Article
Reference
Mémoire sur des ossements trouvés dans les graviers stratifiés des environs de Mategnin (canton de Genève)
PICTET, François-Jules
PICTET, François-Jules. Mémoire sur des ossements trouvés dans les graviers stratifiés des environs de Mategnin (canton de Genève). Mémoires de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève, 1845, vol. 11
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:108701
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
DES OSSEMEI\TS
/
MDMOTRD
SUR
TROUVÉS
DANS TAS GRAVIHRS STBATIX'IES
DES ENVTRONS DE MATTECNTN (CANTON DE cENÈvE)
F.-J. PICTET,
}ROFESSEUR DE ZOOLOGIE AT D'ANATOMIE COMPARdB A L'ÂCÂDÉilIE DD GBNùVR
(Extrait du lome XI rles itlémoires de Ia Société de Physique et d,Histoire uaturelle, ) PAR
GENEVE,
IMPRIIVIERIE DB JUI,ES.GME FICK, RUE DE LÀ CORRATERIE.
1845
mn'ilroIH'n'
DES OSSEMEl\TS
SUR
TnoûvEs
DANS LES GRAvIERS sTRAtmÉs
DEs DNvTRoNS'r.DE MÀTTEcNTN (cexron, nn cnxÈvn)..
'----€ocPo'---- -
II' y
a quelques, années que UI:Ie
conseiller d'État Fazy, alors maire dela
commune de Meyrin? nousprévint
que l'onavait trouvé de
nombreux. ossements dansune
carrière degravier, en
exploitationprès de
Mattegnin. L'importancedes débris
organiques fossilespour établir l'âge relatif
des terrains est
si
grandel{ue
nous nous occupâmes immé- diatementde faire recueillir
avec soin tous ces ossernents.h
rTrÈrIoIRE suR DEs ossnM$NrsM. Fazy voulut bien surveiller lui-même les ouvriers, et, grâce
à
ses soins éclairés, notre Musée en possède aujourd'hui une collection assez considérable.Le premier point à constater était leur gisement (1).
ll
im- portait de savoir si ils avaient été déposés en même temps que('t) lU. le professeur A. Favre a bien voulu me communiquer quelques obser- vations qu'il a faites sur le gisement de ces fossiles et sur la nature des graviers qui les renferntent :
Note su,r les grauiers qui conti'ennent les os fossiles,
Au prenrier coup d'æil , les graviers dus lesquels on a trouvés les ossements paraissent appartenir à l'étage inférieur du terrain diluvien de Genève
,
maisun examen plus approfondi des environs du hameau de Mattegnin fait voir que ces graviers font pârtie de l'étage supérieur de ce terrain. En effet, voici la section que présente la carrière de gravier de la commune de Mattegnin, en partant de la partie supérieure et en descendant :
4o Un ou deux pieds de terrc végétale;
2" A.rgile sableuse, faisant pâte avec I'eau, nonlmee terre à pisé, terre bLanche ou gLa:ppe par les paysâns qui s'en serYent pour des constructions. Elle contient uire assez grande quautité de cailloux roulés dont, les uns appartiennent aux ter- rains cle cristrllisation des Àlpes; ce sont des granites, des prologines, des quarz, des schistes cristallins, eto., et les autres sont des calcaires en général de cou- leur foncée. Ces derniers sont fréquemment striés ou rayés à leur surface, ce qui leur clonne beaucoup de rapport' avec les roches TtoLies par les glaciers. Cette couche n une épaisseur vat'iuble; daus Ia carrière clle n'est guère que de 18 pouces, tandis qu'à quelques centaines de mètres de là
,
près de l\Ieyrin,
lespaysar,ts rssurent qulelle est de l0 pieds'
5" Graviel ou bêton plus ott moins tenace suivant la plus ou moins grande quantité de ciment stalactatique qui soude les cailloux les uns aux aulres. Ces cailloux sont trè's-variés, nais non striés à leur surface. On voit parfois des lits de sable à peu près horizontaux qui divisent cetle masse de graviers d'une manière
TRQUVIIS DÀNS LES ENVIRONS DE MÀTTEGNIN. 5
les graviers, ou
si
on pouvait attribuerleur
enfouissement àquelque cause postérieure plus spéciale. Des découvertes ana- logues à celle de ces
débris,
faites tlans divers points de notre canton, étaient, eneffet,
plusieursfois
restées inaperçues, parce qu'onn'y
avait vu que le résultat d'événements tout mo- dernes.plus ou moins régulière. Dans la partie supérieure, ces graviers présentent des teintes ferrugineuses
I
c'est dans cette couche qu'on a découvert les ossements.Epaisseur : l0 à {2 pieds.
