Progrèsenurologie(2015)25,1181—1183
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LETTRE À LA RÉDACTION
« Est-il encore justifié et éthique de réaliser un bilan urodynamique avant la chirurgie de l’incontinence urinaire d’effort de la femme ? »
Urodynamic testing before stress incontinence surgery in women: Cost-effectiveness analysis and ethicalconsiderations
Motsclés Incontinenceurinaired’effortféminine;Bilan urodynamique;Bandelettesous-urétrale
Keywords Femalestressurinaryincontinence;
Urodynamics;Sling
Un titre accrocheur et une lecture rapide de l’article
«Est-ilencorejustifié etéthiquederéaliser unbilanuro- dynamique avant la chirurgie de l’incontinence urinaire d’effortdelafemme?»[1]pourraient fairepenserquele Comitéd’urologieetdepelvi-périnéologiedelafemmede l’Associationfranc¸aised’urologierecommandederéaliser, avanttoutechirurgied’incontinenceurinaireféminine,un bilanurodynamique.C’estsetromperprofondémentsurla recommandationproposée.
Alorsquel’ANAES,en2003,recommandaitcettepratique systématique, force est de constater que cette attitude n’était pas suivie par les praticiens concernés, en parti- culier dans le milieu gynécologique, le plus souvent sans conséquence, mêmesi environ 10%des patientes ont été confrontées à des échecs postopératoires par persistance deleurincontinenceurinaired’effort,apparitionouaggra- vationd’urgenturie,dysurie,voirerétentionurinaire.
Qu’attend-onenréalitédubilanurodynamique?
Pourcertains(sûrementuneminorité),disposerd’uninter- rogatoire etd’un examenclinique bienfaits quin’ont pu êtreréaliséslorsdelaconsultationinitiale.
Pourd’autres:
• rechercherunehyperactivitédétrusoriennedont onsait qu’elleestunfacteurd’échecpostopératoire;
Une analyse pousséede la littérature montre cepen- dant que l’existence d’une hyperactivité détrusorienne alors qu’iln’existe aucunsignecliniqued’hyperactivité vésicaleestexceptionnelle.
DOIdel’articleoriginal:
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2014.12.008.
• rechercher une insuffisance sphinctérienne. Il était en effetclassiqueautempsdescervico-cystopexiesdetype Burch, de constater des résultats médiocres lorsque la pressiondeclôturemaximaledel’urètreétaitbasse.Mais cetteconstatation n’estpas applicableaux bandelettes sous-urétralespourlesquelleslamobilitécervico-urétrale estl’élémentdéterminantdesuccès.Desrécentespubli- cationsontcependantmontréquelavoierétro-pubienne conduisait à de meilleurs résultats que la voie trans- obturatrice lorsque la pression declôture maximale de l’urètreétaitbasse;
• rechercher undéfautde vidange vésicale. Les données cliniquessontsouventmisesendéfautpouridentifierune dysurie qui est souvent méconnue et sous-estimée par lespatientes[2].Maiscetteanomaliepeutêtredépistée facilementparunedébitmétrieetunemesuredurésidu post-mictionnel;
• disposer d’un document médico-légal susceptible de documenterledossierencasderéclamationcontentieuse mais un interrogatoire, un examen clinique bien faits, une indication bien argumentée dans le dossier seront sûrementdesélémentspluspertinentsqu’unexamenuro- dynamiqueparfoismalfaitetmalinterprété.
Afindejustifiersonargumentation,XavierFritels’appuie surdeuxétudesrécentes:lapublicationdeNagerestissue duprestigieuxNewEnglandJournalofMedicine[3].
Sil’impactfacteurdecejournalestélevé,sonexpertise urologiquenel’estpas.Rappelonsqu’ilyaquelquesannées, il proposait encore l’intervention de Burch comme gold standard de chirurgie de l’incontinence urinaire d’effort féminine.
Cetteétudemulticentriquerandomiséeacomparédeux séries de femmes opérées d’une incontinence urinaire d’effortsimple,noncompliquée,ungroupeétantévaluécli- niquementetundeuxièmeétantévaluéparexamenclinique etparbilanurodynamique.
