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Sous la houlette de Velasquez, des réunions se tiennent à travers le Texas, rassemblant de nombreux universitaires et militants mexicains-américains. Ces rencontres contribuent largement au développement du mouvement dans l’État, permettent d’établir des liens avec le mouvement

chicano dans le reste du sud-ouest, et donnent une légitimité aux fon-dateurs de la MAYO. La première de ces conférences a lieu à El Paso en octobre 1967, en protestation aux auditions organisées dans la ville par l’Interagency Committee on Mexican-American Affairs, auxquelles seuls les modérés, fidèles au Parti démocrate, sont invités. Les participants adoptent le nom deLa Raza Unidaet élisent Ernesto Galarza président. Une seconde séance se déroule à San Antonio en janvier 1968, au cours de laquelle l’assistance adopte lePlan de La Raza Unida, proclame la fin de la soumission desChicanoset adresse une liste de revendications à tous les niveaux de gouvernement.

La MAYOs’engage également dans l’action communautaire. Nombre de ses membres travaillent comme bénévoles pour lesVolunteers in Ser-vice to America(VISTA), un programme de service national destiné à lut-ter contre la pauvreté aux États-Unis. Ces volontaires mettent sur pied des projets dans quatre zones particulièrement défavorisées du sud et du sud-ouest de l’État. Cet engagement donne à l’organisation des moyens financiers et lui permet de s’implanter beaucoup plus facilement. Ainsi, en un an, on passe d’une section à San Antonio à plus de trente dans le sud de l’État, soit environ 200 personnes. Par ailleurs, laMAYOfonde, en 1968, leMexican American Unity Council, une société de développement économique subventionnée par leSouthwest Council of La Razaet l’Office

1. Garcia 25 ; José Angel Gutierrez, discours, California State U, Northridge, 29 Feb. 1972,

Mexican American Movements and Leaders, ed. Carlos Larralde (Los Alamitos : Hwong Pub-lishing Co., 1976) 213 ; Delavina Hernandez, « La Raza Satellite System, »Aztlan2 (1970) : 28 ; Shockley,Chicano Revolt125 ; Neal R. Pierce,The Megastates of America : People, Politics, and Power in the Ten Great States(New York : Norton and Co., 1972) 561.

of Economic Opportunity. Le MAUC vient d’abord en aide à des associa-tions de quartier et à des groupes s’occupant de jeunes drogués et de ser-vices pour les plus démunis, puis finance de petites entreprises et assure la formation professionnelles de jeunesChicanos. En quatre ans, leMAUC, avec un budget de plusieurs millions de dollars, devient un modèle pour les autres organismes de ce type. Enfin, en 1969, Perez crée leTexas Insti-tute for Educational Development(TIED) qui reçoit des fonds d’État et fédé-raux et intervient dans le secteur de la santé.1

L’amélioration du sort des ouvriers agricoles étant l’un des soucis des militants, plusieurs d’entre eux tentent d’agir directement sur le ter-rain. C’est ainsi que voit le jourMAYO’s Del Campo, une organisation constituée à la fin des années soixante par une soixantaine d’enfants de migrants âgés de 17 à 22 ans, tous résidant dans une zone comprise entre Brownsville, Kingsville, Uvalde et Del Rio. Dans une lettre adressée au

U.S. Senate Subcommittee on Migrant Labor lors d’auditions tenues en 1969 à Washington, ils expliquent que, n’ayant pas d’autre choix que de partir avec leurs familles pendant l’été pour payer leurs études, ils ont décidé de faire un travail d’information et d’éducation auprès des campe-sinoslors de cette migration. Quoique dispersés dans de nombreux États, lesMAYO’s Del Campodisent vouloir garder le contact entre eux afin de mieux coordonner leurs efforts, et même si le projet concerne principale-ment les mois d’été, ils souhaitent continuer leur action pendant le reste de l’année2.

