• Aucun résultat trouvé

I. Partie théorique

1.1. L'autisme (TSA)

1.1.1. Définition

Ce que l'on nomme classiquement autisme est un trouble neuro-développemental apparaissant dans la petite enfance et cliniquement défini comme un syndrome comportemental. Dans la CIM-10 (OMS, 2000) l'autisme est classé dans les troubles du développement psychologique en tant que trouble envahissant du développement (TED). On y distingue huit catégories de TED parmi lesquels l'autisme infantile, l'autisme atypique et le syndrome d'Asperger. Aujourd'hui on parle préférentiellement de troubles du spectre autistique (TSA) qui est la nouvelle étiquette diagnostique utilisée dans le DSM-5 (APA, 2013) et regroupant les troubles autistiques, le syndrome d'Asperger, les troubles envahissants du développement non-spécifiés ainsi que le trouble désintégratif de l'enfance.

Caractérisés dans le DSM-IV par des symptômes recouvrant trois domaines, la communication, l'interaction sociale et le répertoire des comportements, les troubles du spectre autistique du DSM-5 ne sont plus caractérisés que par une dyade de symptômes : les

« troubles de la communication sociale » et les « comportements restreints et répétitifs ».

Cette nouvelle dénomination correspond davantage à la diversité, l'hétérogénéité des profils et des degrés de sévérité rencontrés cliniquement, et offre ainsi la possibilité de considérer l'autisme de manière dimensionnelle (différents niveaux de sévérité) sur un continuum, plutôt qu'à partir de catégories « rigides ». De plus, cette nouvelle classification semble avoir une aussi bonne sensibilité et spécificité diagnostique que celle du DSM-IV (Huerta, Bishop, Duncan, Hus & Lord, 2012).

La recherche sur les troubles autistiques avance, et depuis les années 50, leurs classifications se suivent et évoluent en même temps que les services de repérage et de diagnostique augmentent en nombre et en qualité. Cela impacte fortement la prévalence de ces troubles ; alors qu'en 1960 on estime qu 'elle est de 0,4 pour 1000 (HAS, 2010), en 2012 elle est estimée à 1 pour 88 enfants (Neggers, 2014).

1.1.2. Hypothèses explicatives

Malgré le nombre considérable de recherches publiées sur le sujet, l'origine de l'autisme reste inconnue à ce jour. Certaines pistes se dégagent : l'origine serait génétique avec (au moins) l'implication d'une zone du chromosome 7, fonctionnelle avec des anomalies métaboliques des structures cérébrales impliquées dans le langage, ou encore multiple, associant par exemple des facteurs génétiques à des facteurs environnementaux (Bursztejn, 2001). Ce qui est certain, c'est que l'autisme est un syndrome aux multiples facettes et que l’hétérogénéité de son expression peut laisser envisager autant de facteurs étiologiques différents que l'on pourrait identifier de sous-groupes d'autistes.

1.1.3. Difficultés

Bien que « le nombre de symptômes [...] varie d'un cas à l'autre, ainsi que, au fil du temps, chez un même patient » (Bursztejn, 2001), comme vu précédemment, les troubles du spectre autistique se caractérisent désormais par une dyade de domaine touchés (DSM-5).

On retrouve au premier plan les difficultés d'ordre social avec des stratégies communicatives inadéquates ou inexistantes tant sur le plan verbal (langage oral) que non-verbal (gestuelle).

Celles-ci s'illustrent notamment par d'importantes difficultés dans l’établissement du contact visuel lors des interactions, avec un regard évitant celui de l'autre et dirigé sur le bas du visage de l'interlocuteur. On retrouve également une inadéquation des interventions qui, auto-centrées, ne respectent ni les tours de parole ni le thème de la discussion, ou encore une absence de réponse aux intentions communicatives d'autrui (Gotham, Bishop, Lord, 2011).

Pour l'enfant autiste « l'environnement social est aussi imprédictible qu’incompréhensible, on dit qu'il assimile les personnes aux objets, traitant les deux de manière équivalente » (traduction libre, Baron-Cohen, Leslie & Frith, 1985).

