Énoncé
Dans ce problème
1, on considère une suite de lancers indépendants d'une même pièce, pouvant donner Face avec la probabilité p ∈]0, 1[ et Pile avec la probabilité q = 1 − p . Pour tout entier n ≥ 1 , on considère les événements
F
n: le n -ième lancer a donné Face, P
n: le n -ième lancer a donné Pile.
Dans la première partie, on s'intéresse au numéro du lancer où, pour la première fois, on a obtenu deux Faces consécutifs. Dans la partie II, on généralise avec r lancers consécutifs donnant Face.
Préliminaires
1. Soit n ∈ N
∗, L = (L
1, · · · , L
n) ∈ { Pile , Face }
net m ≥ n . L'expérience aléatoire consiste à réaliser m lancers. Quelle est la probabilité d'obtenir L lors des n premiers lancers ? Vérier que cette probabilité est indépendante de m (toujours ≥ n ).
2. Soit a , b , c réels. Montrer que
1 1 1
a b c
a
2b
2c
2
est inversible si et seulement si a, b, c sont deux à deux distincts.
I. Première obtention de deux Faces consécutifs.
Pour tout entier n ≥ 1 , on considère l'événement E
ndont la probabilité est notée p
nE
n: une suite de deux Faces consécutifs est obtenue pour la première fois à l'issue du n -ième lancer.
1. Établissement d'une relation de récurrence.
a. Préciser les événements E
1, E
2, E
3et leurs probabilités p
1, p
2, p
3. b. Montrer que
∀n ∈ N
∗, E
n+3= F
n+3∩ F
n+2∩ P
n+1∩ E
n∩ · · · ∩ E
2∩ E
1c. Montrer que
∀n ∈ N
∗, p
n+3= p
2q 1 −
n
X
k=1
p
k!
1d'après E.P.I.T.A. 2016 Épreuve optionnelle
d. En déduire :
∀n ∈ N
∗, p
n+3= p
n+2− p
2qp
nQuelle valeur doit-on conventionnellement attribuer à p
0pour que la relation soit valable pour n = 0 ?
2. Suites et matrices.
On considère dans cette question le polynôme P = X
3− X
2+ p
2q , l'ensemble U des suites (u
n)
n∈N
à valeurs réelles telles que
∀n ∈ N , u
n+3= u
n+2− p
2q u
net la matrice
A =
0 1 0
0 0 1
−p
2q 0 1
.
a. Montrer que U est un R-espace vectoriel et préciser sa dimension. Préciser une base de U (nommée B ) dans laquelle la matrice du vecteur (u
n)
n∈N
est
u
0u
1u
2
.
Montrer que (u
n)
n∈N
7→ (u
n+1)
n∈N
dénit un endomorphisme de U (nommé S ) dont la matrice dans B est A .
b. Former la division euclidienne de P par X − p . Montrer que P admet trois racines réelles p , r
1, r
2avec −1 < r
2< 0 < r
1< 1 .
c. Soit λ ∈ R. Sous quelle condition la matrice A − λI
3est-elle non inversible ? d. Montrer que U admet une base (nommée G ) formée de suites géométriques sauf
pour une valeur particulière de p à préciser. Quelle est la matrice de S dans cette base ? Quelle est la matrice de passage de B dans G ?
3. Expression des probabilités p
n. Montrer que
∀n ∈ N , p
n= p
2r
n−11− r
n−12r
1− r
24. Temps d'attente moyen.
a. Calculer la limite de ( P
nk=1
p
k)
n∈N∗
. b. Calculer la limite de ( P
nk=1
kp
k)
n∈N∗en fonction de p seulement (ni r
1ni r
2ne
doivent gurer dans l'expression de la limite).
II. Première obtention de r Faces consécutifs.
Dans cette partie r ∈ N avec r ≥ 3 . Pour tout entier n ≥ 1 , on considère l'événement E
ndont la probabilité est notée p
nE
n: une suite de r Faces consécutifs est obtenue pour la première fois à l'issue du n -ième lancer.
1. Montrer que
∀n ∈ N
∗, p
n+r+1= p
rq 1 −
n
X
k=1
p
k!
