustibles fossiles, mais elle n’en est pas moins affectée. L’adaptation aux changements climatiques est donc primordiale considérant que les agriculteurs et agricultrices seront ou sont déjà affectés par ce phénomène, surtout pour les pays en développement tels que le Pérou.
Le Pérou a des particularités géographiques très diversifiées qui demandent l’élaboration d’une méthodologie d’adaptation pour chacune.
En effet, ce pays dispose d’une grande diversité d’écosystèmes, d’espèces et de ressources génétiques. Il compte 11 écorégions situées entre la côte et la savane de la selva baja. Des 104 zones de vies répertoriées dans le monde, on en dénombre 84 au Pérou. De plus, les forêts nationales hébergent 11% de la faune et 8% de la flore sylvestres du monde. De fait, le Pérou dispose d’une variété de sols tout à fait remarquable (Allier, 2011, p.101).
De nombreux facteurs naturels ont un impact négatif sur le secteur agricole du pays. Les Andes complexifient le passage entre les trois espaces géographiques du pays (costa, sierra
2
et selva) et le faible accès à l’eau est problématique pour les activités agricoles. Avec les changements climatiques, la disponibilité de la ressource hydrique est fortement menacée. D’ailleurs, le pays dispose de plus de 70% des glaciers tropicaux. Pourtant, il est le troisième pays le plus menacé au monde par le manque chronique d’eau avec le réchauffement global (Allier, 2011). Les Péruviens s’approvisionnent en eau de par la fonte des glaciers, mais cette fonte s’accroît de plus en plus réduisant les réserves futures. En effet, la région côtière, désertique, dépend de la totalité des cours d’eau qui descendent du versant ouest de la Cordillère. Lors des saisons de pluies, les Péruviens et Péruviennes « drainent les écoulements générés par les précipitations et en saison sèche, les débits sont assurés uniquement par la fonte des glaciers qui recouvrent les sommets à des altitudes généralement comprises entre 4500 et 6500 m. » (Chevalier, 2004, p.7). À long terme, la fonte des glaciers pourrait donc engendrer une pénurie d’eau potable ou d’irrigation pour l’agriculture. De plus, avec l’augmentation des aléas naturels, el Niño et la Niña continueront de causer des dégâts importants au Pérou, comme ce fût le cas en février et en avril 2017.
Les coopératives agricoles peuvent être mises à profit dans l’élaboration de mesures d’adaptation aux changements climatiques au Pérou (SOCODEVI). Pour les producteurs et productrices agricoles, les organisations paysannes sont des acteurs économiques et sociaux majeurs. Elles peuvent permettre une meilleure prise en compte des changements climatiques en apportant des connaissances, un soutien financier et technique et des services d’approvisionnement aux petits producteurs et productrices (SOCODEVI, A : s.d.). Dans le cadre de ce projet de maîtrise, l’adaptation aux changements climatiques de deux coopératives agricoles dans la région d’Ancash sera plus particulièrement étudiée (figure 1).
Pour ce faire, le mémoire sera séparé en plusieurs chapitres distincts. Le premier chapitre comprendra la problématique, la question de recherche ainsi que les objectifs de recherche. Le deuxième chapitre portera sur les différents concepts clés. Des concepts tels que la
3
perception sociale, les savoirs traditionnels, la vulnérabilité, ainsi que la capacité d’adaptation seront définis plus en détail. Le troisième chapitre vise à amener le territoire à l’étude ainsi que la méthodologie utilisée pour répondre à l’objectif principal. Les outils de collecte et d’analyse sont respectivement la littérature scientifique, les groupes de discussions, la cartographie participative, le calendrier agricole, les entretiens semi-dirigés ainsi que les SIG. Les autres chapitres porteront quant à eux sur les résultats de l’étude. Plus précisément, le chapitre quatre permettra d’avoir une idée du portrait agricole de la région d’étude. Le chapitre cinq vise à connaître le climat récent et futur au Pérou, mais aussi dans les deux zones d’étude. Le sixième chapitre portera sur les impacts des changements climatiques au Pérou et dans le territoire à l’étude. Quant au septième chapitre, il a pour but d’évaluer les différents facteurs de vulnérabilité pouvant découler des changements climatiques au Pérou. L’avant-dernier chapitre mentionnera les mesures d’adaptation rencontrées dans la littérature puis celles empruntées par les coopératives. Ce même chapitre énumérera des recommandations élaborées à la suite du partage des résultats effectués lors du séjour sur le terrain. Puis le dernier chapitre amènera une discussion.
