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Les troubles du langage dans l'autisme : quelle comorbidité avec les troubles spécifiques du langage ?

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Master

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Les troubles du langage dans l'autisme : quelle comorbidité avec les troubles spécifiques du langage ?

PROD'HOMME, Camille

Abstract

Basée sur l'hypothèse d'un chevauchement entre trouble du spectre autistique et trouble spécifique du langage, l'étude présentée dans ce mémoire a pour but de comparer les profils linguistiques de 20 enfants atteints de troubles du spectre autistique (âgés de 7;8 à 10;11 ans) et de 14 enfants ayant un trouble spécifique du langage (âgés de 6;1 à 10;2 ans). Les enfants atteints d'un trouble du spectre autistique ont été séparés en deux groupes, un groupe comportant les enfants ayant des performances déficitaires en répétition de phrases (G-TSA), et l'autre comportant les enfants ayant des performances dans la norme (NG-TSA).

L'objectif étant de voir jusqu'où l'hypothèse d'un chevauchement langagier entre les deux formes de troubles peut être défendue, nous avons étudié les similarités des profils de nos groupes expérimentaux sur différents domaines linguistiques : la phonologie en production, la morphosyntaxe en production et en réception et, plus particulièrement, la compréhension des phrases à la forme passive qui n'a jamais été testée sur des enfants autistes francophones...

PROD'HOMME, Camille. Les troubles du langage dans l'autisme : quelle comorbidité avec les troubles spécifiques du langage ?. Master : Univ. Genève, 2015

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:78278

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Section de psychologie

LES TROUBLES DU LANGAGE DANS L'AUTISME :

QUELLE COMORBIDITE AVEC LES TROUBLES SPECIFIQUES DU LANGAGE ?

Mémoire réalisé par Camille Prod'Homme

Novembre 2015

Rédigé sous la direction de Hélène DELAGE et Stephanie DURRLEMAN

Jury : Stephanie DURRLEMAN, Mélanie HAVY & Pascal ZESIGER

21989 mots

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Remerciements

Je tiens tout d'abord à remercier chaleureusement mes directrices de mémoire, Madame Delage et Madame Durrleman, qui m'ont accompagnée, éclairée et soutenue tout au long de ces deux années de travail, de recherche et de questionnements.

Merci à Madame Durrleman, Madame Havy et Monsieur Zesiger qui me font l'honneur d’être jurés lors de ma soutenance.

Je tiens aussi à remercier toute l’équipe de recherche de Tours et plus particulièrement Madame Sandrine Ferré, Monsieur Philippe Prévost et Madame Laurice Tuller, pour leur précieuse collaboration.

Merci à Elise Boos, Alice Gex et Estelle Moyne-Picard qui ont réalisé les passations auprès des enfants contrôles et élaboré la tâche de théorie de l'esprit.

Merci aux logopédistes, aux orthophonistes, aux associations et aux écoles qui nous ont mises en relations avec les enfants et leur famille.

Merci aux enfants et aux parents qui nous ont accueillies chez eux et sans qui cette étude n'existerait pas.

Merci à mes deux collègues de mémoire, Elia Lopes Castro et Sofia Carvalho, avec qui j'ai partagé ces deux années de travail, de stress, de thés et de bonne humeur.

Et enfin... Merci mes parents de m'avoir permis de faire ces études, merci ma Nénène de m'avoir accueillie avec Gustave et François, merci mon Amour de croire en moi.

Merci aux irréductibles Gaulois pour leur amitié, leur fidélité, leur douce folie et leur précieuse quincaillerie.

Merci à vous, ma Famille, de m'avoir supportée dans les moments de doute, de m'avoir écoutée et encouragée sans jamais douter de moi.

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Résumé

Basée sur l’hypothèse d'un chevauchement entre trouble du spectre autistique et trouble spécifique du langage, l’étude présentée dans ce mémoire a pour but de comparer les profils linguistiques de 20 enfants atteints de troubles du spectre autistique (âgés de 7;8 à 10;11 ans) et de 14 enfants ayant un trouble spécifique du langage (âgés de 6;1 à 10;2 ans).

Les enfants atteints d'un trouble du spectre autistique ont été séparés en deux groupes, un groupe comportant les enfants ayant des performances déficitaires en répétition de phrases (G-TSA), et l'autre comportant les enfants ayant des performances dans la norme (NG-TSA).

L'objectif étant de voir jusqu'où l’hypothèse d'un chevauchement langagier entre les deux formes de troubles peut être défendue, nous avons étudié les similarités des profils de nos groupes expérimentaux sur différents domaines linguistiques : la phonologie en production, la morphosyntaxe en production et en réception et, plus particulièrement, la compréhension des phrases à la forme passive qui n'a jamais été testée sur des enfants autistes francophones. Les résultats montrent que sur les tâches expérimentales, les G-TSA ont des performances inférieures à celles des NG-TSA et des enfants contrôles. Ils montrent également que les NG- TSA ont des performances similaires à celles des enfants contrôles. Enfin, il apparaît que les G-TSA ont des performances langagières similaires à celles des enfants TSL et qu'elles ne sont pas corrélées avec leur QI non-verbal. En revanche, nous ne retrouvons pas les mêmes constats sur la tâche standardisée de compréhension morphosyntaxique ; ce point sera abordé dans la discussion. De plus, suite à une analyse détaillée des performances des G-TSA sur la tâche « passives », il apparaît que les difficultés des G-TSA augmentent avec l'accroissement de la complexité syntaxique des items. Ainsi ces enfants échouent davantage sur les passives que sur les actives, et sur les passives psychologiques que sur les actionnelles. Cependant, la présence du complément d'agent dans les passives longues n'affecte pas significativement leurs performances ce qui va à l'encontre de littérature. Nous aborderons également ce point lors de la discussion. Globalement, les données que nous avons obtenues vont dans le sens d'un déficit grammatical spécifique chez les G-TSA, et corroborent l'hypothèse d'un chevauchement entre autisme et trouble spécifique du langage.

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Table des matières

Liste d'abréviations...9

Introduction...11

I. Partie théorique...13

1.1. L'autisme (TSA)...13

1.1.1. Définition...13

1.1.2. Hypothèses explicatives...14

1.1.3. Difficultés...14

1.2. Le trouble spécifique du langage (TSL)...16

1.2.1. Définition...16

1.2.2. Hypothèses explicatives...17

1.2.3. Difficultés...18

1.3. Similarités langagières entre autisme (TSA) et TSL...21

1.4. Contexte théorique...26

1.4.1. Etat actuel des connaissances...26

1.4.2. Problématique...30

II. Méthodologie expérimentale...33

2.1. Participants...33

2.1.1. Groupes cliniques...33

Enfants atteints d'un Trouble du Spectre Autistique (TSA)...33

Enfants atteints d'un Trouble Spécifique du Langage...33

2.1.2. Groupes expérimentaux...34

Les G-TSA et les NG-TSA...34

Les TSL...35

Les enfants contrôles...35

2.2. Matériel et procédure...35

2.2.1. Tâches langagières...35

2.2.1.1. Evaluation de la morphosyntaxe versant production...35

Tâche de répétition de phrases...35

2.2.1.2. Evaluation de la morphosyntaxe versant réception...37

Tâche de compréhension des passives...37

Tâche standardisée d’évaluation de la compréhension morphosyntaxique (N-EEL)...40

2.2.2. Tâche non-langagière...43

2.3. Hypothèses opérationnelles...44

2.3.1. Hypothèses opérationnelles pour HA ; similarités langagières entre G-TSA et TSL...44

2.3.2. Hypothèses opérationnelles pour HB : difficultés grammaticales des G-TSA sur les items complexes...45

3.3.3. Hypothèse opérationnelle HC : indépendance des performances langagières et du raisonnement non-verbal (TSL ; GTSA)...46

III. Résultats...47

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3.1. Analyses statistiques...47

