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Reference
L'espace ethnique: du côté du vivant
GALLAY, Alain
GALLAY, Alain. L'espace ethnique: du côté du vivant. In: Gallay, Alain. Peuples et
archéologie: 6ème cours d'initiation à la préhistoire et à l'archéologie de la Suisse:
résumé des cours, Genève 1990 . Bâle : Société suisse de préhistoire et d'archéologie, 1990. p. 27-45
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:100770
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6 ème cours d'initiarton à la héhisaire et à lArchéologie de la Suisse : Peuples a archéologie Genève, 3 et 4 nwembre 199O
UESPACE ETHNIQUE
:DU CÔTE DU VIVANT
par Alain GALL-AY (Genève)
f
DENnFIERune population concrète
ayantI
vécu dansun
passé plusou
moinslointain
àpartir de ses seules productions
matériellesreste, pour I'archéologie, un problème
d'uneextrême difficulté; aussi n'est-il pas
inutiled'aborder cette question
en
partantde
I'analysede la réalité vivante. Nous verrons que
lesobstacles à surmonter sont de deux ordres :
l. Les limites de ce
queI'on
nomme,faute
demieux, I'ethnie ne sont jamais nettes
et,
selon lepoint
de vue retenu, concordantes, aupoint
quecertains auteurs en sont venus à douter
deI'utilité de maintenir, en ethnologie, un
tel concept opératoire (Amselleet M'Bokolo,
1985).2.
Les faits matériels, seuls
accessibles àI'archéologue, ne constituent pas
toujours I'expressionla plus pertinente
des distinctionsqui pourraient être
retenuespour cerner
cette réalité mouvante.Cette
situation
nouscontraint à
adopterici
uneapproche franchement analytique
permettantseule
de mettre en
évidencela multiplicité
desespaces auxquels
se réfère cette notion.
Cetteréflexion
constitue en quelque sorte une mise en garde contre les interprétationsparfois
abusivesde
certains archéologues historiens.Elle
permetnéanmoins de pressentir comment une approche
plus nuancée permet de comprendre
lacomplexité des populations disparues et
decerner, dans certaines conditions
favorables,leur
réalité passée.1.
Notion d'ethnie
L'ethnie
està la fois un lieu où
se superposentdes réseaux de relations
démographiques,techniques, économiques
et
sociaux d'extensions variableset une réalité
idéologique vécue, etsouvent nommée, par les hommes
quiparticipent à ces structures fonctionnelles.
l.l.
Les réseaux de relationsSeule
I'exploration
desdivers
réseaux donnantforme à
chaque société locale permet de cernercette zone de concordance aux
limitesimprécises
que I'on peut
considérer comme le coeur de I'ethnie. Cette concordance peut porter sur :- une certaine autonomie de
reproductionbiologique : espaces délimités par
lesintermariages et correspondant aux
sphèresd'endogamie;
-
uneunité
linguistique:
espaces délimités parune
langueou un
dialecte commun favorisant toute forme de communication interindividuelle;- une intensification
desrelations et
échangeséconomiques
:
espacesse situant au-delà
dessphères d'autosubsistance villageoises
et
en deçàdes aires définies par les
transactions interethniques de I'Economie-monde;- une intensification
des interactions sociales : espacespolitiques et guerriers
conçus comme des airesde paix entre
collectivités locales (cequi n'exclut pas des conflits localisés
et socialementcirconscrits) et
espacesau
seindesquels certaines valeurs culturelles présentant
une unité patente sont partagées
entrepartenaires sociaux.
On peut
admettre quele
degréde
concordanceentre
cesdivers
réseauxde
relations reste trèsrelatif et surtout variable de
casen
cas, d'oùAI.AINGALTAY
une notion de limite ethnique à la
foismaintenue
et franchie, dont la
précision peutvarier selon les contextes
géographiques, ladensité du peuplement et les
situations historiques.Parler de limite ethnique revient donc
àintroduire
une notion de seuil:
I'ethnie cesse defonctionner là où s'affaiblit la
communication entre ses membres :"Une société est
faite
d'individuset de
groupesqui
communiquententre eux.
