• Aucun résultat trouvé

L'armement médiéval : les armes blanches dans les collections bourguignonnes. Xe - XVe siècles.

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'armement médiéval : les armes blanches dans les collections bourguignonnes. Xe - XVe siècles."

Copied!
712
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-01001643

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01001643

Submitted on 4 Jun 2014

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

L’armement médiéval : les armes blanches dans les

collections bourguignonnes. Xe - XVe siècles.

Fabrice Cognot

To cite this version:

Fabrice Cognot. L’armement médiéval : les armes blanches dans les collections bourguignonnes. Xe - XVe siècles.. Archéologie et Préhistoire. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2013. Français. �NNT : 2013PA010609�. �tel-01001643�

(2)

UNIVERSITE PARIS 1 PANTHEON-SORBONNE

U.F.R.

H

IS TO IRE DE L

’A

RT ET

A

RCHEO LO GIE

Année 2013

Thèse

pour obtenir le grade de docteur de l'université Discipline : archéologie

présentée et soutenue publiquement par

Fabrice COGNOT Le 29 mars 2013.

L'

ARMEMENT MEDIEVAL

.

L

ES ARMES BLANCHES

DANS LES COLLECTIONS BOURGUIGNONNES

.

X

e

-XV

e

SIECLES

.

Directeur de thèse : Paul BENOIT, Professeur émérite d’histoire médiévale.

Jury

Philippe CONTAMINE, Professeur émérite d’histoire médiévale, membre de l’Institut Philippe FLUZIN, directeur de recherches, laboratoire métallurgies et cultures, C.N.R.S.

(3)

Résumé

Les armes et armures de la période médiévale ont depuis longtemps suscité un intérêt certain. Aux premiers auteurs ont succédé des érudits enthousiastes, puis des chercheurs qui ont mis en place les bases et proposé les problématiques, les approches et les dynamiques de l’étude. Mais l’arme, l’objet matériel, est à même de constituer une source : elle contient dans ses formes et sa matière les traces des phénomènes liés à sa création et son utilisation, liés aux savoir-faire qui leur correspondaient.

Cette thèse étudie le mobilier présent dans un cadre géographique et institutionnel restreint, dans une démarche qui place le chercheur en outil de compréhension de l’objet : l’approche expérimentale a montré à de nombreuses reprises sa pertinence, mais peut être approfondie encore si l’observateur se fait détenteur des savoir-faire liés à la matière ; de plus une riche documentation existe qui permet de s’approprier physiquement ces savoir-faire spécifiques liés à l’arme et au combat, livrés par les écrits des maîtres d’armes de la fin du Moyen Âge. Trois groupes d’objet sont considérées : les épées, lances et haches. Après un rappel ou parfois une exploration historique plus appuyée, le matériel est étudié : les observations réalisées permettent d’entrevoir le détail des étapes et des modes de fabrication des objets, proposés alors de manière théorique. La combinaison des informations issues des sources secondaires, des objets et surtout de l’approche corporelle du chercheur permettent de comprendre l’arme dans ses aspects fonctionnels, vivants, appliqués. Mais également, d’entrevoir dans la matière des phénomènes au-delà de ces aspects de fabrication ou d’utilisation.

Mots-clés ;

armes, armement, combat, arts martiaux historiques européens, métal, forge, acier, archéologie expérimentale, médiéval, Moyen Âge, épée, lance, hache.

(4)

Abstract

Mediaeval arms and armour have long been a subject of interest ; the early authors were followed by enthusiastic scholars and finally scientists who set the base and offered the keys, methods and dynamics of the field.

But the weapon, the physical object, is in itself a source of study : its shapes and its very matter link to its making and its use, to the technical skills implied.

In this thesis we study mediaeval arms on a restrained area and kept in specific institutions, within the scope of setting the researcher as an active tool for the understanding the object : experimental approach has proved its worth, but can be even furthered if the observer becomes holder of the skills related to matter ; moreover, a rich documentation exists that allows to physically acquire the skills related to combat, provided by the writings left by the masters at arms of the late Middle Ages.

Three categories of objects are considered : swords, spears/lances and axes. After an historical outline, or if needed a deeper exploration, the material is then studied : observations open to an understanding of the steps and modes involved in the making, which is then schematically proposed. The association of informations given by secondary sources, by the objects themselves, and chiefly by the corporeal approach of the researcher allow to understand the weapon in its functionnal, live, applied aspects. And also to perceive in the very matter things reaching beyond the two sole aspects of making and use.

Keywords :

arms, mediaeval arms, historical european martial arts, metal, forge, experimental archaeology, Middle Ages, mediaaeval, sword, spear, lance, axe, pollaxe.

(5)
(6)

Remerciements

C’est toujours un exercice difficile, en particulier après l’entreprise si longue que f ut cette thèse, que d’exprimer de manière juste et complète toute la gratitude que je ressens, d’adresser correctement tous les remerciements aux personnes, institutions, groupes et autres entités qui d’une manière ou d’une autre ont contribué à l’aboutissement de ce travail. Avant toute autre chose, donc, que le lecteur sache que si ces lignes ont omis un nom qui aurait mérité d’y figurer, telle ne fut pas mon intention : puisse-t-il trouver dans l’achèvement de cette thèse une manifestation, même bien partielle, de mes sentiments les plus sincères ; qu’il sache en outre que, s’il m’est donné l’occasion, je ferai amende honorable.

Mes premiers remerciements vont à mon directeur de recherches, M. Paul Benoit, qui depuis avant même le début de ce doctorat, et tout au long de celui-ci, m’a honoré de sa confiance en mes capacités ; il sut également se monter d’une grande aide et d’une admirable disponibilité lors des moments critiques. J’en profite au passage pour remercier, en amont, M. Denis Cailleaux, qui supervisa mes travaux précédents et eut la gentillesse de m’adresser, ceux-ci achevés, à Paul Benoit ; et, en aval, Joséphine Rouillard, pour les justes conseils à la dernière minute. J’adresse également mes remerciements aux membres du jury : les rapporteurs, M. Philippe Fluzin et M. Bertrand Schnerb, pour leur minutie et l’attention dans l’analyse de mon travail et leurs commentaires éclairés, mais également à M. Philippe Contamine, qui me fit l’honneur immense de le présider.

Ma gratitude va en outre aux responsables et personnels des musées et institutions m’ayant accueilli, sans qui ce travail n’aurait été possible ; en particulier Louis Bonnamour, Catherine Michel et Nolwenn Robine du Musée Denon de Chalon-sur-Saône, mais aussi Agnès Poulain à Avallon, Claudine Massard et Régine Chatelain à Autun, Marie Lapalus et Daniel Barthèlemy à Mâcon, Monique de Car gouët à Sens, Sophie Jugie, Catherine Gras et Anne Lhullier à Dijon, Jean-Louis Coudrot à Chatillon-sur-Seine, Micheline Durand et Philippe Amourette à Auxerre, et les personnels du Musée des Beaux-Arts de Beaune. Michel Huynh me proposa l’occasion formidable de cette belle exposition au Musée de Cluny, loué soit-il ! Je remercie en outre Matthias Senn, du Musée National Suisse : les dagues attendront, cependant. D’autres universitaires également m’ont apporté, par leurs contributions ou simplement leur présence, une aide précieuse : Pascal Brioist, Jacques Crémieux, mais également Carlos Pereira. Et merci à Cyril Langlois. Mon approche de la matière et de son travail n’aurait pu être sans Yannick Epiard (et les compagnons du

Hammer-in), qui alluma le premier feu, et les sages conseils de Jean-Paul T hevenot ; mais également les savoir-faire de Chris Dobson, et les lumières fabuleuses, inspirantes, de Peter Johnsson. Ce travail ne serait rien, toutefois, sans mes frères d’armes du monde entier : il prend son sens avec eux. La communauté internationale des A.M.H.E, en particulier de l’H.E.M.A.C (avec Matt Galas, Bart Walczak, Matt Easton, Manuel Valle Ortiz – mais ils sont loin d’être les seuls !) mais également Ariella Elemma, Jean-Henry Chandler, Luis Preto et tant d’autres…Que dire alors à mes compagnons les plus proches : Cyril Perrier, depuis toujours, mais aussi Guillaume Vaillaut, Julien Garry, Jonathan Lair et tout DT E passés comme présents (je ne peux vous citer tous !) ; et avec une distance qui n’est que physique Roman Vu ajnk, Daniel Jaquet, Loïs Forster, Gilles Martinez, mais aussi Olivier Dupuis, Pierre-Henry Bas, et bien plus encore… Mais surtout, surtout, c’est vers ma famille que vont mes pensées ; mes parents Claude et François, et mon frère, Xavier-Bertrand. Et, plus que tout, à Sarah et à mes enfants, Nils et Cyane, qui ont du tant en supporter, et qui sont à mes yeux plus que mes mots ne sauraient jamais l’écrire ici.