3.2. Variables contrôlées...48

3.3. Hypothèses HA...48

3.3.1. Hypothèse HA1...48

3.3.2. Hypothèse HA2...51

3.3.3. Hypothèse HA3...54

3.3.4. Hypothèse HA4...55

3.4. Hypothèses HB...60

3.4.1. Hypothèse HB1...60

3.4.2. Hypothèse HB2...62

3.4.3. Hypothèse HB3...64

3.5. Hypothèse HC...65

IV. Discussion...67

4.1. Hypothèses HA...67

4.1.1. Hypothèse HA1...67

4.1.2. Hypothèse HA2...69

4.1.3. Hypothèse HA3...71

4.1.4. Hypothèse HA4...72

4.2. Hypothèses HB...73

4.2.1. Hypothèse HB1...73

4.2.2. Hypothèse HB2...74

4.2.3. Hypothèse HB3...75

4.3. Hypothèse HC...77

4.4. Conclusion générale...77

Bibliographie...81

Annexe A. Procédure de recrutement des participants...88

Annexe B. Affiche pour professionnels...89

Annexe C. Lettre aux professionnels...90

Annexe D. Lettre aux parents...91

Annexe E. Formulaire de consentement...92

Annexe F. Protocole de passation...95

Annexe G. Données cliniques : enfants TSA...107

Annexe H. Données cliniques : enfants TSL...108

Annexe I. Corrélation Raven / tâches langagières G-TSA...109

Annexe J. Corrélation Raven / tâches langagières TSL...110

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Liste d'abréviations

COST : European Cooperation in the field of Scientific and Technical Research

DSM : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders

E-T : Ecart-type

G-SLI : Grammatical - Specific Language Impairment

G-TSA : Trouble du Spectre Autistique avec déficit Grammatical

N-EEL : Nouvelles Epreuves pour l'Examen du Langage

NG-TSA : Trouble du Spectre Autistique sans déficit Grammatical

PLI : Pragmatic Language Impairment

QI : Quotient Intellectuel

TD : Typical Development

TED : Trouble Envahissant du Développement

TSA : Trouble du Spectre Autistique

TSL : Trouble Spécifique du Langage

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Introduction

Les relations entre les enfants atteints de troubles spécifiques du langage (TSL) et les enfants atteints d'un trouble du spectre autistique (TSA) font l'objet de nombreuses études et donnent lieu à de multiples débats dans le milieu scientifique. L'autisme étant classiquement caractérisé par un déficit pragmatique, la recherche s’est intéressée depuis peu aux troubles structurels du langage observés chez certains enfants TSA. Les études récentes menées sur ce sujet montrent que certains enfants autistes ont des difficultés morphosyntaxiques (Roberts, Rice & Tager Flusberg, 2004) et phonologiques (Kjelgaard & Tager-Flusberg, 2001), un déficit grammatical entraînant des difficultés de traitement computationnel des structures syntaxiques complexes (Perovic, Modyanova, Hanson, Nelson & Wexler, 2007), que ce déficit est persistant dans le temps (Durrleman & Franck, 2012), qu'il n'est pas corrélé à leurs performances cognitives non-verbales, et enfin, que leurs performances lexicales sont mieux préservées que celles relatives aux autres domaines structurels (Zebib, Tuller, Prevost &

Morin, 2013). Ces déficits étant les mêmes que ceux caractérisant les TSL, se pose alors la question de l’effectivité des similarités linguistiques entre TSL et TSA, de leur nature et de leur étiologie. Trois grands modèles se confrontent : celui d'un continuum entre TSL et TSA (Bishop 2003), celui opposé de la distinction catégorielle entre ces troubles (Whitehouse, Barry & Bishop 2008), et enfin, celui d'un chevauchement (Kjelgaard et Tager-Flusberg, 2001). Nous proposons ici de comparer les performances d'enfants francophones TSA et TSL sur les marqueurs cliniques reconnus des TSL : la phonologie et la morphosyntaxe. Pour cela nous évaluerons la répétition de phrases, la répétition de non-mots, la compréhension morphosyntaxique et plus particulièrement la compréhension des passives qui n'a, à notre connaissance, jamais été testée sur des enfants TSA francophones. Ces performances seront comparées au QI non-verbal des participants afin d’évaluer leur indépendance.L'objectif de notre recherche est de préciser les éventuelles similarités phénotypiques entre les profils linguistiques des TSA et des TSL. La caractérisation des troubles concernés et de leurs relations est d'un intérêt clinique, et permettrait de préciser leur évaluation, leur diagnostic et leur prise en charge. Nous commencerons par définir les deux catégories de troubles étudiés, leur spécificité symptomatologique et leurs similarités à travers la littérature scientifique.

Dans une seconde partie (II) nous détaillerons la méthodologie expérimentale que nous avons suivie, et exposerons nos hypothèses opérationnelles. Nous présenterons ensuite les résultats que nous avons obtenus (III) et enfin, nous les discuterons (IV).

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I. Partie théorique

1.1. L'autisme (TSA)

1.1.1. Définition

Ce que l'on nomme classiquement autisme est un trouble neuro-développemental apparaissant dans la petite enfance et cliniquement défini comme un syndrome comportemental. Dans la CIM-10 (OMS, 2000) l'autisme est classé dans les troubles du développement psychologique en tant que trouble envahissant du développement (TED). On y distingue huit catégories de TED parmi lesquels l'autisme infantile, l'autisme atypique et le syndrome d'Asperger. Aujourd'hui on parle préférentiellement de troubles du spectre autistique (TSA) qui est la nouvelle étiquette diagnostique utilisée dans le DSM-5 (APA, 2013) et regroupant les troubles autistiques, le syndrome d'Asperger, les troubles envahissants du développement non-spécifiés ainsi que le trouble désintégratif de l'enfance.

Caractérisés dans le DSM-IV par des symptômes recouvrant trois domaines, la communication, l'interaction sociale et le répertoire des comportements, les troubles du spectre autistique du DSM-5 ne sont plus caractérisés que par une dyade de symptômes : les

« troubles de la communication sociale » et les « comportements restreints et répétitifs ».

Cette nouvelle dénomination correspond davantage à la diversité, l'hétérogénéité des profils et des degrés de sévérité rencontrés cliniquement, et offre ainsi la possibilité de considérer l'autisme de manière dimensionnelle (différents niveaux de sévérité) sur un continuum, plutôt qu'à partir de catégories « rigides ». De plus, cette nouvelle classification semble avoir une aussi bonne sensibilité et spécificité diagnostique que celle du DSM-IV (Huerta, Bishop, Duncan, Hus & Lord, 2012).

La recherche sur les troubles autistiques avance, et depuis les années 50, leurs classifications se suivent et évoluent en même temps que les services de repérage et de diagnostique augmentent en nombre et en qualité. Cela impacte fortement la prévalence de ces troubles ; alors qu'en 1960 on estime qu 'elle est de 0,4 pour 1000 (HAS, 2010), en 2012 elle est estimée à 1 pour 88 enfants (Neggers, 2014).

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1.1.2. Hypothèses explicatives

Malgré le nombre considérable de recherches publiées sur le sujet, l'origine de l'autisme reste inconnue à ce jour. Certaines pistes se dégagent : l'origine serait génétique avec (au moins) l'implication d'une zone du chromosome 7, fonctionnelle avec des anomalies métaboliques des structures cérébrales impliquées dans le langage, ou encore multiple, associant par exemple des facteurs génétiques à des facteurs environnementaux (Bursztejn, 2001). Ce qui est certain, c'est que l'autisme est un syndrome aux multiples facettes et que l’hétérogénéité de son expression peut laisser envisager autant de facteurs étiologiques différents que l'on pourrait identifier de sous-groupes d'autistes.

1.1.3. Difficultés

Bien que « le nombre de symptômes [...] varie d'un cas à l'autre, ainsi que, au fil du temps, chez un même patient » (Bursztejn, 2001), comme vu précédemment, les troubles du spectre autistique se caractérisent désormais par une dyade de domaine touchés (DSM-5).