Cependant, la présenceou
l'absencede
communication nesaurait être
définie de manière
absolue. La communication ne cesse pas aux frontières de Ia société. Plutôt que de frontières rigides,il
s,agitde seuils, marqués par un affaiblissement ou une
déformation de la
communicationet où,
sans disparaître,celle-ci
passepar
un minimum (...).Dans toute société,
Ia
communication s,opère aumoins à trois niveaux :
communication desf emmes, communication des biens et
desservices; communication
des
messages,,.(Lévi-
Strauss, 1984,326).1.2.
La
conscience ethniqueAux données matérielles
précédentes, analysablesen termes
d'espace,s'ajoute
une dimension idéologique: la
consciencequ'ont
les gens d'une ethnie d'appartenir à une population originale. Cette situation se matérialisepar
uneaffirmation ou une
revendication d'appartenanceà un
groupe, reconnueà la
foispar
ceuxqui en font partie et par
ceuxqui
ensont exclus d'une façon ou d'une autre.
La présenced'un
nom sanctionnant cette autonomieest I'expression la plus fréquente de
cetteidentité, dont la réalité peut difficilement
être niée.2.
Dynamique ethnique
La notion d'ethnie a
souventété critiquée.
Onreproche notamment à ce concept
d'êtreanhistorique et de ne pas tenir compte
descomposantes dynamiques des
communautés humaines.Il convient donc de réintroduire ici
I'influence du
tempset de
considérer I'ethnie comme une réalité en perpétuel devenir.Les
basesde cette dynamique sont à la
fois démographiques, économiqueset
sociales; elles peuvent se comprendre en prenant comme point de départet
comme basela notion de
mode deproduction domestique (M.p.D) de
Sahlins (te76).Ce que
I'on pourrait
appeler l,atomede
sociétése
concrétise dansle couple
homme-femme(s) produisantet
consommant les biens(vivriers
etnon vivriers)
nécessairesà sa survie dans
le cadredu
M.P.D. Sahlins montre que ce mode deproduction élémentaire, impliquant
une complémentarité techno-économiquedu
couple et fondé surla
parenté, est soumis, en I'absencede structures
sociales contraignantes (comme c'est souventle
cas chezles
chasseurset
chezles agriculteurs primitifs), à des
tendances centrifuges.Les conflits qui ne
manquent pirsd'apparaître entre unités de production
se résolventpar la
séparation des antagonistes.Il s'ensuit que toute
sociétén'ayant pas mis
enplace des
structures sociales contraignantes etn'étant confrontée à aucun
obstacle extérieur(d'origine
naturelleou
humaine) est dotée d'unpouvoir expansif important qui explique
enpartie le
succèsde I'Homo
sapiens sapiens dans la colonisation dela
planète."Là
où Iedroit
de requérir Ia force est détenu encommunauté,
et
non monopolisépar le
politique,Ia prudence tient lieu de courage,
et l'éloignement constitueIa
meilleure des sécurités.Pour autant qu'elle minimise les
conflits
portant sur les ressources, les richesses et les femmes, Ia dispersion assureIa
protectionla plus
efficace des biens et des personnes" (143)."Laisser à lui-même, Ie M.p.D. tend
vers unedispersion maximum
des
maisonnées parce quela dispersion maxima est
absence d'interdépendance et absence de pouvoir commun,et tout compte
fait, c'est bien ainsi
qu'estorganisé Ia production" (143).
Selon Sahlins I'histoire
socialehumaines peut être
comprisetentative de
contrebalancerdes
sociétéscomme
unela
tendancecentrifuge des unités familiales
soumises auM.P.D.
"Toute l'évolution sociale du monde primitif
tend, semble-t-il, à soustraire
l'économie domestique au contrôle dela
structure de parentéet
des obligationsde solidarité pour
l'assujétir plus étroitementà la
structure politique" (179).Cette tendance s'est en
effet
trouvée confrontéeà
une densification progressive des peuplements et à la nécessité d'inventer des règles permettantla
coexistence, notammentau moment de
lapremière transition démographique liée
àI'apparition des techniques agricoles, puis
àI'intensification de
ces mêmes pratiques propre au début des âges des Métaux.Nous pouvons, sur cette
base,définir
quatretypes historiques de sociétés
Stade
A.
