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Notre but n'est pas de faire une étude exhaustive de l'historiographie africaniste sur le travail mais plutôt de mettre en lumière les grands traits des recherches abordant la question du travail forcé en Afrique de l'Ouest et plus particulièrement au Sénégal68. Il est possible d'analyser les mouvements majeurs de cette historiographie en trois thématiques.

Dans un premier temps, un ensemble d'études écrites pendant la période coloniale et sensible aux intérêts métropolitains, qui constitue ce que Vincent-Yves Mudime a pu qualifier de « bibliothèque coloniale »69. Ensuite, nous tenterons de déceler les clés d'analyse de la contrainte au travail dans le cadre des grandes ruptures de l'historiographie africaniste. Enfin, nous nous concentrerons sur le contexte particulier de l'historiographie du travail sénégalaise, qui, souffrant d'un certain prisme « dakarocentré », n'a que peu analysé les pratiques de travail obligatoire sur le territoire.

4.1 Une « bibliothèque coloniale » au service des intérêts métropolitains

Tout un ensemble d'études abordant la question de la main-d'œuvre dans les colonies, thèses de droit ou d'économie, essai d'administrateurs coloniaux, constitue une véritable « science coloniale » sur le travail. Pour certains auteurs, ces analyses défendant les intérêts de la métropole seraient à manipuler avec précaution car trop empreints de colonialisme70. À notre avis, c'est bien parce que cette première « science » sur le travail dans les colonies est coloniale qu'elle est intéressante. Nous rejoignons ici la réflexion de Fanny Colonna, qui dans un autre registre, a réfléchi à l'intérêt de la littérature ethno-historique coloniale de l'Algérie :

« Il y a une certaine naïveté, me semble-t-il, chez les auteurs qui s'évertuent à montrer qu'il y a du colonialisme dans cette science coloniale, du pouvoir dans ce savoir ; quand on y songe un instant, on arrive vite à la conclusion que c'est le contraire qui serait surprenant. Est-ce que la vraie naïveté, d'ailleurs, n'est pas celle qui consiste à penser qu'il existe un savoir sans pouvoir, une science sans intérêts, et plus précisément que le savoir que produit chacun d'entre nous échappe à cette détermination qu'il est si facile de percevoir dans le savoir des autres, spécifiquement quand il

68 Il convient par ailleurs de garder en tête la spécificité des études coloniales en France. L'article de Daniel Rivet, bien qu'un peu daté résume assez bien les tensions politiques et historiographiques auquel donne lieu le passé colonial. Rivet Daniel, « Le fait colonial et nous. Histoire d'un éloignement », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 33, n° 1, 1992, pp. 127-138. Pour un article plus récent, voir Dulucq Sophie, Coquery-Vidrovitch Catherine, Frémigacci Jean, Sibeud Emmanuelle, Triaud Jean-Louis, « L'écriture de l'histoire de la colonisation en France depuis 1960 »,

Afrique & histoire, vol. 6, n° 2, 2006, pp. 235–276.

69 Voir Mudimbe Vincent, The invention of Africa. Gnosis, philosophy, and the order of knowledge, Bloomington, Indiana University Press, 1988, 241 p.

70 Lakroum Monique, « Le travail en Afrique noire peut-il être l'objet d'étude scientifique », in D'Almeida-Topor Hélène, Lakroum Monique, Spittler Gerd (dir.), Le travail en Afrique noire. Représentations et pratiques à l'époque

appartient à d'autres champs scientifiques, d'autres lieux dans le temps et/ou dans l'espace. »71

Ces nombreux ouvrages, innombrables et volatiles, apparaissent centraux pour notre analyse car ils permettent de mettre à nu les discours, les modes de pensée ethnocentristes et les processus de légitimation de la contrainte sur lequel le pouvoir colonial français s'est appuyé.

Ce premier ensemble d'analyse peut être qualifié de borné et d'orienté : borné car ces savoirs se sont développés dans un contexte politique et culturel bien spécifique – la période coloniale – et ont contribué à construire et valider des grilles de lectures sur les sociétés dites « non-occidentales », servant ainsi de béquille idéologique à la domination impériale. Orienté, puisque le pouvoir colonial avait tout intérêt à accumuler un ensemble de connaissances sur les sociétés qu'il avait colonisées, afin de s'informer pour mieux s'affirmer et s'imposer.