4o Ghise grossière, remarquablement tenâce
,
faisant pâte avec I'eau , mé-tangé d'une grande quantité de cailloux de différentes natures. Les cailloux cal- caires sont striés. Quoique roussâtre cette couche est souvent nommée rcffe blanche par les paysans. Epaisseur indéterminée.
Le gravier, à ossements repose donc sur une terre argileuse contenant des cailloux striés, C'est, comme je I'ai dit ailleurs (Consid.érations géologiques sur Ie rnont Salèae et sur les temaâns des enuirons de Genèue
;
1845 , p. 7 /*),
un des prih- cipaux caractères du terrain diluvien cataclystique. Ce gravier fait donc partie de ce terrâin, et c'est oe que je tenais à prouver. En parcourant les environs de Mat- tegnin, on peut se convaincre que c'est un dépôt local bien moins étendu que I'alluvion ancienne auquel il ressemble, et semblable par sâ position géologique aux dépôts de sable de Frontenex, de Malagnou, de Cartigny, etc., cités par M. Necker (Etudes géologiques dans les Apes ; l, 248, 259, etc,).Quaut à I'alluvion ancienne qui s'étend borizontalement dans le fond de la vàllée de Genève, sans jamais se retever ni contre le Jura ni contre les Alpes, peut-être ponrrait-on Ia regarder comme âppartenant au terrain tertiaire supérieur etcomme étantcontemporaine da terrain d,'attérissentent anciende la Bresse, décrit par M. Elie de Beaumont. Je n'avance ce rapprochement qu'avec beaucoup de doute, car les caractères qui sont tirés du gisement de ce terrain et de la présence d'une petite quantité de lignite, ne sont pas, je I'avoue, assez rranchés pour mo- tiver complétenent ce rapprochement.
Alphonse Ftvne, professeur.
6
uÉlrornn sut DEs ossEMENrsM.
Necker? en particulier, clans""s Etudes géologiques sur
les Alpes (t.
I, p.
262 et suiv.), parle d'ossements de bæufs trouvés dans des sables, près de Chancy. Ce savant géologue est disposé à penser q.u'ils doivent leur origine à ce que n dans,.
des temps sans cloute historiques, mais très-reculésà
eno juger par l'état de ces os et
à
une époque d'une grande épi-< zootie, des troupeaux entiers
de
gros bétail auront été en- o fouis dans ces sables.,
Mais cette explication ne peut pas s'étendre aux ossements de lVlattegnin. J'ai, h diverSes reprises, visité la carrière où on les a trouvés et j'ai retiré moi-même plusieurs squelettes. Je les ai constamment trouvés à une profondeur d'au moins sept à
dix pieds au-dessous de la terre que remue la
culture, et
sous des lits de gravier très-clairementet
régulièrement stratifiés.Je n'ai jamais vu gue la direction des couches et leur continuité fussent
le
moins du monde altérées au-dessus de ces débrisorganiques.