Sociétés en exPansionLes phénomènes de segmentation dus aux forces
centrifuges du M.P.D. dominent sur
lesphénomènes de réunion.
La
communauté est en expansionet tend à occuper toute la
nicheécologique
à
laquelleelle
est adaptéedu
pointde vue
techno-économique (phase pionnière).Ce phénomène peut marquer
le
pas lorsque leslimites de la niche sont atteintes, mais
desadaptations
originales peuvent entralner,
au-delà, une nouvelle expansion dans une
ouplusieurs niches
écologiquesdistinctes
(phase néopionnière).Stade
B.
Sociétés en équilibreLes
phénomènesde
segmentation s'équilibrentavec les phénomènes de réunion.
Lesinteractions, pacifiques ou guerrières,
entre groupes humains s'intensifientet
se diversifienten
mêmetemps que s'affirment avec plus
deforce les consciences ethniques.
Auxmouvements "aléatoires" des
familles
s'ajoutentdes possibilités de migrations
restreintes. Les rapportsde force
entre sociétés voisines suiventdes fortunes diverses qui n'excluent ni
desconquêtes
locales, ni des migrations
diversesrépondant à des motifs politiques
et/ouL'ESPACE EIHMQUE : DU COTE DU VTVANT
écologiques, tri des superpositions
depopulations.
Stade C. Sociétés en phase de hiérarchisation et
soci été s hi ér archi s é e s
La
hiérarchisation interne des sociétés peut êtreconçue comme une réponse des
sociétésconfrontées à une augmentation de son potentiel démographique
alors que son
espacevital
estlimité du fait
de I'isolement géographique ou dela pression des populations voisines.
Lesphénomènes de réunion I'emportent alors sur les
phénomènes
de
segmentationet
coexistent avec desrapports de force
comparablesà ceux
du stade précédent.Stade
D.
Sociétés en collapseLes
sociétés hiérarchiséespeuvent se
trouver entralnées dansde
nouvelles phases expansives.Cette expansion "impérialiste" est source
detensions et de conflits avec les
sociétéspériphériques situées
sur
les marges des régionsoccupées, ou avec les sociétés
englobées,situations propices à
I'afiirmation
ethnique.Le
systèmecentral peut
alorss'effondrer
sousles pressions externes des "barbares", ou sous les révoltes
internes
desminorités
asservies,et
lasituation se
rétablir
àun
stadeévolutif
antérieur(Renfrew,
1987).Les concordances que
I'on
peutétablir
entre cesquatre stades, qui expriment la
dynamique démographiquedes
sociétés,et les types
desociétés répondant à des critères de
typetechno-économique et social peut
s'établir commesuit
:Sociétés segmentaires fondées sur
la
parenté: l.
Chasseurs-cueilleurs (Paléolithique,Mésolithique) :
stades
A,B,
exceptionnellement C.2. Agriculteurs
primitifs
(Néolithique) :stades
A,B,
et C.Sociétés hiérarchisées
:
3. Chefferies (Chalcolithique, âge des Métaux) : stades B,C, et D.
4. Sociétés étatiques : stades C, et D.
Après
avoir
abordéla notion
d'ethnie dans son aspect structurel et sous I'angle dela
dynamiquehistorique des populations nous
devonsmaintenant nous demander quels reflets
endonnent les faits mobilisés par I'historien
et I'archéologue.On
aborderaici
successivementles faits
génétiques permettantd'interpréter
le présent en terme d'histoiredu
peuplementet
les faits archéologiques.3. L'espace génétique
L'interprétation historique de la
structure génétique des populations actuelles se révèle dejour en jour I'un des moyens les
plusperformants pour restituer les grandes lignes des peuplements
de la
planètepar I'Homo
sapienssapiens (Langaney, 1988; Sanchez-Mazas, I990).