(7)

Table des matières.

Introduction

...11

Première partie : Historique et état de la recherche, champs de

l’enquête.

...15

I. Historique et perspectives actuelles.

...16

1. Les précurseurs. Un intérêt ancien pour le sujet...18

2. Les pionniers. De l’encyclopédisme romantique à l’établissement

des bases modernes...23

a. Les grandes collections...23

b. Les études nouvelles. ...26

1) Le Royaume-Uni. ...26 2) Le continent. ...31 3) L’Amérique...39

3. L’époque actuelle...41

a. La Scandinavie...44 b. La péninsule ibérique...49 c. Le Royaume-Uni...51 d. L’Europe de l’est. ...58 e. La Suisse. ...63 f. L’Italie. ...64 g. L’Allemagne. ...65

h. La France et les études francophones...67

i. Les arts du combat...73

j. Le métal. ...77

4. Conclusion et perspectives...78

II. Les cadres de l’étude. Chronologie, matériel et géographie...80

1. Le cadre chronologique.

...81

2.Le cadre matériel.

...83

3. Le cadre géographique...85

Deuxième partie : Une archéologie de l’objet, une archéologie du

geste. Sources et approches.

...88

Préambule : la source et l’électron....90

I. Les sources secondaires...94

(8)

2. Les sources textuelles...98

3. Les autres sources...100

II. Les sources primaires.

...102

1. Les objets...102

a. L’objet en questions...102

b. Objets découverts, objets transmis. Limites et intérêts...104

2. Le chercheur et l’arme...113

a. Le chercheur : observateur et outil...113

1) Expérience, expérimentation, archéologie et geste...114

2) Le chercheur et l’expérience...117

3) Kinesthésie et savoir corporel...121

b. Les arts du combat...123

1) De l’escremie. ...124

2) Les sources martiales...128

3) Mise en pratique. ...135

4) L’absence de sources directes...144

c. Le métal et la matière...146

1) L'homme face au métal. ...146

a) Notions métallurgiques : le fer et l'acier. ...148

b) Le métal ancien...153

c) Outils et matière...164

2) Apports et discussions...167

3. Conclusion...170

Troisième partie : Les armes.

...172

I. Les épées.

...177

1. symboles et formes...177

a. Symbolique. ...178

b. Typologies et évolutions...187

2. Analyse du matériel...199

a. Choix des objets et critères d’analyse...199

b. Analyse des objets...201

c. Commentaires. ...287

3. Le combat.

...298

a. L’épée : fonctionnement. ...298

b. Le combat à pied...300

1) Les sources martiales...300

2) Les sources secondaires...312

3) L’approche corporelle...321

c. L’épée à cheval. ...323

1) Les sources martiales...323

2) Les sources secondaires...326

(9)

II. Les lances.

...333

1.Symboles et formes...333

a. Préliminaires.. ...333

b. Symboles...335

c. L’évolution des formes – Xe-XVe siècles. ...344

1) Au Xe -XIe siècles : ...344 2) Au XIIe siècle : ...349 3) Au XIIIe siècle : ...352 4) Au XIVe siècle : ...355 5) Au XVe siècle : ...362

2. Etude du matériel.

...371

a. Choix des objets...371

b. Analyse des objets...375

c. Commentaires. ...445

1) Fabrication. ...446

2) Formes. ...461

3. Le Combat...467

a. Préliminaire...467

b. Le combat d’après les sources...470

1) La lance à pied. ...470

a) Préambule. ...470

b) Les sources martiales...473

c) Les sources iconographiques. ...490

En l’absence de bouclier :...491

Lorsque le bouclier est présent :...495

d) Les textes. ...505

2) La lance à cheval. ...516

a) Préambule. ...516

b) Les sources martiales...520

c) Les sources iconographiques. ...526

Aux Xe-XIe siècles :...526

Au XIIe siècle :...529 Au XIIIe siècle :...531 Au XIVe siècle :...532 Au XVe siècle :...534 d) Les textes. ...537 c. L’approche corporelle...556

4. Les lances : conclusions et perspectives...561

III. Les haches.

...566

1. Evolutions.

...566

a. Préliminaires. ...566

b. L’évolution des formes – Xe-XVe siècles. ...571

2. Etude du matériel.

...591

a. Choix des objets...591

b. Analyse du matériel. ...592

(10)

3. Le combat.

...612

a. Les Jeux de la Hache...616

1) Préambule. ...616

2) Les sources martiales...617

3) Les sources secondaires...628

4) L’approche corporelle...637

b. La hache de guerre...641

1) Les sources secondaires...641

2) L’approche corporelle...648

4. La hache : perspectives et conclusions...651

Conclusion.

...662

Glossaire*.

...678

Bibliographie

...679

I. Sources

...679 Sources manuscrites ...679 Sources iconographiques...681 Sources imprimées ...683 Sources numériques...688

II. Bibliographie générale...690

(11)
(12)

Introduction

L’attention portée aux armes du Moyen Âge n’est pas un phénomène récent. La considération dont elles ont fait l’objet témoigne d’approches et de perceptions variées tant de l’armement que de la période médiévale elle-même, se combinant parfois pour en donner une image toute particulière dans ses diversités de compréhension, d’acuité et de symboles.

La littérature, mais aussi la fiction sous ses multiples formes, qu’elle soit récit à base historique ou œuvre de fantaisie a par exemple souvent offert une place importante à l’arme dans les sociétés médiévales ou « médiévisantes » qu’elle décrit, en lui conférant parfois des propriétés plus supposées que réelles. L’armure de métal, bien que le sommet de son raffinement technique ou esthétique ne soit atteint qu’à la Renaissance, demeure dans l’imaginaire collectif un des attributs emblématiques du Moyen Âge. L’épée, arme par excellence dans ce même imaginaire concernant cette période, concentre encore à ce jour une indéniable pluralité de sens. Objets dotés d’une forte densité symbolique, les armes blanches, en particulier les armes préindustrielles, renvoient sans doute à l’image de temps où les choses étaient plus simples, plus droites, plus sincères ou, si on adopte un point de vue inverse, plus sales, plus frustes, plus brutales. La réalité est évidemment autrement plus complexe, mais on ne peut renier à l’arme blanche une aura spécifique par le caractère personnel, rapproché, de son mode d’utilisation, tout comme on ne peut ignorer la charge symbolique des objets dans les causes mêmes du regard qu’on porte sur eux, ou qu’on leur a porté.

