2 Étude techno-typologique et techno économique de l’industrie lithique
2.1 Acquisition des matières premières
2.1.1 Pétrographie des roches utilisées par les hommes d’Asa Koma
La principale matière première utilisée retrouvée sur le site est l’obsidienne. Cette roche volcanique, avec plus de 99 % des produits inventoriés, compose la quasi-intégralité de l’assemblage. Les roches sédimentaires rencontrées sont essentiellement des silex. Deux autres roches d’origine hydrothermale, ont été utilisées le quartz et la calcédoine. D’un aspect peu uniforme, allant de la translucidité luisante au mat très opaque, l’obsidienne utilisée présente un grain fin, qui se prête bien à la taille. Les blocs d’obsidienne sélec- tionnés pouvaient atteindre une longueur maximale de 12 voire 13 cm. Le « cortex1 » n’est que très rarement observé. En
revanche, il est à noter que certaines pièces sont recouvertes d’une fine couche d’altération superficielle postérieure au débitage. Il est parfois difficile de distinguer ces diverses
1. Le terme de cortex est employé ici, même s’il est impropre, pour définir les surfaces naturelles des blocs.
Asa Koma Nb % % groupe % outil
Nucléus 27 0,13
Lamelles à crête 2 0,01
Éléments de réfection 17 0,08 86,37
Éclats sans nervures 167 0,78
Éclats non retouchés 18087 85,12
Lamelles non retouchées 55 0,25
Pièces esquillées 874 4,12
Bâtonnets 1083 5,1 10,35
Éclats esquillés 240 1,13
Grattoirs sur éclats 4 0,02 0,64
Perçoirs sur éclats 4 0,02 0,64
Éclats avec encoche(s) 42 0,19 6,75
Éclats denticulés 4 0,02 0,64
Éclats retouchés 205 0,96 32,95
Lames -‐ lamelles retouchées 66 0,31 10,61
Racloirs sur éclats 3 0,01 0,48
Éclats à bord abattu 72 0,33 11,57
Éclat à deux bords abattus 14 0,06 2,96 2,25
Éclats tronqués 26 0,12 4,18
Lamelles tronquées 19 0,08 3,05
Lamelles à dos tronquées 3 0,01 0,48
Lamelles retouchées avec encoche 7 0,03 1,12
Lamelles à dos 10 0,04 1,6
Lamelles à deux bords abattus 5 0,02 0,8
Bi-‐ pointes sur lamelles 2 0,01 0,32
Micro-‐éclats retouchés 31 0,14 4,98
Segments de cercle entiers 71 0,33 11,41
Segments de cercle cassés 34 0,16 5,46
Pièces avec piquants -‐trièdre 22 0,1 3,41
Percuteurs 7 0,03 0,034
Retouchoir 1 0,004
Pointe foliacée patinée 1 0,004 0,194
Éléments très patinés 42 0,19
Total 21247
Fig. 1 —
Décomptes et pourcentages de l’industrie lithique toutes matières premières confondues (G. Gouraud, 1996/révisé A. Diaz 2012).
Types Matières premières Nbre
Percuteur quartz 4
silex blanc 1
basalte 1
Nucléus silex beige 1
silex gris-jaunatre 2 Éclats quartz 48 silex orangé 5 silex beige 43 silex brun 5 silex brûlé 14 calcédoine 1
Lame silex tuile clair 1
Lamelle silex beige 5
Pièce esquillée silex beige 1
calcédoine 1
Bâtonnet silex beige 1
Total 134
Fig. 2 —
Catégories d’objets dans les autres matières premières que l’obsidienne dans l’assemblage d’Asa Koma.
Le site néolithique d’Asa Koma : approche typo-technologique de l’industrie lithique
145
altérations quand celles-ci sont coexistantes comme ici. De plus, un grand nombre de pièces sont brûlées. On suppose que ces pièces ont subi une chauffe involontaire ayant laissé une légère altération de surface, puisqu’il a été démontré qu’aucune amélioration de la taille de l’obsidienne n’est produite par le traitement thermique (Tixier et al. 1980). Malgré la grande variété minéralogique de la région, très peu d’autres matériaux ont été utilisés (fig. 2).