En déduire :
∀n ∈ N
∗, p
n+r+1= p
n+r− p
rqp
nQuelle valeur doit-on conventionnellement attribuer à p
0pour que la relation soit valable pour n = 0 ?
2. Développements limités.
On considère le polynôme B = 1 − X + p
rq X
r+1et un intervalle ouvert I contenant 0 dans lequel B ne s'annule pas.
a. Justier l'existence de I .
b. Soit F =
QBavec Q ∈ R
r[X ] . Montrer que F (restreinte à I ) admet des dévelop- pements limités en 0 à tous les ordres. On note u
0, u
1, · · · les coecients de ces développements :
∀n ∈ N , F (x) = u
0+ u
1x + · · · + u
nx
n+ o(x
n) Montrer que
∀m ≥ r + 1, u
m= u
m−1− p
rq u
m−r−1c. Former le produit des deux développements limités
p
q + p
rx
r+ o(x
r)
1 − x + p
rqx
r+13. Fonction génératrice.
Préciser le polynôme Q ∈ R
r[X ] tel que, pour tout n > r , le développement limité en 0 à l'ordre n de G =
QBsoit
G(x) = p
0+ p
1x + · · · + p
nx
n+ o(x
n).
Calculer G(1) et G
0(1) .
Corrigé
Préliminaires
1. Les issues de l'expérience sont les suites de m Pile ou Face. la probabilité (élémentaire) d'une issue est
p
Nb de Faceq
Nb de PileL'événement L xe les n premiers Pile ou Face, les suivants sont quelconques. On en déduit
P (L) = p
Nb Face dsLq
Nb Pile dsLm−n
X
k=0
m − n k
p
kq
m−n−k| {z }
=1
= p
NbFaceLq
NbPileLCette probabilité est indépendante du nombre total m de lancers. On aurait aussi pu raisonner en utilisant l'indépendance des événements.
2. On transforme la matrice par les opérations élémentaires suivantes qui conservent le rang
L
3← L
3− aL
1L
2← L
2− aL
1L
3← L
3− bL
2On obtient la matrice triangulaire supérieure
1 1 1
0 b − a c − a 0 0 (c − a)(c − b)
Elle est inversible si et seulement si ses termes diagonaux sont non nuls c'est à dire lorsque a , b , c sont deux à deux distincts.
I. Première obtention de deux Faces consécutifs.
1. Établissement d'une relation de récurrence.
a. On ne peut obtenir deux Face en un seul lancer : E
1= ∅ , p
1= 0 . L'événement E
2et le singleton {(F, F )} donc p
2= p
2. L'événement E
3est aussi un singleton.
Il ne peut se réaliser que d'une seule manière : E
3= {(P, F, F )} donc p
3= qp
2. b. L'événement E
n+3se réalise si et seulement si Face est obtenu aux lancers n + 2
et n + 3 et aucune séquence de 2 Face consécutifs n'a été obtenu auparavant c'est
à dire
E
n+3= F
n+3∩ F
n+2∩
n+1
[
k=1
E
k= F
n+3∩ F
n+2∩ E
n+1∩ E
n∩ · · · ∩ E
1= F
n+3∩ F
n+2∩ P
n+1∩ E
n∩ · · · ∩ E
1car
F
n+3∩ F
n+2∩ E
n+1= F
n+3∩ F
n+2∩ P
n+1.
Comme on a obtenu un Face au lancer n + 2 et que cela n'était pas la première séquence de Face, on avait forcément un Pile au lancer n + 1 .
c. La relation précédente, s'écrit encore
E
n+3= F
n+3∩ F
n+2∩ P
n+1∩
n
[
k=1
E
k. Comme les événements E
ksont deux à deux incompatibles,
P
n
[
k=1
E
k!
= 1 −
n
X
k=1
p
k⇒ p
n+3= p
2q 1 −
n
X
k=1
p
k! .
d. Détachons le p
nde la somme dans la parenthèse : p
n+3= p
2q 1 −
n−1
X
k=1
p
k− p
n!
= p
n+2− p
2qp
n.