Il faut
d'ailleurs remariluer quetout le
plateau cle Matte- gnin est recouvert de ces graviersdiluviens,
et qtr'iln'y
ani
grandes ondulations, ni coupures,
ni
ruisseauxqui y
déran-gent la superposition des couches. Les graviers qui renferment les ossements sont composés de petites pierres
plus
ou moins aplaties, disposées en strates très-visibles, alternant avec du sable très-fin.Il
est d'ailleurs évident que ces graviers, situésà
60
mètres au-clessus clu lacet à
70 mètres au-dessus dela
partie clu Rhône qui est la plus voisine deMeyrin,
éloignés detout
cours d'eau consiclérable, ne peuventpas avoir
étédéposés par un acciclent spécial, et qu'ils doivent leur origine à
TRouvtis'DÀNs LEs ENvIRoNs DE MATTEGNTN. 7
la
cause généralequi a
déposé lesterrains d'alluvion
du bassin du Léman.Je crois donc que l'on peut considérer comme un fait certain que les animaux dônt on a trouyé les squelettes, ont vécu dans
notre vallée pendant l'époque
qui a
immédiatement précédéle
dépôt cle ce terrain diluvien.Je montrerai
plus
bas que tous ces animaux appartiennent aux mêmes espèces que celles qui vivent aujourd'hui dans le même pays.Dès lors la découverte de ces ossements peut pa- raître peu intéressante,et il
semblera peut-être au premier coup d'æil qu'ily
â peu d'instruction h tenir de,leur étude. Jetâcherai, au contraire, de montret' ![ue ce
fait,
en apparence peu important, se lie en réalité avec les lois lesplus essentielles de la paléontologie, et peut influer sur la solution des questions les plus délicates. Mais auparavapt je dois prouver cetteidentité des espèces, etj'ai
donné à cette comparaison le temps et l'at- tention que m'a paru mériter ce point essentiel, qui doit servir de base aux réflexions par lesquelles je terminerai ce mémoire.1"
MÀMNIIFERES.Musln.Lrcnps. On a trouvé quelques mâchoires et des os des membres tout à
fait identiques à ceux dt Soreæ ar&neuE.
Tlupns. Les ossenrents de taupes sont toujours très'caractéristiques êt dTune détermination frcile. Nons avons pu observer deux têtes complètes sauf la voute du crâne, deux faces, une mâchoire.iuférieure,et trois brssins. La comparaison .avec cinqsquelettes de l,aupes vivantes nous a montré une parfaite identité de for-
I
MÉMotRD snR DEs ossEMENrsmes et de mesures. (Une des têres fossiles étai[ d'un qurtorzième plus petite, différence, commeon le voit, presque nulle) .
Mlnrns. Nous avons trouvé la plus grande partie du squelette d'une marte et queltlues fragmenls d'un second. La comparaison âvec les espèces vivanles nous a montré que les tleux individus fossiles av.rient le museau un peu plus court et plus large que la fouine et élaient identiques pour les folmes et les dimensions aux cleux squelettes de murtes que nous possédons (Mustelu rhartes).
Putors. Nous possédons un squelette complet et des parties de deux autres d'une espèce que nous avons dû comparer avec le Pûois com,mzro (dont nous
n'âvons qu'un squelette dans notre Musée). Le squelette le plus complet est, dâns toutes ses parties, d'un cinquième plus petit. Les débris d'un autre (bout du museau, tibia, humérus, vertèbre, rnâchoire inférieure) se sont trouvés, au con- traire, d'un dixième plus grand. Un tibia et un péroné d'un troisième sont égaux en longueur et en grosseur. Les formes sont identiques et i[ m'a été impossible de lrouver une différence.
Une autre espèce du même genre est aussi représentée drns les osse- ments que nous ayons étudiés par Ia partie occipitale d'une [ê[e, un humérus, trois fémurs, et un tibia. Elle est identique àla BeLette, et aucune différence de forme n'a pu être ohservée. Il firut toutefois remarquer que les dimensions sonl ulr peu plus,petites que celles de nos squelettes vivants. Tous les os fossiles que nous avons eus, quoique ayant les caractères d'os adultes, présentent, comparés
à ces squelettes, le rapport de 89 h {00. Je crois d'ailleursque I'on trouverait les mêmes différences et au tlelà clans la nature vivante.
