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Écrire le récit dessiné interactif

3. Écrire l’image

3.1. Redéfinition de l’image 3.1.1. L’image comme interface

À force de tâtonnements, la grille de lecture de l’interactivité dans le récit dessiné interactif que nous proposons s’est solidifiée et, ce faisant, a fini par ressembler beaucoup à la typologie de l’interactivité dans les récits interactifs, de Marie-Laure Ryan54. Toutefois, notre grille ayant été forgée

51. Edmond CoUChot, Des images, du temps et des machines, dans les arts et la communication, Nîmes, Jacqueline Chambon, 2007, pp. 232- 239.

52. Daniel Merlin gooDBrey, Mr. Nile Experiment, op. cit.

53. Notre traduction.

54. Marie-Laure ryan, Avatars of story, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2006. En particulier le chapitre 5. Les termes et citations qui suivent sont tirés de ce chapitre et sont notre traduction.

à partir d’un corpus de bande dessinée numérique, elle est – nous l’espérons – plus efficace dans ce champ d’application, et donc moins généraliste. C’est un principe tout à fait similaire qui préside à la constitution des deux grilles. En effet, si nous nous intéressons à l’implication du lecteur, Ryan s’intéresse à son « immersion ». Nous n’employons pas ce terme que nous jugeons trop galvaudé et imprécis : il est utilisé dans un sens très large au titre duquel l’identification au héros d’un roman procède déjà d’une « immersion ». Nous lui avons préféré le terme « implication » en ce qu’il place le spectateur autant en agent qu’en sujet : l’œuvre implique le spectateur, le spectateur s’implique dans l’œuvre. À partir des paires contradictoires « interne/externe » et « ontologique/exploratoire », Ryan construit une grille croisée fondée sur quatre combinaisons : « interactivité externe exploratoire »,

« interactivité externe ontologique », « interactivité interne exploratoire » et « interactivité interne ontologique ». La paire « interne/externe » renvoie peu ou prou à notre paire « ajouté/intégré ». Elle qualifie par là la place de l’utilisateur dans l’histoire. Si l’utilisateur est un acteur dans l’histoire, qu’il soit placé en vue subjective ou qu’il soit présent dans l’œuvre à travers un avatar, il s’agit d’une interactivité interne. S’il agit de l’extérieur, d’en haut par exemple, comme un dieu sur le monde virtuel, et ce faisant, sur la base de données qui contient les briques élémentaires composant et peuplant ce monde, il s’agit d’une interactivité extérieure. Ryan cite la célèbre série de jeux vidéo Les Sims comme exemple. Une interactivité exploratoire ne laisse au lecteur que le loisir d’explorer ou naviguer. Une interactivité ontologique permet à ses interventions de modifier l’histoire, en choisissant tel ou tel chemin.

Cette grille, si elle ressemble beaucoup à la nôtre, est trop généraliste pour être appliquée à la bande dessinée numérique. En effet, d’un côté elle exclue certains dispositifs de notre corpus, quand de l’autre côté elle ménage une catégorie que notre corpus laisse vide. Il faut rappeler que les récits interactifs, auxquels s’appliquent sa grille, sont à entendre en un sens large : elle cite comme exemple aussi bien des hypertextes que des œuvres multimédias et des jeux vidéo ; bref, toutes formes de récits ou d’objets numériques comportant une part narrative. Ainsi, la paire « ontologique/exploratoire » ne permet pas de tenir compte des actions les plus insignifiantes du spectateur. Ryan ne considère l’intervention du lecteur que dans les choix déterminants le cours de l’intrigue, et non pas dans les micro-interventions qui n’affectent pas nécessairement l’intrigue, mais qui ne relèvent pas pour autant de la seule exploration. Par exemple, le module de la bouteille dans The Killer, ne relève pas d’une interactivité externe, mais ne peut être tenu pour de l’interactivité interne. La grille d’analyse s’applique à des actions relevant de choix de parcours ; du choix de chemin dans l’hypertexte, aux modifications apportées dans la suite de l’histoire par les actions plus libres effectuées dans les jeux

vidéo. Elle oublie cette « autre » interactivité qui peut faire sens non par la modification de l’intrigue, mais de manière métaphorique, en véhiculant un ethos, à travers la manipulation de l’interface elle-même ; tel le sentiment de légèreté donnée dans Romuald, ou d’amour et de sensualité dans L’Épinard de Yukiko. Enfin, le niveau le plus élevé d’immersion, celui de l’interactivité « interne ontologique » n’existe pas dans notre corpus, du moins au degré où elle l’entend : elle classe, par exemple, dans cette catégorie, les récits dans lesquels le lecteur interagit avec un programme d’Intelligence Artificielle.