4
Figure 1 : Les départements du Pérou et plus particulièrement les deux zones à l‘étude (Catac en jaune et Huarmey en rose) dans le département d’Ancash (bleu)
5
Chapitre 1 : Problématique, objectifs et portrait général
1.1 Question de recherche
Depuis les années 2000, l’ampleur et la réalité des changements climatiques se concrétisent avec l’évidence des faits (Kergomard, 2009). La succession d’années à températures élevées, la fonte marquée d’à peu près tous les glaciers de la planète, l’évolution des écosystèmes marins et l’extinction de plusieurs espèces en sont les preuves. Il est maintenant évident que les êtres humains jouent un rôle sur le climat. Le réchauffement planétaire s’effectuera de 10 à 100 fois plus rapidement que le réchauffement naturel précédent, soit celui de l’Holocène (GIEC, 2013). Les conséquences engendrées par ces changements climatiques sont encore plus importantes dans les pays en développement. En effet, ces derniers n’ont pas la même capacité d’adaptation en termes économiques et sociaux que les pays occidentaux (Kergomard, 2009). Cette réalité est encore plus vraie pour les populations des milieux agricoles qui se trouvent en situation de pauvreté.
En général, les changements climatiques modifient les conditions des systèmes de production agricole. En effet, le décalage dans les calendriers climatiques (retard des pluies) et le changement dans la quantité de pluie reçue, accompagnés de périodes de sécheresse plus fréquentes, la fréquence accrue des phénomènes naturels extrêmes (cyclones, gelées, températures élevées) sont des conséquences documentées (Dugué, 2012). Selon le paramètre climatique, des impacts peuvent avoir une incidence sur la population péruvienne. En effet, les changements climatiques peuvent aussi avoir des impacts sur la santé humaine tel qu’illustré au tableau 1. Les agriculteurs et agricultrices connaissent ainsi la dégradation de leurs sols et la baisse des rendements de leurs cultures, entre autres. L’incertitude du climat va les pousser à utiliser des stratégies de court terme qui sont souvent non durables (Dugué, 2012). Des pratiques adaptées pourraient ainsi permettre aux populations rurales de mieux se prémunir et de réaliser une agriculture ‘intelligente’ face aux changements climatiques. Diversifier les cultures, utiliser des semences résistantes au stress hydrique, repositionner les cultures selon l’évolution du contexte bioclimatique en sont des exemples (Arrus et Rousset, 2007).
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Tableau 1: Principaux impacts sur la population du Pérou à la suite des changements climatiques
Paramètres climatiques touchés Conséquences Impacts sur la santé humaine Costa
Augmentation du niveau de la mer Inondation dans les villes côtières
Augmentation de l’exposition aux maladies zoonotiques
Augmentation du niveau de la mer Débordement des drains Augmentation de l’exposition aux maladies diarrhéiques
Augmentation de la température de la mer
Espèces poissons d’eau froide migrent
Altération de la nutrition de populations spécifiques
Phénomène d’îlot de chaleur Augmentation de la température dans les villes
Augmentation des cas d’hyperthermies auprès des populations à risques
Vague de chaleur Augmentation soutenue de la température pour plusieurs jours
Augmentation de cas de famines chez les travailleurs
Augmentation du
CO2 atmosphérique
Augmentation de la présence d’herbes dans les cultures
Augmentation de l’utilisation d’herbicides
Augmentation du
CO2 atmosphérique
Diminution du contenu protéique des cultures
Altération de la nutrition de populations spécifiques
Augmentation de la température Augmentation des cultures et des rongeures
Augmentation des vecteurs d’insectes
Augmentation de la température Augmentation des aires d’influence
des écosystèmes tropicaux
Augmentation des vecteurs d’insectes
Montagnes
Augmentation de la température des lacs et rivières
Diminution des espèces d’eau froide
Altération de la nutrition des populations spécifiques
Changements des précipitations Augmentation des jours sans nuages
Augmentation de l’exposition aux rayons ultraviolets
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Augmentation de la température Augmentation des aires d’influence
des écosystèmes tropicaux
Augmentation des vecteurs d’insectes
Augmentation de la température Augmentation des aires d’influence
des écosystèmes tropicaux
Extension des zones endémiques
Forêt amazonienne
Changements en précipitation Inondation des villes Augmentation des cas de maladies zoonotiques
Changements en précipitation Inondation des villes Augmentation des cas de maladies diarrhéiques
Changements en précipitation Sécheresse des rivières Plus grande difficulté à chasser et pêcher
Refroidissement Diminution accrue de la température pendant plusieurs jours
Augmentation des cas d’hypothermie auprès des populations à risque
Augmentation des températures Augmentation des aires d’influence
des écosystèmes tropicaux
Augmentation des vecteurs d’insectes
Augmentation des températures Augmentation des aires d’influence
des écosystèmes tropicaux
Extension des zones endémiques
Source : MINAM (2015).
Le Pérou est un des pays particulièrement vulnérables aux changements climatiques. En 2014, 46% de la population rurale se trouvait en situation de pauvreté (Banque mondiale, 2017). Dans les Andes, la fonte des glaciers, l’approvisionnement en eau et la pérennité de
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l’agriculture sont des problématiques inquiétantes (Mark, 2010). La variété de l’agriculture péruvienne complexifie l’adoption de méthodes d’adaptation face aux changements climatiques (Coomes, 2016). Un fort contraste de méthodes de production existe entre la plaine côtière, la forêt amazonienne et la montagne andine (costa, selva et sierra) (Larousse, s.d.). Néanmoins, l’agriculture est au cœur de l’économie péruvienne et le rôle des coopératives agricoles peut s’avérer majeur pour cette première (Sanabria et Lhomme, 2013).