On retrouve au premier plan les difficultés d'ordre social avec des stratégies communicatives inadéquates ou inexistantes tant sur le plan verbal (langage oral) que non-verbal (gestuelle).

Celles-ci s'illustrent notamment par d'importantes difficultés dans l’établissement du contact visuel lors des interactions, avec un regard évitant celui de l'autre et dirigé sur le bas du visage de l'interlocuteur. On retrouve également une inadéquation des interventions qui, auto- centrées, ne respectent ni les tours de parole ni le thème de la discussion, ou encore une absence de réponse aux intentions communicatives d'autrui (Gotham, Bishop, Lord, 2011).

Pour l'enfant autiste « l'environnement social est aussi imprédictible qu’incompréhensible, on dit qu'il assimile les personnes aux objets, traitant les deux de manière équivalente » (traduction libre, Baron-Cohen, Leslie & Frith, 1985).

Au deuxième plan nous retrouvons les comportements restreints et répétitifs qui incluent des stéréotypies motrices comme le flapping, une focalisation sensorielle anormale (écoute répétitive d'un son, auto-stimulation), la mise en place de rituels, ainsi que la centration sur un thème particulier, et envahissant la communication avec autrui (Gotham & al. 2011).

D’après plusieurs recherches, les difficultés sociales caractéristiques de l'autisme trouveraient leur source dans l'absence de théorie de l'esprit. Cette théorie de l'esprit, définie comme étant la capacité à inférer des états mentaux (émotions, croyances) à autrui et à

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prédire son comportement, est une habileté cognitive qui apparaît entre 4 et 6 ans chez l'enfant à développement neuro-typique (Wimmer & Perner, 1983). Baron-Cohen & al.

(1985) ont testé cette capacité sur un échantillon d'enfants anglophones diagnostiqués autistes, en comparant leurs performances dans la tache « Sally et Anne » à celles d'enfants atteints du syndrome de Down. Ces deux groupes étaient appariés en âge chronologique (de 6 à 17ans) ; le groupe d'enfants autistes comportant des enfants avec un retard mental, des enfants dans la norme de leur âge, et des « hauts-potentiels ». Les résultats obtenus sont sans appel : alors que 86% des enfants atteints du syndrome de Down réussissent la tâche, 80%

des enfants autistes échouent, et ce, indépendamment de leurs capacités cognitives (âge mental). Le manque de théorie de l'esprit est donc une difficulté spécifique à l'autisme et qui n'est pas corrélée avec le niveau intellectuel général. L'auteur conclut que le manque de théorie de l'esprit est en mesure d'expliquer les difficultés sociales des enfants atteints d'autisme.

Les difficultés sociales de l'autisme engendrent un développement langagier particulier et ce, dès les premiers stades de développement du langage. Dans une étude de cas longitudinale où elles comparent les interactions mère-enfant d'un enfant autiste avec celles d'enfants neuro-typiques, Leroy & Masson (2010) montrent que les pré-requis à la communication ne sont pas acquis de la même manière chez les enfants autistes. Elles mesurent le nombre de regards et leur durée entre l'enfant et sa mère (sur un temps moyen de 30 secondes), et montrent qu'un enfant neuro-typique adresse 3 regards de 22 secondes à sa mère, tandis que l'enfant autiste adresse 7 regards à sa mère, mais d'une durée de 2 secondes chacun. Cela montre la difficulté à établir un lien par le contact visuel chez l'enfant autiste dont le regard « décroche » rapidement de celui de sa mère, et ce à de nombreuses reprises.

Au niveau du pointage, elles notent que contrairement à l'enfant neuro-typique, l'enfant autiste ne cherche pas une attention conjointe : il pointe les objets sans s'assurer d'avoir l'attention de sa mère, sans établir de contact visuel avec elle et donc sans maintenir son attention. La capacité à respecter les tours de rôle n'est pas mieux établie chez l'enfant autiste qui, lors d'une interaction avec sa mère, ne tient pas compte de ses interventions et l’interrompt, donnant l'impression de « deux monologues qui se superposent ». Cela montre que les pré-requis à la communication sont « difficilement mis en place, et restent instables » chez l'enfant autiste. Il est d'ailleurs important de noter que 15% des enfants autistes ne développent jamais le langage (Gotham & al, 2011).

Parmi ceux qui développent le langage, les difficultés précoces de communication

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conjuguées au manque de théorie de l'esprit, entraînent un déficit de la pragmatique (usage adéquate du langage en contexte communicationnel) symptomatologique de l'autisme. Ce déficit renvoie à différents symptômes tels que l'inversion de pronoms, l’écholalie, un langage stéréotypé ou métaphorique, une absence d'initiative communicationnelle, des réponses inadéquates aux questions, une absence de gestuelle conversationnelle, ainsi qu'une interprétation littérale des énoncés inférentiels (Bishop & Leonard, 2000). De plus, les recherches actuelles montrent que certains enfants autistes ont également un déficit langagier touchant le langage structurel (phonologie, lexique, morphosyntaxe), déficit qui semble s'apparenter à celui des enfants ayant un trouble spécifique du langage ; ce point sera détaillé et discuté plus loin (1.3).

1.2. Le trouble spécifique du langage (TSL)

1.2.1. Définition

La définition du trouble spécifique du langage (TSL) est donnée dans son nom : le terme « trouble » indique qu'il s'agit de difficultés sévères et persistantes, et celui de

« spécifique » que ses difficultés touchent le domaine du langage de façon primaire. Il s'agit donc d'un trouble neuro-développemental du langage (oral) se définissant par des critères d'inclusion : « troubles dans lesquels les modalités normales d'acquisition du langage sont altérées dès les premiers stades du développement », mais aussi par des critères d'exclusion :

« Ces troubles ne sont pas directement attribuables à des anomalies neurologiques, des anomalies de l'appareil phonatoire, des troubles sensoriels, un retard mental ou des facteurs environnementaux » (ANAES, 2001). Il est admis que, pour la simple raison de pouvoir observer ces critères de sévérité et de persistance, ce trouble ne peut être diagnostiqué qu'à partir de 5-6 ans (Parisse & Maillart, 2004).

La CIM-10 (OMS, 2000) distingue cinq catégories de « Troubles spécifiques du développement de la parole et du langage » dont le trouble de l'acquisition du langage de type expressif et le trouble de l'acquisition du langage de type réceptif. Le critère diagnostique est quantitatif, il faut que les capacités langagières de l'enfant, expressives ou réceptives selon le trouble, se situent au moins à deux écarts-types en dessous de la moyenne des performances des enfants du même âge. Par ailleurs, ce trouble, spécifique au langage comme nous l'avons vu, n’étant pas lié aux capacités intellectuelles non-verbales, la CIM-10 donne une

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explicitation quantitative à ce critère d'exclusion ; le QI non-verbal doit être supérieur d'au moins un écart-type au QI verbal de l'enfant.

La classification du DSM-5 (APA, 2013) englobe la catégorie expressive versus réceptive de la CIM-10, et répertorie ce trouble dans la catégorie des « Troubles de la communication ». On y retrouve ainsi, parmi trois sous-catégories, celle de « Trouble du langage » qui se caractérise par « des difficultés persistantes dans l'acquisition et l'utilisation du langage à travers différentes modalités […] dues à des déficits de compréhension ou de production du langage ». Ces difficultés doivent engendrer des performances qui soient quantitativement et qualitativement en-dessous de celles attendues pour l’âge de l'enfant, et de manière persistante (Leclercq & Maillart, 2014 ). Le DSM-5, contrairement au DSM-IV, exclut la notion de spécificité du trouble et donc la nécessité diagnostique d'un écart entre QI verbal et non-verbal en faveur de ce dernier ; effectivement ce critère est actuellement controversé dans la littérature scientifique. Des recherches longitudinales ayant montré que les troubles langagiers impactent négativement le développement intellectuel non-verbal de manière très significative (Botting, 2005), ce critère diagnostique est à nuancer, notamment en fonction de l'âge de l'enfant (Leclercq & Maillart, 2014). Plus l'enfant grandit, plus la péjoration de son QI non-verbal, par son trouble langagier, est effective. En revanche, et malgré cette interdépendance, le DSM-5 indique que le trouble du langage ne peut être expliqué par la présence d'une autre atteinte (mentale, sensorielle, neurologique).

