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Un accès différencié à la formation, selon les emplois occupés par les travailleurs stables

Une analyse exploratoire de l’Enquête sur le Panel belge des ménages (1997-2001)

I. La participation à la formation professionnelle en Belgique et dans ses régions Les chances d’accès à la formation professionnelle ne sont pas identiques pour l’ensemble des individus Les

4. Parcours professionnels et participation à la formation

4.2. Un accès différencié à la formation, selon les emplois occupés par les travailleurs stables

surtout aux inactifs, aux travailleurs précaires et aux chômeurs. Les formations suivies d’initiative personnelle le sont en plus grande proportion par les inactifs, les chômeurs ou les jeunes entrant sur le marché du travail.

4.2. Un accès différencié à la formation, selon les emplois occupés par les travailleurs

stables

Au-delà des constats qui viennent d’être faits, des différences importantes peuvent apparaître au sein des groupes identifiés, en particulier parmi les travailleurs dont la situation sur le marché du travail se caractérise par la stabilité

en emploi. On peut ainsi, à partir d’un ensemble de variables décrivant l’emploi et la satisfaction dans l’emploi14,

distinguer différents groupes de salariés qui s’opposent par leurs pratiques de formation.

Ainsi, trois usages de la formation peuvent être distingués parmi les salariés stables. Un premier, réservé aux cadres, se caractérise par un accès en grand nombre, fréquent, à des formations de courtes durées. Ce groupe de travailleurs concentre de nombreuses caractéristiques valorisées sur le marché du travail ou déterminantes de l’accès à la formation (72 % d’hommes, davantage bruxellois, diplômés de l’enseignement supérieur) ; ils sont aussi plus âgés (54 % ont plus de 45 ans), exercent des responsabilités de direction dans les entreprises et ont des rémunérations élevées. Un autre groupe d’individus, souvent associé au « noyau dur » du salariat (employés, ouvriers qualifiés), travaillant à temps plein, satisfaits de leur travail accèdent fréquemment à la formation. Parmi ceux-ci, les plus jeunes et ceux ayant les horaires de travail les plus flexibles y participent davantage, parfois de leur propre initiative. Enfin, l’accès à la formation est nul ou très faible chez une dernière catégorie de travailleurs stables : celui composé d’une part de femmes peu qualifiées, à temps partiel et à bas salaires et, d’autre part, d’un groupe d’employés, peu qualifiés, insatisfaits de leur travail, réalisant de nombreuses heures supplémentaires.

13. Sur la base des variables du panel, nous avons regroupé les durées des formations de la manière suivante. Les formations dont la durée est comprise entre trois et cinq jours à temps plein sont qualifiées de « formation de courte durée », les formations dont la durée est comprise entre cinq jours et deux semaines à temps plein et celles dont la durée est comprise entre quinze jours et neuf semaines sont qualifiées de « formation de durée moyenne » et les formations dont la durée est supérieure à neuf semaines sont qualifiées « de formation de longue durée ».

14. L’identification des groupes a été établie selon la même méthode que pour les trajectoires (cfr. supra). Elle repose sur un ensemble de variables qui se rapportent aux temps de travail (temps partiel, horaire de travail, présence d’heures supplémentaires, horaires atypiques) et aux revenus, ainsi qu’à la satisfaction au travail (nombre d’heures, horaire de travail, revenus, type de travail, conditions de travail).

Bien que ces résultats ne constituent qu’une amorce d’exploitation des données du panel, ils confirment l’importance des parcours professionnels, ainsi que des conditions d’emploi dans la participation aux formations. Ils mettent en évidence des différences d’usage que l’analyse des caractéristiques individuelles ne suffit pas à expliquer.

Conclusion

Les enquêtes, les statistiques officielles, les indicateurs européens, chacun s’appuyant sur des définitions et des méthodologies propres, nous rappellent chaque année la position de la Belgique et de ses Régions dans le ranking des taux d’accès à la formation des pays européens. Les engagements à augmenter le niveau de participation à la formation, tantôt des citoyens, tantôt des chômeurs, tantôt des salariés, se répètent ou se complètent : objectifs européens, intégration de ceux-ci dans un « Contrat d’avenir » régional wallon, engagement des partenaires sociaux à atteindre le niveau de formation des pays limitrophes. Le discours, les débats sur la formation continue restent intenses. Dans le même temps, les inégalités d’accès à la formation sont parfois soulignées.

De notre approche exploratoire du panel belge des ménages, nous souhaitions retirer davantage qu’un nouvel indicateur sur la participation à la formation ou une nouvelle illustration des écarts de participation entre groupes d’individus. Certes, nous ne pouvions développer notre démarche sans confronter nos résultats aux acquis de la recherche. Les données de panel confirment ainsi sans ambiguïté les écarts de participation à la formation selon le genre, l’âge, le niveau de diplôme, la participation ou non au marché du travail, le secteur d’activité, la taille de l’entreprise, etc. Les données produites montrent que les caractéristiques individuelles autant que l’environnement professionnel (Lambert et al., 2002) conditionnent la participation à la formation.