Considérant la vulnérabilité du Pérou, SOCODEVI (société de coopération pour le développement international), tient à renforcer les entreprises coopératives et à leur proposer des solutions innovantes afin de prévoir les impacts des changements climatiques et permettre aux populations rurales de mieux s’y préparer (SOCODEVI, s.d.). Ainsi, cette activité de recherche fut proposée par cet organisme dans une optique de collaboration. Depuis 1985, l’objectif ultime de cette institution est de contribuer au développement durable par l’amélioration des conditions de vie, une meilleure répartition de la richesse, l’égalité des genres, etc., des pays où elle intervient à l’aide d’outils coopératifs et mutualistes. L’objectif est une prise en charge des populations. Depuis sa création, SOCODEVI a réalisé des centaines de projets et de missions, et ce dans plusieurs continents (Ibid).
Ceci introduit donc la question de recherche : comment les coopératives agricoles péruviennes peuvent-elles mieux planifier leurs activités afin d’améliorer la prise en compte des changements climatiques et ainsi renforcer la résilience des pratiques des femmes et des hommes des familles membres ?
9 1.2 Objectifs de recherche
Au terme de ce mémoire, un objectif général et six objectifs spécifiques sont visés. L’objectif principal est de contribuer à développer, en collaboration avec des coopératives agricoles du Pérou, une méthodologie leur permettant de mieux intégrer les enjeux des changements climatiques dans leurs outils de planification et d’interventions techniques. Pour y parvenir, quelques objectifs spécifiques ont été identifiés.
Le premier objectif spécifique est de dresser un portrait du secteur agricole au Pérou et sur le territoire à l’étude en tenant compte de plusieurs éléments comme les différents types de cultures, le rôle économique du secteur agricole auprès de la population péruvienne, la complexité du territoire pour l’organisation agricole, la dimension du genre, le rôle ainsi que le fonctionnement des coopératives agricoles. Cela permettra de mieux comprendre la dynamique agricole du pays.
Le deuxième objectif spécifique consiste à dresser un portrait de l’évolution récente et future du climat au Pérou et en particulier dans les zones d’intérêt.
Le troisième objectif spécifique vise à identifier les impacts des changements climatiques récents et futurs sur l’agriculture du Pérou et en particulier, ceux encourus dans les zones d’étude pour la culture d’asperge, de pomme de terre, de maïs et de l’élevage, considérant que la production agricole des deux zones étudiées découle de ces derniers.
Le quatrième objectif spécifique consiste à évaluer les différentes vulnérabilités pouvant découler des impacts des changements climatiques au Pérou. Plus précisément, les conditions qui résultent de facteurs physiques, économiques, sociaux ou environnementaux et qui prédisposent les éléments exposés à ces changements climatiques, à en subir des préjudices ou des dommages.
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Puis le cinquième objectif spécifique est d’élaborer, avec la complicité des membres des coopératives, les stratégies d’adaptation les plus pertinentes, à utiliser par ces mêmes coopératives agricoles en question, pour faire face aux impacts des changements climatiques et pour ainsi amoindrir les vulnérabilités en découlant.
Finalement, le sixième objectif sera de préparer un prototype de guide méthodologique d’aide à la décision pour la prise en compte de stratégies d’adaptation aux changements climatiques à l’aide d’outils internes pour les coopératives (guide technique, plan stratégique ou opérationnel, etc.).
1.3 Quelques éléments du problème…
1.3.1 L’originalité du territoire péruvien pour l’organisation agricole
« Tenter de comprendre la réalité agricole péruvienne c’est d’abord prendre en compte que le pays est constitué d’espaces peu propices à la valorisation des activités agricoles » (Allier, 2011, p. 99). Sur 128,5 millions d’hectares, seulement 7,6 millions peuvent accueillir des activités agricoles, ce qui représente 6% de la superficie totale du pays.
Certes, les progrès techniques (notamment en termes d’irrigation et de création de nouvelles espèces) peuvent élargir le territoire potentiellement disponible à des fins agraires ; mais le relief accidenté, le manque ou plutôt la mauvaise distribution de ressources hydriques, les plus hauts étages des Andes ou encore la densité de la forêt amazonienne constituent autant de freins à la consolidation d’activités agraire sur l’ensemble du territoire (Allier, 2011, p. 99).