De nombreux ouvrages écrits par des « experts » sensibles aux intérêts coloniaux (juristes, économistes, historiens auto-proclamés) soutinrent l'utilisation de la contrainte pour mettre au travail les populations indigènes. Les travaux de Marcel Rémond, Eugène Lestideau, Robert Cuvillier-Fleury, Charles Fayet, Jules Ninine, René Mercier ou encore Joseph Folliet72 dressent, dans un contexte marqué par des débats récurrents sur le travail forcé et le travail libre, les différents partis pris des milieux coloniaux et de l'opinion française sur ces questions. Certains proposent même un ensemble de méthodes à appliquer pour résoudre le problème de la main-d'œuvre dans les colonies.

Par ailleurs, certains écrits d'administrateurs coloniaux révèlent des informations riches. Henri Labouret73 publia en 1936 un article intitulé « le problème de la main-d'œuvre dans l'Ouest Africain français »74, analysant les notions de salariat et de travail forcé dans le contexte de la « mise en valeur » coloniale. Georges Péter, administrateur adjoint des colonies, écrivit quant à lui un ouvrage en 1933 intitulé l'effort français au Sénégal, où il dresse le bilan de l'action coloniale sur le territoire75. Sa vision est intéressante car elle correspond à la rhétorique coloniale de l'époque.

71 Colonna Fanny, « Production scientifique et position dans le champ intellectuel et politique. Deux cas : Augustin Berque et Joseph Desparmet », Le mal de voir. Ethnologie et orientalisme : politique et épistémologie, critique et

autocritique, Cahiers Jussieu n° 2, 1976, pp. 397-415. Cité par Dulucq Sophie, Écrire l'histoire de l'Afrique à

l'époque coloniale (XIXe-XXe siècles), Paris, Khartala, 2009, pp. 13-14.

72 Rémond Marcel, La main-d'œuvre dans les colonies françaises, Paris, Librairie Cerf, 1903, 155 p. ; Lestideau Eugène, La question de la main-d'œuvre dans les colonies et spécialement dans celles de l'Afrique occidentale

française, Thèse de droit, Rennes, 1907, 99 p. ; Cuvillier-Fleury Robert, La main-d'œuvre dans les colonies françaises relatives à la nationalité, Paris, L. Larose & L. Tenin, 1907, 265 p. ; Fayet Charles, Travail et colonisation : esclavage et travail obligatoire, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1931, 285 p. ;

Ninine Jules, La Main-d'œuvre indigène dans les colonies africaines, Paris, Jouve, 1932, 245 p. ; Mercier René, Le

travail obligatoire dans les colonies africaines, Paris, Larose, 1933, 242 p. ; Folliet Joseph, Le Travail forcé..., op. cit.

73 Henri Labouret fait partie de ces « administrateurs-ethnologues » comme Maurice Delafosse ou Robert Delavignette qui ont beaucoup écrit sur l'Afrique de l'Ouest. Voir par exemple Labouret Henri, Paysans d'Afrique Occidentale, Paris, Gallimard, 1941, 307 p.

74 Labouret Henri, « Le Problème de la main-d'œuvre dans l'Ouest Africain français », Politique étrangère, n° 3, 1936, pp. 37-47.

Bien qu'il indique que les besoins de la colonie n'imposent pas de recourir au travail obligatoire car ils sont satisfaits par l'offre de main-d'œuvre, il analyse cependant durant de longues pages l'effort des prestataires pour la construction du réseau routier ou celle de la seconde portion du contingent pour les chantiers de travaux publics. Ce paradoxe révèle beaucoup quant au positionnement officiel des autorités coloniales qui ne définissait la prestation que comme une obligation fiscale, un impôt en nature. C'était le même raisonnement pour la seconde portion du contingent, qui constituait pour l'auteur une obligation militaire et non une forme de contrainte au travail76.

4.2 Recrutement forcé de la main-d'œuvre et historiographie africaniste du travail

Comme nous l'avons évoqué en début de cette introduction, l'historiographie du travail forcé en situation coloniale souffre d'un manque de théorisation alors même que la contrainte au travail est un des éléments les plus largement évoqué dans les études historiques portant sur la période coloniale. Il convient dans un premier temps de faire un petit tour d'horizon du traitement de cette thématique dans l'historiographie des divers Empires coloniaux.

