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De l'éducation au développent durable à l'éducation à la démocratie directe : analyse réflexive des modules de formation interdisciplinaire Alplab

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Academic year: 2022

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Master

Reference

De l'éducation au développent durable à l'éducation à la démocratie directe : analyse réflexive des modules de formation interdisciplinaire

Alplab

ZOSSO-FRANCOLINI, Ismaël

Abstract

Ce mémoire est une réflexion sur le concept de démocratie situé dans le champ de la formation en vue d'une Education au développement durable. Notre objectif est de proposer des pratiques de formation à développer dans nos modules interdisciplinaires pour tenter de tracer le difficile sentier de la formation à la démocratie. Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps, présenter, et analyser nos modules de formation et en proposer une cartographie conceptuelle. Dans un second temps, nous allons réfléchir aux concepts qui structurent ces modules, tenter de les définir, de les délimiter et de les mettre en lien. À la suite de ce parcours d'analyse, nous tenterons de définir des espaces dans ce cadre conceptuel susceptibles d'être ouverts à des pratiques de formation à la démocratie et de dégager un outil de travail pour developper ces pratiques.

ZOSSO-FRANCOLINI, Ismaël. De l'éducation au développent durable à l'éducation à la démocratie directe : analyse réflexive des modules de formation interdisciplinaire Alplab. Master d'études avancées : Univ. Genève, 2016

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:107220

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Alplab.

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU

MAS "THÉORIES, PRATIQUES & DISPOSITIFS DE FORMATION D'ENSEIGNANTS"

PAR

Ismaël Zosso-Francolini

DIRECTEUR DU MEMOIRE M. Olivier Maulini

JURY

M. Alain Pache M. Philippe Gottraux

GENEVE septrembre 2016

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

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Ce mémoire est une réflexion sur le concept de démocratie situé dans le champ de la formation en vue d’une Education au développement durable. Notre objectif est de proposer des pratiques de formation à développer dans nos modules interdisciplinaires pour tenter de tracer le difficile sentier de la formation à la démocratie.

Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps, présenter, et analyser nos modules de formation et en proposer une cartographie conceptuelle.

Dans un second temps, nous allons réfléchir aux concepts qui structurent ces modules, tenter de les définir, de les délimiter et de les mettre en lien.

À la suite de ce parcours d’analyse, nous tenterons de définir des espaces dans ce cadre conceptuel susceptibles d’être ouverts à des pratiques de formation à la démocratie et de dégager un outil de travail pour developper ces pratiques .

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Table des matières

1. Préambule ... 3

Contre le développement durable ... 3

Et s’ils ne veulent pas changer ? ... 6

2. Introduction aux modules analysés. ... 9

2.1 La projection ... 10

2.2 Une démarche d’enquête et de création ... 10

3. Les matériaux de la recherche : les modules Alplab ... 12

3.1 Descriptifs ... 12

3.1.1 Pourquoi la montagne ? ... 13

3.2 Inscription des modules dans les curriculums ... 14

3.2.1 Curriculums formels – curriculums réels ... 15

3.2.2 Curriculums cachés : quand la ville rencontre la montagne. ... 16

4. Analyse des modules et cartographie : contextes et outils ... 19

4.1 Les contextes ... 19

4.1.1 Le contexte pédagogique ... 19

4.1.2 Le contexte politique ... 20

4.1.3 Lien entre EDD – démocratie - formation ... 21

4.2 Outils d’analyse ... 22

4.3 Carte conceptuelle des modules et géolocalisation des questions. ... 22

4.3.1 Constitution de la carte ... 23

4.3.1.1 Entre adaptation et résistance : l’échelle temporelle ... 24

4.3.1.2 Un mètre plus loin que l’horizon : l’échelle géographique ... 26

5. la carte : ... 27

Sur la base des analyse des modules, nous avons construit la carte qui suit, à la fois métaphore du chemin parcouru avec les étudiant-e-s et image de notre reflexion. ... 27

... 28

6. Vue globale ... 29

6.1 Trois espaces ... 30

6.2 L’espace du Faire ... 31

6.2.1 Complexité, pensée systémique, conflits : tensions d’une émergence dans les modules. ... 33

6.2.2 Les résistances du terrain ... 35

6.2.3 Les acteurs sont têtus : savoirs et expériences et savoirs de l’expérience. ... 36

6.2.4 Faire et défaire : les limites de cet espace. Critères d’évaluation ... 37

6.2.4.1 Militants ou résignés ? ... 37

6.2.5 Conclusion sur les lieux des possibles ... 40

6.3 L’espace de l’Etre ... 42

6.3.1 Les rapports de force ... 42

6.3.2 La déontologie à la base de l’identité professionnelle ... 44

6.3.3 Norme, valeurs, déontologie, éthique : un point de vue surplombant ... 45

6.3.3.1 La robustesse de la norme ... 46

6.3.4 L’éthique ... 47

6.3.5 Pour finir sur l’espace de l’être ... 48

6.4 L’espace de l’Agir ... 49

6.4.1 Faire et agir : l’évaluation et l’action ... 49

(6)

6.4.2 Un espace politique ... 50

6.4.2.1 La dévolution : une idée politique ... 51

6.4.3 Une démocratie égalitaire et populaire ... 52

6.4.4 Une démocratie auto-fondée ... 54

6.4.5 Une démocratie antibureaucratique ... 55

6.4.6 Une démocratie désordonnée ... 56

7. Utiliser la carte dans un processus de formation à l’EDD sur le terrain ... 58

7.1 spider ... 59

7.2 Description des indicateurs : ... 60

8. Conclusion : Ramuz et nous. ... 61

8.1 A la croisée des chemins ... 61

8.1.1 Le premier point structurant de notre espace : les échelles ... 62

8.1.2 Le deuxième point structurant de notre espace : les conflits ... 63

8.2 Les montées (les difficultés) ... 65

8.2.1 Légitimité – radicalité ... 65

8.2.2 La forme du produit ? ... 65

8.2.3 Le métier d’étudiant ... 66

9. Tentative d’ouvertures ... 67

10. Point final ... 68

Bibliographie : ... 70

Abréviations :

DD : Développement Durable

EDD : Education en vue d’un Développement Durable HEPVD : Haute Ecole Pédagogique du Canton de Vaud CDIP : Conférence des Directeurs de l’Instruction Publique PER : Plan d’étude romand

MER : Moyens d’enseignements romands BP : Bachelor primaire

MS : Master secondaire

MSPRO : modules de projets personnels en formation master SHS : sciences humaines et sociales

Cycle 1 : années 1 à 4 de la scolarité primaire obligatoire Cycle 2 : années 5 à 8 de la scolarité primaire obligatoire

Cycle 3 : année 9 à 11 de la scolarité obligatoire, aussi Secondaire 1 Secondaire 2 : formation post-obligatoire

Alplab : laboratoire pédagogique interdisciplinaire d’étude des Alpes en vue d’un développement durable de cet espace. Organigramme du laboratoire en annexe.

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1. Préambule

Contre le développement durable

Ce mémoire est une réflexion sur le concept de démocratie situé dans le champ de la formation en vue d’une Education au développement durable. Notre objectif est de proposer des pratiques de formation à développer dans nos modules interdisciplinaires pour tenter de tracer le difficile sentier de la formation à la démocratie.

Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps, présenter, et analyser nos modules de formation et en proposer une cartographie conceptuelle.

Dans un second temps, nous allons réfléchir aux concepts qui structurent ces modules, tenter de les définir, de les délimiter et de les mettre en lien.

À la suite de ce parcours d’analyse, nous tenterons de définir des espaces dans ce cadre conceptuel susceptibles d’être ouverts à des pratiques de formation à la démocratie.

Au cours de cette réflexion, nous entendons aller à l’encontre d’une vision libérale, consensuelle et pacifiée des rapports politiques et sociaux dont l’expression la plus aboutie aujourd’hui est le concept de développement durable (dans sa version faible et, en partie, dans sa version forte1). Il s’agit pour nous de trouver des chemins pour remettre au centre de la formation citoyenne la dimension conflictuelle de la politique. Le schéma le plus connu du développement durable qui pose la durabilité au centre de trois sphères parfaitement équilibrées et harmonieuses n’est pas seulement une mystification sociologique, mais bien plus, ce schéma est l’expression idéologique du libéralisme post-politique au sens où le définit Chantal Mouffe (Mouffe, 2005, 2016) ou du populisme industriel, tel que le définit le philosophe Bernard Stiegler, fondateur d’Ars industrialis (Stiegler, 2006, 2015).

1 Les précisions sur les deux types de développement durable sont posées dans le document suivant : Le développement durable en Suisse: Bases méthodologiques, DDC, ARE, 2004.

(http://www.are.admin.ch/themen/nachhaltig/00260/index.html?lang=fr), consulté le 13.08.2016. La différence est posée sur la gestion des stocks de capitaux (environnemental, économique ou social) à disposition d’un pays.

Dans la critique de la version forte du développement durable, nous n’incluons pas les courants qui travaillent à l’hypothèse de la décroissance, car ils sortent clairement du cadre posé par l’économie libérale.

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Il est donc intéressant d’examiner nos pratiques de formation qui sont en lien avec l’éducation en vue d’un développement durable, avec un regard critique et réflexif qui permet d’élaborer un cadre théorique et des propositions pratiques pour s’émanciper de l’EDD. Ce travail se base sur une empirie constituée de modules interdisciplinaires que nous avons construits de toutes pièces et réussi à faire inscrire dans l’offre de formation initiale de la HEP Vaud.

Dès le départ, le cadre politique et théorique, qui détermine notre approche dans la construction de ces modules, est celui d’un horizon irréconciliable entre le système économique et politique actuel qui génère une désintégration sociale et environnementale (que certains, à l’instar de Bernard Stiegler, qualifient d’anthropocène (Stiegler, 2015)) et la pratique d’une démocratie réelle et radicale. En d’autres termes, dans le contexte d’une société capitaliste, développement et durable sont antithétiques et ne peuvent pas se compléter. Si nous voulons sortir de l’impasse historique et épocale dans laquelle nous nous trouvons, il s’agit de penser des formes de résistance qui peuvent permettre aux générations présentes et futures de sortir de cette situation sans issue. C’est un parti pris politique, idéologique, éthique et déontologique que nous assumons.

Dès lors, une ligne de tension forte va caractériser notre pratique et ce mémoire est l’occasion d’y réfléchir car, dans cette recherche expérimentale, nous sommes à la fois chercheur et formateur. Cette situation induit des changements dans notre positionnement de chercheur. On observe, on analyse et on s’évalue soi-même. Ainsi, la tension, qui justifie notre travail, s’articule autour du prescrit primaire et secondaire, de ce que l’institution peut et/ou veut jouer comme rôle, de ce qu’un formateur peut ou veut légitimement développer comme pratiques de contre-pouvoirs et de pensée critique, de ce que les étudiantEs en formation peuvent ou veulent entendre et faire de leur point de vue dans cette dynamique. Il ne s’agit donc pas tant de savoir si notre approche est bonne ou mauvaise (d’un point de vue politique, pédagogique, didactique, etc.) mais de savoir jusqu’où cette approche peut fonctionner dans le cadre d’une formation d’enseignants.

Ainsi, il s’agira pour nous, d’abord, d’élaborer théoriquement une approche politique et critique du développement durable (DD) et de son pendant éducatif : l’éducation au (en vue d’un) développement durable (EDD). Il s’agira ensuite de problématiser le rapport entre EDD-DD et démocratie pour chercher à dégager des espaces de démocratie la plus radicale possible au sein de pratiques de formation d’enseignants en EDD.

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Notre question de recherche est donc la suivante : en partant d’une posture politique du développement durable, comment développer des espaces de démocratie radicale et d’autonomie dans les modules EDD ancrés sur le terrain ? Et quels apports à la formation ces pratiques peuvent-elles fournir ?

Dans un deuxième temps, nous chercherons à dégager une analyse de nos modules et d’en tirer un outil prospectif.

Au moyen de cet outil, nous formulerons enfin quelques propositions concrètes sur les espaces des possibles et sur les pistes à disposition pour développer nos modules dans le sens de cette recherche.

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Et s’ils ne veulent pas changer ?

Les interrogations des élèves sont parfois la source de profonds questionnements qui vont toucher l’ensemble des composantes de l’identité professionnelle. Parfois, elles remettent en cause la légitimité des savoirs, parfois elles nous interrogent sur le sens de notre enseignement, sur nos capacités, nos compétences, voire même sur notre « essence » d’enseignant ou de formateur.

Parfois, nous ne saisissons pas leurs questions. Parfois, elles ressemblent juste à un mauvais éclairage. Alors nous passons outre. Elles ne provoquent pas cette étincelle critique qui va déclencher en nous un processus réflexif en tant qu’enseignants, en tant qu’intellectuels (car les enseignants le sont !) et en tant que citoyens.

Ce n’est pas que nous ne voulons pas les examiner, tout simplement, nous ne sommes pas toujours réceptifs.

Et donc, s’ils ne veulent pas changer, que devons-nous faire ?

C’est la question que m’a posée une élève de 10e année dans un module en éducation en vue d’un développement durable2 au secondaire et qui va mettre dans l’embarras l’ensemble de mes étudiants à la HEP (également dans des modules EDD), lorsque je la leur soumettrai.

A l’intérieur de cette interrogation, nous découvrons une problématique essentielle, dans le sens où elle contient tous les éléments à débattre qui constituent le champ de l’EDD. Nous y trouvons le pouvoir en tant que substantif et en tant que verbe, nous y trouvons la volonté, le devoir, la résistance, l’indifférence, le possible, le probable, le souhaitable. Nous y trouvons la crainte et l’espoir, mais aussi l’impuissance et le fatalisme. Nous y trouvons La Loi, les lois, la norme, l’éthique, les valeurs et toutes les instances privées ou collectives qui décident de ce qui est bien, de ce qui est juste et de leurs contraires. Nous y décelons aussi et surtout une interrogation autour du comment nous décidons, du comment nous discutons, du comment nous respectons les décisions et surtout comment nous les rendons effectives.

Nous y trouvons le on, le nous, le eux et le je. Nous y trouvons l’école, le professeur, les élèves, cette élève-là et son monde et les autres, et ceux qui ne veulent pas changer. Nous y trouvons aussi, et c’est sur cette question que notre travail en EDD à la HEP s’est construit ces dernières

2 Voir l’organigramme du projet Alplab en annexe.

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années, une réflexion sur le rôle et la position de l’enseignant et des formateurs d’enseignants quant au futur de l’humanité qui est inscrit en chacun de nos élèves et de nos étudiants et qui devrait, selon nous, être le cœur de notre engagement envers eux.