Les Andes centrales culminent à environ 6800 mètres dans la Cordillère Blanche du Pérou et leur altitude moyenne dépasse 4000 mètres sur de très grandes superficies (Audebaud et al., 1973). Le Pérou est divisé en trois espaces géographiques distincts (figure 2). À la base
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de cette chaîne de montagnes tropicales (sierra), les températures moyennes sont généralement supérieures à 22°C (sauf dans le cas d’anomalies) (Morlon, 1992). Ensuite, les températures diminuent de 0,5 à 0,6 °C à toutes les tranches de 100 mètres (Ibid). Le seuil de végétation se situe de 4700 à 4900 mètres (Morlon, 1992). Ainsi, l’étagement de la végétation se déploie sur une amplitude altitudinale bien supérieure à plusieurs autres massifs (comme les Alpes). Les températures maximales varient très peu, de 2 à 6 °C, et elles sont toujours positives en dessous de 5000 mètres. L’étagement de la végétation et l’absence d’une couverture de neige, en dessous de 5000 mètres, sont donc deux éléments qui favorisent l’établissement humain malgré les contraintes de la haute altitude. La pression de l’air demande toutefois une adaptation pour les organismes vivants. « À 4400 mètres [la pression atmosphérique] n’est plus que 60% de ce qu’elle est au niveau de la mer » (Morlon, 1992, p. 21).
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Figure 2: Les trois espaces géographiques du Pérou Sources : Natural Earth (2017) et ArcGIS online (2017).
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Pour sa part, la côte péruvienne (costa) est d’une largeur de 50 à 100 kilomètres et elle est située entre le Pacifique et les Andes (Marshall, 2009). Elle concentre 65% de la population du pays, mais elle ne dispose que de 1,8% des réserves d’eau du pays (Allier, 2011). Cette aridité s’explique par deux phénomènes physiques. « D’une part la topographie et plus particulièrement la présence de la Cordillère qui bloque les anticyclones de l’océan Pacifique. D’autre part la remontée des eaux froides vers la surface, phénomène appelé upwelling » (Marshall, 2009, p. 14). En effet, les alizés repoussent les eaux chaudes tropicales vers l’ouest ce qui conduit climatiquement à une aridité prononcée. La disponibilité de la ressource hydrique est donc primordiale pour cette zone agricole. C’est pourquoi des travaux d’irrigation ont été réalisés dans les années cinquante. L’irrigation est principalement alimentée par les rivières qui puisent leur eau dans les plateaux andins et de la fonte des glaciers (Marshall, 2009). Toutefois, la manière dont les systèmes d’irrigation sont utilisés sème la controverse. En effet, la moitié de l’eau utilisée pour le processus d’irrigation est perdue dans l’océan (Allier, 2011). La demande agricole est de 23 166 hm3 par an (1 hectomètre cube = 1x106 mètre cube), ce qui correspond à une superficie d’irrigation de 1,64 million d’hectares et représente 89% de la demande de consommation au pays (ANA, 2013). Cette demande est moins exigeante en termes de qualité de l’eau, ce qui améliore l’approvisionnement.
1.3.2 Les types de cultures
Au Pérou, la Cordillère des Andes fait en sorte que l’altitude et les conditions météorologiques varient beaucoup. Cependant, la diversification de la production agricole et animale ainsi que la diversification des moyens de subsistance sont d’importantes stratégies de gestion des risques pour les Péruviens et Péruviennes (Valdivia et al., 2013). Or, différents végétaux se trouvent dans trois étages distincts des Andes centrales. Par ordre croissant d’altitude, l’étage quecha, l’étage suni et l’étage punas se succèdent. D’abord, l’étage quecha (les milieux tempérés) représente les vallées et les bassins inter-andins culminant entre 2200 et 3600 mètres (Morlon, 1992). Dans cet étage, les températures moyennes y sont plus élevées. Cet étage est fortement et anciennement peuplé. Il comprend des versants et des vallées. Les versants ont des sols avec peu de matière organique, ce qui
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limite l’exploitation du sol aux terrasses de culture. Il s’agit de la zone où le maïs et les légumineuses sont cultivés. Dans le fond des vallées, les précipitations sont moindres (600 mm par an) et l’irrigation est de mise. Les cultures de maïs, légumes, luzerne et arbres fruitiers se succèdent à l’étage quecha. Par la suite, l’étage suni représente l’étage intermédiaire entre les zones froides et tempérées (Morlon, 1992). Il se situe entre 3500 et 3900 mètres d’altitude. À cet étage, les tubercules, le quinoa, l’orge et les fèves sont la norme. Le suni de plaine se caractérise par des cultures de fourrages et l’élevage bovin. Le suni des versants se caractérise quant à lui par les pommes de terre et l’orge. Finalement, le dernier étage est celui des punas. Cette tranche de la montagne se situe entre 3800 à 4800 mètres (Morlon, 1992). Dans la partie supérieure de l’étage, le sol gèle presque toutes les nuits. « Dans le sol, la matière organique est abondante, mais son évolution est ralentie par le froid » (Morlon, 1992, p. 27). L’agriculture est donc possible jusqu’à 4300 mètres. Entre 4000 et 5000 mètres, les systèmes reposent alors généralement sur l’élevage (système pastoral) (Valdivia et al., 2013). La production animale dans les systèmes agropastoraux se concentre sur les bovins et les ovins, et celle des systèmes purement pastoraux sur l'alpaga et le lama (Ibid). Après 5000 mètres, la couverture de neige est permanente, ce qui limite l’occupation du sol (Morlon, 1992). Or, même si ces glaciers sont inhospitaliers, ils sont la source d’eau que les populations utilisent pour irriguer leurs terres en saison sèche (mai à octobre).