Les études concernant le travail forcé dans l'Empire anglais sont peu nombreuses77. On peut citer les articles de Roger Thomas et Kwabena Akurang-Parry qui s'intéressent au travail forcé utilisé par les autorités britanniques au Ghana78, ou encore l’article de Tiyambe Zeleza sur le recrutement forcé et les migrations dans le Kenya colonial79. Cet article constitue une des rares analyses jetant les bases d'une histoire sociale de la contrainte au travail, en prenant en compte les réactions des populations et le rôle qu'elles ont joué dans la reformulation du régime du travail. Dans la même veine, il faut noter l'ouvrage brillant récemment publié par Opolot Okia sur les

76 Ce paradoxe sera au cours du chapitre premier.

77 Une hypothèse d'explication réside peut être dans le fait que ces formes de contrainte n'aient pas revêtu le caractère aussi oppressif que dans l'Empire Français. C'était tout du moins la version officielle donnée par les autorités britanniques. Du fait de l'Indirect rule, les administrateurs britanniques étant moins informés et intéressés par le travail des chefs « traditionnels », et on peut envisager que de nombreux abus étaient commis et passés sous silence. D'autre part, alors que la question du travail forcé perdit de son importance en Afrique de l'Ouest francophone après la loi Houphouët-Boigny de 1946, dans les colonies anglaises, la thématique du travail forcé fut presque complètement négligé après 1925, date de son abolition théorique par l'Empire britannique. L'historiographie britannique sur le travail s'est plus particulièrement intéressée à la période de la Grande Dépression ou à l'effort de guerre pendant le second conflit mondial. Voir les références bibliographiques contenues dans l'article de Keese Alexander, « Slow abolition within the colonial mind: British and French debates about “vagrancy”, “african laziness”, and forced labour in West Central and South Central Africa, 1945–1965 », International Review of Social

History, vol. 59, n° 3, 2014, pp. 388-389. Voir aussi Ochonu Moses, Colonial meltdown: Northern Nigeria in the Great Depression, Athens (Ohio), Ohio University Press, 2009, 217 p.

78 Thomas Roger, « Forced labour in British West Africa: the case of the Northern Territories of the Gold Coast 1906-1927 », Journal of African History, vol. 14, n° 1, 1973, pp. 79-103. ; Akurang-Parry Kwabena, « Colonial forced labor policies for road-building in Southern Ghana and international anti-forced labor pressures, 1900-1940 »,

African Economic History, n° 28, 2000, pp. 1-25. Toujours sur le Ghana et dans un registre plus général voir

Mark-Thiesen Cassandra, « The “bargain” of collaboration: African intermediaries, indirect recruitment, and indigenous institutions in the Ghanaian gold mining industry, 1900–1906 » , International Review of Social History, vol. 20, 2012, pp. 17-38. On peut aussi noter la thèse en cours de Sarah Kunkel dont le travail s'intéresse à l'émergence du salariat au Ghana. Le titre provisoire de sa thèse est « The insitutionalisation of a labour market: unskilled labour and the North from 1930 to 1966 ».

79 Zeleza Tiyambe, « Labour, coercion and migration in early colonial Kenya » in Zegeye Abebe, Ishemo Shubi (dir.),

travaux communaux au Kenya dans la première moitié du XXème siècle80.

Les travaux d'Eric Allina au Mozambique, d'Alexander Keese et de Jeremy Ball en Angola81

ainsi que, dans une moindre mesure, ceux de Miguel Bandeira Jerónimo82, analysent quant à eux le système de travail forcé dans l'Empire portugais. Il faut aussi noter un renouveau des études sur le travail obligatoire dans l'Empire belge83, avec les recherches de Julia Seibert84 ou la thèse en cours de Benoît Henriet sur les conditions de travail une palmeraie du Congo Belge85. Enfin, il faut saluer la tentative comparatiste de l'ouvrage publié par le Centros de Estudos Africanos de l'Université de Porto, Trabalho forçado africano: Experiências coloniais comparadas86. Cette publication propose une compilation d'articles sur le travail forcé et obligatoire dans les différents Empires coloniaux87.

L'historiographie du travail en Afrique francophone suit en quelque sorte l'histoire politique du moment colonial. Alors que l'année 1946 fut marquée par l’abolition du travail forcé dans les colonies françaises, un ensemble d'études sur le travail furent publiées, dans un contexte où la question de la condition sociale du travailleur africain et des droits sociaux à lui accorder commençait à se poser, notamment après l’adoption du Code du travail des territoires d’Outre-mer de 1952. L'ouvrage Le travail en Afrique Noire, publié en 1952 par Alioune Diop, apparaît comme une référence. Il constitue la première synthèse majeure sur la question du travail en Afrique Noire, proposant une compilation d'articles sur des thématiques aussi variées que le travail forcé, la mécanique des bas salaires en Afrique ou les représentations diverses du travail88.