Une seule petite question et c’est toute une avalanche d’interrogations qui se déclenche.

L’objet de ce travail traite donc de l’Education au développement durable et de la démocratie.

En effet, le problème que soulève cette question est celui de la contrainte, donc des rapports de force qui organisent une société : rapports de force qui peuvent être acceptés, en tout ou partie, ou contestés, ou remis en cause. Mais la remise en cause ou l’imposition de rapports de force ne tiennent pas du hasard. Dans notre présent, nous choisissons de travailler à la modification de ces rapports de force qui, en ces temps de populisme, ne nous sont politiquement pas favorables par la voie de la démocratie réelle, radicale. Il ne s’agit pas d’accepter les postulats qui veulent qu’il faut changer l’école pour changer la société (c’est donner une importance démesurée à l’école) ou son contraire qui consisterait à attendre que la société change pour que l’école suive (ce postulat demande trop de patience et ne laisse rien présager de bon pour l’école). Il s’agit, tout d’abord, de penser l’ensemble du système de formation comme un système qui a des limites au-delà desquelles il n’a plus d’influence et, ensuite, d’assumer notre position à l’intérieur de ce système pour développer des espaces de résistances. Former des enseignants à des pratiques de démocratie réelle ne changera pas toute la société, mais c’est déjà un levier à actionner.

Le terrain de notre recherche est la montagne. Nous reviendrons plus tard sur le choix de cet espace si particulier. Son approche, ce sont des modules visant à interroger les élèves du secondaire 1 et les étudiants de formation initiale (bachelor et master) sur le développement de cet espace.

Par déformation professionnelle certainement, mais aussi par passion personnelle, le cheminement à travers ce thème s’est construit de la même manière que se planifie, puis se concrétise une longue randonnée alpine. Comme le disait le grand alpiniste bullois Erhard Loretan : « L’objectif, lorsque l’on affronte une course en montagne, ce n’est pas d’atteindre le sommet, car au-delà, il n’y a plus de possibilités de choix, mais de rentrer à la maison pour pouvoir partager et en rêver à nouveau ». Nous entreprenons cette randonnée en gardant cette idée que le récit va occuper une place fondamentale dans notre recherche, car la montagne

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induit le récit. Chacun se souvient certainement, parmi ses lectures de jeunesse, de

« Derborence ». La poétique de Ramuz donne vie aux gens de montagne, aux gens de passage et à la montagne elle-même. Il n’explique pas la montagne ; il la raconte pour transformer notre regard sur elle. Nous tenterons de nous inspirer de cette démarche.

Alors, pour continuer sur cette métaphore, il convient d’être clair sur notre manière de marcher, sur notre démarche pour tenter d’atteindre le sommet que nous visons. A la manière de Napoléon qui devait traverser toute la France avec ses armées, nous pouvons considérer une marche comme un déplacement d’un point A à un point B, en un minimum de temps et avec un maximum d’efficacité. Napoléon comptait 60 kilomètres par jour et traversait la France en 10 jours. Mais lorsque nous avons marché avec des étudiants, cette manière d’envisager les déplacements et leurs progressions ne nous ont amené que fatigue et ampoules aux pieds. Cette démarche n’est pas très durable.

Ainsi, vu la centralité de la cohérence entre la forme et le contenu, entre ce que l’Ecole professe et la manière dont elle fonctionne, entre ce que l’EDD se fixe comme objectifs et les moyens pour y parvenir, nous n’allons pas tendre directement vers le sommet, mais observer le terrain, apprécier ses beautés, accepter ses surprises, ses obstacles, écouter les acteurs qui y travaillent, intégrer leurs options dans l’itinéraire, utiliser la carte, les expériences et les savoirs acquis pour tracer notre propre sentier.

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2. Introduction aux modules analysés.

Depuis plusieurs années, nous conduisons des groupes de futurs enseignants dans les Alpes et les Préalpes. Au début de cette expérience, notre objectif était de leur faire connaître ce milieu, sa fragilité et sa polysémie au travers de séquences didactiques en extérieur qui mettaient à leur centre la pensée systémique.

Dans une démarche très cognitiviste, nous voulions qu’ils maîtrisent la complexité de ce milieu culturellement si important pour les habitants de notre région3 et que cette compréhension des mécanismes de l’analyse systémique propres à l’EDD leur permette de transférer ensuite ces acquis dans une sphère plus large.

Or, plus nous arpentions les sentiers, plus la montagne nous happait et nous confrontait (parfois brutalement et douloureusement) à nos limites, au sens profond qui nous ramenait chaque fois à elle. Peu à peu, notre démarche a changé et la montagne, d’objet d’étude est devenue sujet, acteur de nos projets. Un acteur, ou un personnage pourrait-on dire, avec lequel il faut dialoguer de multiples façons, du sensible au conceptuel, en passant par le physique. Dans cette recherche, les étudiants ont joué un grand rôle, car chacun d’eux, à sa façon, a tenté d’interagir avec ce monde vertical, en apparence silencieux, et de cette polyphonie ont surgi toutes les questions en lien avec la simple interrogation que nous posait notre élève.

3 Sur l’importance du paysage alpin dans la représentation qu’ont les Suisses de leur pays, se référer aux ouvrages de François Walter (Walter, 2011) (Walter, Cabantous, Chappey, Morieux, Richard, 2011)

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2.1 La projection

Arpenter la montagne exige une carte. Une carte ne sert pas seulement à tracer un chemin sur un territoire inconnu. Une carte, c’est aussi et surtout de la poésie. Tout excursionniste connaît ce moment chargé d’émotions, lorsqu’il déplie une carte et qu’il se met à l’observer. Il est chez lui, encore loin des sommets, et ce qu’il voit, ce ne sont pas seulement des sentiers, des côtes, c’est ce que la carte lui raconte, c’est l’histoire de la montagne : les hommes, les animaux, les roches, le passé, le présent et le futur. Une carte dit ce qui est, mais il suffit d’y mettre des points d’interrogation pour qu’elle devienne énigme, problème, mystère à résoudre, enquête. Se penser dans la carte, c’est la mettre en récit, la transformer en histoire4.

Le projet Alplab5 est né comme cela, en 2012, en regardant une carte, en récoltant toutes les informations qu’elle pouvait nous donner et en pensant à toutes les couches manquantes : celles qui portent les histoires des hommes et des femmes qui vivent sur ces pentes.

2.2 Une démarche d’enquête et de création

Un sujet a retenu toute notre attention et nous l’avons proposé à nos étudiants : le futur de la montagne. Le choix de ce sujet s’est fait presque naturellement. En effet, en Suisse, l’espace montagnard cristallise et synthétise en ses représentations tellement d’éléments qui parlent de nous, de notre rapport à l’espace, aux temps, aux autres. Peter Bischsel disait que « la particularité du Suisse est qu’il voit son propre pays avec les yeux d’un touriste6 ». S’il a raison, alors la montagne ou, plutôt, une certaine image de la montagne, représente certainement le ciment de l’identité nationale. Bien plus que sur le mythe de Guillaume Tell ou sur d’autres

4 Toutefois, le simple récit quotidien ne suffit bien évidemment pas à produire un discours historique valide. C’est pourquoi, comme l’a montré Ricoeur (1983), le récit historique mobilise en même temps des procédés de contrôle et de mise à distance, des « coupures épistémologiques », qui le distinguent du récit ordinaire ou du récit de fiction.