Quant à la plaine côtière, les produits commerciaux ou destinés à l’agro-industrie s’y retrouvent (Allier, 2011). Par exemple, asperges, mangues, bananes, raisins, paprika, olives, avocats, etc., sont les cultures dominantes (Marshall, 2009). L’asperge est une culture dite non traditionnelle exportée en quasi-totalité (99%) et elle a été introduite dans les années 1950 au Pérou lorsque des graines ont été importées de Californie dans la région de La Libertad au nord du pays (Ibid). Le secteur représente environ 25% des exportations agricoles totales du pays et plus de 220 000 tonnes d’asperges sont produites chaque année (Schuster et Maertens, 2015). En 2011, il y avait 567 entreprises exportatrices d’asperges (Ibid). En fait, la zone côtière est devenue l’un des principaux producteurs d’asperges dans le monde en raison de la disponibilité en eau qu’apportent les installations d’irrigations. Le
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Pérou est d’ailleurs le plus grand exportateur d’asperges fraîches au monde (Ibid). Toutefois, les faibles quantités de précipitations ajoutées à l’agriculture intensive et à l’irrigation sont des facteurs de risque pour la disponibilité de la ressource hydrique dans la région (Vasquez-Rowe et al., 2016). L’utilisation intensive d’engrais et d’agents protecteurs, en plus d’augmenter la quantité de nutriments ou d’agents toxiques dans les asperges, peut être rejetée dans les cours d’eau et dans le sol (Ibid). Néanmoins, l’asperge a une grande résistance à la salinité du sol et à l’eau d’irrigation, cette dernière qui peut arriver avec force dans les champs (MINAGRI, MINAM et SENAMHI, 2014). Selon une étude réalisée par Vázquez-Rowe et al., (2016), les activités de fertilisation, le transport pour la vente et l’irrigation1 ont été identifiés comme étant les principaux contributeurs aux impacts environnementaux liés aux changements climatiques pour cette culture bien précise. La fertilisation est une source d’acidification terrestre (64%), d’eutrophisation (46%) et de formation d’oxydants photochimiques (40%) (Ibid). Pour ce qui est de la partie amazonienne des Andes (rive droite, selva), située entre 800 et 1800 mètres, un étage de climat tropical comprend l’essentiel de la production péruvienne de café (Chaléard et Mesclier, 2004). Les détails agronomiques des principales cultures à l’étude sont présentés dans l’annexe 1.
Ainsi, la région des Andes, tout comme celle de la forêt amazonienne, est principalement destinée à produire des denrées pour nourrir la population locale et domestique, tandis que la côte alimente les cultures dédiées aux exportations (Allier, 2011). Cette réalité explique en partie la forte présence des coopératives agricoles dans ces deux premières régions. Ce sont elles qui ont surtout besoin d’aide dans l’identification des mesures d’adaptation aux changements climatiques considérant qu’elles n’ont pas les moyens que pourraient déployer les plus gros agriculteurs industriels du piémont côtier. L’agriculture péruvienne est fortement fragmentée. Cette réalité est de nature historique. En effet, le climat aléatoire et rigoureux a poussé les Péruviens et Péruviennes à trouver des espèces et des variétés de
1Certains systèmes d’irrigation utilisent une grande quantité d’eau et accroissent l’épuisement de la ressource. De plus, les différentes activités d’irrigation (la consommation d’électricité pour le pompage de l’eau et les infrastructures sur le site et au-delà du site) représentent d’importants pourcentages de GES concernant les impacts totaux de la culture d’asperge.
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plantes qui s’adaptent aux conditions climatiques particulières (Pajares Garay et Llosa Larrabure, 2011). Ces pratiques agricoles permettent aussi aux petits agriculteurs et agricultrices de s’assurer une pérennité des cultures si certaines variétés sont anéanties par un aléa climatique quelconque.