Ce type d'approche a donc parfaitement
sa place, à côté de l'étude desfaits
matériels, dans une "archéologie"du
peuplement.3.1. Les marqueurs génétiques
Le moi chimique des individus rend
souventincompatible la transfusion de sang ou
lesgreffes de
tissusou
d'organes provenant d'unautre individu. plusieurs
systèmesantigènes/anticorps ont été découverts
etforment des systèmes
immunologiques déterminéspar la
présenceou
I'absenced'un
oude plusieurs gènes encore
incomplètement connus.On peut retenir
ici
:-
les systèmes sanguins des globules rouges:
par ex. systèmes ABO et Rhésus,- les
systèmes sanguinsdu sérum : par
ex.système GM,
-les
systèmesd'histocompatibilité
entrainant I'acceptationou le rejet des cellules ou
destissus
par
les globules blancs: par ex.
systèmeHLA.
On peut ainsi "typer" une
population humaineactuelle en estimant, par des
prélèvements sanguins,la
fréquencede
chacun des gènes (ou haplotypes)liés aux
systèmes immunologiques mentionnés.On obtient pour
chaque populationdeux types d'information : la liste des
gènesobservés
et les proportions relatives de
cesgènes. L'histoire des peuplements se
fondeessentiellement sur ce deuxième
type d'information.3.2. Hypothèse zéro: variation continue
L'étude des divers
systèmes immunologiques,dont tout indique qu'ils sont
indépendants dupoint
de vue génétique, montre que :-
toutesles
populations humaines partagent unstock génétique commun
extrêmement diversifié;- pour tous les
systèmes,les
gènesont
unerépartition mondiale qui ne
présentepas
dediscontinuité géographique majeure;
-
les populations proche-orientaleset
indiennessont
systématiquementles plus
polymorphes.Les populations situées
à la
périphérie des airesde peuplement (Amérique et
Océanienotamment) présentent par contre
unpolymorphisme
réduit du à la perte de
certains gènes;- I'ordre linéaire
des populationsfourni par
laclassification automatique des
distancesgénétiques entre populations reproduit
ladisposition relative des grandes
régions géographiques mondialesselon la
topographie planétaire;- il
existe doncune
associationétroite
entre lalocalisation géographique continentale
despopulations et leurs degrés de
ressemblance génétique mesuréspour chacun des
systèmes(Sanchez-Mazas, I 990).
Les
variations observéessont
duesaux lois
del'évolution parmi lesquelles il convient
dedistinguer les
mutationset les
mécanismes desélection par le milieu d'une part,
des mécanismes indépendant, des causes biologiquesd'autre part (dérive
génétique,effet
fondateur, sphères relatives d'endogamie). On peut montrerque les
systèmesimmunologiques
(systèmesABO excepté) ne présentent
pratiquement aucunetrace d'effets
sélectifs,ce qui les
rend parfaitement utilisablespour restituer
I'histoire des peuplements.AIAINGALIAY
On
a
proposé conjointement deux modèles pourrendre compte de la différenciation
génétiquedes populations
humaines.Le premier
insistesur la dérive
génétiquequi aurait
entralner desévolutions divergentes en relation avec
desmigrations. Le second souligne
I'importanceprimordiale de la
distance géographiqueet
descontacts ayant toujours existé entre
lespopulations humaines par le biais
desintermariages
et
par conséquent des échanges de gènes.Le
second modèle d'isolementpar la
distancerend bien
comptedu continuum
des variationsmais n'exclut pas les effets de la
dérive génétique dans des circonstances historiques et dans des contextes géographiques ayant entraîné I'isolementplus ou moins radical de
certaines populations.3.3. Les hétérogénéités porteuses de
signification
historiqueSur ce fond de variation
continue apparaissentdes hétérogénéités interprétables en
termehistorique :
l. La dérive
génétiqueaffectant
les populations successivessera plus grande dans les
petitespopulations que dans les grandes
puisquechaque génération ne représente
qu'un"mauvaisn échantillon de la
générationprécédente.
Des
gènesrares risquent donc
de disparaîtreet
les fréquences des autres gènes devarier considérablement.
2.
Les effets
fondateursliés à la migration
depopulations aux effectifs réduits
sontparfaitement visibles. Les
populations amérindienneset
océaniennessemblent
ainsidériver d'un peuplement primitif
démographiquement
réduit ayant
entraîné, par tiragedu
hasard,la
perte de nombreux gènes.3.