À l’aulne de cette grille, Romuald, de par sa forme analogue aux god games*, relèverait plutôt d’une interactivité « externe ontologique ». Enfin, d’un point de vue esthétique, la gradation des quatre types d’interactivité de Ryan implique que tous les moyens soient mis en œuvre vers une plus grande immersion. C’est pourquoi les hypertextes sont cantonnés au premier type, tandis que les programmes de réalité virtuelle relèvent du quatrième type. Ces derniers visent notamment l’immersion, non seulement par l’identification du lecteur à un personnage, ou encore à son incarnation dans l’œuvre sous la forme d’un avatar, mais aussi par la possibilité technique – notamment à travers des interfaces matérielles type visiocasque, retour d’efforts, ou CAVE* – de pénétrer dans un univers virtuel. Or, notre corpus montre que la bande dessinée numérique reste essentiellement une affaire d’images en deux dimensions qui ne permettent pas un tel niveau d’immersion. Cosmic Georges, seul exemple de bande dessinée se présentant comme un monde virtuel en trois dimensions que nous connaissions, est un projet d’étudiants avorté.

Si cette grille ne peut être appliquée à notre objet, c’est parce que celui-ci reste fondé sur une spécificité centrale de la bande dessinée. Nous l’avons dit : il est avant tout affaire d’images en deux dimensions, fixes – mais nous allons voir que cette caractéristique est remise en cause – et dessinées – si on n’inclut pas à la bande dessinée le roman-photo. Et c’est ce type d’images qui est au cœur de l’interface de la bande dessinée numérique. L’interactivité n’est pas bâtie prioritairement sur un système d’hyperliens*, ou sur la possibilité de pénétrer dans un univers en trois dimensions, ni encore sur une rencontre avec une intelligence artificielle, mais sur des actions effectuées à même des images du type que nous venons de décrire. Si celles-ci peuvent avoir fonction d’hyperlien, elles sont avant tout des images. Si l’interface était déjà une « image », car relevant du design graphique et parce qu’affichée à l’écran, on peut dire maintenant qu’elle appartient au « dessin » de la bande dessinée numérique. En sens inverse, l’interface, ou des parties de l’interface, se nichent à l’intérieur même des vignettes, et plus seulement à l’extérieur de celles-ci. Dans le chapitre « Bricolage » de Prise de tête, ou, dans une moindre mesure, dans l’interface de l’outil « Fenêtres aléatoires », les fenêtres se confondent avec les cases, ou les cases avec des fenêtres. C’est aussi lié, dans ma pratique, au trait que

j’utilise : les bordures des cases sont tracées par le programme de dessin vectoriel, et sont des lignes rigoureusement droites, sans les variations d’épaisseur qui trahissent la façon de tenir le crayon et la présence du grain du papier. Toutes les cases de mes bandes dessinées ont une bordure d’épaisseur constante de un pixel, les bulles un demi pixel. Ces cases sont alors déjà des fenêtres : elles délimitent des zones d’inscription d’une image, d’un dessin, aussi droitement que le passage d’une autoroute découpe une forêt. Fenêtre et case, interface et image ne font qu’une : l’interface est image, l’image est interface.

3.1.2. L’image « jouable »

Il ne va pas de soi d’assimiler l’image à l’interface, et réciproquement. Il ne va pas de soi que le lectacteur agisse à même l’image : c’est que l’outil numérique donne à l’image des propriétés bien particulières qui en changent la nature même. Qu’elle soit numérisée à partir d’une image analogique, qu’elle soit une image de synthèse, ou qu’elle convoque en même temps ces deux procédés de fabrication55, l’image devient interactive. Elle est interactive pour son créateur : il dialogue avec elle au moment de sa fabrication. S’il lui donne l’ordre, par exemple, de passer de la couleur au noir et blanc, en exécutant la fonctionnalité appropriée du logiciel de traitement d’image, elle lui répondra.