La première coupure épistémologique est celle des entités, des acteurs individuels ou collectifs, concrets ou abstraits, sujets de l’action décrite par le récit historique. La seconde est celle de l’explication historique, justifiée par des preuves, qui articule la restitution des buts et des motifs qui poussent les acteurs à agir en fonction de leur appréciation du contexte et de leurs intentions. La dernière est celle de la mise en évidence de la temporalité, de la périodisation qui structure la mise en intrigue du récit historique. » (Carriou, 2010)

5 Alplab = Laboratoire alpin

6 BICHSEL, P., Des Schweizeres Schweiz, 1997

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légendes, voire même sur le sentiment institutionnel d’attachement à la démocratie semi- directe, nous construisons notre attachement à ce pays par l’intermédiaire d’un paysage, lui aussi souvent imaginaire. Et tant pis pour celles et ceux qui veulent croire que l’apprentissage d’une certaine histoire de la Suisse renforcera la cohésion nationale et l’intégration. La randonnée en montagne est bien plus efficace.

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3. Les matériaux de la recherche : les modules Alplab

Notre recherche s’est construite sur des matériaux : les modules bp53 et mssh38, et avec une intention de base : la formation à la démocratie. Ces modules sont analysés en annexe. Il est important de s’y reporter7.

3.1 Descriptifs

Les modules Alplab que nous avons élaborés, sont proposés à des publics différents : aux élèves du secondaire 1 d’un établissement lausannois, aux étudiants en formation bachelor primaire, aux étudiants en master secondaire 1 à la Haute Ecole Pédagogique du canton de Vaud (HEP VD) et à des enseignants en place dans le cadre de formations continues8. Dans le plan d’étude de la HEP VD, les modules s’inscrivent dans une offre de cours interdisciplinaires et d’approfondissement que les étudiants doivent choisir durant leur cursus. Le module pour les futurs enseignants du primaire se déroule sur un semestre (le cinquième), celui pour leurs collègues du secondaire 1 sur deux semestres.

Dans les deux cas, les modules se construisent en plusieurs phases :

• La première se déroule sous la forme d’un premier séjour sur le terrain durant lequel : - les étudiants se familiarisent avec le milieu et ses acteurs,

- ils prennent la mesure du terrain et de ses conditions : physiquement, sensiblement et cognitivement,

- ils élaborent collectivement un projet cohérent d’activités orientées EDD pour les élèves de leur degré respectif.

• La seconde phase est une phase de construction des activités en séminaire. Elles sont élaborées par groupes, puis régulées par les formateurs et par le collectif. Cette partie se veut itérative et les objectifs, ainsi que les conditions matérielles de leur réalisation sont régulièrement évalués collectivement. Durant ce deuxième moment de travail, un apport méthodologique et de connaissances est donné par les formateurs et par des intervenants

7 Pour des questions de format nous n’avons pas pu les insérer ici. Pour une bonne lecture du texte, il est important d’en prendre connaissance à ce stade.

8 Vu l’inscription de cette recherche dans le cadre de la formation des enseignants, nous nous centrerons sur les modules proposés à la HEP.

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externes (guides, spécialistes du terrain, responsables de sécurité,…) sur la base des demandes des étudiants qui doivent identifier préalablement leurs besoins. Les spécialistes sont donc mis au service du collectif et du projet et non l’inverse.

• Les modules se concluent par une troisième phase en trois temps : - le test des activités entre les étudiants eux-mêmes,

- le test des activités par des classes sur le terrain,

- une régulation des activités par les étudiants sur la base des retours de leurs pairs, des élèves et des enseignants qui ont participé au test.

3.1.1 Pourquoi la montagne ?

Le choix du terrain montagnard comme espace d’expérimentation pédagogique autour de la démocratie s’est imposé pour une raison de passion personnelle, mais surtout à cause de sa verticalité. En effet, et nous y reviendrons souvent dans ce travail, contrairement à la plaine, la montagne, de loin, est saisissable dans son ensemble, mais plus on l’approche, plus les plans se séparent en lieux distincts qui concentrent en peu d’endroits un condensé extraordinaire de mémoires, de traces et des conflits actuels entre le possible, le désirable et l’impossible. C’est aussi un espace qui structure notre culture dans de très nombreux aspects et un paysage qui fonctionne anthropologiquement comme horizon identitaire pour les Suisses. La montagne, et son indépassable esthétique, pose un absolu en terme de valeurs (dans l’esprit des étudiants, le consensus est total : la montagne, c’est beau) qui nous permet de l’utiliser comme levier pour entrer dans le monde des valeurs, des représentations et de la norme (et de leur contestation).

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3.2 Inscription des modules dans les curriculums

Certains modules, dans l’offre de formation professionnelle, se construisent directement en lien avec une ou plusieurs compétences-clés qui sont identifiées et institutionnalisées dans les référentiels de compétences de nos institutions. Les contenus des modules découlent donc des compétences choisies. S’instaure alors un aller-retour entre les objectifs des compétences, leurs composantes, la planification des modules et leurs contenus.

Dans les enseignements des didactiques disciplinaires, la partie administrative, qui consiste à communiquer à l’unité de programmation les compétences et les composantes travaillées dans les modules, n’est jamais très longue et assez évidente. Il y a une concordance dans la demande entre ce que veulent les étudiant-e-s, les formateurs et les praticiens du terrain qui s’organisent autour de la transposition, de l’évaluation, de la planification et des différentes pratiques partagées. La discordance s’exprime plutôt entre le côté théorique perçu par les étudiant-e-s et la demande de concret.

Dans le cas des modules interdisciplinaires, qui font référence à des pratiques peu reconnues dans l’enseignement traditionnel, vu que ces modules se développent en dehors des murs de l’école, il n’y a pas de consensus autour des compétences formelles que ces modules doivent apporter aux étudiant-e-s. Certains le regrettent et toute une série de publications et de colloques tentent de définir des référentiels formels de compétences pour institutionnaliser les pratiques de formation, notamment dans le domaine de « éducations à… ». Mais ce processus reste à l’heure actuelle assez mouvant et peu stabilisé. Toutefois, le rapport à la démocratie y est central (Lange, 2015).

Dans l’analyse des modules que nous avons élaborés, il ressort assez immédiatement, en regard de la diversité des compétences et des composantes que nous avons inscrites dans les descriptifs des cours9, que la difficulté principale de ces projets très globaux réside justement dans le fait

9 Agir en tant que professionnel critique et porteur de connaissances et de culture. Permettre à la classe d’exister comme un lieu ouvert à la pluralité des cultures. 
Agir de façon éthique et responsable dans l’exercice de ses fonctions. Discerner les valeurs en jeu dans ses interventions.Légitimer, auprès des publics intéressés, ses décisions relativement à l’apprentissage et à l’éducation des élèves. Concevoir et animer des situations

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qu’ils pourraient englober pratiquement l’entier du référentiel de compétences car, comme le remarque un étudiant : « on fait de tout et on vit beaucoup de choses». Comme il est évident qu’un module de formation ne peut avoir la prétention de développer et de faire progresser les étudiants sur l’ensemble des compétences10, cette utilisation à large spectre du référentiel de compétences nous dit autre chose.

