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La protection contre le chômage en droit international de la sécurité sociale

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La protection contre le chômage en droit international de la sécurité sociale

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. La protection contre le chômage en droit international de la sécurité sociale. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, 1997, no. 18, p. 69-88

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43522

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE No 18-1997 69

DOCTRINE P.-Y. GREBER

1.

2.

3.

4.

s.

6.

7.

LA PROTECTION CONTRE LE CHOMAGE

EN DROIT INTERNATIONAL DE LA SECURITE SOCIALE

Pierre-Yves GREBER Professeur à l'Université de Genève

INTRODUCTION

LES INSTRUMENTS DE DROIT INTERNATIONAL A CONSIDERER

L'EVENTUALITE CHOMAGE RELEVE DU CHAMP COUVERT PAR LA SECURITE SOCIALE

3.1 La question

3.2 L'indication donnée par le droit international 3.3 Les justifications

LES PROTECTIONS CONTRIBUTNES ET NON-CONTRIBUTNES

LA DEFINITION DE L'EVENTUALITE CHOMAGE

LA DEFINITION DU CHAMP D'APPLICATION PERSONNEL 6.1 Le champ d'application personnel traditionnel

6.2 L'extension du champ d'application personnel EN GUISE DE CONCLUSION :

DES POINTS POUR MEMOIRE

No 1 3

6

6 7 9 12

18 22 22 27 36

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70 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N° 18-1997

P.-Y. GREBER DOCTRINE

1. INTRODUCTION

1.

n

est inutile de rappeler l'importance actuelle du chômage dans le contexte de globalisation de l'économie et de restructurations, ses implications sociales et ses réper- cussions sur d'autres formes de protection (p. ex. augmentation des cas de maladie, d'in- validité), la précarisation croissante des emploisl L'objet de cette étude tend à consi- dérer le droit international de la sécurité sociale, non pas dans une perspective historique2 mais pour répondre à la question suivante : «Quelles sources d'inspiration pouvons- nous trouver dans ce droit international à J'époque actuelle? Garde-t-il une perti- nence et, si oui, laquelle?» A un moment où l'on réfléchit dans le monde entier au futur de la sécurité sociale, compte tenu des mutations profondes en cours3, il est essentiel de trouver des points de repères, l'esquisse de perspectives reprendre ou à corriger), la formulation de grands principes4 L'examen peut aussi faire apparaître des lacunes, l'ab-

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3

4

Voir p. ex. : -BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL: L'emploi dans le monde 1995. BIT. Genève 1995. -ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE: Développements et tendances de la sécurité sociale, 1993-1995. Rapport du Se- crétaire général. Revue internationale de sécurité sociale 2/1996, pp. 5 sv.- INSTITUT EU- ROPEEN DE SECURITE SOCIALE : Innovation technologique et sécurité sociale/Tech- nological Innovation and Social Security. Annuaire EISS 1991/EISS Yearbook 1991. Acco.

Leuven/Amersfoort 1992. - OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (81e session-1994): Des valeurs à défendre, des changements à entreprendre. La justice so- ciale dans une économie qui se mondialise : un projet pour l'OIT. Bureau international du Travail. Genève 1994.

L'ouvrage central est celui de Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale. Tome V de : La Sécurité sociale. Son histoire à travers les textes. Association pour l'étude de l'Histoire de la Sécurité sociale. Paris 1993. Et cette oeuvre majeure dépasse l'étude historique pour analyser le droit international lui-même.

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE : La sécurité sociale demain : permanence et changements. Etudes et recherches, N° 36. AISS. Genève 1995. - L'avenir de la sécurité sociale en Europe. Sous la direction de Herman Deleeck. Economica.

Paris 1987. -Les Annuaires de l'Institut européen de sécurité sociale/European Institute of Social Security (Acco. Leuven/ Amersfoort) fournissent des matériaux fort utiles et des ré- flexions précieuses (p. ex. : - 1992 : Les réformes en Europe Centrale et de l'Est/50 ans après Beveridge. - 1993 : Les problèmes de transformation des systèmes de protection so- ciale en Europe Centrale et de l'Est. - 1994 : Le modèle nordique de sécurité sociale dans une perspective européenne. - 1995 : Les perspectives américaines et européennes sur la sé- curité sociale). - Repenser la sécurité sociale. Travaux réunis par J.-P. Fragnière, J.-M.