Cnroxs. lfous avons trouvé dans ces carrières un squelette presque com- plet qui a évidemment appartenu à
w
Renaid (Cani,s autpes). La dentition, la forme du crâne et celle des os paraissent tout à fait identiques à ceux d'un re- nard actuel de taille médiocre.Rars. Nous avons trouvé de nombreux débris qui paraissent, se rapporter à
trois espèces de rats.
Les plus grands sont identiques de formes et de dimensions âvec ceux dt Rat noir et du flat à,uentre blanc (Mus leucogasterPict.). Ces deux espèces vivantes ne me paraissent pas pouvoir être distinguées par leurs os isolés. De nombreux squelettes que j'ai fait faire pour pouvoir apprécier leurs différences m'ont montré l'impossi,
TITOUVÉS DANS LES ENVIRONS DE MATTEGNIN. 9 llilité de reconnaître à iaquelle des deux espèces apparl,iennent ces fragnents osseux; mais le fait même que je signale a un certaitl intérêt zoologique.
Il
estaclmis aujourd'hui par la plupart des naturalisles que I'Europe centrale ne possé- dait originairement aucun rat de grande taille, et que Ie rat noir d'abord et plus tald le surmulot ont été amenés pat' le commerce maritime. La découverte des ossemenls que je signale ici semblerait montrer qu'une espèce a vécu avanl les dernierc cataclysmes et probablement bien avant l'homme; et peut-être en fau- dra-t-i[ conclure que, si le rat noir est importé, le rat à Yentre blanc est âu cor- traire autochtone et a précédé I'homme dans nos contrées.
Les ossements de la seconde espèce sont abondants et se râpporteltt tout à fai[
par leurs formes à ceux dtt fuIulot (lllus syluaticu,y'. Les dimensions ont légèrement varié. Cornparés h la ntoyenne de taille de nos squeleltes,les ossentents fossiles
ont présenté des dillérences d'un cinquième, un septième, un huitième et un quatorzième en sus. Notts avons pu observer cinq têtes, dix fémurs , neuf tibias ,
deux humérus, un cubitus et cinq demi-bassins.
Deux fémurs et un cubitus plus petits trous onI parus identiques de formes et de dimensions à ceux de la Soaris (Mus nr,ttscuLus) .
Cllrplcxor,s. Des ossements de canrpagnols ont aussi été trouvés dans ces car- rières. lls se rappor'lent h deux espèces.
Les premiers, en plus petit nombre (une portion de crâne, une mâchoire, des rlents isolées et un til,ria), sont identiques.au Schermaus (Aruicola subtcrranerc).
Leur r:omparaison avec les vivants nlontre qu'ils sont égaux à leur moyenne.
Des os plus petits et plus nombt'ettx appartiennent, aa CampagnoL orelinaire (Ar- uicola aruulis). J'ai conrparé à tles sqeletf,es vivants deux faces, une mâchoire
intérieure, des dents, deux fémurs et un tibia, et j'ai trouvé la même identité de formes et les mênes variations insignifiantes dans la taille que j'ai signalées ci-dessus.
Cocnons. Les ossements qui se rapportent ilu genre des cochons ont tous ap- partenu à de jeunes individus, et par conséquenù ne permettent pâs une cont- parlison exacte pour décider leurs rapports aYec le sanglier ou aYec le cochon domestique. Ces ossements étaienu très-nombreux.
Boeurs. Les os appartenant au genre des bæufs ont tous présenté le même état d'inrparfait développemenl, que ceux des cochons. Tous ces osselnents sout jeunes et indiqueut des animaux âgés seulement de quelques mois. On ne peuI
2
10
ilrÉMorRn suR.DEs ossÉMnNrsdonc , pas plus que pour les cochons, décider si ils ont appartenu à une éspèce sauvâge ou à une race domestique.