3.2.1 Curriculums formels – curriculums réels

En effet, il n’y a pas de compétences et de composantes qui ne seraient spécifiques qu’à ce type de modules. La compétence spécifique naît d’une intégration des différentes compétences, d’où un retour réflexif de la part des étudiant-e-s plus compliqué et plus lent temporellement (il sera surtout lié à la mise en pratique de projets ultérieurs). L’historique de l’organisation des modules, les discussions entre les formateurs et les retours d’évaluation que les étudiant-e-s ont donnés soit aux formateurs, soit à l’unité de qualité, révèlent un manque de clarté dans l’identification des compétences référencées, et donc de l’inscription de ces modules dans les curriculums formels. Est-ce évitable ? Ou mieux encore, serait-il souhaitable que ces modules s’inscrivent plus clairement dans les curriculums formels ? La question reste ouverte, car elle dépend moins d’un choix du formateur que des exigences de l’institution. Par contre, ces interrogations nous amènent naturellement à souscrire à l’inscription des modules dans les curriculums réels.

Sur ce versant de notre montagne conceptuelle, les compétences travaillées sont à la fois beaucoup plus facilement identifiables et spécifiques à la démarche du projet et à son inscription

d’enseignement et d’apprentissage en fonction des élèves et du plan d’études. Guider les élèves dans la sélection, l’interprétation et la compréhension de l’information disponible en fonction des exigences d’une tâche ou d’un projet. Evaluer la progression des apprentissages et le degré d’acquisition des connaissances et des compétences des élèves. Faire participer les élèves au processus d’évaluation.Planifier, organiser et assurer un mode de fonctionnement de la classe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves. Recourir à des stratégies adéquates pour prévenir l’émergence de comportements non appropriés et pour intervenir efficacement lorsqu’ils se manifestent. Participer au choix, à l’élaboration, à la réalisation et au bilan de projets de l’établissement scolaire. Organiser et faire évoluer la participation des élèves à la vie de la classe et de l’établissement. Porter un regard critique sur ses propres origines et pratiques culturelles et sur son rôle social.

10 Seule l’intégration des mitics n’est pas touchée, pour des raisons matérielles et de faisabilité mais également d’intérêt des formateurs.

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dans le cadre de l’EDD. Il est question de pédagogie du projet, de pensée systémique, de complexité, de pratique du débat, de gestion des rapports entre les acteurs… Ces compétences sont systématiquement identifiées par les étudiant-e-s.

On peut relever toutefois un élément qui revient à de nombreuses reprises dans les évaluations : si les étudiant-e-s identifient un certain nombre de compétences réelles, ils ne les définissent pas comme des compétences transversales, mais comme spécifiques à la démarche proposée à ce projet. Et ces compétences sont étroitement liées à sa concrétisation matérielle, à son aboutissement, et plus encore à son inscription physique dans le terrain. Ainsi, au regard de notre démarche, de nos choix de dévolution et de notre recherche de l’autonomie des acteurs comme condition de base pour une démocratie réelle et non formelle, la concrétisation des débats, des discussions, des décisions, des hésitations, des renoncements, des bons choix comme des erreurs, doit acquérir une dimension physique, corporelle, pour dépasser la valeur d’exemple et acquérir celle de l’expérience.

Dans le cadre que nous proposons, nous souhaitons que la conscientisation ou l’intégration de l’acquisition de la compétence réelle par l’étudiant passe par la transformation de l’exercice d’une compétence à l’expérience d’une compétence. A la question de savoir ce qui a été le plus important dans les modules, les réponses des étudiant-e-s concordent sur un point : « les sorties ». L’expérience ou l’expérimentation globale, cognitive, physique, sensible que cette réponse met en avant, prend toute son importance. Si l’on revient donc à la question de savoir s’il est souhaitable d’inscrire plus clairement les compétences que ces modules mettent en avant dans le cadre d’un référentiel formel, il nous semble plus utile que les aspects qui sont directement en lien avec la prise d’autonomie des acteurs soient, eux, mis en avant.

Dans ce processus nous touchons au cœur du problème qui nous intéresse dans cette pérégrination : ce qu’on ne voit pas.

3.2.2 Curriculums cachés : quand la ville rencontre la montagne.

Un concept, très flou mais omniprésent chez les étudiant-e-s, se retrouve au centre des débats et joue le rôle de révélateur de la complexité de ce milieu : la nature. Une question surgit alors très rapidement chez les étudiant-e-s. Que faire si l’on se présente chez un alpagiste avec un projet en EDD et une conception très marquée par des valeurs de préservation de

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l’environnement, et que celui-ci ne les partage pas11 ? Ou, si le schéma du développement durable, avec ses trois sphères égales qui se croisent de manière parfaite, ne correspond pas du tout à ce qu’ils observent sur le terrain ? Alors, ils élaborent des activités qui mettent en lumière les différentes visions et pratiques observées. Et dans la préparation de ces activités destinées aux élèves, les étudiant-e-s mobilisent davantage leurs propres valeurs et une réflexion importante sur la posture à développer12. Dans les retours, à la fin du module, cet aspect n’est pas apparu immédiatement, mais il émergea lors des entretiens que nous avons conduits. Nous allons donc conduire notre recherche sur le questionnement que ces modules ont soulevé autour des valeurs, de la « justesse » des valeurs des uns et des autres et des objectifs des enseignants dans ce terrain instable. En somme, lorsque la ville va à la montagne, quelle est la légitimité de sa parole et comment construire un espace légitimant ?

3.3 Une posture politique : la formation à la démocratie.

Dans les cursus de formation des enseignants-tes, il existe un certain nombre de modules qui mettent au centre de leur contenu et de leur fonctionnement des questions relatives à la démocratie et/ou à l’éducation en vue d’un développement durable (EDD). Dans ces modules, le positionnement politique est un facteur qui questionne le/la formateur/trice. Les questions traitées sont des enjeux politiques débattus en dehors du champ scolaire et provoquent parfois des réactions très vives. La place des opinions, des valeurs dans le cadre d’un processus de formation d’adultes en EDD pose-t-elle des questions spécifiques, différentes que celles posées dans le cadre de l’enseignement obligatoire où prévaut le rapport professeur-élève ? Dans ces modules, l’espace qui est créé pour l’échange d’opinions et de positions est déterminant, ainsi que les règles, cadres et processus qui régissent cet espace. En fait, c’est la question de la production d’un espace démocratique dans l’espace de formation qui est en question. Les

11 Les étudiant-e-s ont produit un support didactique qui décrit le rôle central de l’activité pastorale dans la préservation de l’environnement, du paysage et des éco-systèmes et ont été surpris de constater que des alpagistes utilisent des produits chimiques pour désherber leurs alpages, même en zone source.

12 On ne trouve quasi pas un texte sur le DD ou sur l’EDD qui n’évoque pas l’importance des valeurs, car « agir est avant toute chose une affaire de croyance et donc de valeurs ».

(Pellaud, Bourqui, Bouverat, Gremaud, 2013). Sur la question spécifique des valeurs dans l’EDD : Awais, 2016.

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conditions d’existence d’un tel espace sont données par Dewey (Dewey, 1916-2011) et citées par Lange (2011)13.