Bonvin, M. Bardin. Réalités sociales. Lausanne 1995. - Sécurité sociale : le défi du futur.

AGEAS- Association genevoise des employés d'assurances sociales. Genève 1994.- La sé- curité sociale en Europe à l'aube du XXIe siècle. Mutations, nouvelles voies, réformes du financement. Publié par P.-Y. Greber. Helbing & Lichtenhahn. Base! 1996. - La sécurité sociale en Europe et en Suisse. Edité par P.-Y. Greber et J.-P. Fragnière. Réalités sociales.

Lausanne 1996. - Niels PLOUG/John KVIST : Social Security in Europe : Development or Dismantlement? Kluwer Law International. Den Haag!London/Boston 1996.

Le même exercice a été consacré aux soins, voir : P.-Y. GREBER : Les soins de santé en droit international de la sécurité sociale. In : Actes du Colloque « 1946-1996, 50 ans de Caisse primaire : L'Assurance Maladie à un carrefour». Université Montesquieu Bordeaux

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sence d'éléments de réponses à de grandes questions présentes et, par là, inciter les Or- ganisations internationales à poursuivre leurs travaux.

2. L'étude abordera les points suivants : la mention des instruments considérés;

l'appartenance de l'éventualité chômage au champ couvert par la sécurité sociale;

les protections contributives et non-contributives;

la définition de l'éventualité chômage;

la définition du champ d'application personnel;

des points pour mémoire.

2. LES INSTRUMENTS DE DROIT INTERNATIONAL A CONSIDERER5

3. L'étude porte sur la protection contre le chômage en droit international de la sé- curité sociale. Elle prend en considération tout d'abord les instruments élaborés dans le cadre de l'Organisation internationale du Travail (International Labour Organisation) (OIT, ILO), à savoir :

la Convention OIT ~ 2 et la Recommandation OIT ~ 1 concernant le chômage (1919);

la Convention OIT ~ 44 et la Recommandation OIT ~ 44 assurant aux chô- meurs involontaires des indemnités ou des allocations (1934);

la Recommandation OIT~ 67 concernant la garantie des moyens d'existence (1944);

la Convention OIT ~ 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952);

la Convention OIT~ 168 et la Recommandation OIT~ 176 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (1988).

4. Elle considère ensuite les instruments adoptés dans le cadre du Conseil de l'Eu- rope (Council of Europe), à savoir:

le Code européen de sécurité sociale et son Protocole (1964);

le Code européen de sécurité sociale révisé (1990);

IV et Caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde paraître en 1997). Egalement dans Cahiers genevois et romands de la sécurité sociale, No 15-1995.

5 S. Günter NAGEL/Christian TIIALAMY : Le droit international de la sécurité sociale.

Presses universitaires de France. Paris 1994. -Guy PERRIN :Histoire du droit internatio- nal de la sécurité sociale, cité à la note 2. -Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, No 13-1994.

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la Recommandation N" R (82) 8 du Comité des Ministres aux Etats membres concernant la politique de l'emploi et la protection des travailleurs contre les ef- fets du chômage;

la Résolution (77) 1 sur l'emploi des femmes;

la Résolution (75) 14 portant recommandation relative au chômage des jeunes;

la Recommandation N" R (79) 3 du Comité des Ministres aux Etats membres concernant l'insertion des jeunes dans le monde du travail.

5. La présente recherche n'inclut pas l'orientation de la coordination (protection des migrants, des étrangers; des personnes en déplacement, dans le cadre de l'Union europé- enne) ni le droit communautaire6

3. L'EVENTUALITE CHOMAGE RELEVE DU CHAMP COUVERT PAR

LA SECURITE SOCIALE

3.1. La question

6. Pourquoi se poser la question de l'appartenance de l'éventualité chômage au champ d'application matériel de la sécurité sociale ? En raison de l'origine du risque : celle-ci est liée à l'état de l'économie, alors que les autres éventualités (maladie, mater- nité, accident, retraite, invalidité, décès, charges familiales) sont liées à un individu, no- tamment à son état de santé?. Le risque de chômage ne peut pas être apprécié, quant à sa fréquence et à sa longueur, à l'aide des instruments techniques mesurant la probabilité d'atteintes à la santé et à la vie. La problématique est socio-économique (ou économico- sociale !).