Anrrr,opss. Un canon antérieur et un postérieur ainsi qu'un tibia ne peuyent être rappolités qu'au Chantois (Antilope rupicaprn). Je n'ai trouvé aucune clilférence lpprécirble ni pour h taille ni pour la forme.
Mouroxs ou CnÈvnns. Ûne verrèbre du cou prraîr devoir signaler l'existence d'urr mouton on d'une clrèvre, car elle est Lrop courte el, trop grosse pour pou-
voir ètre rapportée h un chirmois. Notre Musée ne possède pas de squele[tes de mouflons et de chèvres sâuvages, qui seuls pourraient fournir les moyens d'une détermination précise.
90
OISEÀUXOn u'a jusqu'à présent trouvé que des ossements en très-petit nombre el trop brisés pour pouvoir servir même à des déterminrrions génériques. Une por- tion de sternum d'un oiseau de la taille du geai indique une espèce de I'ordre des passereaux.
Cnlp.l.uns. J'ai pu étudier deux humérus et un sâcrum identiques de formes à
ceux du Crapaucl comnmn.Ils paraissent avoir appartenu à de grands individus, car les proportions ordinaires des cmpauds vivauts semblent, assigner à I'individt
fossile qui a possédé le plus grand humérus cinq pouces et dix lignes de la bouche à I'extrémité de l'ischyon, et quatre pouces sept lignesh celui auquel appartient le plus petit.
Gnnxourrrr,ns, Clest àt"la Grenouille uerte (Rana escuLentû que paraissent, se
rapporter;plusieurs os fossiles du genre des grenouilles. Je n'ai tronvé aucune différence appréciable de forme et de taille dans l'examen de deux humérus, d'un sacrum, d'un bassin et de plusieurs tibias.
tÉzlnns. Une mâchoire inférieure munie de vingt-six dents (une de plus que dans nos squelettes) et un bassin m'on[ paru pouvoir être complétement rap- portés âu Léxarcl uerL (Lacerta airidis).
TROUVÉS DÀNS LES ÛNVTRONS DE MÀTTEGNIN. 11
La
comparaison des'ossements fossilesde nos
graviers avecles
squelettesdes
espècesvivantes montre, ce
me semble, avec une parfaite évidence, que tous les faits que l'ona
pu
reclreillir jusqu'à présent prouvent que les animaux, qui ont peuplé notre vallée avant que les terrains diluviens aientété
déposés, étaient identiques âux espèces actuelles. Cette conclusion est confirmée par l'examen dequinze
espèces demammifères et de
trois
de reptiles. Onpeut,
ce rne semble,tirer
delà
les conséqucnces suivantes.J'y vois en premier lieu une
preuveen faveur de
laloi
de perrnanence des espèces.Parmi
les arguments princi- paux sur lesquels repose ce principe important,un
des plus souventinvoqués est la comparaison? avec les espèces actuelles, d'animaux conservés dans les anciennes sépultures d'Egypte.Quancl
on voit
quequatre mille ans n'ont
apporté aucune rnodification de forme, mêmes des plus légères, dans les sque-lettes des crocodiles,
d'ibis,
cle chats, d'ichneumons, etc., on est autoriséà
en conclurela règle
générale que les espècesconservent invariablement
leurs
caractères.Les
ossements déposés dans nos graviers sont encore certainement plus an- ciens que ceux cl'Egypte et fournissent clonc une preuve plus positive.Mais
cegui leur
donne surtoutun
degré d'intérêt plus grand est queI'on a
souvent clit que, tout en reconnais- sant enfait la
permanence des espèces dansl'état
actuel duglobe, on
pouvait admettre aussi qu'aux époques cle boule- versernents géologiques) cles forces plus actives et cles change, ments atmosphériques plus intenses pouvaient amener clansI'organisme cles modifications