Ainsi, ces objets ont bénéficié d’un intérêt particulier et remarquablement précoce, émanant en partie d’une certaine considération pour l’héritage culturel des âges de la chevalerie. Avec une singulière continuité, historiens et érudits se sont selon les manières de leurs temps attachés à en décrire ce qu’ils en comprenaient, témoignant dans leurs propos d’une perception certaine de la valeur intrinsèque tant matérielle que symbolique de l’armement médiéval, et d’un intérêt sincère pour leur histoire. Souvent cependant l’étude de l’armement s’est retrouvé cloisonnée dans ses propres poursuites, ou reléguée à un niveau annexe de la connaissance du Moyen Âge tant par ses allures « d’affaire de spécialiste » que par l’approche particulière de ces travaux et études, parfois davantage attachés à décrire le bel objet ou à établir le lien avec le personnage célèbre ou le fait historique. Certes, l’existence

(13)

d’indéniables aspects fonctionnels de l’arme était reconnue, mais a longtemps semblé secondaire à son rôle d’objet d’art et d’histoire. Il nous faut nuancer toutefois : les armes ont récemment bénéficié d’études leur étant consacrées en propre qui ont su aller plus loin que ces considérations traditionnelles de l’armement, observant les objets dans leur contexte archéologique et technique ; la vivacité des travaux étrangers à ce sujet témoigne de la richesse que peut représenter ce domaine dans des champs interdisciplinaires plus étendus.

L’importance de l’armement, de la compréhension de ses évolutions et de sa diffusion a bien évidemment été perçue et exploitée dans l’étude des questions militaires, aux côtés de la poliorcétique, la tactique ou la stratégie ou plus récemment des questions liés à la politique, aux aspects juridiques, sociaux et économiques du conflit au Moyen Âge. De même, le rôle de l’arme en tant que témoin des changements techniques ne saurait être remis en cause. Ces études faisant référence à l’armement, l’utilisant dans leurs perspectives propres ont chacune amenées des apports considérables à la connaissance du monde médiéval ; plus récemment, les armes blanches ont elles-mêmes fait l’objet d’approches nouvelles au travers de l’exploitation des livres de compte et des inventaires qui permettent ainsi d’approfondir la compréhension des interactions entre arme et société. Ces études permettent de replacer l’arme dans un environnement plus vaste et plus dense, d’en envisager l’histoire économique, d’en comprendre les circulations.

Aussi complets, aussi aboutis que soient ces travaux, il nous semble cependant qu’un élément demeure essentiel à l’étude de l’armement : les objets eux-mêmes.

Car l’arme est avant tout un outil bien spécifique : un objet fabriqué par l’homme, pour l’homme, contre l’homme1. Dès lors, l’arme est à même d’apporter de manière directe des renseignements sur ces différents aspects : l’objet porte dans sa matière les indices de sa fabrication et de son usage. Chacun de ces domaines est lié à un ensemble de savoir-faire qui trouvent dans l’arme l’écho de leur existence et de leur évolution.

Il semble donc possible, par l’étude de l’objet, de les percevoir. Encore faut-il être capable de comprendre à quoi correspondent les traces laissées dans les formes et les matières. Tout autant qu’à un contexte, l’arme est liée à un usage : elle ne peut être comprise si on ne tient compte de l’utilisateur ; tout autant qu’à des matériaux, la fabrication est liée à des savoir-faire : elle ne peut être appréhendée que si on tient compte de ces derniers.

(14)

Or il se trouve que les moyens sont à notre disposition pour accéder à ces notions. L’approche de l’arme par le biais de son utilisation est rendue possible par l’existence de sources propres traitant spécifiquement du combat, de l’application pratique de l’objet dans un contexte d’opposition. Elles permettent d’exclure l’étude empirique en fournissant directement des savoir-faire qui peuvent ainsi être acquis au prix d’un travail de reconstitution des gestes. Dans ce processus, l’acquisition du savoir-faire représente une étape d’archéologie du geste fournissant au chercheur l’expérience pour comprendre l’arme.

L’approche de l’arme par la connaissance du métal nécessite elle aussi une appropriation des savoir-faire liés au matériau de la part du chercheur. Dans cette visée, il nous a fallu entreprendre une démarche personnelle d’apprentissage de ces compétences ; les observations réalisées sur les objets fournissant en retour le cadre et la matière à de nouvelles avancées.

C’est donc dans cette perspective double que s’est développée notre recherche : une considération de l’objet en tant que source, de l’arme en tant que moyen d’appréhender les phénomènes liés à son utilisation et à sa fabrication associée à une approche expérimentale instaurant le chercheur en tant que possesseur des savoir-faire nécessaires à la compréhension des informations livrées par celle-ci.

Notre discours se décomposera en trois étapes majeures correspondant peu ou prou à la chaîne logique des questionnements qui survinrent au cours de nos travaux. La nécessité de réexaminer les données publiées a amené à considérer l’exploration de la recherche passée et actuelle comme un élément à part entière de notre démarche, et constituera une première partie de notre exposé. Cet état des lieux nous permettra de circonscrire la perspective dans laquelle nos propres travaux s’inscrivent par rapport aux questions existantes et nous amènera à définir les cadres de notre étude, tant géographiques que chronologiques.

Une seconde phase nous verra préciser et définir les problématiques et les sources de l’étude de l’armement médiéval telles que correspondant à notre approche. Les intérêts d’une documentation éclectique y seront présentés dans leurs aspects généraux et particuliers ; la portée respective de chaque type de source sera discutée. Puis nous aborderons plus en détail notre approche double : nous y présenterons la validité, les limites et les conditions de la considération de l’arme en tant que source primaire de son étude. Nous détaillerons également les tenants et les aboutissants de l’exploitation du chercheur en tant que source et outil de

(15)

travail dans la démarche expérimentale d’acquisition de savoir-faire corporels nécessaires à la compréhension de l’objet.

Enfin, nous procéderons à l’étude des armes elles-mêmes. Dans le cadre du présent travail, le choix a été fait de restreindre les armes étudiées à trois catégories : les épées, les lances et les dagues. Chacune sera présentée sous ses aspects historiques, typologiques, techniques ou symboliques, encore que pour les lances et dans une moindre mesure les haches il sera nécessaire de procéder à une exploration plus approfondie des sources afin de fournir à notre étude les références nécessaires à la compréhension du mobilier. Ce dernier sera détaillé sous la forme de fiches individuelles présentant les points essentiels liés à notre approche de la matière, qui feront ensuite pour chaque catégorie d’arme l’objet d’une description synthétique. Les données observées sur le matériel seront complétées par les apports de l’expérimentation gestuelle dans l’étude des aspects liés à l’utilisation de l’arme. Puis pour chacune de ces trois catégories une discussion sur les informations issues de nos observations sera menée, avant de proposer une synthèse des éléments communs dégagés par notre approche.

(16)
(17)

Première partie : Historique et état de la recherche, champs

de l’enquête.

I. Historique et perspectives actuelles.

Avant toute autre chose il convient de faire remarquer le paradoxe créé par la permanence, l’existence continue et relativement abondante des travaux s’intéressant à l’armement médiéval que nous allons évoquer, et leur rareté quand il s’agit de les consulter. L’armement européen a certes fait l’objet d’un traitement constant depuis des époques assez précoces, mais si ce n’était pour les progrès récents de l’informatique bon nombre de ces travaux anciens et pourtant significatifs seraient au mieux inaccessibles, au pire largement méconnus ; la grande variété, la large diversité typologique de ces sources venant en outre y ajouter une difficulté supplémentaire. Combien d’ouvrages, d’articles, de publications présentant pourtant un intérêt majeur se sont révélés ardues à obtenir, pour diverses raisons d’ancienneté, de rareté, de confidentialité ou de coût2 ? C’est pourquoi notre présentation de l’histoire et de l’état de la recherche se révèlera sans doute plus heuristique qu’exhaustive ; nous demandons simplement au lecteur de bien vouloir croire pourtant que tous les efforts ont été faits pour tendre vers ce dernier but.

Dans cette description de l’historique et de l’état des lieux de l’étude de l’armement nous procéderons en deux étapes. Une première approche nous permettra d’entrevoir les origines et les formes qu’a pris l’intérêt ancien pour le sujet, et qui ont déterminé les bases sur lesquelles une réflexion et une démarche de l’étude de l’armement s’est mise en place au cours du XIXe siècle, aboutissant au début du XXe siècle à une réelle approche moderne de l’étude des armes et armures.