3.2. L'indication donnée par le droit international

7. Nonobstant cette spécificité, le chômage est inclus depuis l'origine dans le con- cept international de la sécurité sociale8 Le droit international donne à cet égard une

6

7

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Outre les raisons de place et de temps consacrés à cette publication, la délimitation peut se justifier par des raisons juridiques : les instruments adoptés par 1' OIT et par le Conseil de 1 'Europe relèvent du droit international « classique » et ont souvent été élaborés en parallèle.

Les compétences de la Communauté européenne et les instruments qu'elle a le pouvoir d'adopter sont évidemment de nature différente (voir p. ex. : Guy ISAAC : Droit commu- nautaire général. 4e éd. Masson. Paris/Milano/Barcelona 1994, pp. 314-316).

Ce qui ne veut évidemment pas dire, dans cette deuxième situation, qu'un environnement n'exercerait pas d'influence sur l'individu.

Voir Paul DURAND : La politique contemporaine de sécurité sociale. Dalloz. Paris 1953, pp. 16-19 ..

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indication claire et constante. Antérieurement à l'émergence de la sécurité sociale, la réponse ne faisait déjà pas de doute. L'Organisation internationale du Travail (OIT) a été créée en 1919 : dès le début de son activité, elle s'est préoccupée de la question du chô- mage. En effet, lors de la première session de la Conférence (1919), celle-ci a accepté la Convention OIT~ 2 et la Recommandation OIT~ 1 concernant le chômage. En 1934, la Conférence internationale du Travail a adopté la Convention OIT ~ 44 et la Recom- mandation OIT ~ 44 assurant aux chômeurs involontaires des indemnités ou des alloca- tions. L'appartenance est confirmée dès l'avènement de la sécurité sociale : l'éventualité du chômage est incluse dans la Recommandation OIT ~ 67 concernant la garantie des moyens d'existence (1944) et dans la Convention OIT~ 102 concernant la norme mini- mum de la sécurité sociale (1952). Nonobstant l'origine particulière du risque, l'inclusion est effectuée sans aucune réserve. Et, lorsque l'OIT révise les textes de 1934 et élève la norme minimum au moyen de la Convention OIT~ 168 et de la Recommandation OIT

~ 176 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage, l'orien- tation est maintenue. Il n'en va pas différemment dans les instruments émanant du Con- seil de l'Europe, singulièrement le Code européen de sécurité sociale et son Protocole (1964), le Code européen de sécurité sociale révisé (1990)9 .

8. L'art. 71 § 3 de la Convention OIT~ 102 prescrit une responsabilité générale, incombant à l'Etat qui ratifie l'instrument, « en ce qui concerne le service des presta- tions attribuées en application de la présente convention» et qui lui impose de « prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'atteindre ce but; il doit, s'il y a lieu, s'assurer que les études et calculs actuariels nécessaires concernant l'équilibre financier sont établis pé- riodiquement et en tout cas préalablement à toute modification des prestations, du taux des cotisations d'assurance ou des impôts affectés à la couverture des éventualités en question». La règle vaut à l'égard de toutes les éventualités visées par l'instrument, pas seulement pour celle du chômage. L'art. 72 prévoit une certaine participation des repré- sentants des personnes protégées. L'art. 28 de la Convention OIT~ 168 prévoit que :

« Tout membre doit assumer une responsabilité générale pour la bonne administration des institutions et des services qui concourent à l'application de la convention». L'art.

29 prévoit la participation. Les dispositions évoquées montrent que non seulement l'éventualité chômage relève du champ de la sécurité sociale, mais que les autorités pu- bliques sont impliquées. En d'autres termes, la privatisation de la protection ne serait pas une variante autorisée (la question d'éventuelles protections complémentaires étant mise à part). Les instruments du Conseil de l'Europe (les deux codes) contiennent des règles analogues.

9 Il en va d'ailleurs de même en droit communautaire (cf. ci-dessus le No 5). Voir notamment la Recommandation du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale (92/442/CEE) (JOCE du 26 août 1992, No L 245/49). - Bettina KAHIL : Le chômage en droit social européen. Cahiers genevois et romands de sé- curité sociale, N° 13-1994, pp. 7 sv. -Bettina KAHIL/Anne DONZEL : La protection so- ciale des migrants en Suisse et dans la Communauté européenne. Cahiers genevois et ro- mands de sécurité sociale, N° 16-1996, pp. 87 sv.