Rencontrant un écho grandissant auprès des jeunesChicanosdu Texas grâce à ses prises de positions, ses activités et ses publications, laMAYO

met également ses théories en pratique dans les établissements scolaires de l’État, considérant en effet que le système éducatif est un rouage déterminant dans le processus d’exclusion des enfants hispaniques. L’état des locaux, l’absence de matériel, la piètre qualité de l’enseignement, le contenu des programmes, le choix des administrateurs et des enseignants, les mesures disciplinaires, notamment à l’encontre de ceux qui parlent espagnol dans l’enceinte de l’école, la ségrégation qui sévit encore dans certains districts, sont autant de problèmes nécessitant une intervention directe des intéressés, si lesChicanosveulent bénéficier, eux-aussi, d’une éducation de qualité. Or, c’est bien là un problème qui fait l’unanimité dans la population mexicaine-américaine, la classe moyenne en parti-culier s’élèvant depuis longtemps contre les pratiques des autorités sco-laires.

1. Garcia 25, 23.

2. Subcommittee on Migratory Labor,Migrant and Seasonal Farmworker Powerlessness, Efforts to Organize921.

LaMAYOse lance donc dans le combat, et choisit le boycott comme méthode de « persuasion », une tactique redoutable pour les établisse-ments, car c’est le nombre de jours de présence de chaque élève qui détermine le montant des subventions accordées par l’État. De plus, cette approche a l’avantage de mobiliser non seulement les élèves, mais aussi les parents et les membres les plus actifs de la communauté. LaMAYO n’in-tervient pas directement, mais conseille les lycéens dans la menée de leur lutte, et après un premier boycott réussi dans un lycée dubarriode San Antonio, en lance d’autres dans le sud et l’ouest du Texas. Prêtres catho-liques, hommes politiques locaux et organisations diverses interviennent en faveur des élèves, qui bénéficient par exemple du soutien duMexican American Legal Defense Fund, un organisme d’aide judiciaire pour les His-paniques créé en 19681.

Les autorités scolaires réagissent vivement à ces boycotts d’établis-sements : certains élèves sont exclus, d’autres se voient refuser leurs diplômes. Quelques responsables politiques s’émeuvent de la situation et demandent que des mesures soient prises pour ramener l’ordre. Néan-moins, enfants et parents obtiennent satisfaction sur plusieurs points, les règlements intérieurs et les programmes en particulier. Il est mis fin à l’interdiction de parler espagnol, une pratique considérée par la jus-tice comme contraire à la Constitution de l’État, et les districts scolaires sont mis dans l’obligation de renoncer à toute pratique discriminatoire à l’encontre des élèves hispaniques, ces derniers constituant, selon les tribunaux — Cisneros et al c. Corpus Christi Independent School District

(1970) — un groupe ethnique minoritaire couvert par toutes les décisions s’appliquant aux Noirs dans le domaine de l’éducation2.

Malgré tous ces succès, les dirigeants de la MAYO se rendent compte qu’il leur faut aller plus loin encore. Les autorités locales peuvent reve-nir à tout moment sur des concessions arrachées de haute lutte, et les divergences de vue sur les besoins de la population mexicaine-américaine sont bien trop profondes pour que des compromis durables soient pos-sibles. Il est donc indispensable de passer à l’étape suivante, c’est-à-dire la conquête du pouvoir politique, non seulement au sein des conseils sco-laires, dont les membres sont élus pour une durée d’en général trois ans, mais également au niveau des municipalités et des comtés.

1. « Walkout in Crystal City, »Texas Observer2 Jan. 1970 : 5 ; Nephtali De Leon, « Chicanos Walk Out in Abilene, »Texas Observer5 Dec. 1969 : 4 ; Naphtali De Leon, « Young Chicanos’ Unrest Spreads to Lamesa, »Texas Observer23 Jan. 1970 : 6-7.

2. Subcommittee on Migratory Labor,Migrant and Seasonal Farmworker Powerlessness,

Efforts to Organize1030 ; « Officials Ordered to Readmit 99 Boycotting Students at Elsa, »

Sun28 Nov. 1968 ; « Ousted Students to Re-Enter School, »San Antonio Express and News19 Dec. 1968.