On a
observéune
concordance surprenanteentre les grandes familles
linguistiques mondialeset
les structures génétiques observées.Les
intermariagesont donc été plus
fréquents au sein des groupes linguistiquement apparentésqu'entre populations parlant des
languesdistinctes, entraînant une dérive
génétique de moins grande amplitude.L"ESPACE EfHMQUE : DU COTE DU VTVANT
Cette
convergencedes
donnéesfournies
pardeux méthodes d'investigation
totalement indépendantes I'une de I'autre, la génétique et lalinguistique historique,
est remarquableet
doitêtre
soulignée.Elle renforce par là
même lesacquis
de cette dernière discipline
considéréepar certains auteurs comme inapte à
rendrecompte des phénomènes historiques réels.
L'approche
génétiquea permis à ce jour
dejuger de la pertinence de
certainesreconstitutions historiques fondées sur
desdonnées archéologiques, ethnologiques
etlinguistiques indépendantes des
donnéesbiologiques, nous pensons notamment
aux scénariosde
peuplementde la
Mélanésieet
de I'Océanieou
aux migrations Bantou en Afrique.Le même type d'analyse peut être
entreprispour I'Europe (Ammerman et
Cavalli-Sforza, 1984;Menozzi, Pirzza et Cavalli-Sforza,
1978;Renfrew,
1987).4. L'espace des
faits matériels
L'interprétation
des vestiges matérielsen
terme d'ethnicité et de dynamique historique reste I'un des domainesles plus
délicatsde la
recherche archéologique.Une
compréhensiondu
problèmene peut
reposerque sur une
analyse beaucoupplus large des
mécanismes responsablesde
lavariabilité
spatialedes
composantes culturelles (Hodder, 1978).4.1. Hypothèse zéro
:
variation continueL'examen global des variations
spatiales destraits culturels matériels révèle d'abord
unevariation continue
exemptede
ruptures.Il
estpossible, à la suite de Milke
(1949),d'appréhender
cette structure en
calculant descoefficients
de similarité entre un point xl
deI'espace et I'ensemble des points x2-n
dellespace englobant. On démontre que
lecoefficient en
questiondiminue
régulièrementlorsque I'on s'éloigne du point xl.
Cettedécroissance peut être mise en évidence par des
courbes calculées selon un transect
dontI'origine se trouve au point xl, ou par
descartes
d'isosimilarité. Cette structure
provientdu caractère polythétique des
composantesAI.AIN GALT^AY
culturelles (Clarke, 1968). Les
diversescaractéristiques
peuvent être
considérées enpremière approximation comme des
variablesindépendantes ayant chacune leur
proprecomportement spatio-temporel.
L'histoire du
peuplement s'intéresse dès lors aux"accidents" entralnant des écarts
ou
des ruptures par rapportà
ce tissu de variation continue. On démontrepourtant qu'on ne peut pas
étudierglobalement tous les éléments culturels.
La structure globale des variations spatiales reflète eneffet un
agrégat de facteurs distinctsqui
nepermet pas
de
pénétrerla structure
réelle des sociétés dont on a montré la complexité.Les corrélations distance/similarité varient
eneffet
selonle type de trait culturel
retenu. Lestraits stylistiques et décoratifs
présententd'importantes variations spatiales, les
traits fonctionnelsvarient par
contre peuau
sein de populations de même statut techno-économique,ce qui est une façon de
retrouver I'oppositionde Leroi-Gourhan (1971) entre
tendance et degrës defait.
Il est donc
nécessairede bien
comprendre les mécanismes responsablesde
ces hétérogénéités,tout en gardant à I'esprit que des
situations distinctes peuvent engendrer des configurationscomparables, ce qui limitera toujours
les possibilités d'interprétation.4.2. Les hétérogénéités porteuses de signification historique
Les
hétérogénéités constatéescorrélées avec des
faits économiqueset/ou
sociaux.Espaces linguistiques
On démontre que la
décroissancede
lasimilarité est plus rapide le long d'un
transectpassant par des ethnies
linguistiquement étrangèresI'une à I'autre que le long d'un
axe situéà I'intérieur
d'une même aire linguistique.L'intercompréhension linguistique favorise donc
une
certaine homogénéisation des composantesculturelles (Gifford, 1940, Clarke,
l96g),comme elle favorise l'échange des gènes.