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3.3 Les justifications

9. Sur le plan du droit international, l'éventualité du chômage fait donc partie de celles couvertes par la sécurité sociale10. Il se peut qu'un rattachement différent soit effectué par certains droits nationaux, compte tenu du lien étroit avec l'emploi; ainsi, en France, le régime conventionnel de l'assurance-chômage trouve ses bases légales dans le Code du travail et non dans le Code de la sécurité sociaJell,i2. L'appartenance du chô- mage au concept international de sécurité sociale est dû à l'importance de ce risque pour la population. Deux auteurs particulièrement éminents peuvent être cités ici :

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13 14

Paul DURAND souligne qu'un« chômage étendu enlève à de larges groupes de la population leurs moyens d'existence; il déprime même les salaires des tra- vailleurs encore occupés. A la différence de risques, tels que la maladie, qui cré- ent une incapacité de travail, le chômage est un facteur de démoralisation : il lais- se sans emploi des individus aptes au travail. Le malaise social qu'il provoque est souvent à l'occasion de troubles politiques. Du point de vue économique, le chô- mage provoque un gaspillage de ressources productives. Une partie de la main- d' oeuvre étant réduite à l'inactivité, la production et le revenu de la nation sont inférieurs à ce qu'ils eussent été dans une économie de plein emploi »13;

Jean-Jacques DUPEYROUX relève qu'on« assure souvent que le chômage est un fléau, etc. En réalité, un chômage de brève durée peut n'être pas dramatique.

Mais le chômage de longue durée, en revanche, est toujours catastrophique. Le chômage a les mêmes conséquences que tous les risques faisant obstacle à 1 'ac- quisition du revenu professionnel. Mais de plus :

dans la mesure où le travail reste, à tort ou à raison, « valeur » fondamen- tale dans la plupart des sociétés contemporaines14,la mise à l'écart de per- sonnes cependant aptes à occuper un emploi apparaît comme une atteinte à leur dignité, atteinte trop souvent associée à des réactions sociales de suspicion et d'exclusion;

Dans sa teneur classique, le concept international de sécurité sociale couvre neuf éventuali- tés : soins médicaux, indemnités de maladie, maternité, accidents du travail et maladies pro- fessionnelles, vieillesse, survivants, invalidité, chômage, charges familiales (cf. la Conven- tion OIT No 102). Une pression insistante des besoins tend à élargir ce champ à deux éven- tualités supplémentaires : la dépendance (des personnes âgées) et la pauvreté.

Jean-Jacques DUPEYROUX : Droit de la sécurité sociale. 12' éd. Dalloz. Paris 1993, pp.

264, 801, 805 sv.

Voir Danny PIETERS : Introduction into tbe Social Security Law oftbe Member States of the European Community. 2' éd. Bruylant, Bruxelles/Maklu Uitgevers, Antwerpen-Apel- doorn 1993.

Paul DURAND :La politique contemporaine de sécurité sociale, cité à la note 8, p. 212.

Sur cette question, voir p. ex. : Hélène RIFFAUL T : Les Européens et la valeur travail. In : Numéro spécial: L'évolution des valeurs des Européens. Futuribles, [Paris], No 200, juillet- août 1995, pp. 25 sv.

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d'importantes recherches mettent en lumière l'existence d'une pathologie spécifique des chômeurs;

à la marginalisation d'un nombre important de sans-emploi sont générale- ment liés de graves phénomènes de désagrégation de la collectivité : al- coolisme, drogue, délinquance, réactions politiques extrêmes, etc. »15.

1 O. Le droit international de la sécurité sociale ne pouvait ainsi et ne peut pas écarter l'éventualité du chômage de son champ d'application matériel:

même si le risque a une origine particulière, une fréquence et une ampleur difficile à prévoir et à prendre en charge;

même si le chômage est lui-même un risque pour l'institution, comme le relevait pertinemment Paul DURAND : «Enfin, le chômage risque de frapper en plein coeur le système de la sécurité sociale, en réduisant les ressources des institutions de sécurité sociale. En effet, quelle qu'en soit l'assiette, qu'il s'agisse de cotisa- tions proportionnelles aux salaires, d'impôts sur le revenu, de taxes sur certains produits, les crises de chômage entraînent une baisse des salaires, des revenus et des prix. Qu'importe l'institution d'assurances contre la maladie, la vieillesse, l'invalidité, si le fonctionnement en est compromis par un chômage général et prolongé ? » 16;