Dans une seconde phase, nous aborderons les expressions et courants de celle-ci au cours de cette période récente en nous intéressant aux contributions de chaque pays, qui

2 Ce n’est pas une chose récent e, hélas : déjà Dillon déplorait, dans sa préface pour ffoulkes avec des propos qui

résument fort bi en nos propres expériences : « Writers on Arms and Armour have approached the subject from many points of view, but, as all students know, their works are generally so large in size, or, what is more essential, in price, that for many who do not have access to large libraries it is impossible to learn much that is required. Then again, the papers of the Proceedings of the various Antiquarian and Archaeological Societies are in all cases ver y scatter ed and, in some cases, unattainable, owing to their being out of print. ». FFOULKES Charles, Armour & weapons, Oxford : Clarendon Press, 1909, 112 pages, p.6.

(18)

fournira ainsi un état des lieux des approches et des résultats récents ou en cours dans l’étude de l’armement au sens large.

Il semble en effet justifié de procéder à un retour sur les travaux précédents. Notre recherche ne saurait en effet exister sans s’établir sur les bases laissées par nos précurseurs pour mieux à terme cerner le contexte dans lequel nos propres labeurs s’inscrivent. Pour certains, ces travaux anciens ont su jeter les fondations pour parties toujours valables d’une littérature spécialisée incontournable. Ils ont en outre pu avoir une influence sensible et plus que durable sur les manières d’aborder les champs de cette étude qu’il est important, voire essentiel de présenter. Il nous paraît en outre impératif de procéder à cet examen, aussi long et fastidieux puisse-t-il paraître, afin de faire comprendre dans quelles dynamiques, quelles perspectives et à travers le poids de quel héritage nos travaux se placent. La recherche, la découverte et l’intégration des connaissances et approches passées dans l’étude des armes et armures ont également représenté une part non négligeable dans le déroulement et la mise en place du présent travail.

Il est difficile dans les ouvrages consacrés aux armes et armures de distinguer ceux s’intéressant particulièrement et spécifiquement à un axe singulier de notre propre démarche tant ceux-ci sont généralement abordés de manières multiples et entremêlées. L’historiographie de l’armement présente en effet des visages très variés : ouvrages généraux à vocation historique ou encyclopédique, catalogues, monographies dédiées à un aspect restreint, articles isolés, études diverses.

Dès lors, entreprendre de commenter la vaste somme de travaux traitant du sujet en fractionnant distinctement chacun des axes de notre démarche semble vain. Il paraît plus convenable dans la description que nous ferons des contributions de nos prédécesseurs de mettre en évidence au cas par cas ce qui se rattache à chacun d’eux tout en envisageant leurs évolutions et leurs apports divers dans la perception plus globale d’une analyse historiographique du sujet qui, pour autant que nous le sachions, n’a jamais été proposée en français. Nous n’avons pas pour but une exhaustivité absolue quant à la présentation de cette historiographie, mais au moins nous semble-t-il important de dégager les tendances majeures de l’évolution de ce domaine ayant mené à l’établissement d’une culture scientifique spécialisée. Nous gardons toutefois la latitude d’introduire selon le besoin une étude plus spécifique que cette historiographie aurait omise dans l’exposé ultérieur de notre recherche.

(19)

Notre démarche pour cet état des lieux sera donc dans un premier temps globalement chronologique, et accessoirement géographique. Nous verrons qu’elle permet de distinguer plusieurs phases significatives dans l’approche de la question de l’armement médiéval, clarifiant ainsi la perspective dynamique dans laquelle nos propres travaux s’inscrivent.

Il pourra sembler qu’une part importante de notre exposé est consacré aux publications anciennes et à leur description ; mais il nous paraît capital de permettre au lecteur de percevoir les développements de la littérature et de la recherche spécialisée et d’appréhender leur importance relative ; également, de transcrire le poids tant en volume, en temps, en contenu, en réflexions et en apports qu’ont représenté la compréhension et la connaissance de ces phénomènes, l’accès à ces données, et leur intégration dans la construction de notre propre démarche scientifique.

1. Les précurseurs. Un intérêt ancien pour le sujet.

Lorsqu’on consulte les écrits s’intéressant à l’armement médiéval, une chose émerge assez rapidement : l’intérêt pour le sujet n’est pas un phénomène récent en regard des autres champs abordés par les études médiévistes au sens large. Force certes est d’admettre l’aspect hautement emblématique de l’arme blanche et de l’armure sous ses diverses formes dans la représentation populaire ou savante de la période ; le Moyen Âge semble être une ère chrono-culturelle de choix pour ceux s’intéressant à l’histoire de l’armement et des choses militaires. Il n’est dès lors pas étonnant de voir et ce à des époques assez hautes un intérêt manifeste pour l’équipement du combattant aux époques médiévales. Certaines de ces études primitives ont en outre su proposer des aspects pertinents dans leur exploration du sujet, et fournir un terreau annonçant les évolutions postérieures de l’étude de l’armement du Moyen Âge.

L’ouvrage de Claude Fauchet3 constitue ainsi dès la fin du XVIe siècle une étape

importante dans la littérature sur le sujet, non seulement par son ancienneté mais aussi sa démarche. La consultation des fonds littéraires lui permet d’aborder de manière parfois

3 FAUCHET Claude, Origines des dignitez et magistrats de France. Origine des chevaliers, armoiries et héraux,

ensemble de l'ordonnance, armes et instruments desquels l es François ont anciennement us é en leurs guerres, Paris : J. Périer, 1600, 308 pages.

(20)

détaillée des armes et armures de la période médiévale ; il tente en outre de caractériser les divers types d’armes pour chaque catégorie. C’est là le signe d’une volonté précoce de traitement méthodique de la matière faisant entre autres appel à des sources documentaires. Fauchet semble cependant ne se limiter qu’à la littérature du Moyen-Age pour étayer son propos.

Au siècle suivant, Louis de Gaya, Sieur de Tréville, dans son Traité des armes, des machines de guerres, des feux d'artifice, des enseignes et des instrumens militaires anciens et modernes de 4. propose un ouvrage singulier et important également, non parce qu’il

traite spécifiquement des armes et équipements en usage sur le champ de bataille à l’époque de sa rédaction, mais parce qu’il consacre par souci d’exhaustivité une partie de son discours à l’armement des périodes plus anciennes, tant dans son livre quatrième qu’au hasard des descriptions de chaque type d’arme. Certes, le point de vue s’inscrit dans la pensée historiographique de son temps, celle d’une croissance linéaire vers la modernité et la vérité des armes ; mais ce retour vers l’histoire, vers les sources des équipements et des outils du combat est louable et significatif. Il présente ainsi huit planches illustrant les combattants des époques antérieures, s’intéressant même aux guerriers arabes. Gaya a l’avantage en outre de se référer parfois aux sources médiévales (comme Olivier de la Marche), alors que ses contemporains semblent préférer les auteurs classiques.