L’évolution des définitions du trouble spécifique du langage ainsi que les divergences sur leurs critères d'inclusion et d’exclusion, impactent la prévalence. Aux Etats-unis où les critères d'inclusion sont plus larges, une étude recense une prévalence de 7,4% au sein de 7218 enfants testés (âgés de 5 à 6 ans), alors qu'en France, elle est estimée entre 1% et 6-8%

chez les enfants d'âge préscolaire et de 0,5% à 1% chez les enfants d’âge scolaire (6 ans) (Soares-Boucaud, Labruyère, Jery & Georgieff, 2009).

1.2.2. Hypothèses explicatives

Depuis plusieurs dizaines d’années, et avec le développement des techniques d'investigation médicales, les recherches sur l'étiologie du trouble spécifique du langage se multiplient. Leonard, Eckert, Given, Virginia & Eden (2006) proposent un marqueur biologique et mettent en avant une absence de spécialisation langagière de l’hémisphère

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gauche chez les enfants TSL. Cependant, des études récentes nuancent la notion de

« marqueur » (Reilly, Tomblin, Law, McKean, Mensah, Morgan, Goldfeld, Nicholson &

Wake, 2014). Effectivement, si les recherches expérimentales sur le fonctionnement cérébral permettent bien de différencier les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage des enfants neuro-typiques, elles ne peuvent prétendre rendre compte d'un véritable marqueur biologique des TSL puisque leurs résultats sont basés sur de petites cohortes de sujets et ne testent pas les sujets qui seraient atteints, par exemple, d'un trouble du langage non- spécifique.

En parallèle, de nombreuses recherches se penchent sur l’étude génétique de cas ; il en ressort que le gène FOXP2 serait impliqué dans les habiletés langagières et leur développement, et donc en lien avec les troubles spécifiques du langage (Pinker, 2001).

L’année suivante, une étude montre que les gènes impliqués dans le langage ne sont pas spécifiques au langage : ils sont aussi impliqués dans le raisonnement non-verbal (Colledge, Bishop, Koeppen-Schomerus, Price, Happe, Eley, Dale & Plomin 2002). De plus, on découvre que l'héritabilité des habiletés langagières est plus importante chez les enfants atteints d'un trouble du langage non-spécifique que chez les TSL (Hayiou-Thomas, Oliver &

Plomin, 2005).

Pour Reilly & al. (2014), ces arguments constituent la preuve scientifique que le trouble spécifique du langage n'a pas de constitution génétique unique impliquant des gènes spécifiques au langage. Bishop (2009) parle quant à elle d'un ensemble de facteurs génétiques et environnementaux prédisposants au TSL, mais souligne que l'on peut envisager la même diversité d’étiologies que l'on observe de formes de TSL.

1.2.3. Difficultés

Comme nous l'avons vu, avec l’avancée des recherches, définir le TSL comme « un trouble unique et spécifique » n'est plus d’actualité (Maillart & Orban, 2008). La diversité des profils et des degrés d'atteinte nous pousse à considérer ce trouble comme « un ensemble de symptômes développementaux qui peuvent se décliner en différents sous-types » en fonction du domaine linguistique touché. En 2004, Bishop & Snowling proposent une classification basée sur des observations cliniques qui sera reprise dans le DSM-5, et distingue quatre sous- types de dysphasie1 en fonction du domaine langagier atteint : le trouble spécifique du

1 Actuellement Trouble Spécifique du Langage ou Trouble du Langage selon la classification.

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langage « typique » qui touche les éléments structurels du langage en modalité productive et/ou réceptive, la dyspraxie verbale développementale qui fait référence à des difficultés de programmation et de planification motrice, le trouble pragmatique développemental qui altère

« l'utilisation du langage dans son contexte de communication » et l'agnosie verbale auditive (le moins fréquent) qui « altère de manière sévère le versant réceptif du langage » (Leclercq

& Maillart, 2014). Ce qui nous intéresse ici, c'est la première catégorie de troubles qui fait référence à une atteinte « linguistique » et que nous appellerons « TSL ». De nombreuses recherches se sont penchées sur cette catégorie pour essayer d'en définir les marqueurs cliniques, et d'en recenser les principales difficultés.

Les jeunes enfants TSL ont un profil langagier similaire à celui d'enfants neuro- typiques plus jeunes, leur trouble s'exprime donc en terme de retard sur les différents domaines linguistiques. Ce n'est que vers l'âge de 4 ans que les enfants TSL vont se distinguer qualitativement de leurs pairs plus jeunes (Maillart & Orban, 2008). En phonologie, on note ainsi un pourcentage significativement plus élevé d'erreurs sur les voyelles chez les enfants avec TSL (Maillart & Parisse, 2006). Au niveau lexical, les enfants avec TSL font le même type d'erreurs que leurs pairs plus jeunes, mais en font significativement plus (Mc Gregor, 1997).

Le niveau grammatical est quant à lui, le plus investigué chez les enfants TSL.

Effectivement, Bishop & Snowling (2004) présentent les enfants avec TSL comme ayant pour marqueur clinique des difficultés grammaticales, similaires à celles retrouvées chez les enfants neuro-typiques plus jeunes, mais persistantes. Les difficultés touchant le domaine de la grammaire sont, d’après elles, les difficultés le plus fréquemment et le plus significativement observées chez les enfants TSL. Van der Lely, Rosen & McClelland (1998) nomment ces enfants « G-SLI » (Grammatical Specific Language Impairement), et expliquent leurs difficultés par une « altération des opérations de mouvement régissant les relations syntaxiques » (traduction libre). C'est à dire que les difficultés grammaticales de ces enfants viendraient d'une mauvaise capacité à effectuer les opérations de mouvement nécessaires, par exemple, dans l’interprétation d'une phrase dont les éléments syntaxiques ne sont pas dans un ordre canonique. De nombreuses recherches étayent ce propos.

Jakubowicz, Nash, Rigaut & Gerard (1998) comparent les performances en production élicitée et en compréhension d'items « fonctionnels » (déterminants et pronoms clitiques) chez des enfants francophones TSL (de 5 à 13 ans) et neuro-typiques (de 5 à 6 ans).

En production, les performances des enfants TSL sont inférieures à celles des enfants

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contrôles pour les pronoms clitiques accusatifs2 et les pronoms clitiques réflexifs3, mais pas pour les pronoms clitiques sujets, ni pour les déterminants. Par ailleurs leurs performances en compréhension (meilleures) sont corrélées avec leurs performances en production. Les difficultés grammaticales des enfants TSL existent donc, mais ne sont pas généralisées à tous les éléments grammaticaux. Elles sont dépendantes des propriétés des éléments grammaticaux, et des opérations computationnelles qu'elles impliquent. Effectivement, les pronoms clitiques accusatifs et réflexifs nécessitent une opération linguistique complexe computationnelle telle que celle de mouvement : puisqu'en français leur position dans la phrase n'est pas canonique (SVO)4 et qu'ils sont antéposés au verbe (SOV), l'enfant doit effectuer mentalement une opération de mouvement du pronom clitique accusatif ou réflexif pour le déplacer de sa place post-verbale à sa place anté-verbale5. C'est cette particularité computationnelle qui serait difficile pour les enfants TSL.

En 2000, Bishop, Bright, James, Bishop & Van der Lely testent la compréhension des phrases passives6 sur des jumeaux TSL de même sexe (de 7 à 13ans) et des jumeaux contrôles (de 7 à 13ans). Les passives ont une structure syntaxique entraînant des opérations linguistiques complexes, de part leur ordre de mots non-canonique dans lequel le patient est mis en position habituelle d'agent. Les résultats confirment ceux de Van der Lely (1996), et montrent que les performances des enfants avec TSL sont significativement inférieures à celles des enfants contrôles, et que les enfants avec TSL ont plus tendance à avoir une interprétation adjectivale des passives courtes dans lesquelles ils considèrent le participe- passé comme un adjectif, une propriété du patient.

