1. Quelques définitions
Si (Xn) est une suite de variables aléatoires réelles sur un espace probabi- lisé (Ω,A,P), et siX est une variable aléatoire réelle sur ce même espace probabilisé,
– on dit que (Xn) converge versX en probabilité lorsque pour tout²>0, P(|Xk−X| ≥²)−−−−−→
k→+∞ 0
– On dit que (Xn) converge versX presque sûrement lorsque l’ensemble des ω ∈Ω tels que (Xn(ω))n∈N ne converge pas vers X(ω) est négli- geable.
2. Un exemple paradoxal
Dans cette question, (Xn)n∈N∗ est une suite de variables aléatoires indé- pendantes sur l’espace probabilisé (Ω,A,P), telles que chaque Xn suit une loi de BernoulliB(1/n).
(a) Montrer que la suite (Xn) converge en probabilité vers 0.
Soit²>0. Alors, pour tout entier naturel non nulk, P(|Xk| ≥²)≤ 1
k ce qui donne le résultat.
(b) On note, pour toutn≥1 ,Anl’évènement (Xn=1). Déterminer, pour toutp ≥1,P
Ã+∞
\
n=p
An
!
(on pourra commencer par s’intéresser aux
intersections partielles). En déduire que presque sûrement la suite (Xn) ne converge pas vers 0.
Sim≥n,
P Ã m
\
n=p
An
!
=
m
Y
n=p
n−1
n = p−1 m
(on utilise l’indépendance des Xn). Donc, prenant la limite quand m→ +∞, par continuité décroissante,
P Ã+∞
\
n=p
An
!
=0
Une réunion dénombrable d’ensembles négligeables est négligeable.
Donc
+∞[
p=0
Ã+∞
\
n=p
An
!
est négligeable. Donc son complémentaire est presque sûr. Ce com- plémentaire est
+∞\
p=0
Ã+∞
[
n=p
An
!
Donc, presque sûrement, (Xn) ne tend pas vers 0 (puisque presque sûrement,Xnprend la valeur 1 une infinité de fois), ce qui peut pa- raître étonnant vu la convergence en probabilité préalablement éta- blie.
3. Le lemme de Borel-Cantelli, version « facile »
Soit (Ω,A,P) un espace probabilisé. Si (An)n≥n0 est une suite d’événe- ments, on note
lim sup
n→+∞
(An)=
+∞\
p=n0
Ã+∞
[
n=p
An
!
On supposeX
n
P(An)< +∞. Montrer que P(lim sup
n→+∞
(An)=0
La suite d’évènements Ã+∞
[
n=p
An
!
p≥n0
est décroissante pour l’inclusion, donc (continuité décroissante)
P(lim sup
n→+∞
(An)= lim
p→+∞
à P
Ã+∞
[
n=p
An
!!
Mais on a, pour tout entier naturelp, P
Ã+∞
[
n=p
An
!
≤
+∞X
n=p
P(An) et, commeX
n
P(An) converge,
+∞X
n=p
P(An)−−−−−→
p→+∞ 0 ce qui permet de conclure.
4. Deux conditions suffisantes pour une convergence presque sûre Soit (Xn)n≥0une suite de variables aléatoires réelles positives.
(a) On suppose, pour tout²>0, X
n
P(Xn>²)< +∞
i. Soit²>0. Que peut-on dire de N²=
+∞\
p=0
Ã+∞
[
n=p
(Xn>²)
!
?
ii. Montrer que [
²>0
N²est négligeable.
iii. Montrer que (Xn) converge vers 0 presque sûrement.
Soit²>0. On applique la question précédente en prenant An=(Xn>²). L’évènement
N²=
+∞\
p=0
Ã+∞
[
n=p
An
!
est négligeable. Or, siω6∈N²,ω∈
+∞[
p=0
Ã+∞
\
n=p
An
!
, ce qui équivaut à :
∃p≥0 ∀n≥p Xn(ω)≤² Il y a une difficulté du fait qu’on ne peut rien dire de[
²>0
N², la réunion n’étant pas dénombrable. L’astuce est une remarque simple : pour réaliser la condition
∃p≥0 ∀n≥p Xn(ω)≤² pour un²>0 donné, il suffit de réaliser la condition
∃p≥0 ∀n≥p Xn(ω)≤1 t pour un t ∈N∗ vérifiant 1
t ≤² (il en existe bien évidemment). Or N = [
t∈N∗
N1/t, réunion dénombrable d’ensembles négligeables, est négligeable. Et siω6∈N,
∀t∈N∗ ∃p≥0 ∀n≥p Xn(ω)≤1/t ce qui, comme on l’a vu, équivaut à
∀²>0 ∃p≥0 ∀n≥p Xn(ω)≤² On a donc bien, siω6∈N,Xn(ω)−−−−−→
n→+∞ 0.