L’image réagit littéralement aux injonctions de son auteur. Elle est interactive également en ce que les procédures techniques qui lui permettent d’apparaître à nos yeux, sur l’écran, font dialoguer entre eux différents objets numériques. On pourrait illustrer cela par le dialogue qui se joue entre les machines lors de l’affichage d’une image dans une page web : la machine client envoie une requête au serveur, lui demandant d’aller chercher dans sa mémoire et de lui faire parvenir ladite image. Le serveur répond à cette requête, et la machine client affiche l’image qu’il lui envoie. Enfin, l’image est interactive pour l’utilisateur, le spectateur : dans la configuration la plus simple, elle s’affiche quand l’utilisateur le lui demande.

Cette interactivité intrinsèque à tout objet numérique n’apparaît pourtant pas comme une évidence. D’une part, il y a méconnaissance de ces différents niveaux d’interactivité : habitués que nous sommes à nos « gadgets » informatiques, nous ne percevons plus ce que l’interactivité a de spécifique. Il nous apparaîtrait presque normal que l’image possède cette propriété, qu’on puisse

55. C’est le cas le plus fréquent dans notre corpus, même si cela ne semble pas évident au premier abord. Les contenus des vignettes sont en majorité des dessins scannés. Les boutons, menus et autres éléments d’interface, quant à eux, sont le plus souvent des images dessinées directement à l’ordinateur, donc produites par des programmes – application de traitement d’images (Photoshop), de dessin vectoriel (Illustrator) – ou même, s’agissant d’interfaces web, programmées directement dans un langage informatique. Ainsi, div {width : 100px ; height : 100px ; background-color : red;} rédigé dans la feuille de style (CSS) dessinera un carré rouge de cent par cent pixels dans la page web. Ces images n’ont de réalité hors de l’ordinateur ; il s’agit bien là d’images « synthétiques », des images « de synthèse », même si ce terme est habituellement employé pour désigner les images en 3D.

l’afficher et puis la faire disparaître d’un simple clic. D’autre part, cette propriété se trouve bien souvent sous-exploitée du côté de la réception. J’ai volontairement choisi comme exemple la demande d’affichage d’une image. En effet, outre le fait que ce « simple » échange entre l’utilisateur et la machine est si habituel qu’on ne perçoit plus sa spécificité – « ha, c’est donc ça l’interactivité ! » pourrait-on entendre –, l’interactivité est souvent réduite à ce type d’usage fonctionnel. On imite la bande dessinée en affichant des images, des planches, qui ne dépassent pas ce niveau d’interactivité.

Les manipulations possibles sont limitées à celles, utilitaires, de navigation de page en page, par exemple. Autrement dit, si l’image numérique est nécessairement interactive par nature, cette propriété peut rester inexploitée. Tout comme l’interdépendance interface-contenu, la nature interactive d’une image reste latente si l’auteur ne se l’approprie pas. Cela n’est évidemment pas une coïncidence : la corrélation est directe entre l’interface et l’interactivité, la première étant l’outil de mise en œuvre de la seconde. Cela sous-entend aussi qu’il y a différentes manières de se l’approprier, supposant une échelle des degrés d’interactivité dans l’œuvre : c’est là la raison d’être de notre grille de lecture. Si l’image est interactive par nature, elle est plus ou moins interactive par intentions – celles de l’artiste.

Pour résoudre cette apparente contradiction – l’image est nécessairement interactive mais peut ne pas l’être –, on peut distinguer une première interactivité, propriété ontologique de l’image numérique, et une autre interactivité, figure de création tributaire des intentions de l’artiste, et autorisée par la première. À ce niveau, c’est bien l’étude de la seconde qui nous intéresse : l’interactivité ontologique est un fait incontestable, l’interactivité d’intentions est une modalité de l’œuvre mesurable. Les objets de notre corpus mettent en œuvre cette modalité à différents degrés.