Les morphèmes grammaticaux verbaux (e.g. (en anglais) marque du passé : -ed ; de la 3ème personne du singulier : -s) représentent également une difficulté des enfants avec TSL qui auraient tendance à les omettre de façon persistante, alors que la morphologie nominale est mieux préservée. A noter que cette difficulté est plus explicite chez les enfants anglophones en raison des propriétés grammaticales spécifiques à l'anglais, et qu'elle ne constituerait donc pas un marqueur clinique pour les enfants avec TSL francophones (Parisse

& Maillart, 2004).

2 Jean la lave.

3 Jean se lave.

4 Phrase d'ordre canonique (SVO) : Jean (sujet) connait (verbe) Marie (objet).

Phrase d'ordre non-canonique (SOV) : Jean (sujet) la (objet : pronom clitique accusatif) connait (verbe).

5 Jean la connaît __.

6 Phrase active : L'homme (agent) mange le poisson (patient)

Phrase passive : Le poisson (patient) est mangé par l'homme (complément d'agent) Phrase passive courte : Le poisson (patient) est mangé.

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Mais alors quels sont les marqueurs cliniques des enfants avec TSL ? En 2001 Conti- Ramsden & Botting évaluent la sensibilité et la spécificité des différents marqueurs de TSL proposés jusqu'à présent en y intégrant deux marqueurs supplémentaires ayant fait l'objet de recherches antérieures chez les enfants avec TSL : la répétition de non-mots impliquant la mémoire verbale à court-terme et la phonologie, et la répétition de phrases impliquant également la mémoire verbale à court-terme, mais aussi l'activation de variables linguistiques (lexique, morphologie, sémantique, syntaxe). Ils comparent les performances d'enfants anglophones avec TSL (de 11ans) avec celles d'enfants contrôles appariés chronologiquement dans une tâche de complétion de phrases au passé, une de complétion de phrase à la 3ème personne du singulier, une de répétition de non-mots, et une de répétition de phrase. Le marqueur clinique le plus sensible et le plus spécifique est la répétition de phrase, suivie de la répétition de non-mots. Ils remarquent également qu'aucune des tâches langagières proposées n'est particulièrement corrélée avec le QI non-verbal, mais que les performances en répétition de phrases sont très corrélées avec les performances aux autres tâches. La répétition de phrases serait donc un marqueur suffisant du TSL.

Pour conclure sur les difficultés des enfants avec TSL, il est important de préciser que si les différents domaines langagiers (phonologie, lexique, morphosyntaxe, pragmatique) renvoient à des habiletés cognitives distinctes, ils interagissent entre eux. Ainsi, de bonnes performances dans un des domaines permet d’améliorer les performances dans un autre ; par exemple, les connaissances grammaticales peuvent aider l'apprentissage de nouveaux mots par un raisonnement déductif basé sur la syntaxe de la phrase contenant le mot nouveau (Leclercq & Maillart, 2014). Cela est à prendre en compte dans ce que nous venons de voir.

Effectivement, si les TSL ont un déficit grammatical primaire comme le proposent Van der Lely & al. (1998), ce déficit va alors influencer négativement le développement des autres capacités langagières, de même que l’évolution des autres domaines langagiers va pouvoir influencer positivement le développement des habiletés grammaticales. Cela pourrait expliquer, en partie, l'hétérogénéité des profils phénotypiques retrouvés dans les TSL.

1.3. Similarités langagières entre autisme (TSA) et TSL

Maintenant que nous avons exploré les difficultés langagières structurelles des enfants TSL, nous allons faire un rapide tour d'horizon des recherches scientifiques qui ont été menées sur les difficultés langagières structurelles des enfants TSA. Enfin, une attention

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particulière sera portée sur l’étude récente de Zebib, Tuller Prevost & Morin (2013) qui compare expérimentalement les performances langagières des enfants TSL et TSA.

Comme vu précédemment, Bishop & Snowling (2004) font état d'un déficit grammatical spécifique chez les TSL. En 2007, Perovic & al. s'interrogent quant à eux, sur l'existence d'un déficit grammatical spécifique chez les enfants autistes. Ils testent 11 enfants autistes anglophones âgés de 6 à 16 ans et comparent leurs performances à celles de deux groupes d'enfants contrôles appariés sur leurs capacités lexicales ou sur leur QI non-verbal.

L’étude comporte également une tâche de compréhension de passives (courtes et longues, actionnelles et psychologiques7) et une tâche de compréhension des pronoms clitiques réflexifs et accusatifs. Ils émettent l’hypothèse que si les enfants autistes n'ont pas de déficit grammatical, ils n’échoueront sur aucune des passives, ou uniquement sur les passives psychologiques (acquises plus tardivement dans le développement normal). De même, ils n'auront de difficultés que sur les pronoms clitiques accusatifs (n’étant pas soumis à une règle syntaxique de position de l’antécédent)8 en raison de leurs difficultés pragmatiques. Les résultats sont sans appel : les enfants TSA, contrairement aux enfants contrôles des deux groupes, échouent sur toutes les passives et montrent de plus grandes difficultés dans l’interprétation des pronoms réflexifs. Les auteurs concluent à un déficit grammatical spécifique dans l'autisme, que nous pouvons mettre en regard avec les résultats obtenus sur des tâches similaires chez les enfants TSL.

Durrleman & Franck montrent également que les enfants autistes ont des difficultés syntaxiques (2012). Elles testent des enfants autistes francophones de 7 et 12 ans sur la compréhension des relatives sujet et objet9, et les comparent à des enfants contrôles plus jeunes. Ces structures syntaxiques sont acquises tardivement chez les neuro-typiques et sont complexes en raison des opérations computationnelles de mouvement nécessaires à leur interprétation ; les relatives objet sont d'autant plus complexes que le mouvement requis est plus long et que leurs mots sont dans un ordre non-canonique. Or peu importe leur âge, les performances des enfants autistes sont significativement inférieures à celles des enfants contrôles. De plus, ils diffèrent particulièrement des contrôles sur les relatives sujet, ce qui va davantage dans le sens d'un déficit grammatical que d'un simple retard, étant donné leur

7 Passive actionnelle : comporte un verbe d'action tel que boire, courir, taper, etc.

Passive non-actionnelle : comporte un verbe renvoyant à un état mental tel détester, imaginer, aimer, etc.

8 Le pronom clitique réflexif est localement contraint ; il se rattache à son antécédent le plus proche.

A l'inverse, le pronom clitique accusatif est libre.

9 Relative sujet : Montre-moi le chat qui pousse le chien.

Relative objet : Montre-moi le chien que le chat pousse.

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moindre complexité computationnelle. Dans des études ultérieures, Durrleman & Zufferey (2013) et Durrleman, Hippolyte, Zufferey, Iglesias & Hadjikhani (2013) montrent que, chez les adultes autistes (avec ou sans passé de retard langagier), les difficultés dans la compréhension des propositions relatives sujet et objet persistent. Cela nous indique également que leur trouble langagier (grammatical) est persistant, comme défini pour les TSL.

Roberts & al. (2004) testent l'utilisation correcte de marques morphologiques (3e personne du singulier : -s ; passé : -ed) chez 62 autistes anglophones âgés de 5 à 15 ans qu'il divise en trois groupes en fonction de leurs performances en vocabulaire : dans la norme,

« borderline » ou déficitaires. Le groupe d'enfants autistes ayant un vocabulaire déficitaire montre des performances significativement inférieures à celles des autres groupes, avec de nombreuses erreurs d'omissions. L'utilisation des marques morphosyntaxiques est donc une difficulté de ces enfants autistes et, comme chez les TSL, n'est pas corrélée avec le QI non- verbal. De plus, les performances morphologiques de ces enfants sont corrélées avec leurs performances en répétition de non-mots. Chez certains enfants autistes, on retrouve donc des difficultés significatives dans la répétition de non-mots, marqueur clinique des TSL.