Espaces économiques
Le
type de transaction économiqueinflue
sur ladiffusion d'un item culturel. plus
l'échangeprimitif s'affranchit des contraintes
socialespour s'inscrire dans la sphère
économiquestricte plus
sadiffusion
sera large. L'extensiongéographique des items se situe sur
uncontinuum dont les deux pôles
(extension restreinte/extension large) sont conditionnés par des facteurs multiplesparmi
lesquelsil
convient de signaler les oppositions suivantes.Sëdentarisation et
mobilité
.. les groupes mobiles génèrentdes répartitions
spatialesplus
larges que les groupes sédentaires.Autosubsistance, complémentarités économiques :
les biens liés aux structures
d'autosubsistance ont des répartitions spatiales plus faibles que lesbiens
échangésou diffusés dans le cadre
de complémentarités écologiques ou économiques.Types
de
réciprocités:
Sahlins (1976)a défini
avec pertinenceles divers
typesde
réciprocitéprésidant aux
échangesde biens dans
lessociétés à économie préindustrielle.
Laréciprocité générale se développant dans
le cadre dela
parenté et des structures villageoisesest en relation avec des biens de diffusion
restreinte.La réciprocité équilibrée est en relation
avecdes
transactionsd'extension variables
pouvantenglober des circuits de prestation et
decontreprestation de large extension.
La réciprocité
négative caractérise des circuitscommerciaux pouvant se développer
jusqu'à l'échelle continentale.Le
pillage, autre forme deréciprocité
négative, s'exercetoujours
au-delà de I'espace restreint oùla
sécurité est assurée.Biens courants
et
biensde
prestige.. les
biens courantscirculent à
moins grande distance queles biens de prestiges faisant I'objet
de nombreuses sollicitations externes.Espaces sociaux
La
conscience d'une certaineidentité
sociale etethnique peut être un facteur
favorisantpeuvent
êtrelinguistiques
I'expression
de
particularités esthétiques locales.La plupart
des communautés humaines formentdes systèmes ouverts très perméables
auxinfluences extérieures sauf, parfois,
pourcertaines caractéristiques permettant
d'affirmer et de
conserverune
certaineidentité
culturelle(Hodder,
1982).On
signalerala
complexité des facteurs déterminant de tels marquages et lefait qu'on ne peut prévoir, a priori, la
composanteculturelle qui sera investie d'une
pareillefonction : trait vestimentaire,
ornement,coiffure, particularités de I'architecture,
etc.Les traits retenus seront
néanmoinsessentiellement des
traits
esthétiques affranchisdes contraintes techno-économiques.
Les situationsfavorisant, ou au
contraire atténuant, de telles pratiques sont variées.Situations
favorisant l'affirmation
ethnique sur le plan esthétique:
- situation de conflit interethnique
etd'instabilité,
-
coexistence de populations distinctes dans une même niche écologique,-
enclavagede
populationset
rapports de force inégaux.Situations atténuant
les
pratiquesd'affirmation
ethnique:
-
situation de paix,- ethnies occupant des niches
écologiques distinctes,-
voisinages sans compétitions.5. Conclusions
La
génétique des populations actuelles ouvre des perspectives étonnantes quant àla
restitution de I'histoire des peuplements. Si les mouvements depopulation et les
migrations misesen
évidencesont décelables à l'échelle continentale,
la méthode ne permetpar
contre pas, oudu
moins pas encore, dedélimiter
les mouvements de plusfaible
amplitudequi ont,
detout
temps, affectéI'histoire
des sociétés.UESPACE ffHMQUE : DU COTE DU VryANT
Les difficultés sont
également importantes auniveau
archéologique.A la complexité et
auflou
dela
notion d'ethnie s'ajoute lefait
que les caractéristiquesmatérielles sur
lesquelles doitobligatoirement se fonder I'identification
despopulations actrices de I'histoire sont
lestémoins de domaines culturels variés.
Larépartition spatiale et/ou
temporelleappréhendée
par
I'archéologue estle
résultat demécanismes hétérogènes, économiques et/ou sociaux.