Notre recherche, nous l’avons déjà noté, se construit sur une analyse des deux modules en EDD (les modules Alplab BP53 et MSSH38) pour dégager, dans un premier temps, une carte conceptuelle. Nous nous interrogerons, dans un deuxième temps, sur les espaces de cette carte et sur les relations entre les différents espaces et leur organisation. Nous proposerons ensuite une formalisation de la carte pour une utilisation plus large.

Ce travail de modélisation d’une pratique de formation va, d’une part, nous permettre de construire un cadre théorique et, d’autre part, nous permettre de formuler des hypothèses sur les interstices possibles pour le développement d’un espace démocratique cohérent (qui forme à l’expérimentation de la démocratie). Un travail d’entretiens conduits avec les étudiant-e-s impliqués dans les deux modules et avec des formateurs qui animent d’autres modules EDD nous a permis d’affiner nos hypothèses et de les confronter aux acteurs de ces modules. Les entretiens se sont donc orientés dans différentes directions :

- l’adéquation entre la forme et le contenu dans les modules EDD, - la perception de la pertinence des modules EDD,

- l’explicitation d’une formation à la démocratie dans le cadre d’une formation à l’enseignement en EDD,

- la problématisation des postures des formateurs-trices dans les modules EDD,

- l’importance du produit par rapport au processus dans une optique de pédagogie du projet,

- la compréhension et la représentation de la notion de démocratie (dans l’école et en dehors) chez les étudiants-es et les formateurs-trices de ces modules dans l’UER SHS de la HEP,

13 « Il faut, premièrement, que l’élève soit dans une situation d’expérimentation authentique, que l’activité à laquelle il s’intéresse pour elle-même soit continue ;

deuxièmement, qu’un problème réel se pose dans cette situation pour stimuler la pensée ;

troisièmement, que l’élève possède le savoir et fasse les observations nécessaires pour aborder le problème ; quatrièmement, qu’il suggère des solutions qu’il aura la responsabilité de développer de manière méthodique ; cinquièmement, qu’il ait l’occasion de mettre ses idées à l’épreuve en les appliquant pour clarifier leur signification et découvrir lui-même leur validité. »

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- la compréhension et la représentation des éléments qui peuvent déterminer le choix (pour le formateur-trice) ou le ressenti (pour l’étudiant-e) d’une posture politique.

Les contenus des entretiens n’entrent pas directement dans le présent travail, mais ont été nécessaires pour organiser et penser d’une manière réflexive le cadre d’analyse de nos propres modules.

4. Analyse des modules et cartographie : contextes et outils 4.1 Les contextes

Il faut tout d’abord considérer que nos modules s’inscrivent dans deux contextes plus larges : un contexte pédagogique et un contexte politique.

4.1.1 Le contexte pédagogique

Au niveau pédagogique, l’EDD est désormais un champ à part entière, dans le sens qu’il est inscrit institutionnellement dans les curriculums de formations, dans les plans d’étude et dans le cadre institutionnel au niveau national (CDIP) et international (La Suisse a participé à l’Agenda21 et à d’autres initiatives à l’échelle internationale qui ont un volet éducatif). De plus, les pratiques enseignantes attestent, depuis plusieurs années, la construction de certains paradigmes propres à l’EDD (Pommier, Hardouin, Magnier, 2009), (Audigier, 2012) qui sont formalisés en Suisse romande dans le PER14. L’EDD, par le biais du jeu institutionnel et des

14 « La Suisse intègre l’EDD d’abord dans la « Stratégie 2002 pour le développement durable » sous la mesure n°5 : « Sensibiliser la population à la formation ». Elle s’engage notamment dans la décennie de l’éducation en vue d’un développement durable 2005-2014 et met en œuvre diverses mesures y référant. Elle ancre ensuite l’EDD dans la loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des Hautes écoles (LEHE). Il en découle que les HES – y compris les Hautes écoles pédagogiques (HEP) - doivent depuis 2010 fournir « des preuves » de leurs engagements en faveur du DD pour être accréditées par l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT). L’autre grand chantier que la confédération a lancé durant cette décennie concerne l’intégration de l’EDD dans l’école obligatoire. Suite à l’adoption des nouveaux articles constitutionnels sur la formation en 2006, la Confédération profite du processus d’harmonisation pour intégrer les objectifs de l’EDD dans les nouveaux plans d’étude. En parallèle, la Confédération lance en 2013 la fondation Education21 qui agit comme centre national de compétences en EDD pour l’école publique et le degré secondaire ll.

Sur le terrain l’EDD n’est pas complètement nouveau, car de nombreux enseignants le mettent probablement en pratique sans le communiquer en tant que tel. Les auteurs de « Demain en main » (2013) stipulent d’ailleurs dans l’introduction « qu’il n’est pas nécessaire de modifier tout son enseignement pour intégrer le développement

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acteurs engagés à tous les niveaux de la formation, tente de constituer peu à peu son autonomie, bien que cela soit l’objet d’un débat très vif entre les différentes disciplines qui accueillent des projets orientés EDD. Plus largement, on assiste à l’émergence dans le champ de la formation d’une multitude « d’éducation à… ». Ce phénomène a été observé et problématisé par de nombreux-ses auteurs autour d’un triangle parfois conflictuel : enjeux sociaux-école-savoirs scolaires (ou disciplinaires). Dans cette relation, les recherches mettent l’accent sur la place des savoirs disciplinaires et des savoirs stabilisés et leur utilisation dans des processus de discussion ou d’étude de problématiques interdisciplinaires, transdisciplinaires, voire, selon certains, adisciplinaires (Simonneaux, J., Tutiaux-Guillon, N. et Legardez A., 2012), (Hertig, 2011) (Lange, 2011).

Le rôle et la construction des savoirs (l’épistémologie) à mobiliser, tant pour les élèves que pour les étudiant-e-s en institution de formation, sont déterminants, car c’est de ce point de vue-là que vont se construire politiquement (dans le rapport à la société) les objectifs des formations.

La primauté du politique au sein de ce champ est mise en avant régulièrement, mais avec des perspectives assez différentes selon qu’on pose la centralité des mouvements (Jimeneiz- Aleixandre, 2006) ou de l’acteur en tant qu’individu rationnel (Fabre, 2014).

4.1.2 Le contexte politique

Dans un contexte politique plus large maintenant, nos modules de formation s’inscrivent dans une dynamique de lutte autour des enjeux politiques, économiques et sociaux, tels que les questions du réchauffement climatique (COP21), de la préservation des espaces alpins (votation sur le transit alpin (1994), de la gestion des espaces par l’homme (votations sur la LAT (2013) et Lex Weber (2012). Dans cette lutte, les apports idéologiques sont forts et se répartissent sur un axe qui va de la décroissance (Latouche, 2004, 2010) ou de l’écologie sociale (Bookchin, 2005, 2014) aux théories libérales sur l’environnement (financiarisation du capital écologique) en passant par un apport fort d’une citoyenneté critique et écologique (Bader, Sauvé, 2012), (Perrenoud, 2004).