Kjelgaard & Tager-Flusberg attestent d'une similarité phénotypique entre TSL et TSA (2001) en testant les performances en langage structurel de 89 enfants TSA de 4 à 14 ans. Les performances des enfants les divisent en trois groupes homogènes : un groupe d'enfants TSA ayant un langage dans la norme, un groupe « borderline » et un groupe ayant des performances déficitaires. Parmi les « borderline » et ceux ayant un langage déficitaire, un profil se dégage : un vocabulaire réceptif équivalent au vocabulaire en production, des performances globales en vocabulaire mieux préservées que celles en sémantique et en syntaxe, ainsi que des performances déficitaires en répétition de non-mots en dépit de capacités articulatoires préservées. De plus, les résultats vont dans le sens d'une indépendance entre performances langagières et QI non-verbal. Les difficultés langagières des enfants TSA sont donc semblables, et suivent un pattern similaire à celles des enfants TSL.

Dans une étude récente, Zebib & al. (2013) investiguent eux aussi les aspects structuraux du langage des TSA, et apportent une contribution couvrant un large champ de compétences langagières afin d'attester de similarités phénotypiques entre enfants TSL et TSA. Ces auteurs testent un groupe de 20 enfants TSA dont le QI non-verbal est hétérogène, et un groupe de 20 enfants TSL. Les deux groupes sont âgés de 6,3 à 12,9 ans, et sont associés à deux groupes contrôles dont un de 17 enfants de 4 ans, et l'autre de 12 enfants de 6

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ans. Tous les enfants sont francophones. Au niveau lexical, l’étude montre que peu d'enfants TSA et TSL sont affectés sur le vocabulaire réceptif : 57,9% des enfants TSA sont dans la norme, pour 65% des enfants TSL. En revanche, les atteintes de la phonologie et de la morphosyntaxe sont plus marquées. En phonologie, évaluée par de la répétition de non-mots, tous les enfants avec TSL ont des difficultés sévères, ainsi que plus des deux tiers des enfants TSA. Quant à la morphosyntaxe, évaluée par un test de complétion de phrases, les profils de performances des deux groupes expérimentaux sont très similaires : 85% des enfants TSA ont des difficultés modérées ou sévères, pour 80% des enfants TSL. Dans les deux groupes, plus de la moitié des enfants ont des troubles sévères.

Ces différents tests montrent donc des profils très similaires entre enfants TSA et TSL, et cette similarité langagière est confirmée par les tâches syntaxiques computationnelles complexes. Pour évaluer ces dernières, Zebib & al. utilisent un test d’élicitation de questions qui consiste à amener l’enfant à poser une question sur la partie cachée d’une image qu’on lui présente10. Les questions attendues sont des questions en « QU ». En français courant, on peut distinguer quatre formes de questions en « QU » allant de la forme syntaxique la plus simple à des formes plus complexes impliquant des opérations computationnelles de mouvement. La forme la plus simple syntaxiquement, respecte l’ordre canonique sujet-verbe-objet et, est appelée « QU in situ ». Les autres formes de questions (non-canoniques) sont plus complexes de par le mouvement du pronom relatif qui vient se placer en première position de phrase et modifie ainsi l’ordre des éléments syntaxiques11. Parmi les réponses correctes proposées, les auteurs analysent quelle complexité de structure syntaxique les enfants des différents groupes utilisent préférentiellement.

Les résultats montrent de manière générale que les enfants TSA produisent moins de réponses correctes que les enfants TSL (réponses à côté), sans doute en raison de leur déficit pragmatique. Cependant dans les cas de réponses pertinentes, on constate que les enfants avec TSA, comme les enfants TSL, optent préférentiellement pour les stratégies syntaxiques les moins complexes et ce, significativement plus fréquemment que les enfants contrôles de 6 ans. Effectivement, les enfants TSA et TSL ont un taux d’utilisation très faible (2,2% TSA, 1,6% TSL) de la forme syntaxique la plus complexe « QU antéposé avec inversion », et

10 e.g. « Regarde, le lapin pousse quelqu’un, mais nous ne pouvons pas voir qui. Pour savoir qui le lapin pousse, demande lui ! »

11 e.g. Par ordre de complexité : forme la plus simple QU in situ (« Tu filmes qui ? ») ; forme QU antéposé sans inversion (« Qui tu filmes ? ») ; forme QU antéposé + est-ce que (« Qui est-ce que tu filmes ? ») ; forme QU antéposé + clivage (« C’est qui [que tu filmes] ? ») ; forme la plus complexe QU antéposé avec

inversion (« Qui filmes-tu ? »).

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significativement inférieur à celui des enfants contrôles de 6 ans (22.9%), mais comparable à celui du groupe contrôle de 4 ans qui ne l’utilise pas. Pour les formes intermédiaires en « QU antéposé », la structure la plus simple (sans inversion) est la plus utilisée par les quatre groupes. En traitant l’ensemble des résultats, Zebib & al. concluent que pour la production des questions en « QU », les enfants avec TSA adoptent des conduites d’évitement des structures syntaxiques les plus complexes d’une façon tout à fait similaire aux enfants TSL.

De plus, les performances aux matrices de Raven12 montrent qu’il n’y a pas de corrélation significative entre l’ensemble des résultats sur les performances langagières pour les enfants TSA et leurs performances en raisonnement non-verbal.

Le bilan de cette étude établit une nette similarité sur les performances en langage formel entre enfants avec TSA et TSL, et suggère qu’il puisse y avoir un chevauchement entre les deux formes de troubles. Ces résultats confirment et complètent ceux obtenus dans des études antérieures, comme celle de Kjelgaard & Tager-Flusberg (2001) abordée plus haut, ou encore celle de Tager Flusberg (2006) qui fait également état de similarités des profils phonologiques et morphosyntaxiques entre les enfants TSL et TSA. Quant à la conclusion relative à l’indépendance entre les performances langagières des enfants TSA et leurs capacités cognitives, elle confirme les propos de Kjelgaard & Tager-Flusberg (2001) qui disent que si le QI peut contribuer à l’hétérogénéité des performances langagières d’enfants autistes, « il est important de noter que parmi les enfants [autistes] à QI les plus faibles, certains avaient des capacités langagières normales, et parmi les enfants à haut QI, plusieurs avaient des capacités langagières apparentées à un trouble ».

Pour conclure, il est important de souligner que les troubles structurels des enfants TSL ont des conséquences sur leur communication et leurs interactions sociales (spirale négative), et peuvent engendrer des difficultés pragmatiques (Maillart & Orban, 2008). Il serait donc intéressant de les comparer aux difficultés pragmatiques des enfants autistes ayant un déficit du langage structurel. Effectivement, se pose actuellement la question de la classification et de l’étiologie des troubles pragmatiques (Bishop, 2010), ainsi que celle des marqueurs psycholinguistiques qui permettraient de distinguer les troubles pragmatiques des enfants TSL de ceux des enfants TSA et, enfin, de ceux, intermédiaires, des enfants à difficultés pragmatiques primaires (Botting & Conti-Ramsden, 2003).

12 Raven, J. C, Court, J. & Raven, J. (1986): Raven's Coloured Matrices.London : H. K.

Lewis

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Néanmoins, les similarités des troubles pragmatiques entre enfants TSL et TSA sont d’un intérêt limité dans ce travail, celui-ci étant centré sur les similarités des troubles langagiers structurels, et ne seront donc pas abordées ici.

1.4. Contexte théorique

1.4.1. Etat actuel des connaissances

Les recherches relatives aux relations entre l’autisme (TSA) et les troubles spécifiques du langage (TSL) couvrent un champ théorique structuré par deux grandes hypothèses. La première est celle du « continuum » et s’appuie sur les similarités des troubles langagiers entre les enfants TSL et certains enfants TSA, ainsi que sur l’existence de troubles langagiers chez les parents ou dans les fratries des enfants affectés par ces troubles. Cette hypothèse défend l’idée qu’il y a une continuité étiologique entre les TSL et les TSA, et considère l’autisme comme un « TSL plus » : « le seul facteur différenciant les désordres est la présence de troubles additionnels dans l’autisme » (Bishop, 2003).