Il
s'ensuitde
I'approchede la
notiond'ethnie, de
peupleou de population, ne
peutêtre fondée sur une perception globale de
lavariabilité culturelle. Cette dernière
nécessiteune analyse fonctionnelle préalable et
deshypothèses
très
lourdes quantà la
signification des caractéristiques culturelles retenues.A
celas'ajoute une difficulté
supplémentaire:
desmécanismes fonctionnels divers peuvent aboutir
à des répartitions
spatio-temporelles comparableset un
mécanismeidentique
peutentraîner des répartitions diverses selon
le contexteculturel et/ou
écologique (présence ou absence de barrières géographiques).Il s'ensuit que les
hypothèses fonctionnellesproposées pour rendre compte de
lasignification d'un fait matériel ne doivent
pasreposer, dans un premier temps, sur
descaractéristiques spatio-temporelles, mais
sur
sur une analysede la fonction
intrinsèque probablede I'objet
dansla
structure techno-économiqueet sociale de la société. L'identification
archéologiqued'une population n'est pas
unedémarche préliminaire reposant sur
unedescription globale des faits, mais
uneinterprétation de haut rang
reposantsur
uneconnaissance
approfondie de la
signification culturelle des traits descriptifs retenus.Malgré ces difficultés la confrontation
desdonnées génétiques
et culturelles permet
une approche acceptablede I'histoire des
peuplesdans la mesure où les approches
menéesindépendamment dans chaque
discipline converge vers des scénarios comparables.AIANGALIAY
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desimilarité
entre ensembles culturelsà partir
du pointxt
de l'espace,fixé
arbitrairemenl.Figure
I : Courbe de
décroissancepour
vingt populationsdu
NW dela Californie,
transect de 320km (Milke,
t949, 240,fig.
3).Figure
2: Courbe de
décroissancepour
19populations
de
SEde la
Mélanésie, transectde
1200km (Milke,
1949,239,fie.
2).Figure 3
: Comparaison des courbes
dedécroissance observées
: dans un
groupelinguistique homogène en haut
(tribusAthapascan,
Amérique du Nord), et le
longd'un transect recoupant des
groupeslinguistiques hétérogènes en bas
(tribusAthapascan, Piman, Navaho, Llanero
et Pueblo.) Complexe de référence aupoint xl
:North Tonto
Apache(Clarke,
1968, 386,fig.
7l ).
Figure 4
: Carte d'isosimilarité culturelle de
laCalifornie.
Complexede
référenceau
pointxl :
lacMivok (Milke,
1949,248,fig.
S).Familles
linguistiqueset
migrations,le cas
du peuplement de Polynésie.Figure 5
: Un
exempled'évolution
linguistiquedivergente : la famille des
languesaustronésiennes parlées par les Polynésiens et
dont I'origine est
situéeà Taiwan. La
dateprobable et le lieu d'apparition
desprincipales
"protolangues"sont
indiquées en gras.Figure
6 : Carte du
peuplementde
I'Australie, dela
Nouvelle Guinée et dela
Polynésie. On distinguetrois
courants principaux :l. Peuplement australoide de la
NouvelleGuinée, de I'Australie et de la
Mélanésieinsulaire.
2. Peuplement austronésien
de la
Mélanésie insulaireet
dela
Polynésie.3. Peuplement de la Micronésie
Structures génétiques
et affinités
culturelles, le cas du peuplement dela
PolynésieFigure 7
: Analyse en
coordonnées principalespour 70 populations d'Asie du sud-est
et d'Océanie testéespour le
système génétique Rhésus.Total de I'information sur les
deuxUESPACE E.THNIQUE: DU COTE DU VIVANT
premiers axes
:
73%.Les
populationsdu
SE asiatiqued'où sont originaires les
diverses populations sont situées au centre du schéma.On distingue clairement I'ensemble aborigène d'Australie (premier courant de peuplement),
les
Mélanésiens (essentiellement deuxièmecourant) et les Polynésiens
(peuplement austronésien). Cette structure suggère que lestrois
groupessont issus d'un même
stockgénétique ancestral
(Sanchez-Mazas, 1990,126,
fig.
40).Figure 8
: Carte d'isosimilarité culturelle de
la Polynésie. Complexe de référence aupoint xl :
îles Tokelau, Polynésie occidentale(TK).
