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Agencement des ruptures conventionnelles du droit du travail dans nos sociétés pré- pré-caires et proposition de changement

Partie I. Définitions, motifs et conditions d’une rupture amiable d’un contrat de travail

IV. Agencement des ruptures conventionnelles du droit du travail dans nos sociétés pré- pré-caires et proposition de changement

Si certains auteurs avancent que la précarité716

n’a pas véritablement augmenté depuis les an-nées 2000717

, la tendance législative actuelle n’a pas en pratique l’objectif de la réduire. Les nombreux changements et modifications apportés au droit français ont et continueront d’avoir des conséquences eu égard au développement de la stabilité de l’emploi. Cette précarité a jus-tement été utilisée comme excuse pour justifier l’introduction en masse des « freelancer », c’est à dire travailleurs indépendants ou « selbstständige Arbeiter » en Allemagne. Ils sont ainsi pré-sentés comme étant des mercenaires de passage, autonomes et qualifiés et donc figures de l’ave-nir du salariat dans un monde précaire et instable718

. Les travailleurs indépendants français ont par exemple d’autant plus de difficultés pour constituer une collectivité de travail, s’il y a mise en place d’un CSE719

.

Pour l’auteur E. Dockès720

et les co-auteurs de la proposition de Code du travail 2017, la con-séquence tirée de la précarité en France est inexacte, en ce que ce ne sont pas les emplois qui sont devenus plus précaires721

, mais que les statuts sont devenus précaires722

. L’explication ap-portée est que même des emplois considérés comme stables peuvent tout à fait être pourvus par

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Après avoir connu une très forte augmentation dans les années 1980 et 1990, voir Proposition de Code du travail, 2017, sous l’égide du centre de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT), sous la direction de Dockès E., Dalloz.

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Stabilisation à un niveau élevé de 12 % de l’emploi total : avancé sur les données de l’INSEE sur les enquêtes d’emploi par la Proposition de Code du travail, 2017, sous l’égide du centre de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT), sous la direction de Dockès E., Dalloz, Chapitre 2 Rupture et transfert du contrat de travail, p. 31 ; Cependant, le document de l’INSEE, Medhi M., Axel G., Des territoires inégaux

face à la précarité, Medhi Martin, n° 25, 28 septembre 2016, p. 1, pose que en tant que principal indicateur

visible, la pauvreté, « généralement définie commun un manque durable de ressources pour vivre décemment

et subvenir aux besoins de base » en tant que la dimension financière est en France métropolitaine à un niveau

de 14,3% de personnes se situant sous le seuil de pauvreté de moins de 990 € par mois par personne seule.

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Proposition de Code du travail, 2017, sous l’égide du centre de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT), sous la direction de Dockès E., Dalloz, Chapitre 2 Rupture et transfert du contrat de travail, p. 31.

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Pourtant cela n’est pas insurmontable comme indiqué par l’auteur Lokiec, même si ces travailleurs indé-pendants constituent des collectivités diffuses ou éclatées. Par exemple avec la construction d’une représen-tation au niveau des branches (au travers de la conclusion de conventions collectives sectorielles): voir Lokiec P., Chronique de droit comparé de droit du travail, RDT, octobre 2019, p. 655.

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Dockès E., professeur à l’Université Paris Nanterre.

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Sur les emplois précaires, voir aussi Lokiec P., Porta J., Droit du travail : relations individuelles de travail, Recueil Dalloz, 13 avril 2017, n° 15, 841.

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Proposition de Code du travail, 2017, sous l’égide du centre de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT), sous la direction de Dockès E., Dalloz, Chapitre 2 Rupture et transfert du contrat de travail, p. 32.

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des « travailleurs placés dans une situation de précarité juridique » avec comme argument l’usage pour neuf emplois sur dix de contrats à durée déterminée CDD pour ce qui est des premières embauches723

. En effet, il ne peut être conclu de cet usage massif de CDD, qu’il s’agit d’emplois temporaires mais plutôt d’un usage massif, « en violation de la loi, comme une forme

de période d’essai sur des emplois stables correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise »724

. Il en va ainsi de la reconnaissance que de nombreux emplois sont stables, mais qu’ils connaissent l’enchainement rapide de CDD. CDD pourvus soit par un même salarié, soit par des salariés différents, les mettant dans des situations de précarité725

, en ce qu’ils seront incertains de leur sort et de leur futur726

.

Ce travail reconnait la justesse de cette description, dont l’argumentation a préalablement été avancée par l’auteur E. Dockès. Notamment dans une discussion avec Médiapart le 24 sep-tembre 2015727

, dans laquelle le journaliste avait avancé728

ce même argument que le droit du travail ne peut plus être pensé comme ce qu’il était durant les trente glorieuses avec un emploi à vie dans une même entreprise et sans mondialisation. Ce à quoi E. Dockès avança que cette présentation « ancienne » d’un droit protecteur transcendant la simple relation de travail doit en effet prendre en compte la dimension d’une plus grande précarité, que celle-ci n’est cependant pas si augmentée que ça et qu’au vue des contrats de travail actuels, certaines personnes sont embauchées en CDD mais ont une certaine stabilité, tandis que d’autres salariés sont en contrat à durée indéterminée mais n’y restent pas longtemps. E. Dockès avait ici déjà usé de la mesure de l’ancienneté moyenne permettant de vraiment savoir si les salariés restent embauchés

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Cette introduction du chapitre 2 de la proposition d’un nouveau code du travail se base ici sur les chiffres de l’INSEE dans son enquêtes emploi.