A l’autre bout du champ théorique on trouve l’hypothèse qui reprend l’idée traditionnelle selon laquelle l’autisme et les TSL sont des troubles distincts dont les causes sont différentes : c’est l’hypothèse « catégorielle ». Celle-ci considère que les similarités constatées entre les deux troubles demeurent phénotypiques et n’ont pas d’origine génétique commune (Whitehouse & al, 2008).

Contre l’hypothèse de la distinction catégorielle, Bishop (2003) soutient l’hypothèse du continuum en comparant trois modèles étiologiques des troubles considérés : les modèles A, B et C. Le modèle A, relatif à la distinction stricte entre TSL et TSA, associe à chaque trouble des bases neurobiologiques propres, issues elles-mêmes d’allèles propres. Ainsi TSL et TSA sont distincts tant au niveau neurologique qu’au niveau génétique. Mais l’hypothèse de la distinction catégorielle se heurte à trois objections. Premièrement, elle ne permet pas de rendre compte des similarités entre les troubles langagiers de certains enfants TSL et de certains enfants TSA dont la littérature fait état. La distinction stricte entre, d’un côté, l’autisme et les troubles pragmatiques du langage et, de l’autre, les cas de TSL et les troubles langagiers structurels, est donc à réinterroger. Deuxièmement, il existe des cas intermédiaires d’enfants qui n’appartiennent à aucune des deux catégories de troubles : plusieurs études

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confirment l’existence d’enfants « PLI » ayant des difficultés pragmatiques de langage mais ne manifestant pas les symptômes majeurs de l’autisme (Pragmatic Language Impairement, Bishop & Leonard, 2000). Troisièmement, la proportion relativement élevée de troubles du langage chez les parents des individus autistes suggère une continuité étiologique entre autisme et TSL. Si ces parents sont rarement autistes eux-mêmes, la littérature montre que les cas de parents (d'enfants autistes) étant atteints de symptomatologies moins sévères sont fréquents, et incluent des individus souffrant de déficit langagier proches des TSL et/ou des PLI.

Pour rendre compte de ces faits, Bishop (2003) compare deux autres modèles (B et C) défendant l’hypothèse de la continuité entre TSA et TSL. Le modèle B stipule qu’à chacun des domaines de trouble (trouble structurel du langage, pragmatique, de l’interaction sociale et du répertoire comportemental) correspond un système cérébral propre, renvoyant à un allèle propre. Ce modèle a l’avantage d’être compatible avec l’hétérogénéité de la symptomatologie des troubles langagiers et communicationnels et ainsi de pouvoir rendre compte des Aspergers13 dont l’aspect structurel du langage est intact ou des PLI pour lesquels seul l’allèle responsable des troubles pragmatiques s’exprimerait. Le modèle B se heurte cependant à des difficultés. Il ne permet pas de rendre compte des différences phénotypiques entre autisme et TSL comme par exemple les difficultés oro-motrices affectant les TSL mais pas ou peu les enfants autistes. De plus, il suppose que pour qu’il y ait des cas d’autisme complet (recouvrant l’ensemble des domaines de troubles) les facteurs génétiques de risque de l’autisme soient très fréquents dans l’ensemble de la population et que les cas de symptômes isolés soient très communs : est-ce le cas ? Enfin, les jumeaux monozygotes affectés de ces troubles devraient avoir le même phénotype, ce qui est contraire aux données présentées dans la littérature.

De ces objections naît la nécessité d’un troisième modèle. Le modèle C conserve l’appariement un-à-un des domaines de troubles et de leurs bases neurobiologiques mais attribue à ces dernières une origine génétique commune qui est susceptible d’expressions différentes selon le patrimoine génétique des individus, les influences de l’environnement et le hasard. Ainsi, ce qui assurerait la continuité entre TSL et autisme serait un ensemble de facteurs de risques génétiques partagés (pléiotropie). Mais ici encore se pose un problème : découvrir la base génétique commune des grands domaines de troubles est très complexe puisqu’un même gène peut s’exprimer différemment et un même trait phénotypique être

13 Syndrome autistique sans retard langagier (APA, 2000 )

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l’expression de gènes différents. De plus, se pose la question de savoir où l'on arrête la continuité des troubles. Pourquoi ne pas l’étendre aux troubles présentant une comorbidité avec les TSL et l’autisme, comme les troubles de l’attention, des apprentissages, ou encore psychomoteurs ?

Face à ces questions sans réponse, l’hypothèse catégorielle ne semble pas pleinement invalidée. On peut même se demander à la manière de Witehouse & al. (2008) s’il y a « un sous-type TSL dans l’autisme » (traduction libre).

En 2008, Whitehouse & al. testent 68 enfants anglophones âgés de 6 à 15ans : 34 enfants TSL, 18 enfants TSA avec trouble du langage et 16 enfants TSA sans trouble du langage. Ces enfants sont soumis à un large panel de tests standardisés portant sur les capacités structurelles du langage14, les habiletés oro-motrices15, la mémoire phonologique à court-terme16, la mémoire verbale à court terme17 et les aptitudes pragmatiques du langage18. A partir des résultats obtenus Whitehouse & al. concluent, contrairement à Kjelgaard &

Tager-Flusberg (2001), qu’il n’y aurait pas de chevauchement étiologique entre TSL et TSA, et, donc qu’il n’y aurait pas de sous-type TSL dans l’autisme. Effectivement, si certains résultats confirment ceux de Kjelgaard, Whitehouse & al. montrent que les performances des enfants TSL aux tâches d’habiletés oro-motrices et de mémoire verbale à court-terme sont significativement inférieures à celles des enfants TSA avec trouble du langage. Or, selon certains chercheurs, les performances faibles à ces tâches pourraient être des marqueurs psycholinguistiques des enfants TSL. Ces données vont donc à l’encontre d’un phénotype partagé entre TSL et TSA. De plus, dans la tâche de répétition de non-mots, Whitehouse & al.

montrent que, si les enfants des deux groupes font des erreurs similaires sur les non-mots à deux ou trois syllabes, les enfants TSL en font davantage sur les non-mots plus longs. Cela infirme l’hypothèse d'un déficit en mémoire verbale à court-terme comme étant responsable des difficultés en répétition de non-mots dans le groupe TSA et sous-tend que les mécanismes responsables des faiblesses en répétition de non-mots chez les enfants TSA puissent être différents de ceux des enfants TSL.

14 Tâche de compréhension de phrases, narration à partir d'histoires en images.

15 Répétition de phrases articulatoirement complexes.

16 Répétition de non-mots.

17 Répétition de phrases.

18 Questionnaire parental.

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Enfin, Whitehouse & al. avancent d’autres arguments allant à l’encontre d’un chevauchement étiologique et génétique entre TSL et TSA. Dans une étude précédente portant sur les capacités linguistiques et pragmatiques de parents d’enfants TSL et de parents d’enfants TSA, Whitehouse, Barry & Bishop (2007), font état d’une double dissociation entre habiletés langagières structurelles et capacités de communication sociale. Les capacités langagières structurelles sont intactes chez les parents d’autistes, et affectées chez les parents de TSL. A l’inverse, les capacités de communication sociale sont intactes chez les parents de TSL et perturbées chez les parents de TSA. Whitehouse & al. en concluent que si les troubles structurels du langage sont liés aux déficits communicationnels héritables pour les enfants TSL, les troubles structurels retrouvés chez certains enfants TSA ne peuvent être expliqués en terme d’héritabilité.