même si la croissance économique peut coexister avec la persistance de taux éle- vés de chômage, ce qui pose la question du partage équitable et efficace du tra- vail, de la répartition des ressources, des charges17;

procéder de manière contraire allégerait les charges et les coûts des systèmes de sécurité sociale (mais qui prendrait le relais ?), mais plongerait ceux-ci dans une grave crise de légitimité (comment justifier les termes de « sécurité » et de « so- ciale» si l'institution se désintéressait de l'un des risques majeurs ?)18;

même , enfin, si la sécurité sociale ne peut apporter qu'une contribution au pro- blème du chômage, un phénomène à plusieurs dimensions (économique, techno- logique, sociale, éthique ... ).

11. Cette orientation fondamentale a reçu notamment l'appui de la Conférence des Ministres européens responsables de la sécurité sociale :

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Jean-Jacques DUPEYROUX : Droit de la sécurité sociale, cité à la note 11, pp. 799-800.

Paul DURAND :La politique contemporaine de sécurité sociale, cité à la note 8, p. 212.

Voir p. ex. : -Numéro spécial temps de travail. Futuribles, N° 165-166, mai-juin 1992. - Jean-Jacques SALOMON : Europe - Etats-Unis : progrès techniques et myopie des écono- mistes. Futuribles, N° 211, juillet-août 1996, pp. 5 sv. - Yves FLUCKIGER/Javier SUA- REZ : Propositions de réforme du financement de la sécurité sociale en Suisse. ln : La sé- curité sociale en Europe à l'aube du XXIe siècle, cité à la note 3. -Alain EUZEBY : La pro- tection sociale en Europe : tendances et défis. Les systèmes à l'épreuve de la compétition économique mondiale. Futuribles, No 171, décembre 1992, pp. 59 sv.

Pierre-Yves GREBER: Le présent et l'avenir de la sécurité sociale en Europe occidentale.

ln : La sécurité sociale en Europe à l'aube du XXIe siècle, cité à la note 3.

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« Compte tenu de 1' effet direct et indirect de la sécurité sociale sur 1' emploi et le marché du travail, il est souhaitable que la politique générale de lutte contre le chômage s'accompagne de mesures spécifiques de sécurité sociale »19;

« Ainsi, il est nécessaire de maintenir la protection assurée par les régimes de sé- curité sociale dans une période de difficultés économiques et de chômage élevé tout particulièrement pour renforcer la solidarité et la responsabilité des popula- tions, ainsi que pour promouvoir la justice sociale, tout en tenant compte cepen- dant des limites et des exigences de la situation économique et financière de ma- nière à favoriser la reprise de la croissance. »2o

4. LES PROTECTIONS CONTRIBUTIVES ET NON-CONTRIBUTIVES21

12. La Recommandation OIT N° 67 concernant la garantie des moyens d'existence22 - dans ses principes directeurs - dispose que : « 2. La garantie des moyens d' existence23 devrait être établie, autant que possible, sur la base de l'assurance sociale obligatoire, les assurés remplissant les conditions exigées ayant droit, en considération des cotisations payées à une institution d'assurance, à des prestations payables selon des taux et dans les éventualités fixées par la loi. 3. Il devrait être satisfait par l'assistance sociale aux besoins non couverts par l'assurance sociale obligatoire( ... ).»

13. L'on sait que l'assurance sociale et l'assistance sociale sont des techniques au service de la sécurité sociale, institution à portée plus globale tant pour le champ d'ap- plication personnel que pour le champ d'application matériel, également pour les presta- tions24 Cependant, la Recommandation OIT N° 67 a «marqué une préférence», comme le souligne Guy PERRIN25, en faveur de la technique de l'assurance sociale, l'assistance revêtant un rôle subsidiaire, de comblement des lacunes qui pourraient être laissées par la

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Cioquième Conférence des Ministres européens responsables de la sécurité sociale (Lime- rick, 20-21 mai 1992) sur« Les politiques de sécurité sociale et l'emploi». Communiqué fi- nal. In : CONSEIL DE L'EUROPE : 6' Conférence des Ministres européens responsables de la sécurité sociale (Lisbonne, 29-31 mai 1995). Travaux du Conseil de l'Europe dans le domaioe de la sécurité sociale. Note du Secrétariat général (MSS-6(95)3-F). Conseil de l'Europe. Strasbourg 1995 (annexe III, § 8).