Notre réflexion sur la démocratie s’inscrit, elle aussi, dans un contexte qui voit cette notion politique fortement remise en cause, en Suisse et ailleurs. Par ailleurs, on relèvera que, pour le PER, la démocratie est étroitement liée à un catalogue de bonnes pratiques citoyennes (CIIP,

durable » (p. 7). Pour représenter l’EDD dans l’école obligatoire au degré secondaire l, nous allons l’aborder à travers « le contexte, les objectifs et les compétences. », Styger, 2016

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2010, p.49). Dans ce moment de crise de légitimité de la représentation politique (Bauman, 2014, Stiegler, 2015, Mouffe, 2005), un courant de pensée hors école (Gaxie, 1978, Rancière, 2005 Castoriadis, 2010 Chollet, 2011) et dans l’école (Perrenoud, 2004, Jimeneiz-Aleixandre, 2003), ainsi que des mouvements citoyens posent la question de la défense de la démocratie directe et d’un nouveau souffle à insuffler à celle-ci.

4.1.3 Lien entre EDD – démocratie - formation

Mais quelle est la légitimité de ce questionnement dans le cadre de la formation des enseignant- e-s ? Pourquoi est-il intéressant de se pencher sur les problèmes que pose le concept de démocratie dans les pratiques de formation à l’EDD au sein d’une HEP ? En fin de compte, lorsqu’on marche et qu’on s’oriente avec une carte, on ne s’interroge pas sur les conditions de production de la carte. Elle est là et on lui fait confiance. Pourtant, il suffit d’observer la couverture proposée par la revue « Cahiers pédagogiques »15 pour son dossier « Former les futurs citoyens » pour se rendre compte que la question des rapports de force, des conflits et de la violence qui habitent et régulent la démocratie, n’est pas mise au premier plan. Considérer que l’école doit former des citoyens et leur donner les outils pour pratiquer une citoyenneté active et durable, c’est prétendre que la société qui recommande ces pratiques est démocratique et pourrait être durable. Sinon, le jeu ne tient pas. Or, si l’on considère que la forme de la structure de pouvoir qui régit nos sociétés correspond davantage à une oligarchie libérale (Rancière, 2006), une formation à la démocratie ou en vue d’un développement durable ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les rapports de force et sur les conflits. La démocratie n’est pas un état auquel les enseignants devraient habituer les élèves (et donc auquel les institutions de formation devraient former les étudiant-e-s) mais un processus constamment en tension. Si l’on considère que ces questions ne sont pas légitimes, alors on considère que la démocratie réelle ne l’est pas non plus. Travailler avec les étudiant-e-s sur le lien entre la formation et la politique, c’est donner un rôle à l’école, penser l’identité professionnelle et personnelle, mais aussi mettre des limites à ce que le système de formation peut faire ou ne pas faire.

15 Cahiers pédagogiques, n°530, juin 2016, en annexes

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4.2 Outils d’analyse

Il faut ensuite considérer que ces modules sont avant tout une pratique et, en tant que telle, elle appartient en bonne partie à celles et ceux qui les pratiquent : les étudiant-e-s.

Pour analyser nos modules, nous avons donc constitué des catégories de pratiques16 en nous inspirant assez librement des distinctions entre le travail réel et prescrit:

- ce qui a été prévu (documents de présentation, descriptifs…), - ce qui a été fait (les grilles de travail des étudiants),

- ce qui a été produit (les résultats en fin de module),

- ce qui a été évalué (les examens oraux pour présenter les productions), - ce qui a été discuté et négocié pour passer de l’étape une à l’étape quatre, - ce qui a été abandonné.

Pour faire émerger les concepts qui organisent nos modules, cartographier notre espace de formation et y tracer les parcours de recherche, Carlot et Leininger (2009) nous proposent une grille intitulée « appréhender les facettes de l’écocitoyenneté17 ». Elle nous est apparue tout à fait pertinente de par l’intégration d’une dimension conflictuelle dans ses critères, pour analyser les composants de chaque catégorie de pratiques des modules.

4.3 Carte conceptuelle des modules et géolocalisation des questions.

Au cours de ces différentes années du projet Alplab, un territoire de questionnements s’est constitué peu à peu. Nous allons tenter de cartographier cette géographie conceptuelle. Une fois cet espace défini, nous pourrons ensuite proposer un cheminement qui devra nous permettre

16 Tableau récapitulatif des modules en annexe

17 cf annexes

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d’aborder les questions centrales de cette recherche et de formuler des propositions pour développer nos modules.

4.3.1 Constitution de la carte

Une des grandes questions de la géographie alpine tourne autour de la notion de limite et de définition de la montagne. En effet, à partir de quand la montagne acquiert-elle son nom ? Une approche consisterait à déterminer des caractéristiques physiques propres à cet espace. Une autre approche (Debarbieux, 2010) propose de penser que la montagne devient telle, lorsque les acteurs de cet espace le pensent en tant que montagne. Ainsi nous pouvons trouver une montagne à Marseille !

Une carte est donc constituée par ce qu’on observe, ou mieux par ce qu’on choisit d’observer et de transmettre en fonction d’une utilité. En histoire, on peut dire la même chose d’un évènement. A la suite de François Furet (Furet, 1982) et d’Antoine Prost (Prost, 2014), on considère qu’un évènement se constitue en tant qu’objet historique à partir du moment où il est questionné historiquement. A travers notre objet d’étude, qui est un projet de formation d’enseignants, trois éléments vont construire notre carte :

1. les pratiques mises en place (les éléments observables, les traces…) -> analyses des modules au moyen des grilles choisies.

2. les représentations des acteurs (les étudiants, les formateurs, les personnes ressource extra-scolaires) -> pratique des entretiens

3. un questionnement autour d’un thème -> pratique réflexive

Ces trois éléments peuvent constituer en quelque sorte une matrice pour analyser un projet EDD sur le modèle de Carlot et Leiniger (Carlot, Leiniger, 2009). Dans un processus d’analyse des pratiques en EDD, pratiques nécessairement interdisciplinaires, (Albe, 1995, Legardez et Simmoneau, 2006), ce détour par les questionnements fondamentaux des disciplines des sciences humaines apparaît lui aussi comme nécessaire pour nous donner les outils de pensées utiles à l’appréhension d’un projet dont les objectifs dépassent le cadre disciplinaire (Hertig, 2011)

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Kyburz-Graber (2013)18 dans leur ouvrage « Demain en main » identifient huit domaines thématiques et huit principes didactiques pour évaluer le potentiel de l’EDD d’un projet (cf spider ci-dessous). Cette proposition permet aussi de cartographier les enjeux que posent les séquences en EDD, mais ne permet pas de penser les conflits et les contradictions qui structurent cet espace. Pour construire la carte, nous privilégions donc le passage par un détour- retour (Hertig, 2011) entre des concepts propres à l’EDD et des concepts empruntés à la géographie (le territoire, la frontière, les interdépendances, les acteurs), à l’histoire (les temporalités, les mémoires, l’émergence, les ruptures, les continuités, les acteurs) et à d’autres disciplines présentes transversalement dans les curriculums scolaires (l’anthropologie, la sociologie, l’économie).

4.3.1.1 Entre adaptation et résistance : l’échelle temporelle

Mais une carte relève d’abord d’un choix : celui d’une échelle. Ce choix dépend aussi d’un autre choix : celui de l’utilisation de la carte. On ne travaille pas à la même échelle selon qu’on évalue les risques sismiques sur l’arc alpin ou que l’on planifie une randonnée.