Un autre exemple ancien, et un peu plus approfondi que Fauchet est l’œuvre de l’érudit jésuite Gabriel Daniel : Histoire de la milice françoise, et des changemens qui s’y sont faits depuis l’établissement de la monarchie dans les Gaules jusqu’à la fin du règne de Louis le Grand5, dans lequel l’auteur sent l’utilité de présenter des planches illustrant les

divers types d’outils disponibles pour les combattants des diverses époques traversées par son volumineux ouvrage. Son approche vise à documenter son propos de manière quasi-encyclopédique, tout en mettant en avant les spécificités françaises. On y une volonté, dans la description de chaque classe d’arme, de proposer des citations explicitant l’histoire ou l’usage de tel ou tel type d’objet ; il y reprend d’ailleurs parfois Fauchet. Cependant les illustrations font mal la distinction entre les armes proprement médiévales et celles

4 GAYA Louis, Sieur de Tréville, Traité des armes, des machines de guerres, des feux d'artifice, des enseignes et

des instrumens militaires anciens et modernes, Paris : Sébastien Cramoisy , 1678, 172 pages

5 DANIEL Gabriel, Histoire de la milice françoise, et des changemens qui s’y sont faits depuis l’établissement

de la Monarchie dans les Gaules jusqu’à la fin du Règne de Louis le Grand, 2 vol., Vol. 1, Paris : Jean-Baptiste Coignard, 1721, 626 pages. En particulier le chapitre IV : Des armes offensives sous la troisième race de nos Rois jusqu’à l’invention des armes à feu, page 408.

(21)

appartenant à la Renaissance, et l’argument conserve sur l’usage de ces objets des a priori, notamment sur la maniabilité et le poids, marqués par les idées propres à ce temps. L’auteur cherche a y associer l’image et texte, à mettre en contexte l’évolution et les spécificités de l’arme. Daniel donne même les dimensions – taille et poids – d’une épée attribuée à Ogier le Danois conservée alors à Meaux6. Cependant, certaines de ses

affirmations, pourtant basées sur la documentation textuelle, témoignent d’une extrapolation trop forte : il affirme ainsi que les épées du Moyen Âge n’étaient tranchantes que d’un côté. L’organisation de son propos révèle hélas pour la première fois dans l’historiographie la dichotomie entre l’avant et l’après arme à feu.

Bien que ne s’agissant pas à proprement parler d’une étude sur ce seul sujet, le travail qui à coup sur donna énormément de matière à la connaissance de l’armement médiéval, proposant citations, contextes d’emploi, exemples et variations de nomenclature7

fut celle de Charles du Fresne, sieur du Cange. Son Glossarium mediœ et infimœ latinitatis de16788 contient en effet bon nombre de citations, tant en latin qu’en français, qui furent

non sans surprise massivement reprises, citées et commentées dans les travaux qui sui succédèrent. Cette contribution majeure brille par l’abondance de ceux s’y étant rassasiés et par la densité des informations fournies, mais est à considérer de nos jours avec la prudence scientifique qui s’impose.

Ainsi, dans l’approche dédiée strictement à l’armement ancien, ou du moins y consacrant une part spécifique au sein de travaux plus vastes, Fauchet, Gaya et le Père Daniel font plus que tout autre figure de réels précurseurs. Il faut en effet attendre le pré-romantisme anglais ou l’encyclopédisme français pour voir l’armement offensif médiéval abordé avec une réelle volonté descriptive tant historique que physique.

Cependant, bien que l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert aborde effectivement la fabrique des armes et l’escrime, c’est de l’escrime de leur époque – certes remarquablement exposée par les enseignements du fameux Maître londonien Angelo – et

6 « celle d’Ogier le Danois a trois pieds et un poulce de lame ; trois poulces de largeur vers la garde, & un poulce

& demi vers la pointe, & la garde est de sept poulces de longueur ». ibid. p.413. Du Cange également a pu voi r cette épée, qui fut pesée par Mabillon ( « cinq livres et un quarteron »).

7 Qui semblent donc indiquer une ébauche de typologie, ou du moins en fournir les ingrédients.

8DU CANGE Charles du Fresne, Glossarium mediae et infimae latinitatis, conditum a Carolo Du Fresne domino

Du Cange ; auctum a monachis ordinis S. Benedicti ; cum supplementis integris D. P. Carpenterii, Adelungii, aliorum, suisque digessit G. A. L. Henschel... ; Editio nova aucta pluribus verbis aliorum scriptorum a Leopold Favre. L’Ecole nationale des Chartes en propose une édition électronique complète :

(22)

des armes de leur temps dont ils donnent la description y compris de leur fabrication. Les armes plus anciennes se voient traitées avec moins d’acuité, bien que quelques planches leur suit consacrées. Une approche lexicologique fort intéressante en revanche est celle offerte par Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye, dans son Dictionnaire historique de l'ancien langage françois ou Glossaire de la langue françoise : depuis son origine jusqu'au siècle de Louis XIV9 : on a ici affaire toutefois à un travail uniquement sur base

littéraire. Les sources y sont cependant plus faciles à pister que dans Du Cange qu’il cite d’ailleurs, au côtés de Daniel ou La Colombière10, et donnent de bons exemples de

contextes, de variations de nomenclature, d’hypothèses étymologiques. L’ouvrage possède la qualité intrinsèque de traiter l’armement à la même hauteur que le reste : comme une composante manifeste, équivalente, des sociétés d’ancienne langue française, par le truchement du nivellement linguistique.

Datant également de cette fin du XVIIIe siècle, la Panoplie de Jean-Baptiste-Louis Carré11 constitue également un exemple précoce, et hautement intéressant pour l’histoire de l’ étude des armes et armures anciennes. L’ouvrage était prêt, selon l’auteur, à être publié en 1783, mais les propos qu’il y exposait avaient semble-t-il froissé certains membres de l’aristocratie ; il fallut donc une Révolution pour qu’il paraisse enfin et soit offert au peuple. Quoique son discours sur leur utilisation et leur efficacité soit emprunt des considérations de son temps, il s’emploie à défendre une certaine « vérité » dans armes et des armures : il cherche en effet à représenter et retrouver ce qui a été, et non pas ce qu’on pouvait s’imaginer avoir été12. Il ne cache pas la masse de ses peines, allant observer les objets au plus près, tâchant d’y repérer les faux. Il s’attache à comprendre les pièces au travers de leur usage. Après un rapide glossaire, il développe descriptions et citations pour chaque arme, se basant sur les textes historiques et parfois littéraires. La qualité principale de cet ouvrage monumental (plus de 500 pages) tient dans les remarquables dessins

9 LA CURNE DE SAINTE-PALAYE Jean-Baptiste de, Dictionnaire historique de l'ancien langage françois ou

Glossaire de la langue françoise : depuis son origine jusqu'au siècle de Louis XIV, Niort : H. Champion, 1875-1882. 10 vol.

10 VULSON DE LA COLOMBIERE Marc de, Le vray théâtre d'honneur et de chevalerie, ou le Miroir héroique

de la noblesse, contenant les combats ou jeux sacrez des Grecs et des Romains, les triomphes, les tournois, les joustes, les pas, les emprises ou entreprises, les armes, les combats à la barrièr e, les carrosels, les courses de bague et de la quintaine, les machines, les chariots de triomphe, les cartels, les devis es, les prix, les voeux, les sermens, les cérémoni es, les statuts, les ordres et autres magnificences et exer cices des anciens nobles durant la paix. Avec le formulaire d'un tournoy tel qu'on le pourroit faire à présent avec les armes dont les gentils-hommes se servent à la guerre, 2 parties en 1 vol., Paris : A. Courbé, 1648, 593, 640 pages.

11 CARRE Jean-Baptise-Louis, Panoplie, ou réunuion de tout ce qui a attrait à la guerre, depuis l'origine de la

nation française jusqu'à nos jours, Bouchard/Pinteville : Chalons-sur-Marne/Paris, 1797, 558 pages.

(23)

réalisés par l’auteur lui-même, principalement à partir de pièces du cabinet d’armes de Louis XIII : ils sont précis, les ombrages confèrent une réelle profondeur aux objets représentés. Il reste cependant énormément attaché à l’attribution historique de l’objet au personnage célèbre. Sa démarche de revenir aux sources, de remettre les objets dans un contexte étayé autant que possible et de proposer un discours rationalisé et organisé est cependant remarquable.