plus
profondes.Les
espècest2
MÉuorRE suR DEs ossclrsNrsfossiles de nos dépôts diluviens ont assisté h
un
cle ces chan- gements géologiques n elles ont habiténotre
vallée âvant les dépôts de graviers, et cepenclant elles ont continué identiques jusqu'à nous. Ne peut-on pâsvoir
là au moins une présomp-tion
que les choses ont dtr, en général, se passer de mêrne" et ne peut-on pas entirer un
argument en faveurde
I'opinion beaucoup plus probable que les grands événements géologiques ont bienpu tuer
et détruire les espèces, mais non les modi-fier
dans leurs formes.Je crois ? en second
lieu,
que I'onpeut trouver
dans cesfaits une preuve
![ue
nos clépôts diluviens sont plus récentsque ceux de
la
plus grande partie de l'Europe. Les ossements quej'ai
étudiés appar:tiennent, comme jel'ai dit,
aux terrains diluviens de notre vallée, et cependant toutes les espèces anx- quelles ils se rapportentvivent
encore. Or, la plupart des dé-pôts diluviens
européens renfermentdes
ossements d'élé- phants, de rhinocéros et d'autres espèces aujourd'hui éteintes.Les
cavernessont
dansle
mêmecas, et ont
des ours et des grands chatsqui
sont aussi des espèces perdues.Il
me parait proirairie d'après cela que les gravidrs de la plus grande partie de I'Burope ont été déposés,et
que les cavernes ontété
remplies des ossements remarquablesqui les
caractéri- sent, à une époque antérieureà
celle oir se sont formés nosderniers clépôts arénacés; et cluer par conséquent, Ie sol cle
notre vallée est
le produit
cl'un événement géologique cl'une date relativement récente.Bn{in je tire
del'étude
cle ces mêmes ossements)
unetroisième conclusion
qui
estla
con{irmation d'une opinionTROUVÉS DANS LNS ENVIRONS DE MATTEGNIN. 13
que
j'ai déjà
énoncéeailleurs (Trai,të
élémentairede
Pa- léontologie,t. I, p. 559).
Je crois que l'époque désignée par les géologues sous le norn d'époque diluvienne ne doit pas être distinguée de l'époque moclerne e carje
crois que l'on peut dé- montrerqu'il n'y a point.entre
elles de ces changements defaunes, qui sont si
remarquablescntre les
époques anté-rieures.
Jecrois
quela plus
grancle partie des espèces de l'époque tliluvienne vivent encore aujourd'hui. Je n'admets pas qu'aucuneait
été créée au commencement seulement tle l'é- poque moderne. Je pense que les clépôts diluviens tl'Europeont
été formés par une série cl'événements partiels qui n'ontpoint
interrompu d'une manière généralela vie et
l'organi- sation à la surface dela terre, et qui
ontdû
se borner à dé-truire
quelques espèces.La
démonstration de cette manière devoir
repose sur une chaîne nombreuse clefaits dont
ceux queje
signaleici
neforment qu'un anneau, et
pour
lesquelsje
renvoie auxtrai- tés de
géologie. Mes principaux argumentssont,
en effet,tirés de l'étude des
animaus fossilesde
l'époquedite
di- luvienne. I,,es cavernes et les graviers de I'Europe renferment beaucoup cle squelettes de mammifères qlue I'on nepeut
pas distinguer des espèces actuelleset un
très-petit nombre d'es-pèces perdues. Presque
tons les
aninrauxqui
habitent au-jourd'hui
nos contrées ont déjà existé à cette époque. Le loup"le
renard, la tauperle
blaireau, etc., etc., des cavernes, sont identiquesà
ceuxqui vivent
aujourd'hui. Les fossiles desgraviers cle Genève, viennento ce me semble, fournir une nou- velle preuve
i
car I'identité des espècesy
est encore plus mar-lll'