Lesrésultatspostopératoiresà12moisétaientidentiques danslesdeuxgroupes.Lebilanurodynamiqueaentraînéune modificationdel’indicationopératoirepour18patientes.
Cettesériesouffrecependantdeplusieurscritiques:sur 4083patientes recrutées,seules523sontanalysées(moins de 13%). Les deux groupes étudiés nesont, par ailleurs, pas équivalents en termes de durée et de sévérité de l’incontinence, de réalisation ou non de rééducation et de mobilité de l’urètre. L’évaluation urétrale était enfin optionnelle lors du bilan urodynamique. Enfin, les traite- mentschirurgicauxproposésétaientassezhétérogènes.
1182 Lettreàlarédaction L’étudedeVanleijsen[4]avaitpourobjectifdemontrer
que,sil’examenurodynamiquevamodifierprèsd’unefois sur2lediagnosticclinique,ilnemodifiepaslerésultatfinal observéparlapatiente.
Cette étude a cependant un design particulier. Elle consisteà recruter des patientes présentant une inconti- nenceurinaired’effortsimplenoncompliquée,n’ayantpas répondu à la rééducation etqui vont être soumises à un bilanurodynamique.Lorsqu’ilexisteunediscordanceentre l’examen clinique et le bilan urodynamique, une rando- misation estproposée soitvers unechirurgie soitvers un traitementspécifiqueorientéparlebilanurodynamique.
Lesrésultats montrent unchangement dediagnostic à la suite du bilan urodynamique pour 46% des patientes maispas de différence en termes de résultat subjectif à terme,àl’exceptiondel’hyperactivitédudétrusorquiest unélémentprédictifd’unrisqueplusélevéd’incontinence urinairepostopératoire.
Lespointsfaiblesdel’étudesontcependantunchoixde traitementconservateur à ladiscrétion dupraticien etle faitquedanslesdeuxgroupes,lasolutionchirurgicaleest proposéeàplusde90%despatientes.
Donc finalement deux séries sur lesquelles il est diffi- ciled’apporterdesconclusionsbiennettes.Alorsrappelons encorelesrecommandationsduCUROPFquinousparaissent particulièrementéquilibrées[5].
«L’examen urodynamique n’est pas utile pour le dia- gnosticd’une incontinenceurinaire fémininequidemeure undiagnosticclinique.»
Avant toute chirurgie d’une incontinence urinaire d’effort pure, l’évaluation de la vidange vésicale par la mesure du débit maximum et du résidu post-mictionnel estrecommandée.Enprésenced’uneincontinenceurinaire d’effortpuresansautresymptômecliniqueassocié,unbilan urodynamique complet n’est pas obligatoire maispermet d’aideràétablirunpronosticetàinformerlapatientesur sonfonctionnementvésicosphinctérien.
Unexamenurodynamiquecompletestparcontrerecom- mandépourexploreruneincontinenceurinairecomplexeou compliquée,etceprincipalementencas:
• d’antécédentsdechirurgiedel’incontinenceurinaire;
• d’associationàdesurgenturiesavecousansfuite;
• d’incontinenceurinairesévère;
• d’anomaliesmictionnelles;
• detestàlatouxnégatif;
• deréductiondelacapacitévésicale;
• de suspicion d’obstruction ou d’hypocontractilité vési- cale.
Reste aux chirurgiens qui implantent des bandelettes sous-urétralesd’investirdansundébitmètreoudecontinuer àfairedesbilansurodynamiquescompletsauxincontinentes urinairesd’effortsimplesnoncompliquées pourévaluerla vidangevésicale.
RéponseduPrXavierFritel
Merci de l’intérêt porté à mon éditorial intitulé «Est-il encorejustifiéetéthiquederéaliserunbilanurodynamique avantlachirurgiedel’incontinenceurinaired’effort dela femme?».Votrelettreapporteunéclairagedidactiquefort utileàcettequestiond’actualité,etcomplètelesdébatsdu
congrès2015delaSIFUDàlaBaule(L’urodynamique:ren- table pour qui?), etdel’ICS àMontréal (Isitstill ethical toperformurodynamicinvestigations priortosurgeryfor femalestressincontinence?).