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Proposition de Code du travail, 2017, sous l’égide du centre de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT), sous la direction de Dockès E., Dalloz, Chapitre 2 Rupture et transfert du contrat de travail, p. 32.

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L’introduction de cette proposition de Code du travail rapportant ce phénomène avance également comme argument que cela est démontré notamment par les chiffres, ceux relatifs à la situation juridique précaire des travailleurs étant différents de ceux relatifs à la précarité des emplois réels. Autre argument avancé est l’in-dicateur de l’ancienneté moyenne qui existe depuis 1992 et qui indique une hausse, tandis que le pourcentage des salariés ayant moins d’une année d’ancienneté a baissé. L’ancienneté moyenne était en France de 10 ans en 1992et est montée à 11,4 ans en 2014. Il convient bien entendu de différencier ici les pays de l’OCDE notamment, lesquels sont spécialisé sur une économie de « tâches relationnelles, cognitives ou à haute tech-nicité » demandant une ancienneté afin d’atteindre le niveau de productivité nécessaire. Voir proposition de Code du travail, 2017, sous l’égide du centre de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT), sous la direction de Dockès E., Dalloz, Chapitre 2 Rupture et transfert du contrat de travail, p. 32.

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Cela se traduit par une fragilité de l’emploi pour ces salariés, alors même que ces postes sont stables et a notamment pour conséquences des difficultés d’accès au logement ainsi qu’au crédit.

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Dockès E., Médiapart, Espace de travail : simplifier le code du travail ? oui, mais en mieux, 24 septembre 2015.

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longtemps ou pas et ce depuis les trente dernières années. Allant à l’encontre de la perception actuelle, affirmant que la précarité existait il y a trente ans également et que la précarité est bien plus complexe que ce qui est habituellement cru et qui a été présenté par les deux journalistes de Médiapart. Ces journalistes considérant que la précarité est une conséquence de la mondia-lisation, du monde d’aujourd’hui et que cela, ainsi que le travail fragmenté entre autres n’était pas présent à l’époque.

La solution avancée dans cette proposition d’un nouveau Code du travail pour réduire cette précarité juridique, passerait par une simplification du droit applicable729

, la mise en place de procédures judiciaires accélérées en renforçant la sécurité et prévisibilités des effets des rup-tures des contrats de travail au travers de réformes incorporées dans cette proposition de Code730

. Est ainsi proposé de conserver la rupture conventionnelle, il n’est ici mention que de la rupture conventionnelle individuelle, mais de la réformer en opérant une distinction selon que l’employeur ou le salarié soit à l’initiative de la rupture. Dans un but de rapprocher la

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Simplification du droit du travail qui n’est ici pas à prendre au sens du discours du gouvernement, lequel considère la rupture conventionnelle et le contrat nouvelles embauches comme nécessaires à la simplification du droit du travail. Voir notamment Sachs T., La raison économique en droit du travail, Contribution à

l’étude des rapports entre le droit et l’économie, thèse, 24 octobre 2009, p. 308 ; Quant au contrat « nouvelles

embauches », il a au final été abrogé par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail et publiée au JO du 26 juin 2008. Ainsi, aucun contrat nouvelles embauches ne peut être conclu à compter de cette date et les contrats en cours ont été requalifiés en contrats à durée indéterminée de droit commun, dont la période d’essai est fixée par convention, ou à défaut, par les dispositions de l’article L. 1221-19 du Code du travail ».

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Pour ce qui est de la rupture conventionnelle qui nous intéresse à titre principal dans ce travail, celle-ci se situe au sein cette proposition de Code du travail dans la section 5 posant le maintien et la réforme des ruptures consenties;

Nous pouvons également brièvement indiquer les réformes proposées dans cette proposition de Code du travail : la fin du contrat à durée déterminé à travers un « remplacement des CDD et de leurs clauses de terme

par un CDI comprenant une clause de durée initiale », qui doit toujours permettre une embauche pour une

durée limitée afin de remplacer par exemple un salarié absent ou pour une tâche de courte durée, mais per-mettant à travers la clause de durée initiale de prédéterminé un motif de licenciement pour simplifier le li-cenciement à l’échéance ; un contrat de travail unifié (à l’envers du contrat de travail unique auquel l’auteur reproche d’augmenter la précarité) pour rapprocher les travailleurs précaires des travailleurs stables en ac-cordant des protections habituellement réservées aux salariés en CDI aux salariés bénéficiant d’un CDI avec clause de durée initiale proposée par ce Code ; refonte du droit du licenciement en simplifiant la procédure des grands licenciements pour motif économique, maintenir l’obligation de motivation à travers une cause réelle et sérieuse et en sanctionner l’absence de manière renforcée pour dissuader notamment les grandes entreprises et renforcer le contrôle du juge.

Voir la proposition de Code du travail, 2017, sous l’égide du centre de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT), sous la direction de Dockès E., Dalloz, Chapitre 2 Rupture et transfert du contrat de travail, p. 33.

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rupture conventionnelle du régime du licenciement en cas d’initiative de l’employeur et de la rapprocher de la démission si initiée par le salarié 731

.