Affirmation
ethniqueet
compétition économique.Les
trois
groupes ethniques, éleveurs de bovidés, qui se partagent les terres situées autourdu
lac Baringo (Kenya) sont en étroite compétition pourl'utilisation des pâturages. Les
f emmes desdiverses
communautésmarquent
explicitementleur appartenance ethnique par le
portd'ornements
d'oreille
distincts ( Hodder, 1982 ).Figure
9 : Carte des
ethniesvivant autour
dulac Baringo (Gallay,
1986-l, 92, fig.
l'1 ,d'après Hodder, 1982).
Figure l0 :
Boucles d'oreilles de typeB,
femmesNjemps, type ancien (Gallay, 1986-1,
91,fie.
16).Figure
II : Boucles d'oreilles de type
A,femmes Njemps, type récent (idem)
Figure
12: Boucles d'oreilles de type
C,femmes Tugen (idem).
Figure
l3 :
Anneaux spiralés d'oreilles, femmes Pokot (idem).Styles
céramiqueset
f rontières ethniques. Les concordancesenlre styles
céramiqueset
ethnies souflrent de
nombreuses exceptions.Dans
levillage Peul de Bé (Cameroun) des
potières appartenantà des ethnies différentes
(Peul,Gisiga et Lame) produisent des
céramiques stylistiquement distinctes ( fig.
1a ).Au Sarnyéré Dogon,
petit
isolat humain du Mali,on
constatele
remplacement,au
coursdu
I9esiècle,
sansraison
apparente,de Ia
tradition céramique proprement Dogonpar
une traditionapparemment étrangère que l'on
retrouveactuellement chez
les
populationsRimaibé
des environs. Ce changement ne correspondà
aucunerupture de
peuplement,ni à
aucune ouverture économiqueet/ou
sociale vers l'extérieur.Figure
14:
PoteriesPeul, Gisiga et Lame
du villagede
Béau
Cameroun(Gallay,
1986-2, 156,fig. ll,
d'aprèsDavid
etHennig,
1972).Figure
15: Poteries de tradition Dogon
du Sarnyéré décoréesd'impressions de
nattes(l7e-l8e
s.)(Gallay,
1986-2,159,fig. l5).
Figure 16
: Poteries de tradition Rimaibé
du Sarnyéréà fond non décoré (l9e-20e
s.) (idem).AIAIN GALI.AY
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I Protomarquisien Marqulaoa:3OOAD
Polynésien
marginal
SamoenTongien
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Prototahitien Trhltl:7OOAD
Protopolynésien oriental Marqulaee SOOAD
Protopolynésien c€ntral Samoa:13OO BC
I Hawar'en
Hawai':8OOAD I
Tahitien Maori
9OOAD
erotolngi"n Tonga: ISOOBC
Fidjien I
. Langu€s
mtcronêSlennes
Protopolynésien
Protocentral pacitique Mélanôcle ln8ulalro, Laplta: 2OOO BG
I
Langues mélanési€nnes
I Protosstocéanique Talwan:4OOO BC
I
Langu€s
indonésiennes Protoo"léuniqu"
ProtoâustronésionI 5
0
5GôOOOOBC
. - irdshall
lle de Pâqws
Tâsronie 205o0BC 4000ac
Phllippires 35008C
CIlb€rt
Caledmi€ )
1ô0080
600-800AD Meiaresr800sc
.' MtcaoNEstE
POLYNESIÊ OBIENTALE Elllce
Ctolims
patate dme
SOOAD POLYNESIE
OCCDENTALE
-"-'-y:---""'
Nouvelle-Zdlând€
800-sooAD
@s:
wallæea 75-600008c
lNqN extension Ausiralotdes primitifs
---È exlension Auslraloiides melanési€ns
.+ extensionAustronésiens
OO migration des Malayo-polynésiens orientaux et contraux
*-+ extension Micronésiens
(12508C) extension poterie Lapita
+ ext€nsion Polynésiêns marginaux
6
fu,
"rr"n.,on poteri€ Mangaasill- 14o/o
ILE ULAWA
ABORIGENES AUSTRALIENS
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TONGA TUVALU
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SUD.EST ASIATIQUES
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