1.3.3 L’importance économique de l’agriculture
En 2016, 20,7% de la population péruvienne était en situation de pauvreté2, soit 7 millions de personnes (INEI, 2016). Pour la même année, 21% de la population vivait en milieu rural et 43,8% de cette population rurale était pauvre (INEI, 2016). La pauvreté rurale se localise principalement dans les Andes et dans la partie amazonienne (sierra et selva). L’incidence de la pauvreté a considérablement diminué puisque ce chiffre était de 78,4% en 2002 au Pérou (Phelinas, 2004). Cette réduction est en partie expliquée par l’urbanisation et la consolidation d’une classe moyenne (Allier, 2011). La pauvreté rurale est en quelque sorte un cercle vicieux. Elle peut être à la fois la cause et la conséquence des problèmes encadrant la productivité agricole. Plusieurs limites se présentent au développement agricole. Par exemple, « l’accès limité des plus pauvres aux différents types de capitaux implique que le capital naturel est la ressource qu’ils sont le plus à même de mobiliser pour assurer leurs moyens d’existence. Cette dépendance aux ressources naturelles peut entraîner des dégradations liées à des pratiques peu respectueuses de l’environnement » (Clément et al., 2011, p. 12). En retour, la dégradation des ressources peut venir renforcer l’état de pauvreté des exploitants (Clément et al., 2011). Il s’agit là l’un des cercles vicieux auquel les plus pauvres des pays en développement sont confrontés. Or, la population vivant en situation de pauvreté a comme principale occupation l’agriculture, la pêche ou l’exploitation minière (INEI, 2016). D’ailleurs, l’agriculture contribue à 7,8% du PIB et emploie 25,6% de la population active, ce qui place le secteur agricole au deuxième rang de par son importance économique (BNP Paribas, 2016). Le premier secteur économique en termes de pourcentage de population est celui des services (76,1%). Le secteur du tourisme est aussi très bien développé (BNP
2Pourcentage de personnes vivant en dessous du seuil national de pauvreté qui est de 1,90$ par jour.
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Paribas, 2016). « Au sein du secteur agricole, les principales cultures (en termes de PIB généré) sont, par ordre décroissant, la pomme de terre, la luzerne, le café, le riz, la banane, la canne à sucre, le maïs jaune et le manioc qui représentaient en 2006 entre 7,2% et 2,1% du PIB agraire » (Allier, 2011, p. 99). Le Pérou est aussi un des principaux pays producteurs de quinoa et il a, avec la Bolivie, la plus grande diversité de cette culture (B. Ruiz et al., 2014). D’ailleurs, le café est la principale culture d’exportation traditionnelle, destiné à être exporté à 70% (Chaléard et Mesclier, 2004). La deuxième culture en termes d’exportation est apparue dans les années 50, elle est donc non-traditionnelle, il s’agit de l’asperge (Marshall, 2009).
Les systèmes de productions pastoraux et agropastoraux couvrent le territoire du pays. Les communautés agropastorales tirent leurs revenus de la vente de cultures et de produits d’animaux. Les animaux d’élevage sont en quelque sorte un compte épargne pour les familles péruviennes (Valdivia et al., 2013). La majorité des familles dépendent de leur travail au champ et de l’élevage pour survivre. L’importance de chaque activité de production ainsi que le montant total de la richesse des ménages varient selon le lieu de résidence et selon le type d’activité. Pour ce qui est des systèmes pastoraux, les systèmes de production sont évidemment moins diversifiés. La famille dépend donc des revenus provenant d’activités non agricoles (Valdivia et al., 2013).
Les deux principaux types de structures agraires sont familiales et agro-industrielles (Marshall, 2009). Toutefois, les petits agriculteurs, faisant partie des structures agraires familiales, sont désavantagés sur plusieurs points. Avec la réforme agraire de 1960, une loi a été votée pour donner accès aux terres à un plus grand nombre de personnes (Marshall, 2009). Aujourd’hui, avec les nouvelles politiques libérales, cette loi complexifie la tâche pour les petits exploitants qui n’ont plus accès aux terres et aux ressources qui s’y retrouvent (Mesclier, 2011). Le contexte favorise l’apparition d’acteurs plus puissants (portés sur l’exportation des cultures) accroissant les inégalités du Piémont côtier (Ibid). Depuis les années 2000, le prix offert pour les cultures traditionnelles est le quart de ce
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qu’il était et la pauvreté en zone côtière augmente (Marshall, 2009). De plus, les petits agriculteurs ne profitent pas équitablement du système d’irrigation. En effet, les petits agriculteurs s’alimentent selon les quantités d’eau disponible provenant des cours d’eau naturels avec des tarifs qui diminuent lors de crues (Marshall, 2009). Quant aux agro-industriels, ils ont les moyens de payer un tarif supérieur au coût réel de leur besoin en eau. Ce deuxième groupe d’agriculteurs a généralement des centaines d’acres et leurs cultures sont presque toutes dédiées à l’exportation (Finan, 2007). Ils sont situés au sommet socioéconomique de la hiérarchie et ils sont souvent beaucoup plus éduqués que les producteurs et productrices de types familiaux.
Bref, l’activité économique se concentre au sein des villes côtières, où se trouve la majeure partie de la population et la capitale Lima. Il va donc de soi que la partie la plus sèche du pays soit aménagée pour permettre l’irrigation d’une grande partie du secteur agricole. Selon une étude, les pertes économiques reliées à l’agriculture seulement sont estimées à 306 millions de soles3 pour l’année 2040 au niveau national (MINAM, 2016).