Au deuxième plan nous retrouvons les comportements restreints et répétitifs qui incluent des stéréotypies motrices comme le flapping, une focalisation sensorielle anormale (écoute répétitive d'un son, auto-stimulation), la mise en place de rituels, ainsi que la centration sur un thème particulier, et envahissant la communication avec autrui (Gotham & al. 2011).

D’après plusieurs recherches, les difficultés sociales caractéristiques de l'autisme trouveraient leur source dans l'absence de théorie de l'esprit. Cette théorie de l'esprit, définie comme étant la capacité à inférer des états mentaux (émotions, croyances) à autrui et à

prédire son comportement, est une habileté cognitive qui apparaît entre 4 et 6 ans chez l'enfant à développement neuro-typique (Wimmer & Perner, 1983). Baron-Cohen & al.

(1985) ont testé cette capacité sur un échantillon d'enfants anglophones diagnostiqués autistes, en comparant leurs performances dans la tache « Sally et Anne » à celles d'enfants atteints du syndrome de Down. Ces deux groupes étaient appariés en âge chronologique (de 6 à 17ans) ; le groupe d'enfants autistes comportant des enfants avec un retard mental, des enfants dans la norme de leur âge, et des « hauts-potentiels ». Les résultats obtenus sont sans appel : alors que 86% des enfants atteints du syndrome de Down réussissent la tâche, 80%

des enfants autistes échouent, et ce, indépendamment de leurs capacités cognitives (âge mental). Le manque de théorie de l'esprit est donc une difficulté spécifique à l'autisme et qui n'est pas corrélée avec le niveau intellectuel général. L'auteur conclut que le manque de théorie de l'esprit est en mesure d'expliquer les difficultés sociales des enfants atteints d'autisme.

Les difficultés sociales de l'autisme engendrent un développement langagier particulier et ce, dès les premiers stades de développement du langage. Dans une étude de cas longitudinale où elles comparent les interactions mère-enfant d'un enfant autiste avec celles d'enfants neuro-typiques, Leroy & Masson (2010) montrent que les pré-requis à la communication ne sont pas acquis de la même manière chez les enfants autistes. Elles mesurent le nombre de regards et leur durée entre l'enfant et sa mère (sur un temps moyen de 30 secondes), et montrent qu'un enfant neuro-typique adresse 3 regards de 22 secondes à sa mère, tandis que l'enfant autiste adresse 7 regards à sa mère, mais d'une durée de 2 secondes chacun. Cela montre la difficulté à établir un lien par le contact visuel chez l'enfant autiste dont le regard « décroche » rapidement de celui de sa mère, et ce à de nombreuses reprises.

Au niveau du pointage, elles notent que contrairement à l'enfant neuro-typique, l'enfant autiste ne cherche pas une attention conjointe : il pointe les objets sans s'assurer d'avoir l'attention de sa mère, sans établir de contact visuel avec elle et donc sans maintenir son attention. La capacité à respecter les tours de rôle n'est pas mieux établie chez l'enfant autiste qui, lors d'une interaction avec sa mère, ne tient pas compte de ses interventions et l’interrompt, donnant l'impression de « deux monologues qui se superposent ». Cela montre que les pré-requis à la communication sont « difficilement mis en place, et restent instables » chez l'enfant autiste. Il est d'ailleurs important de noter que 15% des enfants autistes ne développent jamais le langage (Gotham & al, 2011).

Parmi ceux qui développent le langage, les difficultés précoces de communication

conjuguées au manque de théorie de l'esprit, entraînent un déficit de la pragmatique (usage adéquate du langage en contexte communicationnel) symptomatologique de l'autisme. Ce déficit renvoie à différents symptômes tels que l'inversion de pronoms, l’écholalie, un langage stéréotypé ou métaphorique, une absence d'initiative communicationnelle, des réponses inadéquates aux questions, une absence de gestuelle conversationnelle, ainsi qu'une interprétation littérale des énoncés inférentiels (Bishop & Leonard, 2000). De plus, les recherches actuelles montrent que certains enfants autistes ont également un déficit langagier touchant le langage structurel (phonologie, lexique, morphosyntaxe), déficit qui semble s'apparenter à celui des enfants ayant un trouble spécifique du langage ; ce point sera détaillé et discuté plus loin (1.3).

Documents relatifs