L'accession des anciens territoires colonisés à l’indépendance marqua une rupture majeure dans l'historiographie africaniste du travail. Une historiographie dite « nationaliste » se développa

80 Okia Opolot, Communal labor in colonial Kenya: the legitimization of coercion, 1912-1930, New York, Palgrave Macmillan, 2012, 186 p.

81 Allina-Pisano Eric, Slavery..., op. cit. ; Keese Alexander, « The constraints of late colonial reform policy: forced labour scandals in the Portuguese Congo (Angola) and the limits of reform under authoritarian colonial rule, 1955– 1961 » , Portuguese Studies, vol. 28, n° 2, 2012, pp. 186–200 ; « Searching for the reluctant hands: obsession, ambivalence and the practice of organising involuntary labour in colonial Cuanza-Sul and Malange districts, Angola, 1926–1945 » , The Journal of Imperial and Commonwealth History, vol. 41, n° 2, 2013, pp. 238-258 ; « Why stay? Forced labor, the Correia report, and Portuguese–South African competition at the Angola–Namibia border, 1917–1939 », History in Africa, vol. 42, 2015, pp. 75-108 ; Ball Jeremy, Angola's colossal lie: forced labor

on a sugar plantation, 1913-1977, Boston, Brill, 2015, 199 p.

82 Bandeira Jerónimo Miguel, « Internationalism and the labours of the Portuguese colonial Empire (1945-1974) »,

Portuguese Studies, vol. 29, n°2, 2013, pp. 142-163.

83 Il ne faut pas non plus oublier l'ouvrage de Northrup David, Beyond the bend..., op. cit.

84 Seibert Julia, « More continuity than change... »? New forms of unfree labor in the Belgian Congo, 1908-1930 », in Van der Linden Marcel (dir.), Humanitarian Intervention..., op. cit.

85 Le travail de Benoît Henriet entend étudier l'impact de la législation foncière et sociale coloniale sur l'environnement et les populations locales dans le cadre d'une concession agricole en forêt équatoriale. Henriet Benoît, Bleeding the rainforest. Law, land and labour in the Leverville oil palm concession (Belgian Congo,

1910-1940), Thèse de doctorat en Histoire, Université Saint-Louis Bruxelles, en cours.

86 Centro de Estudos Africanos da Universidade do Porto (dir.), Trabalho Forçado Africano - experiências coloniais

comparadas, Porto, Campo das Letras – Editores, 2006, 571 p.

87 La conférence internationale « Pathways into colonial (and postcolonial?) coercion: the creation and evolution of forced labour in sub-Saharan Africa under colonial rule, 1890–1975 » organisée par le projet ERC « Forced Labour Africa » au Ghana en Janvier 2014 avait pour ambition d'apporter un éclairage nouveau dans les études sur le travail forcé dans une perspective comparative. Une publication des communications proposées à la conférence est prévue.

alors, mettant l'accent sur les populations plus que sur les structures, établissant un lien entre colonisation et sous-développement, et s'intéressant plus particulièrement à la période précoloniale. Pour les chercheurs de l'époque, il fallait écrire une nouvelle histoire de l'Afrique « dépouillée des scories de l'ère coloniale »89. La majorité des études tendent à délaisser le fait colonial et les analyses évoquant le travail forcé sont presque inexistantes90. Certains travaux, qu'ils soient historiques ou non, se concentrent principalement sur le travail salarié urbain et l'histoire syndicale91. Pour le Sénégal, on peut citer par exemple les enquêtes d'André Hauser, sociologue à l'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-mer (ORSTOM)92, qui publia, tout au long des années 1960, de nombreux travaux sur les travailleurs salariés des industries dakaroises93.