Écrire l’interface, c’est écrire l’interactivité, et réciproquement. C’est aussi écrire cette image particulière, l’image numérique interactive. Bande dessinée, interface, tout cela est affaire d’image, et d’un type bien particulier : l’image fixe dessinée narrative. Devenue interactive, elle est à repenser dans ses fondements – nous aurions tout aussi bien pu appeler ce chapitre « Réécrire l’image ». Interactif, l’outil numérique change la nature même de l’image. Interactive, la bande dessinée numérique remet en question son matériau essentiel – l’est-il d’ailleurs toujours ? Le dessin lui-même, la vignette, et tout autre élément graphique, ne sont plus tout à fait eux-mêmes : tous deviennent opérables. Ils autorisent non seulement auteur et machine, mais surtout spectateur – c’est ce côté qui nous intéresse maintenant – à opérer, agir, à même ces images. Elles deviennent des images « actables », terme que nous préférons au « actée » proposé par Jean-Louis Weissberg56. Si « l’image actée relève à la

56. Pierre BarBoza et Jean-Louis WeissBerg (dirs.), L’image actée : scénarisations numériques : parcours du séminaire L’action sur l’image, Paris, l’Harmattan, 2006.

fois d’une saisie interprétative et d’une activité physique, interventionniste »57, le participe passé réfère toutefois à une forme de passivité de l’image et à une réification de l’acte lui-même. L’effet de sens est moins dans l’action du spectateur que dans ses conséquences sur l’image, qui elle-même

« se laisserait faire ». Nous pensons pour notre part que l’image peut se montrer vraiment réactive, résistante, instaurant un réel échange avec le spectateur ; et que l’effet de sens se situe autant dans l’action elle-même que dans son résultat. C’est du sens en acte. C’est pourquoi nous convoquons la notion de « jouable » proposée par Jean-Louis Boissier. Il situe bien cette notion dans le contexte que nous venons de décrire : celui d’une image interactive et opérable. La notion de « jouable » vient s’intercaler entre le vocable de l’art et celui du « ludique », qui tous deux ne parviennent pas à traiter la question de cette image. Le « jouable », dérivé de la « jouabilité », englobe à la fois ce qui se passe entre le spectateur et l’œuvre, mais aussi ce qui est au cœur de l’image :

«

L’interactivité n’est pas simplement ce qui se situe entre le spectateur et l’œuvre. Si elle est entre le spectateur et l’œuvre c’est qu’elle est aussi à l’intérieur de l’œuvre. Il n’y a d’interactivité externe que s’il y a une interactivité interne. C’est le degré de perfectionnement interactif d’un objet sur le plan interne qui permet de l’ouvrir ; c’est là que se situe la jouabilité. La notion de jouabilité est là pour désigner la qualité des œuvres qui se réfèrent à un jeu, bien au-delà du jeu informatique proprement dit. […] l’art se découvre la nécessaire dimension de la jouabilité, celle de l’expérience relationnelle toujours présente en art mais résolument confirmée par ses techniques de mémorisation, de dialogue et de variabilité comme par le goût du moment. Cette jouabilité est alors celle de toute une famille de pratiques, de situations, d’événements ou d’objets qui s’appellent jeu.

Redisons-le, ce terme de jouabilité, emprunté aux jeux informatiques, voit donc sa signification élargie à toutes les acceptions du mot jeu. Le jeu, comme l’art, est protocole et dispositif, exercice et interprétation, distraction et travail. En parlant de jouable, on désigne une qualité, pas un type d’objets. On regarde comment des objets, des genres, des situations, des attitudes, des événements, sont rendus jouables, par le numérique et l’interactivité. Une esthétique de la jouabilité s’intéressera à une qualité singulière qui est une potentialité et une virtualité. »58

L’image interactive confine à une forme particulière d’opérabilité proche de celle du jeu. Mais elle n’est pas jeu uniquement au sens où on peut l’entendre dans « jeu vidéo », par exemple. Elle déborde de ce cadre, tout en l’absorbant, à travers un système de règles, ou à tout le moins un mode d’emploi. L’image interactive met en jeu, dans tous les sens de l’expression, la relation du spectateur à l’œuvre. Cette relation est autant un jeu au sens courant, qu’un pari sur l’activation d’un potentiel, d’une latence, par le spectateur – il ne s’agit plus ici de l’interactivité latente appropriée par l’artiste.