On constate alors dans l’histoire de l’étude des armes et armures un reflet du phénomène d’affirmation13 de sentiments nationaux par les sociétés européennes qui a fait

rechercher dans les périodes anciennes et en particulier dans l’expression militaire de celles-ci un enracinement réel ou supposé. Carré en est un exemple ; un autre est donné par le Treatise on ancient armour and weapons, illustrated by plates taken from the original armour in the Tower of London, and other arsenals, museums and cabinets de Francis Grose, datant de 1786, qui visait en premier lieu à étudier l’armement proprement britannique en se basant sur les collections publiques et privées qui à l’époque affirment leur importance. Chose intéressante et novatrice, Grose n’hésite pas à publier des dessins d’armes et armures visibles dans ces dites collections. Or une chose capitale dans l’étude des armes et armures déjà entrevue par Carré est la nécessité de s’appuyer sur un support au moins visuel, le texte n’étant pas suffisant pour décrire correctement les caractères physiques d’objets étant à la fois les supports et les sources des informations qui les concernent. Grose s’appuie en outre dans son discours sur ses prédécesseurs14 pour étayer

son propos, et adopte dans son ouvrage un développement chronologique.

Ainsi, la littérature s’intéressant à l’armement médiéval a semble-t-il existé depuis des époques assez anciennes : elle est issue d’un intérêt tangible pour un sujet dépassant la simple anecdote mais considéré comme faisant partie d’un spectre plus large. Plus encore, elle semble s’être déjà alors dotée de méthodes propres, ou au moins avoir mûri une réflexion sur l’approche à emprunter pour approfondir la connaissance de ce domaine. Il faudra attendre les révolutions industrielles et les siècles les plus récents pour voir se développer une autre forme de littérature s’appuyant néanmoins sur les travaux majeurs de ces prédécesseurs qui ont ainsi en dépit de leurs limites intrinsèques posé les fondations précoces d’une discipline européenne basée sur les principes d’étude des sources, au premier rang desquels sont parfois les objets eux-mêmes, dans un cadre historique.

13 Déjà esquissée par Fauchet et Daniel, dans une mesure autre, et une approche di fférente. 14 Daniel, Du Cange, Fauchet…

(24)

2. Les pionniers. De l’encyclopédisme romantique à

l’établissement des bases modernes.

a. Les grandes collections.

C’est donc véritablement au XIXe siècle que l’Europe verra l’émergence simultanée dans divers pays d’une érudition s’intéressant spécifiquement à l’histoire de l’armement, en particulier l’armement médiéval, et à sa description. Là encore, la constitution de collections de prestige parfois basées sur des fonds autrement plus anciens, liée à des volontés politiques de mise en avant de richesses nationales facilita énormément ce phénomène – de même que la popularité du courant néo-gothique d’alors, à l’origine de nombreuses et riches collections.

On peut faire certes faire remonter la création de certaines de ces grands ensembles au début XVIe siècle, dans des initiatives qui s’accompagnent parfois d’un début de volonté de recenser ou de cataloguer les objets qui les composent ; le prestige des pièces, la gloire de leur témoignage historique réel ou supposé représente cependant l’idée principal derrière leur constitution. On sait ainsi que le cabinet d’armes de Charles VIII fut créé à Amboise dès la fin du XVe siècle15 ; de même les collections de Dresde furent créées sous

l’impulsion de Henri V le Pieux (1473-1541), prenant une forme plus achevée sous Auguste 1er (1526-1586). Outre les Médicis en Italie, on peut citer à Rome les collections assemblées par le Maréchal Pierre Strozzi (1510-1558), hautement louées par Brantôme. En France encore, le cabinet d’armes du prince de Condé à Chantilly est cité par Daniel. En Allemagne, l’Archiduc Ferdinand II (1529-1595) commença dès 1570 à assembler dans son château d’Ambras près d’Innsbruck une très impressionnante masse d’objets d’arts, d’armes et d’armures, récupérant par ailleurs certains exemplaires ayant appartenu à Maximilien 1er de Habsbourg ou à l’archiduc Sigismond de Habsbourg16. Jacob Schrenck de Notzing17 en tira d’ailleurs en 1601, avec l’aide de Giovanni Battista Fontana pour les

15 Compte de l’écuri e du roy en 1498, mentionné dans GAY Victor, Glossaire archéologique du Moyen Age et

de la Renaissance, tome 1, Paris : Librairie de la société bibliographique, 1887, 806 pages, p. 71

16 Elle fut déplacée en partie à Vienne en 1806 par les troupes napol éoniennes, les français s’étant d’ailleurs

servis au passage en prenant 10 armures sur les 150 que contenait la collection.

17 SCHRENCK VON NOTZING Jacob, Der aller Durchleuchtigisten und Grossmächtigen Kayser,

Durchleuchtigisten unnd Großmächtigen Königen [...] Fursten wie auch Grafen, Herren, vom Adel [...] warhafftige Bildtnussen und kurtze Beschreibungen jhrer so wohl in Fridts , 1603. Le document numérisé est

(25)

illustrations et Dominicus Custos pour les gravures une somptueuse publication présentant en regard une représentation graphique du personnage historique portant les armes et armures qu’on lui attribuait et un long et dense commentaire biographique rappelant ses hauts faits. Si on tolère le caractère panégyrique et emphatique de la composition, cela en fait un des plus anciens catalogues illustrés de collection.

Les volumes commandés à Nicholas Glockenthon en 1505 par Maximilien de Habsbourg pour illustrer les armes remarquables de ses collections viennoises en sont cependant un exemple plus ancien encore ; elles ont d’ailleurs été à l’origine du Hof, Jagd und Rüstkammer de l’actuel Kunsthistorisches Museum, dont la richesse n’est plus à souligner. Les arsenaux municipaux viennois de la fin du XVe siècle ont également conservé quelques rares et extrêmement intéressants exemplaires d’armes et armures, notamment des pavois contemporains de leur création.

En Angleterre, il est déjà fait mention en 1592, sous la plume du secrétaire du Duc de Wirtenburg, Jacob Rathgar, d’une accumulation quelque peu désordonnée d’armures et d’armes à la Tour de Londres ; un visiteur suisse, Joseph Platter, mentionne même en 1598 l’existence de visites payantes de ces armureries. La présentation de ces collections fut semble-t-il bien améliorée après la restauration de 1660 et la création des premières expositions permanentes18.

Parmi les grandes collections historiques nationales, il faut évidemment citer les armureries royales de Madrid, de même que les collections impériales russes, d’abord conservées au palais de Tsarskoye Selo et déménagées en 1885 à l’Hermitage, ou celles de l’armurerie du Kremlin19. D’autres importantes collections peuvent se targuer d’une

création ancienne : c’est le cas des arsenaux des cantons suisses, de l’armurerie des Doges de Venise, de celle de l’Ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte.

consultable directement sur le site de la bibliothèque nationale de Pologne à l’adresse :

http://www.polona.pl/dlibra/doccontent2?id=4913&dirids=1 [consulté le 28 juin 2012].

18 d’après les informations livrées sur le site offici el des Royal Armouries :

http://www.armouries.org.uk/collections/history-of-the-collection/museum-history/armouri es-history/16th-17th-century [consulté le 17 juillet 2012].

19 Collection étudiée et publiée dans DE SVIGNIGNE Paul, ,

. 1826. (Indicateur des objets rares et precieux qui se trouvent au Musée de Moscou connu sous le nom d'Oroujeinai a Palata), St Petersbourg, 1826, 148 pages.