L'historiographie marxiste qui se développa dans les années 1970-1980 se focalisa quant à elle sur la question du travail comme faisant partie du système de production capitaliste. Le travail apparaissait avant tout comme une relation de production. Dans ce cadre, la contrainte et le travail forcé étaient évoqués pour analyser les transformations récentes du travail et le développement de la précarisation du salariat. Une grande place fut donnée à l'histoire économique et aux analyses sur la mise en place par la puissance coloniale d'un système d’exploitation reposant sur la contrainte. On peut citer les ouvrages généraux de Samir Amin, Hilaire Babassana ou la thèse de Bernard Founou-Tchuigoua94. Des ouvrages plus centrés sur les travailleurs virent le jour, comme la synthèse de Bill Freund95 ou l'ouvrage collectif African Labor History dont l'introduction rend bien compte des enjeux de l'historiographie du travail de l'époque96. Il faut noter aussi des études plus locales, comme la thèse de Catherine Coquery-Vidrovitch sur les compagnies concessionnaires au Congo français ou encore les travaux de Hélène d'Almeida-Topor, Monique Lakroum ou Léon Kaptue97.

89 Awenengo Dalberto Séverine, Barthélémy Pascale, Tshimanga Charles, « Introduction : écrire l'histoire de l'Afrique autrement », in Awenengo Dalberto Séverine, Barthélémy Pascale, Tshimanga Charles (dir.), Écrire l'histoire de

l'Afrique..., op. cit., p. 13.

90 Pour un article critique sur cette historiographie, voir Messi Me Nang Clotaire, « L’histoire africaine en Afrique noire francophone, un double inversé de l’histoire coloniale ? L’exemple de l’historiographie nationale du Gabon (1982-2004) », Hypothèses, n° 10, 2007, pp. 283-293.

91 Pour un résumé de ces études voir Schler Lynn, Bethlehem Louise, Sabar Galia, « Rethinking labour in Africa, past and present », African Identities, vol. 7, n° 3, 2009, pp. 287-298. Voir aussi plusieurs articles d'Andreas Eckert sur les grands traits de l'historiographie du travail en Afrique. Eckert Andreas, « Geschichte der Arbeit und Arbeitergeschichte in Afrika », Archiv für Sozialgeschichte, vol. 39, 1999, pp. 502-530.

92 Aujourd'hui Institut de Recherche et de Développement (IRD).

93 Hauser André, Les industries de transformation de la région de Dakar et leur main-d'œuvre , Paris, Orstom, 1958, http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_5/b_fdi_16-17/21979.pdf (consulté le 25 juillet 2014) ; Rapport d'enquête sur les travailleurs des industries manufacturières de la région de Dakar, Paris, Orstom, 1965, http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers11-03/01672.pdf (consulté le 25 juillet 2014) ; Les ouvriers de Dakar : étude psychosociologique, Paris, Orstom, 1968,

http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers11-02/00930.pdf (consulté le 25 juillet 2014).

94 Amin Samir, L'Afrique de l'Ouest bloquée: l'économie politique de la colonisation 1880-1970, Paris, Éd. de Minuit, 1971, 322 p. ; Babassana Hilaire, Travail forcé, expropriation, et formation du salariat en Afrique noire, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1978, 255 p. ; Founou-Tchuigoua Bernard, Surexploitation de la force de travail

en Afrique : considérations théoriques et étude de cas, Thèse d'État, Université Paris VIII, 1977, 721 p.

95 Freund Bill, The African worker, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, 212 p.

96 Copans Jean, Cohen Rubin, Gutkind Peter Claus Wolfgang (dir.), African labor history, London, Sage, 1978, pp. 7-30.

De récents travaux, qui s'inscrivent dans le renouveau des études coloniales en France depuis 199098, abordent plus précisément la question du travail forcé. Ces travaux proposent, d'une manière générale, une démarche analytique tendant à déconstruire le caractère supposé hégémonique du régime colonial afin de rendre compte des rapports de force et de pouvoir complexes inhérents à la situation coloniale. L'ouvrage de Frederick Cooper, Decolonization and African society: the labor question in French and British Africa, constitue une référence dans le renouveau de cette historiographie du travail en Afrique, en se focalisant sur la constitution d'un salariat qui s’organise pour conquérir des droits sociaux. Bien que le travail forcé ne soit pas le cœur de son analyse, il aborde néanmoins la question de la contrainte au travail dans la formulation progressive d'un discours colonial sur la main-d'œuvre.

D'autres études, s'inscrivant dans des thématiques transversales au travail ont aussi abordé la question du travail forcé. La synthèse récente de Jean Frémigacci sur le pouvoir colonial à Madagascar99 analyse de nombreuses formes de travail contraints pour mieux disséquer la violence de l'entreprise coloniale, mais aussi pour pointer l’ambiguïté et les hésitations dans ses méthodes