(b) On suppose
X
n
E(Xn)< +∞
Montrer que (Xn) converge vers 0 presque sûrement.
On se ramène à ce qui précède en utilisant l’inégalité de Markov.
5. On se replace sous les hypothèses de la question2.(l’exemple paradoxal).
Montrer qu’il existe une extractrice φtelle que la suite¡ Xφ(n)¢
converge vers 0 presque sûrement.
La question précédente montre, par exemple, que¡ Xn2¢
converge presque surement vers 0.
6. Montrer que, si une suite de variables aléatoires (Xn) converge presque sûrement vers une variable aléatoireX, elle converge en probabilité.
Soit²>0. L’évènement
+∞[
p=0
Ã+∞
\
n=p
(|Xn−X| ≤²)
!
est presque sûr. Par continuité croissante, P
Ã+∞
\
n=p
(|Xn−X| ≤²)
!
−−−−−→
p→+∞ 1
Mais +∞
\
n=p
(|Xn−X| ≤²)⊂(|Xp−X| ≤²) Donc
P¡
|Xp−X| ≤²)¢
−−−−−→
p→+∞ 1 ce qui permet bien de conclure.
7. Montrer que si une suite de variables aléatoires (Xn) converge en pro- babilité vers une variable aléatoire X, on peut en extraire une suite qui converge presque sûrement versX.
On construit par exemple une extractriceφtelle que
∀n≥1 P µ
¯
¯Xφ(n)−X¯
¯≥ 1 n
¶
≤ 1 n2
Le lemme de Borel-Cantelli « facile » montre que presque sûrement, à par- tir d’un certain rang,
¯
¯Xφ(n)−X¯
¯< 1 n
Borel-Cantelli difficile
Il faut avoir une première idée : l’indépendance se traduit mieux avec des in- tersections qu’avec des réunions d’événements. On va donc considérer l’évè- nement complémentaire de la limite supérieure :
B=
+∞[
p=0
Ã+∞
\
n=p
An
!
Par continuité croissante,
P(B)= lim
p→+∞
à P
Ã+∞
\
n=p
An
!!
Or la famille d’événements
³ An
´
n≥0est une famille d’événements indépendants.
On a envie d’écrire, pour utiliser cette indépendance : P
Ã+∞
\
n=p
An
!
=
+∞Y
n=p
P(An)
mais l’étude des produits infinis n’est pas au programme, on va donc simple- ment s’intéresser aux produits partiels :
P Ã+∞
\
n=p
An
!
= lim
q→+∞
à P
à q
\
n=p
An
!!
= lim
q→+∞
à q Y
n=p
P(An)
!
= lim
q→+∞
à q Y
n=p
(1−P(An))
!
On peut aussi se contenter, par croissance, de
∀q≥p P Ã+∞
\
n=p
An
!
≤P Ã q
\
n=p
An
!
=
q
Y
n=p
(1−P(An))
La deuxième idée est de prendre le logarithme, l’hypothèse portant sur une série. Mais il faut pour cela supposer qu’au moins à partir d’un certain rang, P(An)<1. On fait donc l’hypothèse suivante :
∀n≥n0 P(An)<1
Alors, sin0≤p≤q, ln
à q Y
n=p
(1−P(An))
!
=
q
X
n=p
ln (1−P(An))
La suite (P(An)) ne converge pas vers 0 a priori, donc on ne peut pas utiliser d’équivalents. On utilise donc une comparaison basée sur
∀x> −1 ln(1+x)≤x
(ce n’est pas une inégalité du cours, il faut donc savoir la démontrer, en étudiant la fonction x7→ x−ln(1+x) ou en remarquant que la fonction xln(1+x) est concave sur ]−1,+∞[, donc au-dessous de sa tangente au point d’abscisse 0).
Donc
ln à q
Y
n=p
(1−P(An))
!
≤ −
q
X
n=p
P(An) MaisP
P(An)= +∞, donc
q
X
n=p
P(An)−−−−−→
q→+∞ +∞
et donc
ln à q
Y
n=p
(1−P(An))
!
−−−−−→
q→+∞ −∞
et, donc,
P Ã+∞
\
n=p
An
!
=0 DoncP(B)=0 ce qui conclut.
Reste le cas où il y aurait une infinité deAntels queP(An)=1. Mais dans ce cas, pour toutp∈N,
P Ã+∞
[
n=p
An
!
=1 et le résultat cherché s’ensuit directement.