Lesessaisrandomisés deNager etde van Leijsensont d’unegrandequalitéméthodologique,etpourcetteraison doivent être considérés avec attention enraison deleurs implicationspour notre pratiquecliniquequotidienne.Sur les4083femmesconsultantesdansl’essaideNager(chirur- giedel’IUEsimpleavecousansbilanurodynamique),une grandepartien’apaspuêtreinclusecarellesprésentaient unprolapsusgénital(639),unantécédentdechirurgie(528), ouuneincontinencecomplexe(1032). Ilexistaitquelques différencesentrelesdeuxgroupesrandomisés,enparticu- lier sur la mobilité urétralequi étaitretrouvée chez94% des femmes du groupe urodynamique, contre seulement 88% dugroupe témoin. Cette différencequi portesur le principalcritèreprédictifderéussitedesbandelettessous- urétrales(comme lesouligneJean-Franc¸oisetLoïc)aurait pu jouer en faveur du groupe urodynamique, ce qui n’a pas été le cas. La grande majorité des femmes dans les deux groupes (93%) ont bénéficié d’une bandelette sous- urétrale.
L’essaidevanLeijsenmontrequedansl’IUEsimple,les informations apportées parle bilan urodynamique, même quandellesnesontpasconformesàcequiétaitattendu, nemodifientpasletraitement(posed’unebandelettesous- urétraledans 97%des casdans le groupe oùilétaittenu comptedurésultatdubilancontre98%dansl’autregroupe chirurgiepremière),oulerésultatsurl’incontinence.
De nombreuses questions sont encore sans réponse comme la définition de l’IUE «simple» et celle de l’IUE
«complexe»,lescirconstancesdefuitequivont répondre àlachirurgieetcellesquisontfacteurderisqued’échec, ledépistagedel’insuffisancesphinctérienne,laconduiteà tenirencasdemobilitéurétraleréduite,ouencasdedébit- métriepathologique.Celadoitnousencourageràcontinuer lestravauxsurlesfacteursprédictifspréopératoires.
PrXavierFritel.
Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction.
Déclarationd’intérêts
ConsultantBostonscientificetAllergan;intervenantrému- néréPfizer.
Références
[1]FritelX.Est-il encorejustifiéet éthiquederéaliser unbilan urodynamiqueavantlachirurgiedel’incontinenced’effortde lafemme?ProgUrol2015;25:177—9.
[2]GravinaLG,CostaAM,GalatiotoGP,RonchiP,TubaroA,Vicen- tiniC. Urodynamic obstructionin women withstress urinary incontinence—dononintubateduroflowmetryandsymptomsaid diagnosis?JUrol2007;178:959—64.
[3]Nager CW, Brubaker L, Litman H, Zyczynski HM, Varner RE, Amundsen C, et al. A randomized trial of urodynamic testing before stress incontinence surgery. N Engl J Med 2012;366:1987—97.
[4]VanLeijsenSA,KluiversKB,MolBW,HoutJ,MilaniAL,Roovers JP,et al.Value ofurodynamicsbefore stressurinaryinconti- nencesurgery.Arandomizedcontrolledtrial.ObstetGynecol 2013;121:999—1008.
Lettreàlarédaction 1183 [5]HermieuJF,CortesseA,CardotV,LeNormand,LaprayJF,Ballan-
gerP,etal.Synthèsedesrecommandationspourl’exploration d’une incontinenceurinaire féminine non neurologique.Prog Urol2007;17:1239—41.
J.-F.Hermieua,∗,L.LeNormandb
aServiced’urologie,hôpitalBichat,46,rue Henri-Huchard,75018Paris,France
bServiced’urologie,hôpitalHôtel-Dieu,CHUde Nantes,44093Nantescedex,France
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail:jean-francois.hermieu@aphp.fr (J.-F.Hermieu) DisponiblesurInternetle9octobre2015
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2015.08.316
1166-7087/©2015ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.