1.3.4 Les coopératives agricoles
L’objectif des coopératives agricoles est de fournir des services de commercialisation, d’approvisionnement en intrants et d’aide à la production à leurs membres. Au total, 19 types de coopératives existent au Pérou. Parmi les 3575 coopératives qui sont inscrites au pays, seulement 638 sont des coopératives agricoles. 26,3% des organisations se trouvent dans la province de Cusco et 18,6% dans la province de Junín (Ministerio de la Producción, 2014). Les départements du centre, dont celui d’Ancash, ont 13,2 % des coopératives du pays. Les coopératives de type agricole sont deuxièmes en termes d’importance économique après les coopératives d’épargne et de crédit. Notamment, les coopératives agricoles ont le potentiel de transformer l’économie rurale du Pérou en fournissant aux
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petits cultivateurs des intrants peu coûteux, du financement, de l’assistance, des infrastructures et différents services de vulgarisation (Enelow, 2014). De plus, elles sont fondamentales pour la commercialisation des produits agricoles. Le café et le cacao (ayant le même modèle, mais pas la même fonction) sont les deux cultures les plus importantes en termes d’exportation au sein des organisations agricoles (Ministerio de la Producción, 2014). Grâce à ces coopératives, les agriculteurs peuvent bénéficier de l’intégration au marché équitable, qui offre certaines garanties sur les prix d’exportation stables et même parfois des primes. Les organisations paysannes ont également accès à du crédit afin qu’elles puissent accéder aux marchés. Par le fait même, les coopératives permettent aux agriculteurs et aux agricultrices d’avoir de meilleurs revenus et une meilleure qualité de vie. Fait intéressant, le niveau d’accès internet dans les coopératives d’Ancash (région à l’étude) est de 78%, un des plus faibles pourcentages d’accès à l’internet de tous les départements du pays (Ministerio de la Producción, 2014). On peut donc en déduire que l’internet est très accessible dans les coopératives du Pérou.
1.3.5 La question de genre
Les relations de genre façonnent la division du travail, l’accès aux ressources et la prise de décision au sein du ménage paysan péruvien. De plus en plus, les ménages des Andes péruviennes ont connu une transformation économique, ce qui leur permet de ne plus dépendre uniquement de l’agriculture de subsistance (Forstner, 2013). Ces changements ont eu une influence sur les relations de genre traditionnellement basées sur la complémentarité et l’interdépendance des hommes et des femmes. La culture andine contemporaine est caractérisée par l’inégalité entre les sexes face à l’évaluation du travail des femmes dans les processus économiques et sociaux. Notamment, les femmes ne sont pas payées pour leur contribution au niveau domestique et agricole, ou beaucoup moins, tandis que les hommes le sont généralement au niveau agricole (Forstner, 2013). En Amérique latine, l’époux est généralement à la tête du ménage par défaut (Andersen et al., 2017). Seulement 19,1% des ménages sont menés par des femmes au Pérou en 2008. Ce pourcentage est de 14,1% en zone rurale et de 23,2% en zone urbaine. De plus, les ménages ayant des femmes comme meneuses ont des revenus moindres (Andersen et al., 2017).
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D’ailleurs, les ménages ayant un meneur plus jeune sont plus vulnérables puisqu’ils n’ont pas accumulé autant de capital humain, physique et social que les ménages ayant des meneurs plus âgés. Par contre, les ménages ayant des femmes comme meneuses sont plus résilients aux intempéries (Ibid). Avec l’insertion des femmes comme travailleuses rémunérées, ces dernières sont responsables quasi exclusivement de prendre soin de leur famille en plus de leurs nouvelles responsabilités. Dans le même ordre d’idées, les femmes gagnent en moyenne 30,3% moins que leurs homologues masculins (MINAM et MIMP, 2017).
Une domination de 500 ans d’élite hispanophone centrée sur les hommes peut en partie expliquer les inégalités entre les hommes et les femmes (Valdivia et al., 2013). Par exemple, les programmes gouvernementaux ne travaillaient qu’avec les hommes, les femmes ne parlent que rarement lors de réunions communautaires, les décisions publiques sont prises par les hommes, les jeunes filles sont plus enclines à ne pas aller à l’école et la violence domestique envers les femmes est encore une grave réalité (Valdivia et al., 2013). L’accès à l’éducation est essentiel pour permettre aux femmes comme aux hommes de prendre de meilleures décisions et d’être mieux informés sur les marchés et les autres opportunités. Les ménages les plus instruits sont souvent ceux avec les meilleurs revenus. Notamment, les changements économiques et politiques du pays ont grandement aidé les femmes péruviennes. Les femmes ont une participation accrue aux marchés. En effet, elles sont devenues les principales responsables de la gestion des ressources et de la commercialisation des produits ménagers au Pérou (Valdivia et al., 2013).