On connait les valeurs de p
1, p
2et p
3. Pour que la relation de récurrence soit vériée pour n = 0 , on doit avoir
p
3= p
2− p
2qp
0⇒ −p
2qp
0= qp
2− p
2= −p
3⇒ p
0= p q . 2. Suites et matrices
a. Toute combinaison linéaire de suites vériant la relation de récurrence vérie encore cette relation. L'ensemble U est donc un sous-espace du R-espace formé par toutes les suites réelles. La dimension de U est 3 car l'application
ϕ :
( U → R
3(u
n)
n∈N7→(u
0, u
1, u
2)
est un isomorphisme. En eet toute suite vériant la relation de récurrence d'ordre 3 est complètement déterminée par ses trois premiers termes. Dénissons des suites particulières β
0, β
1, β
2de U par leurs premiers termes :
β
0: 1, 0, 0, · · · ; β
1: 0, 1, 0, · · · ; β
2: 0, 0, 1, · · · ; et B = (β
0, β
1, β
2).
C'est une base de U car son image par ϕ est la base canonique de R
3. Dans B , les coordonnées d'un vecteur (u
n)
n∈Nsont les trois premiers termes (u
0, u
1, u
2) . L'application S de décalage d'indice est clairement linéaire. De plus, si (u
n)
n∈N∈ U c'est à dire vérie la relation de récurrence, la suite décalée la vérie aussi.
Donc S est un endomorphisme.
Les coordonnées de S((u
n)
n∈N
) dans B sont (u
1, u
2, u
3) soit
u
1u
2u
3
=
u
1u
2−p
2qu
0+ u
2
=
0 1 0
0 0 1
−p
2q 0 1
u
0u
1u
2
⇒ Mat
BS = A.
b. La division euclidienne de P par X − p conduit à
P = X
3− X
2+ p
2q = (X − p)(X
2− qX − pq)
Étudions dans [−1, +1] le polynôme du second degré f (x) = x
2− qx − pq . En calculant la dérivée f
0(x) = 2x − q , on montre qu'elle atteint son minimun en
q2. De plus, comme
f (−1) = 1 + q
2> 0, f (0) = −pq < 0, f ( q
2 ) = − q
24 − pq < 0, f (1) = p
2> 0 la fonction f s'annule en un r
2∈] − 1, 0[ et en un r
1∈]
q2, 1[⊂]0, 1[ .
c. Transformons A − λI
3par opérations élémentaires :
−λ 1 0
0 −λ 1
−p
2q 0 1 − λ
1 0 −λ
−λ 1 0
0 1 − λ −p
2q
1 0 −λ
0 1 −λ
20 1 − λ −p
2q
1 0 −λ
0 1 −λ
20 0 −p
2q − (1 − λ)(−λ
2)
=
1 0 −λ
0 1 −λ
20 0 −p
2q + λ
2− λ
3
On en déduit que A − λI
3est non inversible si et seulement si P(λ) = 0 .
d. Les réels p , r
1, r
2sont les racines de P donc les suites géométriques de raison p , r
1, r
2sont dans U . La matrice dans B de la famille G formée par ces suites est
1 1 1
p r
1r
2p
2r
21r
22
Cette matrice (de VanderMonde) est inversible si r
1, r
2, p sont deux à deux distincts. Il s'agit alors de la matrice de passage de B vers G . On a montré que r
16= r
2. En revanche, il est possible d'avoir r
1= p si p est racine double de P c'est à dire si p =
23. Lorsque G est une base, la matrice de S dans G est
p 0 0 0 r
10 0 0 r
2
3. Expression des probabilités p
n.
La suite proposée est une combinaison des suites géométriques de raison r
1et r
2. Elle est donc dans U . Il sut de montrer que les trois valeurs initiales coincident avec p
0, p
1, p
2.
Pour n = 0 :
p
21 r1
−
r12
r
1− r
2= − p
2r
1r
2= p
2pq = p
q = p
0car r
1et r
2sont les racines de x
2− qx − pq donc r
1r
2= −pq . Pour n = 1 , le numérateur s'annule. La valeur est donc celle de p
1. Pour n = 2 , on simplie par r
1− r
2et on obtient p
2= p
2.