(26)

Mais la période essentielle de l’établissement de ces grandes collection fut bel et bien le XIXe siècle. Le Musée de l’artillerie de Paris connut véritablement le jour sous l’impulsion de Napoléon III. Rassemblant des collections diverses (arsenal de Strasbourg, armureries des Ducs de Bouillon, garde-meuble de la Couronne, collection des princes de Condé, château de Pierrefonds – cabinet d’armes créé par Napoléon III, etc…), il s’érigea rapidement comme l’un des plus importants musées d’histoire militaire après son installation en 1871 à l’Hôtel des Invalides ; sa fusion en 1905 avec le Musée Historique de l’Armée fondé en 1896 créa ainsi le Musée de l’Armée. Les Comtes d’Erbach constituèrent également, à l’instigation de François (1754-1823), une collection remarquable d’armes et armures anciennes (fin XVIIIe-début XIXe), dont un catalogue fut composé par Eberhard, petit-fils du fondateur. A Turin, sur les bases de la Regia Pinacoteca s’ouvrit en 1833 (1837 pour le public) une collection comprenant des armes de provenances diverses : arsenaux de Turin et de Gênes, mais aussi de l’université et, évidemment, du Prince. Elles fut complétée par celle du milanais Alessandro Sanquirico, des contes de Brescia, de Charles-Albert et Victor-Emmanuel II, entre autres. Les musées de Sigmaringen (1842), de Munich (Musée national de Bavière, 1853), sont également des créations émanant du même élan. En Belgique se créa en 1835 le Musée d'Armes anciennes, d'Armures, d'Objets d'Art et de Numismatique, d’abord installé dans le Palais Industriel puis déménagé et fusionné avec le Musée de la Porte de Hal pendant la majeure partie du XIXe siècle, l’actuel musée royal de l’armée et d’histoire militaire datant de 1922. Aux Pays-Bas, le Legermuseum de Delft ne date que de 1913, mais sa création participe cependant également de ce même phénomène20.

D’autres collections, privées cette fois, s’inscrivent également dans cette dynamique. Ainsi celle entamée par Francis Seymour-Conway, premier Marquis de Hertford (1719-1794), puis ses descendants (en particulier Richard Wallace) et rendue publique après la mort de ce dernier en 1890, s’intéressait à l’art sous toutes ses formes mais incluait non sans surprise des armes et armures remarquables (2370 pièces orientales et occidentales, sur les presque 5500 qu’abrite aujourd’hui Hertford House). D’autres grands collectionneurs comme Frederick Stibbert (1836-1906) s’intéressaient principalement à l’histoire du costume ; Stibbert utilisa ainsi à bon escient l’argent hérité

20 Pour une publication, au tournant du siècle, des collections du musée de l a Porte de Hal, voir VAN

MALDERGHEM Jean, DE PRELLE DE LA NIEPPE Edgar, Catalogue des armes et armures du Musée de la Porte de Hal. précédé d'une Notice historique et archéologique sur la porte de Hal, Bruxelles : Musées royaux des arts décoratifs et industriels, 1902, 566 pages.

(27)

de son grand-père, commandant en chef de la Compagnie des Indes Orientales, faisant des armes et armures de tous pays et de toutes époques la composante principale de ses collections, qui furent cédées après son décès à la ville de Florence et sont toujours visibles dans sa demeure. D’autres enfin sont, à l’image des armureries impériales autrichiennes, dans la continuité des possessions et trésors familiaux : c’est le cas des Trapp à Churburg, dans le Haut-Adige.

Ces créations ou modernisations de grandes collections publiques et privées s’accompagnèrent alors d’une approche permettant la publication critique et l’analyse d’objets. On constate également à cette époque un affinement de la qualité historiographique et scientifique des travaux.

b. Les études nouvelles. 1) Le Royaume-Uni.

L’Angleterre joua dans cette dynamique un rôle primordial. Samuel Rush Meyrick fut ainsi l’instigateur d’un engouement durable pour le sujet21. S’intéressant à tous les

aspects de l’histoire du costume, il entreprit de rassembler une riche collection personnelle d’armes et armures22 ; la connaissance qu’il développa de l’étude de celle-ci fit de lui une

des premières autorités reconnues en la matière – des visiteurs de marque comme Sir Walter Scott ou le roi George IV vinrent même admirer ses trésors. Il fut de ce fait responsable de la réorganisation des armures exposées à Windsor et à la Tour de Londres, travail qui lui valut un titre en 1832. La publication en 1824 de son ouvrage A critical enquiry into antient armour23, où il exploita largement ses talents d’illustrateur fut la

21 Pour une intéressante étude de ces hommes, de leurs publications et des courants de pensée qui formèrent

l’érudition britannique de ces époques, voir LACY Michael, Students of arms : a survey of arms and armour studies in Great Britain from the 18th century to the First World War, thèse de doctorat sous la direction de Anne E. Curry, université de Reading, 1998, chapitre 6 à http://www.vikingsword.com/lacy/laking.html

[consulté le 12 janvier 2008].

22 Une chose, d’après Rosalind Lowe, héritée de son grand-père, qui travaillait en tant qu’agent aux armées, et de

son père, membre de la Society of Antiquaries. Voir OWE Rosalind, Sir Samuel Meyrick and Goodrich Court, visible à l’adresse http://www.smr.herefordshire.gov.uk/guest_authors/samuel_meyri ck2.htm [consulté le 12 mars 2012]. Egalement, voir sur le site des Royal Armouries : http://www.armouries.org.uk/collections/history-of-the-collection/early-scholars/samuel-rush-m eyrick [consulté le 6 avril 2012].

23 MEYRICK Samuel Rush, A critical enquiry into antient armour as it existed in Europe, but particularly in

England, from the Norman conquest to the reign of King Charles II, with a glossary of military terms of the middle ages, in three volumes, Londres : Jennings, 1824. 3 vol.

(28)

continuation logique de cette évolution. Son intention était de fournir une « chronologie du costume en regard des anciennes armes et armures qui jusque alors ont été si imparfaitement considérées par les auteurs, peintres et dramaturges des temps modernes » – une citation qui fixe la portée, et les limites, de sa démarche. De la même manière, il publia (en plusieurs fois à partir de 1826) à l’instigation de Sir Walter Scott et avec l’aide du graveur Joseph Skelton un catalogue luxueusement illustré des plus belles pièces de sa propre collection, Engraved Illustrations of antient Arms and Armour, from the collection of Llewellyn Meyrick Esq. LL.B. and F.S.A, dont certaines planches présentaient d’ailleurs les objets tels qu’ils devaient être exposés dans sa demeure de Goodrich Court, construite de 1828 à 1831.

Quelques temps après lui, John Hewitt publia un Ancient armour and weapons in Europe from the Iron Period of the Northern nations to the end of the seventeenth century24. Hewitt s’intéressait à tout, aussi lorsqu’il entra au War Office de l’Ordnance

Department en juin 1840 c’est naturellement qu’il se pencha sur les collections nationales placées alors sous la responsabilité de l’institution. On trouve dans cet ouvrage nombre de points remarquables : pour ce qui est des armes et armures dans leurs évolutions et leurs aspects, il base son discours sur les exemples archéologiques alors disponibles, fournissant dessins et mesures, énonçant les variétés et les formes qu’il est possible de rencontrer. En outre, il s’attache à citer les sources contemporaines des objets dont il traite (mentionnant par exemple les sources nordiques, mais aussi le Speculum Regiae norvégien et, évidemment, les chroniques plus tardives), et renvoie fréquemment aux publications archéologiques récentes25. Il s’appuie, outre les littératures, sur une iconographie remarquable pour l’époque, du moins dans ce qu’il montre. Il insiste particulièrement sur la nécessité de présenter des sources : pour lui les interprétations sont toujours sujettes à trop de méprises, il faut reproduire le document « trait pour trait, et marque pour marque, de sorte que, si les notions de l’auteur sont aberrantes, le lecteur ait dans ses mains les

24 HEWITT John, Ancient armour and weapons in Europe, from the Iron Period of the Northern Nations to the

End of the Seventeenth Century. With Illustrations from Contemporary Monuments, John Henry& James Parker, 1860. 3 vol. De même que de nombreux articles dans l’Archaeological Journal and Reliquary. L’œuvre qui lui apporta considération, et qui fut déterminante pour beaucoup d’études postérieures, fut son Official Catalogue of the Armouries paru en 1859, le premier jamais publié, qui succédait à un ouvrage précurseur, un guide de la Tour de Londres intitulé The Tower: its History, Armories and Antiquities : before and sice the fire de 1841. Il écrivait parfois sous le joli nom de plume de Sylvanus Swanquill. Source :

http://www.armouries.org.uk/collections/history-of-the-collection/early-scholars/john-hewitt [consulté le 12 mars 2012]. Le site offi ciel des Royal Armouries donne les informations biographiques d’autres auteurs que nous mentionnons.