Les femmes et leurs réseaux peuvent être importants pour définir l’utilisation des terres et l’utilisation des ressources (Abizaid, 2015). En effet, même si les hommes semblent dominer ces sphères, les femmes ont leur importance dans la mobilisation des ressources productives des sociétés agraires traditionnelles péruviennes (Ibid). Leur principal rôle est donc de mobiliser le travail masculin à travers leurs réseaux sociaux et de miser sur le partage coopératif du travail agricole.
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Or, des inégalités sont présentes dans l’utilisation du temps et lors de la répartition des tâches productives entre les hommes et les femmes (Villalba et al., 2013). En d’autres mots, les fonctions ménagères sont strictement réservées aux femmes. Comparativement à d’autres pays d’Amérique latine, les femmes péruviennes semblent toutefois avoir une plus grande autonomie économique, ce qui améliore d’autres sphères de leur vie (Villalba et al., 2013). En effet, les hommes comme les femmes peuvent hériter de terres et d’animaux et les femmes prédominent dans le commerce à petite échelle (Valdivia et al., 2013). D’ailleurs, les femmes aymaras, groupes autochtones d’Amérique du Sud, sont les gardiennes des terres, messagères des connaissances traditionnelles et les responsables de l’élevage et de la gestion du bétail dans les villages indigènes (MINAM et MIMP, 2017). Elles peuvent ainsi jouer un rôle clé dans le processus des mesures d’adaptation aux changements climatiques.
La principale propriété animale chez les femmes agropastorales est le mouton, tandis que chez les femmes pastorales, elles possèdent surtout des lamas ou des alpagas (Ibid). Toutefois, ce sont les hommes qui possèdent les bovins laitiers. Ce fait s’explique par leur facilité à accéder aux capitaux et la valeur des entreprises laitières. Cependant, les femmes représentent une quantité importante de main-d’œuvre, elles sélectionnent et conservent les semences puis elles vendent également les cultures vivrières (Ibid). De plus, celles faisant partie des organisations agricoles sont plus portées à posséder des terres comparativement aux femmes du reste du pays : 26% des femmes dans les coopératives agricoles versus 16% des femmes dans tout le pays (Gumucio et al., 2016). En zone rurale et urbaine, les femmes sont responsables de presque toutes les décisions reliées à la maison. Toutefois, en 2013, 32,3% des femmes de 14 ans et plus n’avaient pas de revenus propres, presque trois fois plus que les hommes (12,2%) (Ibid). Cette tendance est encore plus forte en zone rurale où 48,3% des femmes n’ont pas de revenus propres contre 14,1% des hommes. Pour la même année, une partie des femmes adultes sont analphabètes (31,7%) en comparaison à 9,3% des hommes adultes. L’écart est plus grand entre les personnes avec une langue maternelle native (quechua, aymara ou amazonienne). En 2013, 28,6%
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des femmes qui parlent une langue indigène sont analphabètes comparativement à 6,9% des hommes (MINAM et MIMP, 2017).
Ainsi, bien qu’il existe peu de littérature concernant les différentes vulnérabilités entre les sexes face aux changements climatiques (Djoudi et al., 2016 ; Andersen et al., 2017), la documentation actuelle suggère que les femmes dans les milieux ruraux des pays en développement seraient les plus vulnérables aux impacts des changements climatiques puisqu’elles sont responsables des activités les plus sensibles au climat (agriculture, collecte de l’eau et du bois de chauffage) (Andersen et al., 2017). Il existe aussi des différences entre les sexes en matière d’accès à l’eau, aux terres et aux ressources. Cette situation est due à la division du travail entre les sexes, c’est-à-dire que la gestion des ressources naturelles est principalement dédiée aux femmes (Andersen et al., 2017). En cas de catastrophes ou de stress, les femmes sont plus vulnérables que les hommes. En effet, ces derniers vont avoir tendance à migrer à la recherche de travail en laissant derrière eux les femmes. Celles-ci voient ainsi leur charge de travail augmenter, ce qui rend difficile la poursuite de leurs activités génératrices de profits (Ibid). Dans ce contexte, les ménages qui consacrent une part importante de leur revenu à la nourriture peuvent être particulièrement vulnérables aux hausses des prix des aliments provoqués par les changements climatiques (Ibid).
Selon une étude de Reyes (2002), les inégalités entre les sexes se caractériseraient par une distribution et une consommation de nourriture inférieure pour les femmes notamment lors d’événements naturels extrêmes tel qu’El Niño par exemple. Une malnutrition généralisée s’en suivrait car elle entraîne un accès plus difficile aux ressources. Puisque la fréquence, l’intensité et la durée du phénomène El Niño vont augmenter avec les changements climatiques (GIEC, 2012), il appert que les défis de santé publique liés à la malnutrition et aux maladies infectieuses pourraient augmenter. La précarité des conditions de vie des femmes est donc à surveiller. Les femmes disposent de peu de ressources pour comprendre et prévoir les changements climatiques à l’échelle de leur milieu. Elles sont vues comme