2.1.2 Ressources environnementales
L’étude et la description des roches taillées sur le site d’Asa Koma permettent d’observer les liens étroits existant entre la production lithique et les ressources potentielles locales. En effet, les roches à l’affleurement qui caracté- risent la région sont principalement volcaniques. Il s’agit majoritairement du basalte, représenté ici sur de vastes surfaces par des empilements de coulées fissurales formant des trapps appartenant à la série stratoïde de l’Afar. Au sein de ces massifs, se distinguent des coulées de rhyolite de teinte rougeâtre à brun clair qui présentent l’intérêt majeur de constituer la matrice de la formation des obsidiennes, alors que les basaltes, roches basiques majoritaires, n’en contiennent pas. En effet, l’obsidienne est présente dans les escarpements tectoniques qui bordent le bassin du Gobaad. L’identification des coulées, rares et dispersées se fait en localisant sur la carte géologique les affleurements
rhyolitiques. Les prospections ont d’ores et déjà permis une localisation précise des gîtes très certainement exploités de la région. Ce travail de cartographie, déjà effectué dans la dépression Afar à l’ouest du lac Abhé (Khalidi, 2009), est actuellement en cours dans le bassin du Gobaad. En effet, plusieurs lieux propices à cette récolte ont été répertoriés et prélevés par L. Khalidi (CEPAM., U.M.R. 7264) et L. Bruxelles (INRAP-TRACES.-U.M.R. 5608) au sein du programme PSPCA lors de la mission 2014 (Cauliez et al., 2015) et sont actuelle- ment en cours d’analyse à Orléans par B. Gratuze (C.N.R.S., IRAMAT) et L. Khalidi d’après la méthode LA-HR-ICP-MS (Laser Ablation High Resolution Inductive Coupled Plasma Mass Spectometry).
Plusieurs sources d’obsidienne sont à souligner en raison de leur proximité relative avec les sites archéologiques de la région. Cependant l’une d’elle attire principalement notre attention, il s’agit des affleurements rhyolitiques du massif d’Aysilo, proche du lac Abhé. Par ailleurs, il existe de nombreux gîtes d’obsidienne dans la région de Babaalou près du lac Assal, et plusieurs sont repérés ou supposés selon les données cartographiques dans le massif du Dakka au nord du Gobaad (secteur de Dimbirtou, notamment). Cette disponibilité accrue dans la région explique une certaine préférence pour ce matériau.
L’objectif premier de ces analyses est de tenter de rac- corder les industries et les technologies sur obsidienne
Lac Abhé SOMALILAND Golfe d'Aden Berbera Djibouti Addis Ababa Hargeysa Burco Laas Caanood Garoowe Gaalkacyo Boosaaso Ceerigaabo Dhuusa Mareeb Beled Weyne Océan Indien SOMALIE DJIBOUTI Mer Rouge ETHIOPIE Danakil Depression Jijiga Harar Dire Dawa Aseb Mekele Awasa Ogaden Vallée du Rift Asa Koma Dama Ale Dergoli
146
Amélie Diaz
retrouvées sur ces sites avec les différents gîtes identifiés. Pour cela, un échantillonnage des artefacts sur obsidienne issue des sites étudiés a été réalisé en collaboration avec L. Khalidi, à Montpellier dans le but de réaliser des analyses par LA-HR-ICP-MS. Parallèlement à cela, des analyses ont été menées sur 19 échantillons d’obsidienne géologique, dont 13 ont été échantillonnées sur les gîtes mêmes, et les 6 autres sur des obsidiennes de la région du lac Assal. Ces obsidiennes géologiques se répartissent très générale- ment en deux lignées magmatiques principales (DK+AY et KA+AS+BG) qui correspondent à 6 groupes géochimiques, dont 3 appartiennent à la région du Gobaad et 3 à la région autour du lac Assal.
Au delà du bassin du Gobaad, On dispose de nombreuses informations quant à l’emplacement des gîtes d’obsidienne dans la Corne de l’Afrique (fig. 3). Trois sources d’obsidienne sont à retenir en raison de leur proximité relative avec le site d’Asa Koma : le volcan à coulées d’obsidienne situé au nord de Tadjourah : le « Dergoli » et, beaucoup plus proches, le volcan Dama Alé, à coulées d’obsidienne, sur la rive nord-ouest du lac Abhé, en Éthiopie. Dans ce même pays, aussi bien dans la région Afar que sur le plateau central, il existe de nombreux gîtes d’obsidienne. Cette disponibilité accrue dans la région explique une certaine préférence pour ce matériau.
2.1.3 L’obsidienne dans la Corne de l’Afrique
En raison de ses nombreuses particularités physiques, l’obsidienne a toujours été un matériau privilégié dans le monde préhistorique. Les nombreux sites découverts dans la Corne de l’Afrique témoignent tous de la disponibilité de l’obsidienne dès le Paléolithique inférieur pour la production d’outils. Le volcanisme est très présent dans cette région et les sources de cette matière première sont abondantes. L’obsidienne est restée prisée longtemps après l’apparition du métal (Lesur-Gebremariam et al. 2009 ; Inizan et Franca- viglia, 2002). C’est une matière première très intéressante pour les archéologues car :
ce matériau conserve une empreinte chimique caractéristique de son lieu d’origine […] un marqueur de choix pour étudier les échanges et les contacts humains. (Gratuze, 2002, p. 961) L’obsidienne est aussi le plus ancien témoin des échanges reconnus entre les deux rives de la mer Rouge durant l’Ho- locène(Inizan et Francaviglia, 2002 ; Khalidi, 2009).