MÉMorRE sun DEs ossrlllnNrsquée, et montre une époque de transition entle l'âge des ani*
maux des cavernes et les temps modernes. O", personne,
je
pense, n'a I'idée de tenniner l'époque diluvienne immédiate- ment aprèsle
dépôt du lirnon des cavernes,et
de placer dans l'époque modernecelui
des graviers cle Suisse. Dèslors
le seul moyen de faire concorder ces faits est de réunir, commeje
I'ai dit, l'époque diluvienneà
l'époque moderne.il
faut donc admettre qn'immédiatement après les derniers dépôts tertiaires a commencé l'époque moderne, qu'b l'origine de cette époque ont été crééstous les
animauxqui
habitent aujourcl'hui I'Durope et quelques autres espèces, tels qne les grands carnassiers des cavernes? certaines antilopes, etc. Des inondations plus ou moins générales, produites probablement en partie par les derniers soulèvements des Alpes, ont recou- vert à diverses reprises plusieurs parties cle I'Europe. Les plus anciennes sont celles qui ont rempli les cavernes; après elles viennent celles qui ont déposé les graviers de France, et lesplus rnodernes sont celles
qui
ont formé ceux de notre pays.Ces inondations, et peut-être d'autres câuses,
ont fait
dispa-raître
quelques espèces, comme nous en voyons encore s'é-teindre aujourd'hui (telles
queI'aurochs,
etc.). Le
plusgrand nombre
a
subsistéet
formela
faune'européenne ac-tuelle.
Cette manière
de voir me
sernbletout à fait
simple et naturelle. Toutefois,je
comprends qu'ony
puissefaire
des objections, etparmi
ellesj'en
prévois deux, auxquelles je rd- pondrai d'aYance.[,a prernière est relative à I'homme. La réunion des époques
TRoUvÉs.I}ANs LnS ENvIRoNs DE MÀTTEGNIN. 75
diluvienne
et
moderne semblemal
s'accorderavec
sa tar- dive apparition et avecle fait
qu'onne
trouve pas ses osse- men-ts à l'époque des cavernes.J'ai
cléjà prévu cette objection dans:mon Traité'de Pal;ëontologi,e, etj'ai fait
remariluer queje
ne parle ici de l'époquediluvienne
qu'en Europe,et
qu'ilfaut
distinguerla
création de l'homme de satardive
appari- tion dans ce pays. Je crois que I'espèce humaine n'a été témoin d'âucnne des grandes inondations européennes, et qu'elle n'yest arrivée qu'après le dépôt des graviers. Mais rien ne nous
dit
qu'à cette époque elle n'habitât pas le continent asiatique) quetout
s'accordeà
tlémontrer comlne son berceau. Je crois quela
géologie européenne n'a point à s'occuper cle la création del'homme, et que, clans 'l'ignorance'otr nous som.mes de la ma- nière dont les choses se sont passées en Àsie,
il n'y a
à cet égarcl aucun argument à invoquer contre I'idée quej'ai
pro-pos.ee ci-dessus.
On pourra
objecter, en secondlieu,
quela
faune eul.o- péenne aurait ététrop
abondante,si on
ajoute aux espècesactuelles celles que les diverses inondations diluviennes ont détruites. J'ai déjà
dit que
ces dernières étaientpeu
nom*breuses; et si on compare la faune actuelle tle I'Europe à celle de l'Àsie et de l'Amérique, on la trouve inliniment plus pauvre
en
nammifères;
cellequi
aurait été créée au commencement de l'époque diluvienneleur
serait encoreinférieure
sous cepoint
de vue.Ces objections ne me paraissent pas ébranler l'opinion que
je
soumetsici,
etje
crois qu'on peut consiclérer comme très- probable que les divers gisements diluviens renferment unet6
MÉMorRD sun DEs ossEMENTs rRollvtis, Erc.série de faunes peu différenrtes les unes des autresr