La carte, que nous allons tenter de constituer en analysant nos modules, doit aussi avoir cette réflexion multi-scalaire. Au niveau temporel, nous travaillons sur une échelle des temps courts, ceux de la formation et des modules qui la structurent. Par contre, la dimension des rapports de force et des conflits que nous mettons au centre de notre dispositif plonge ses racines dans une temporalité bien plus longue. C’est d’ailleurs un point d’accrochage récurrent avec une approche qui voudrait que le monde soit bien plus complexe aujourd’hui qu’hier et qui situerait le besoin de durabilité uniquement dans le temps présent ou futur. Si l’on se place dans une lecture du monde social marquée par des rapports de dominations et de résistances, il n’y a pas

18

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de complexité nouvelle aujourd’hui, juste de la complication. Le seul élément qui complexifie le rôle de l’enseignant aujourd’hui avec l’introduction des « éducations à… » est que l’école a l’injonction de préparer les élèves à être acteurs dans des champs dans lesquels elle n’a pas prise : ceux de la politique et de l’économie.

Fabre (2014) soutient qu’il faut former aujourd’hui (car le monde est bien plus complexe qu’avant…) les citoyens-élèves à la prudence et leur donner une culture politique qui leur permet de bien situer les différents enjeux et champs d’intérêts. On pourrait penser qu’il y a là une rupture dans un ordre temporel avec une école qui demande essentiellement de l’obéissance et de la reproduction. Cette approche veut faire comprendre les enjeux, mais ne pose pas les conditions de participation au jeu.

En outre, dire que seul l’Everest est alpinisme, comme on pourrait le déduire de Fabre (2014) qui s’appuie sur Dewey (2003)19, condamne tous les malheureux amants de la montagne qui ne gravissent « que » le Gramont, à se considérer comme de simples plagistes en tongs.

Cette position, que l’on pourrait qualifier de maximaliste, induit plus certainement une certaine déresponsabilisation, telle que décrite par Pellaux (2013), ou une centration sur une approche marquée par la recherche d’efficience20.

C’est pourquoi, malgré les discours de sens commun sur le changement d’époque, sur les ruptures temporelles que connaîtrait notre présent (la liste est longue…), sur les générations x, y, z… qui se succèdent, il nous semble que l’éviction des domaines de la lutte sociale, écologique et politique des grilles d’analyse de l’EDD au profit de la recherche d’un équilibre illusoire, conforte notre position. Les conflits et les rapports aux pouvoirs structurent le concept de développement (qu’il soit durable ou pas). Les prendre en compte sans donner les conditions de modifications revient à valider de facto l’existant, éventuellement à le rendre désirable par un léger dégradé.

19 Dewey (2003) pensait que seule la formation d’un esprit d’enquête sociale pouvait prévenir la démocratie contre les maux de la technocratie et du relativisme. Un tel esprit d’enquête exige une prudence éclairée par une solide culture épistémologique et politique. Seule une réflexion épistémologique permettrait aux enseignants de distinguer les différents jeux de langage impliqués dans le traitement des problèmes complexes flous, d’identifier leurs règles de fonctionnement et de délimiter leurs sphères de pertinence. (Fabre, 2014, p.32-33).

20 « Rendre nos activités plus efficientes et moins injustes tout en maintenant les objectifs de croissances économiques ». On essaie de faire un peu moins mal ce qu’on fait déjà mal. Cette approche s’est souvent soldée par un effet rebond qui annule les efforts. On moralise la pratique. (Schmidheiny, 1992)

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Donc, au niveau du choix de l’échelle temporelle de notre carte, les temps courts de la formation des étudiant-e-s et les temps longs des rapports de domination se rencontrent, comme le temps court de l’alpiniste, présence infiniment éphémère au regard du temps du rocher qu’il foule.

C’est de la rencontre de ces deux échelles temporelles que naissent les questions de valeurs, d’éthique, de déontologie, car le temps long interroge le temps court sur la capacité, sur la volonté, sur le désir et sur la force nécessaire à le changer. L’échelle se choisit en fonction de l’usage de la carte, le nôtre est ainsi défini.

4.3.1.2 Un mètre plus loin que l’horizon : l’échelle géographique

Penser la montagne en oubliant le lien intrinsèque et structurel avec la plaine et les villes est une construction purement esthétique qui fonctionne en Suisse depuis assez longtemps comme élément constitutif de l’identité nationale, rarement nationaliste, souvent conservatrice (Walter, 2011). On pourrait dire en allant assez rapidement, que, depuis l’industrialisation des territoires de montagne, la plupart des formes de pouvoir qui structuraient les communautés alpestres se sont progressivement déplacées vers les vallées, puis vers les plaines pour enfin se concentrer dans les grandes villes. De la gestion communautaire d’un bisse, on passe à la gestion communautaire de l’énergie hydraulique sur les réseaux électriques européens21. Mais le même mot renvoie à des communautés qui vivent à des échelles différentes. Si le rythme cyclique de l’activité économique de la montagne impose, depuis toujours, avec la plaine, certains choix économiques de développement de la montagne, dans la perspective de l’économie libérale de la croissance, il impose à des communautés de changer rapidement d’échelle. Le village de montagne ne se pense plus comme partie intégrante d’un système qui s’arrête aux limites de la Vallée, voire du Canton, il doit se penser, dans le langage idéologique de l’économie de marché, comme un acteur global. L’employé des remontées mécaniques en hiver, paysan-éleveur l’été, doit se mettre au chinois. Il n’a pas le choix, comme le fait croire le discours dominant. Non pas que le choix n’existe pas, mais il appartient à d’autres. Or, il s’agit bien de choix.

Ainsi, l’échelle que nous avons choisie pour cartographier notre terrain devait avoir comme critère la visibilité de la pente. La carte doit anticiper l’effort, elle doit avoir la saveur de la sueur. En d’autres termes, il s’agit d’observer nos modules d’assez près pour que les aspérités

21 https://www.swissgrid.ch/dam/swissgrid/company/publications/fr/Integration_CH_EU_Stromnetz_fr.pdf (consulté le 15.06.2016)

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du terrain, les choix, les valeurs et les processus mis en place par les étudiants-e-s et les acteurs, soient visibles et gardent leur caractère unique et circonstancié, mais avec suffisamment de distance pour les intégrer dans un espace plus généralisant qui n’a de limite que notre possibilité d’agir. Développer un module sur le terrain pour encenser le travail dur et honnête du beau pâtre d’alpage et de son chien fidèle n’a pas plus de sens que de donner à constater aux étudiant- e-s (ou aux élèves) que ce même berger risque de disparaître à cause des investissements, douteux souvent, d’une riche compagnie chinoise, russe ou indienne qui veut développer le tourisme intensif toute l’année. L’une et l’autre échelles les privent de levier dans le cadre d’une formation. Que pourrait faire un-e-étudiant-e face ou avec une multinationale ? Pas grand chose.

Par contre, dans une idée de subsidiarité qui voudrait que l’on donne à l’unité la plus petite le plus de responsabilité possible, un-e étudiant-e ou un collectif d’étudiant-e-s peut agir sur les différents pouvoirs locaux, qu’ils soient formels ou pas. Notre échelle se situe donc très concrètement entre l’institution de formation, les lieux du pouvoir régional et notre village de montagne.

5. la carte :

Sur la base des analyse des modules, nous avons construit la carte qui suit, à la fois métaphore du chemin parcouru avec les étudiant-e-s et image de notre reflexion.

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