L’intérêt d’une enquête récurrente est de permettre une approche longitudinale. Le suivi, au travers des données collectées, d’un ensemble constant d’individus durant cinq années nous a permis à la fois d’apprécier la récurrence de la participation à la formation et d’inscrire ces éventuels épisodes de formations dans des parcours professionnels. Dans le même temps, les quelques données du panel sur la nature des formations suivies nous ont permis de distinguer différents usages de la formation professionnelle.

L’analyse longitudinale de la participation à la formation nous a montré que pour certains, la formation ne constituait pas, loin de là, un événement unique dans une trajectoire. La majorité des « formés » de notre échantillon (58 %) participe à la formation au moins deux fois sur la période étudiée (1997-2001). Mais comme l’accès, l’intensité de participation à la formation ne se répartit pas de façon égale. Les plus diplômés, les employés qualifiés et les cadres, qui accèdent en plus grand nombre à la formation, y participent aussi plus souvent.

Une part importante de ces derniers (40 %) a suivi une formation au cours de trois des cinq années observées ou même davantage. La participation fréquente à des formations, dont nous avons souligné qu’elles étaient courtes, constitue sans doute, pour ceux-ci, une stratégie d’entretien permanent des compétences. Pour ce seul groupe, la

« formation tout au long de la vie » semble représenter une réalité empirique15.

L’inscription des épisodes de formation dans des parcours professionnels permet de se dégager d’une approche centrée sur les caractéristiques individuelles qui, parfois, est utilisée pour alimenter un discours élevant la formation au rang d’obligation morale. Plus qu’un moyen de participation, de promotion ou d’épanouissement, la formation tend à devenir un outil relevant du devoir des individus, chômeurs ou salariés, qui portent la responsabilité d’actualiser leurs compétences, de s’adapter aux changements techniques, d’entretenir leur attractivité aux yeux de leurs employeurs (potentiels). Les groupes participant moins à cet effort de formation (jeunes peu qualifiés, demandeurs d’emploi, « seniors », inactifs, etc.) deviennent alors, dans le cadre de certaines politiques publiques, des groupes cibles que l’on s’efforcera d’attirer dans des programmes spécifiques.

Au contraire, l’inscription de la formation dans les parcours professionnels – reflet d’une position favorable ou non sur le marché du travail – montre des écarts dans l’accès et l’usage des formations pour des individus dont les caractéristiques personnelles (âge, diplôme) sont identiques. Ainsi, parmi les diplômés de l’enseignement supérieur, l’accès à la formation est 1,5 fois plus élevée chez les individus aux parcours stables que parmi les inactifs ou les chômeurs. Chez les plus de 55 ans, l’accès à la formation est nul parmi les inactifs, faible chez les chômeurs (9,3 %) et près de 4 fois plus élevé chez les personnes stables dans leur emploi.

15. La participation de ce groupe à la formation reste également élevée au-delà de l’âge de 45 ans. 83

Globalement, les parcours intégrant une plus grande participation au marché du travail sont assortis de davantage de formations. La stabilité des parcours semble aussi constituer un déterminant supplémentaire de la participation à la formation. Ainsi, outre les individus dont les parcours se définissent par la permanence de l’emploi, les jeunes entrant sur le marché du travail sont plus nombreux et participent plus fréquemment à la formation. Autant qu’une adaptation aux exigences du travail, la formation (qui profite surtout aux plus diplômés) constitue peut-être aussi un moyen de « fidéliser » les entrants (Dupray et Hanchane, 2001). L’accès privilégié des stables s’explique sans doute par le fait que les entreprises, suivant en cela la théorie du capital humain, considèrent les coûts de formation comme fixes. Celles-ci tiendraient dès lors compte, au moment de décider de financer une formation, de l’horizon d’emploi du bénéficiaire, c’est-à-dire de la durée d’amortissement possible du coût (Jolivet, 2003).

Mais si nos différentes catégories de parcours ont été constituées à partir des statuts professionnels, elles pouvaient recouvrir des situations de travail et d’emploi fort contrastées. Il nous a paru au moins aussi important de comparer les différents usages de la formation au sein qu’entre les différents groupes. Les salariés dont la position sur le marché du travail se caractérise par la stabilité constituent un groupe très hétérogène. Bien que la participation à la formation soit globalement plus élevée dans ce groupe, des logiques différentes apparaissent selon les sous-groupes. Ainsi, au sein des stables, nous avons distingué un premier sous-ensemble, à usage fort de la formation (les cadres), un autre à usage moyen (le « noyau dur »), alors qu’un dernier groupe (femmes à temps partiel, travailleurs contraints à des horaires flexibles et largement insatisfaits par leur travail) ne participe quasiment pas à la formation. Cette approche exploratoire du panel nous a apporté plusieurs confirmations et nous a permis de poser quelques constats sur la récurrence de l’accès à la formation et l’inscription de celle-ci dans les parcours. Elle n’épuise certainement pas les ressources qu’une enquête de panel, même généraliste comme le PSBH, offre pour l’étude des usages de la formation (le genre, la situation familiale, la variable salariale, la mobilité constituent autant de dimensions à étudier davantage). Elle souligne en tous cas la pertinence d’une approche longitudinale de la formation, en particulier pour comprendre les usages de la formation professionnelle, dans un contexte où celle-ci est appelée à se développer « tout au long de la vie » dans une optique de développement des compétences.

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