4. Temps d'attente moyen.
a. Il s'agit de sommes géométriques convergentes
n
X
k=1
p
k= p
2r
1− r
21 − r
n11 − r
1− 1 − r
2n1 − r
2La suite converge vers p
2r
1− r
21 1 − r
1− 1 1 − r
2= p
2r
1− r
2r
1− r
2(1 − r
1)(1 − r
2) = p
2p
2= 1 car f (x) = x
2− qx − pq = (x − r
1)(x − r
2) donc
(1 − r
1)(1 − r
2) = f (1) = p
2.
Ce résultat est cohérent avec l'interprétation probabiliste des p
kpour k ≥ 1 .
b. La limite demandée se calcule à l'aide de dérivées. Considérons g(x) =
n
X
k=0
x
k= 1 − x
n+11 − x g
0(x) =
n
X
k=1
kx
k−1= 1 − x
n+1(1 − x)
2− (n + 1) x
n1 − x
Pour |x| < 1 , les suites (x
k) et (kx
k−1) convergent vers 0 . On en déduit que
n
X
k=1
kx
k−1!
n∈N
→ 1
(1 − x)
2Par linéarité, la limite demandée est
p
2r
1− r
21
(1 − r
1)
2− 1 (1 − r
2)
2= p
2r
1− r
2r
22− r
12− 2(r
2− r
1) (1 − r
1)
2(1 − r
2)
2= p
2(2 − r
1− r
2)
p
4= 2 − q
p
2= 1 + p p
2II. Première obtention de r Faces consécutifs.
1. En raisonnant exactement comme dans la première partie, on obtient p
1= · · · = p
r−1= 0, p
r= p
r, p
r+1= qp
rL'événement E
n+r+1est réalisé si Face est sorti aux r derniers lancers mais pas au pré- cédent et si aucune séquence ne s'est réalisée lors des n premiers tirages. Or l'événement une séquence de r Face s'est réalisée lors des n premiers lancers est l'événement
E
1∪ · · · ∪ E
nqui est une union d'événements incompatibles. On en déduit
∀n ∈ N
∗, p
n+r+1= p
rq 1 −
n
X
k=1
p
k!
En isolant le k = n de la somme et en utilisant la formule au rang n − 1 , on obtient
∀n ∈ N
∗, p
n+r+1= p
n+r− p
rqp
nLa valeur choisie conventionnellement pour p
0doit vérier
p
r+1= p
r− p
rqp
0⇔ p
rqp
0= p
r− qp
r= p
r+1⇔ p
0= p
q
2. a. Il existe un intervalle ouvert I contenant 0 et dans lequel B ne s'anulle pas car B est une fonction polynomiale donc continue telle que B (0) = 1 6= 0 .
b. La fraction F est C
∞dans I , elle admet donc des développements limités à tous les ordres.
Pour tout m > r + 1 , considérons un entier n ≥ m + r + 1 et Q = BF = 1 − X + p
rqX
r+1(u
0+ u
1x + · · · + u
nx
n+ o(x
n))
En développant à droite, on obtient un développement limité à l'ordre n dont le coecient de x
mest
u
m− u
m−1+ p
rq u
m−r−1Or ce coecient est nul car, à droite, le polynôme Q est de degré r . Cela prouve,
∀m ≥ r + 1, u
m= u
m−1− p
rq u
m−r−1c. En développant le produit, il ne faut surtout pas oublier de tronquer en o(x
r) . On obtient
p
q + p
rx
r+ o(x
r)
1 − x + p
rqx
r+1= p q − p
q x + p
rx
r+ o(x
r)
3. Comme G =
QBavec deg(Q) ≤ r , le polynôme Q est la partie polynomiale du dé- veloppement limité de BG à l'ordre r . On peut calculer car on connait le début du développement de G :
B(x)G(x) = 1 − x + p
rqx
r+1p
q + p
rx
r+ o(x
r)
⇒ Q = p
q (1 − X) + p
rX
rOn en déduit l'expression de la fonction génératrice
G(x) =
p
q