Pour Whitehouse & al, la seule hypothèse qui puisse rendre compte des difficultés langagières dans l’autisme, dont celles repérées par la tâche de répétition de non-mots, est celle qui soutient que ces difficultés langagières apparaissent chez les individus autistes ayant des troubles sévères dans au moins deux domaines de la symptomatologie autistique (selon les critères du DSM-IV). « Nous suggérons que les déficits structurels du langage -incluant une faible répétition de non-mots- peuvent advenir quand il y a une conjonction particulière de déficits comportementaux et cognitifs, chacun ne perturbant pas en eux-mêmes la répétition de non-mots, mais pouvant perturber la tâche lorsqu’ils co-occurrent en se combinant. » (2008). Par exemple, un manque d'attention à la parole d'autrui associé à des difficultés d'imitation peuvent affecter les performances en répétition de non mots. De plus, en analysant plus en détail leurs données, ils remarquent que les enfants TSA ayant des déficits substantiels dans au moins deux domaines autistiques ainsi que des difficultés en répétition de non-mots, sont aussi ceux chez qui ils observent des troubles significatifs du langage structurel. D'où leur conclusion : plus la symptomatologie de l’autisme est sévère chez un individu, plus on a de chances d’observer des difficultés langagières structurelles associées. Cela va dans le sens de l’hypothèse catégorielle : les troubles spécifiques du langage et les troubles autistiques sont deux troubles distincts.

Etant donné ce que nous venons de discuter, ni l’hypothèse du continuum, ni celle de la distinction catégorielle n’est pleinement satisfaisante. La principale difficulté à laquelle se confronte l’hypothèse du continuum est celle de découvrir une base génétique commune à l’autisme et aux TSL dans leur ensemble, valable quels que soient les sous-groupes

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considérés. Cette hypothèse repose sur l’existence de similitudes phénotypiques entre un groupe d’individus TSA et les TSL, ainsi que sur la découverte d’un risque génotypique commun aux deux troubles. Mais elle ne peut expliquer les différences qualitatives de ces phénotypes langagiers, ni rendre compte du fait que la proportion de parents souffrant de troubles langagiers est plus importante pour les individus TSL que pour les individus TSA (Bishop, 2010). Quant à l’hypothèse de la distinction catégorielle des troubles, elle tire sa force des critiques adressées à l’hypothèse du continuum. Seulement, elle pose, elle aussi, deux problèmes. D’abord, elle ne peut pas rendre compte de l’implication de facteurs de risque génétiques à la fois pour les TSA et les TSL. Ensuite, si les troubles langagiers retrouvés chez les TSA sont partie intégrante de leur symptomatologie, comment peut-on justifier que tous les enfants TSA n’aient pas de déficit à ce niveau ? L’explication donnée par Whitehouse & al., selon laquelle la probabilité de trouver des troubles du langage augmente en proportion de la sévérité de l’autisme, n’a pas été confirmée par les données de Loucas, Charman, Pickles, Simonoff, Chandler, Meldrum & Baird (2008). D’après les résultats obtenus, ces derniers montrent que « Quand TSA et troubles du langage co- occurrent chez les enfants ayant des capacités non-verbales dans la moyenne, les symptômes autistiques ne sont ni plus ni moins sévères dans l’enfance tardive, que pour les enfants avec TSA sans trouble du langage ».

1.4.2. Problématique

Face aux controverses sur l’étiologie de ces troubles, reste l’hypothèse d’un

« chevauchement » entre TSA et TSL. Au sens large, on peut soutenir l’hypothèse du chevauchement dès qu'il y a similarité entre trouble langagier chez les individus TSA et les individus TSL. Cependant, les similarités constatées par de multiples études peuvent se prêter à diverses interprétations étiologiques, allant de l’hypothèse du continuum, aux hypothèses ne voyant que des similarités superficielles entre les deux troubles. Dans ce dernier cas, les causes seraient autres que génétiques : environnementales (phénocopie) ou autres non- spécifiées (phénomimétisme, Bishop 2010). Finalement, les débats théoriques sur l’étiologie de ces troubles et leurs similarités phénotypiques ne semblent pas pouvoir être tranchés dans l’état actuel de nos connaissances.

Cela nous invite donc à suivre une démarche plus « modeste », et à opter pour l’hypothèse du chevauchement en un sens plus restreint. Kjelgaard & Tager-Flusberg (2001)

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proposent, outre l’existence de TSA sans troubles du langage et de TSL sans autisme, l’existence d’un groupe d’enfants TSA présentant des troubles du langage similaires à ceux des TSL. Sans nous engager sur les perspectives ouvertes concernant la génétique des troubles, c’est cette hypothèse de chevauchement (phénotypique) que nous adoptons comme problématique, et qui fournira le cadre des hypothèses que nous nous proposons de tester.

Nous nous attendons donc à observer un pattern linguistique similaire entre un sous-groupe d'enfants autistes (celui dont le langage structurel est atteint) et les TSL.

Comme nous l'avons vu précédemment, la recherche scientifique va dans le sens d'un déficit grammatical primaire chez les TSL, expliqué par une « altération des opérations de mouvement régissant les relations syntaxiques » (traduction libre de Bishop & Snowling, 2004), et dont découleraient leurs difficultés structurelles du langage (morphosyntaxe).

Comme nous l'avons également vu, les difficultés en répétition de non-mots sont un fort marqueur clinique des TSL (Conti-Ramsden & Botting, 2001). Nous faisons donc l’hypothèse (HA) qu'un sous-groupe d'enfants TSA (les G-TSA19) présente des difficultés grammaticales sur les structures syntaxiques complexes ainsi que des difficultés phonologiques, et que ces difficultés sont similaires à celles rencontrées par les enfants TSL.

Nous avons également vu que, contrairement aux phrases actives dont l'ordre des mots est canonique, les phrases passives sont complexes de par leur structure syntaxique dans laquelle le patient est mis en position d'agent (ordre non-canonique). Cet agencement particulier entraine un traitement grammatical complexe nécessitant des opérations computationnelles de mouvement, afin de pouvoir attribuer correctement les thèmes d'agent et de patient pour accéder à l’interprétation de la phrase (Bishop & al, 2000). Parmi les phrases passives, nous pouvons distinguer les passives actionnelles contenant un verbe exprimant une action, des passives psychologiques contenant un verbe exprimant un état mental. Les passives actionnelles sont acquises plus tôt dans le développement car les liens sémantiques qui unissent le sujet et l'objet au verbe sont « standards » et s'expriment en terme d'agent, celui qui fait l'action, et de patient, celui qui subit l'action. Les passives psychologiques sont plus complexes car elles ne contiennent pas ces liens sémantiques standards. Effectivement, l'agent n'est plus relié au verbe en tant qu'acteur mais en tant que personne qui expérimente l’état mental et, le patient, en tant que personne à qui se réfère cet état mental (Maratsos, Fox, Becker & Chalkley 1985). De plus, les phrases passives peuvent également se distinguer de par la présence ou l'absence de leur extension (complément

19 En référence aux G-SLI (Grammatical Specifique Language Impairement) de Van der Lely & al. (1998), nous appellerons les enfants TSA atteints d'un déficit langagier grammatical, les G-TSA.

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d'agent)20. Si celle-ci est présente, alors il s'agit d'une passive longue et si elle est absente, d'une passive courte. Comme nous l'avons vu, les passives courtes sont acquises plus tôt dans le développement en raison de la possibilité de les interpréter de manière adjectivale. Les passives longues sont alors considérées comme étant plus complexes que les courtes. Donc, étant donné les difficultés grammaticales des G-TSA, ceux-ci auront d'autant plus de difficultés sur les items complexes de l’épreuve des passives (HB). Enfin, les difficultés langagières des TSL ne découlent pas d'une atteinte de leur QI non-verbal (OMS, 2000).

Alors, s'il y a chevauchement entre G-TSA et TSL, nous nous attendons à n'observer aucun lien entre les difficultés langagières des G-TSA et leur QI non-verbal (HC).

20 Phrase passive courte (sans complément d'agent) : Le poisson est mangé.

Phrase passive longue (avec complément d'agent) : Le poisson est mangé par l'homme (complément d'agent).

Références

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