(29)

moyens de rectifier »26. L’ouvrage semble ainsi véritablement jeter les bases de l’étude

critique des armes et armures au travers des sources disponibles dans leur diversité. Il ne parle pas que d’armement, cependant, s’intéressant aussi – surtout, en vérité – à la composition des armées, aux tactiques, et à d’autres aspects de la vie militaire27. Il n’oublie

pas en outre de mentionner quelques indications sur les pratiques martiales et le maniement des armes tant civiles que militaires, citant par exemple le ms. I.33 ou le traité de Paulus Kal28, sans pour autant s’y intéresser plus en profondeur.

Cette première vague d’érudits britanniques des armes et armures se vit succédée par une seconde génération prolixe dans la seconde moitié du XIXe siècle qui, se basant sur les travaux de ces pionniers poursuivirent l’exploration de la découverte du patrimoine européen, dans un cadre dépassant largement les limites du monde anglo-saxon. Chaque contributeur à cette phase britannique enthousiaste a su amener ses propres approches, grandement liées à sa personnalité propre.

Ainsi Charles de Cosson (1846-1929) put-il découvrir, âgé seulement d’une dizaine d’années, grâce à ses parents, les collections de Meyrick, et les écrits de Grose ; de là, tout procédait naturellement. Après une carrière diplomatique, il se consacra à temps plein à l’étude des armes et armures, son érudition étant reconnue dès 1878, à l’occasion d’une exposition pour laquelle il prêta quatre-vingt épées de sa collection personnelle (entamée en 1868), mais également en juin 1880 où il rédige un Catalogue of the Exhibition of Ancient Helmets & Examples of Mail29 avec l’aide de W. Burgess, l’exposition s’étant

tenue au Royal Archaeological Institute. La publication marqua par son approche volontaire et sérieuse, et par le caractère systématique de son exposé – influencé, d’après l’auteur, par les démarches et ouvrages d’Eugène Viollet-le-Duc. De Cosson travailla également sur la collection de Maurice de Talleyrand-Périgord, Duc de Dino, dont un catalogue fut publié en 190230 et rédigea de nombreux articles pour des revues spécialisées ou des catalogues de salles de vente. Il conseilla à Sir James Mann de s’intéresser de plus près aux figures en armure de l’église Sainte-Marie-des-Grâces, à Curatone près de

26 « line for line and mark for mark, so that, if the author's notions are aberrant, the reader has the means of

rectification in his own hands. » HEWITT John, Mediaeval Arms and Armour, in Archaeological Journal and Reliquary, 1869-70, p. 13-14, cité par LACY, op. cit.. 1998.

27 de même, ce qui est assez surprenant, à l’évolution de la pilosité facial e et crânienne des combattants. 28 Ainsi à la page 256 de son ouvrage.

29 DE COSSON Charles, BURGESS William, « Catalogue of the Exhibition of Ancient Helmets & Examples of

Mail », in The Archaeological journal, The Society of Antiquaries of London, 1881, p. 455-597.

(30)

Mantoue.

Contemporain du baron de Cosson, Harold Arthur Lee hérita du titre de vicomte Dillon à la mort de son père en 1892. Il se concentra notamment sur les représentations de l’armement dans l’art et l’iconographie. Il s’attachait également davantage à leur aspect fonctionnel qu’à leur statut d’objets d’art. En 1895, il devint conservateur aux Royal Armouries, et entreprit de corriger le travail de Meyrick de 1827. Ses recherches sur les armures l’amenèrent à regarder de près les objets, pour en voir les traces d’usure et d’usage, allant même jusqu’à les essayer lui-même ; cela lui permit naturellement de mieux appréhender les détails de leur construction, assemblage et fabrication. Son Illustrated guide to the Armouries31 de 1910 fut précédé par une réorganisation des

collections qui profita incontestablement de cette connaissance que lui a amené sa démarche d’analyse et d’expérimentation.

Né en 1875, Sir Guy Francis Laking fit la connaissance du baron de Cosson chez Christie’s en 1891, ce qui eut une influence majeure pour le début de sa jeune carrière ; très tôt en effet, dès 1897, le jeune homme se prit à exposer sa grande connaissance des armes et armures. La proximité de son père avec Edouard VII le fit nommer conservateur de l’armurerie royale à Windsor en 1902 ; il fut par la suite conservateur du Museum of London à sa création en 1911, après avoir travaillé à la Wallace Collection, dont il publia les catalogues raisonnés. Il réalisa également un catalogue de l’armurerie l’Ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte, dont il réorganisa également la présentation, en 1903. Son œuvre majeure reste cependant les cinq considérables volumes de son Record of European Armour and Arms32, publié en 1921,

soit deux ans après son décès33, grâce aux efforts de Francis Cripps-Day, qui constitua

pendant fort longtemps un ouvrage de référence pour tous ceux s’intéressant au sujet, ne serait-ce que par la qualité et la quantité des illustrations et des photographies y figurant : 1572 illustrations, sur 1691 pages, présentant des reproductions d’œuvres d’art, des dessins à main levée et un nombre immense de photographies d’objets conservés dans les plus grandes et les plus riches collections d’alors. Plus qu’une contribution originale, ces

31 LEE-DILLON Harold Arthur, Viscount Dillon, Illustrated guide to the Armouries, Tower of London,

Londres : Darling & son, 1910. 206 pages.

32 LAKING Guy Francis, CRIPPS-DAY Francis-Henry, A record of European Armour and Arms through seven

centuries, with an introduction by the Baron de Cosson, Londres : G. Bell and sons ltd., 1920-22. 5 vol.

33 Laking était, outre un expert en armes et armures reconnu en son temps, un grand mondain. Il semble que, plus

Figure

Fig. 1 : richesse matérielle des rivières.
Fig. 3 :  Effets du marteau sur la matière : « tirer » le métal. Les flèches vertes représentent les déplacements  du métal, les flèches rouges les coups de marteau
Fig. 5 : Etrécissement à la panne du marteau, pus planage des bourrelets.
Fig. 6 : L’épée. Anatomies. Dessin F. Cognot.
+7

Références

Documents relatifs

Facilitation et importance des microorganismes telluriques associés dans la production végétale (quantitative et qualitative)..

AÀr".. Or il se trouve que cette région, universellement renommée pour le charme incomparable de ses sites et la proverbiale hospitalité de ses habitants, est aussi d'un

Nous savons grâce à César qu’au plus tard au cours de la Guerre des Gaules les Gaulois recensent aussi leur population (l’exemple helvète, en caractères grecs sur des tablettes,

d) [passé actualisé + antes de que + -e/-a]. Dans les subordonnées temporelles, il est possible de trouver des énoncés combinant des formes verbales appartenant

Ensuite, la souscription du rédacteur et l'expression de la date sont inscrites en minuscules cursives comme le texte. L'encre utilisée pour écrire le protocole final du diplôme

L’originalité de la domination des Buwayhides tient au fait qu’ils sont chiites. Ils sont les gestionnaires chiites d’un califat sunnite. Le calife, qui conserve seulement un

Le but de cet exercice est de démontrer que pour tout nombre réel x, e x > x + 1 (une relation de ce type sera utilisée pour démontrer que la fonction exponentielle tend vers +∞

Nous allons examiner ces tournois et jeux militaires que sont les joutes des morts tout d’abord à travers les syncrétismes imaginaires qui s’organisent autour de la notion