57. Jean-Louis WeissBerg, « Introduction générale », in Pierre BarBoza et Jean-Louis WeissBerg (dirs.), L’image actée, op. cit., p. 15.

58. Jean-Louis Boissier, « Jouable », op. cit., p. 18.

Boissier parle bien d’une « expérience relationnelle » qui, parce qu’elle est jeu – et non « ludique », qui tend trop à imposer l’argument de l’amusement – se fait tout à la fois « protocole et dispositif, exercice et interprétation, distraction et travail ». L’œuvre est tout cela, l’œuvre est jouable, mais à titre de potentialité, de virtualité. Il faut alors convoquer le qualificatif « jouable » et son suffixe -able : nous sommes en présence d’œuvres qui peuvent être jouées, plus précisément de situations qui peuvent être jouées, ou plus précisément encore de situations qui se jouent :

«

L’action de jeu s’identifie à une situation et à l’ensemble des règles qui l’inscrivent. L’énergie particulière que l’on rencontre dans jouable et jouabilité tient probablement à la singularité du mot jeu : n’est-il pas à la fois une activité et un objet, l’instrument de l’action, le jouir mais aussi le sujet et l’objet de la jouissance ? Jouable : parce que "ça joue". C’est possible et d’ailleurs c’est déjà en train de se faire. »59

Le jouable est expérience même de la relation à l’image, dans l’instant de la réaction interactive en temps réel. En même temps, le jouable se réfère au jeu, dans tous les sens du terme. Boissier cite plus tôt dans le texte le jeu musical, le jeu de construction, le jeu corporel, les jeux amoureux. Il mentionne également le jeu d’une pièce dans un mécanisme : interstice capital ouvert par l’image jouable.

L’image jouable de la bande dessinée numérique, avec ses spécificités, ouvre cet interstice : dessin ouvert, en même temps que brèche dans la séquence et dans la fixité. Quelles sont les conséquences pour cette image-là, et pour le récit dont elle constitue la plus petite unité discrète ?

3.2. Le récit dessiné et l’image « jouable » 3.2.1. Une image comportant différents états

3.2.1.1. L’affleurement dans Romuald et le tortionnaire

Pour répondre à ces questions, nous pouvons nous pencher à nouveau sur certaines figures de la bande dessinée numérique que nous avons établies à partir du corpus. L’image y connaît une interactivité d’intentions, même quand celle-ci se déploie dans des modules faiblement interactifs (exogènes-ajoutées par exemple). L’image y est donc « jouable ».

Pour ma part, j’envisage l’image dans la bande dessinée numérique avant tout comme une image activable, soulignant par-là qu’elle ne montre son entièreté qu’à qui va la chercher. Le spectateur réveille son état latent. Le spectateur met littéralement « en marche » l’image, il fait basculer son état de off à on. Si elle n’est pas très poétique, je pense que cette métaphore a au moins le mérite de

59. Ibid., p. 20.

la clarté. La page 40 de Argon Zark !60 l’illustre très bien : c’est en cliquant sur un interrupteur que le lecteur peut allumer toutes les lumières de la ville. Dans Romuald et le tortionnaire, j’ai choisi de rendre l’image activable non au clic, modalité conventionnelle, mais au survol. Le survol n’est bien sûr pas une modalité interactive inédite. Il est largement utilisé dans les interfaces des sites web. Il y sert bien à activer l’image, au sens où il permet de la faire passer d’un état à un autre – en terme

la clarté. La page 40 de Argon Zark !60 l’illustre très bien : c’est en cliquant sur un interrupteur que le lecteur peut allumer toutes les lumières de la ville. Dans Romuald et le tortionnaire, j’ai choisi de rendre l’image activable non au clic, modalité conventionnelle, mais au survol. Le survol n’est bien sûr pas une modalité interactive inédite. Il est largement utilisé dans les interfaces des sites web. Il y sert bien à activer l’image, au sens où il permet de la faire passer d’un état à un autre – en terme