Idem, § 9.

La distioction classique entre protections contributives, financées par voie de cotisations, et non-contributives, financées par les impôts, est reprise ici nonobstant sa limite conceptuelle : les deux font appel à des contributions.

Guy PERRIN : Histoire du droit iotemational de la sécurité sociale, cité à la note 2, pp. 237 ss.

Sans limitation à l'éventualité du chômage; voir la note 10.

Voir p. ex. : Alexandre BERENSTEIN : La Suisse et le développement iotemational de la sécurité sociale. Schweizerische Zeitschrift fur Sozialversicherung 1981, pp. 161 sv. (p.

167).

Guy PERRIN: Histoire du droit iotemational de la sécurité sociale, cité à la note 2, p. 239.

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première. Il y a une sorte de hiérarchie qui est posée par cet instrument international : la protection contributive devrait avoir la priorité, celle non-contributive et sou- mise à des conditions de revenu venant en second rang. Cette hiérarchie ne figurait pas encore dans la Convention OIT N° 44 assurant aux chômeurs involontaires des in- denmités ou des allocations, de 1934 (voir son art. 1), tout en étant suggérée dans la Re- commandation OIT No 44 qui la complète {voir les §§ 1 et 2). Cette « préférence» se ré- fère à l'importance de l'assurance sociale et au souci du législateur international d'orien- ter les Etats vers une protection qui tienne compte des besoins réels. Guy PERRIN a bien expliqué la raison de cette orientation, qui «permettait de réconcilier la fidélité à la tradi- tion et les avantages incontestables d'un mode de protection éprouvé, (elle) en a tiré tou- tes les conséquences quant au niveau de protection, pour des raisons de philosophie so- ciale qui ont révélé une juste anticipation des aspirations et des tendances de 1' avenir. »26

14. La Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité so- ciale27, adoptée en 1952, pose la règle suivante : si un Etat ratifie l'instrument sur la base de régimes protégeant des catégories de salariés, la prestation de chômage représentera un paiement périodique inconditionnel, exprimé soit en pourcentage du revenu antérieur de l'assuré (art. 65), soit par rapport au salaire du manoeuvre ordinaire adulte masculin (art. 66); si l'Etat ratifie sur la base de régimes couvrant tous les résidents dont les res- sources n'excèdent pas des limites prescrites, la prestation sera un paiement en espèces conditionnel, c'est-à-dire tenant compte des ressources de l'intéressé (art. 67). Or, la ma- jorité des régimes relatifs à l'éventualité du chômage protège des salariés : il y a ainsi, de

fait, une priorité vers la protection contributive non soumise à la limite de revenu.

15. La Convention OIT N° 168 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage, adoptée en 1988, dispose que : «Tout Membre peut déterminer la méthode ou les méthodes de protection par lesquelles il choisit de donner effet aux dis- positions de la convention, qu'il s'agisse de régimes contributifs ou non contributifs, ou encore de la combinaison de tels régimes, à moins qu'il n'en soit disposé autrement par la présente convention» (art. 12). Des trois méthodes de calcul des prestations, seule la dernière permet de se référer « au montant minimal indispensable pour les dépenses es- sentielles» (art. 15, § 1), c'est-à-dire à un mode qui permet de tenir compte des ressour- ces des personnes protégées pour fixer le montant des prestations. Il y a également ici une sorte de « préférence » pour la protection inconditionnelle ou, au moins, une indica- tion dans ce sens. La Convention OIT N° 168 retient en revanche la possibilité de prévoir une protection tenant compte des ressources du bénéficiaire et de sa famille lorsque la durée normale de service des prestations est arrivé à échéance; un tel deuxième volet de protection devra garantir aux intéressés « des conditions d'existence saines et convena- bles, selon les normes nationales» (cf. les art. 16 et 19).

26

27 Idem, p. 239.

Pierre LAROQUE : L'Organisation internationale du travail et de la sécurité sociale. Revue internationale de sécurité sociale 1969, pp. 513 sv.- Idem: De l'assurance sociale à la sé- curité sociale. Revue internationale du Travail 1948, vol. 57, pp. 621 sv. -Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, cité à la note 2, pp. 5 00 sv.

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16. Bien que la Convention OIT N° 44 et la Recommandation OIT N° 44 assurant aux chômeurs involontaires des indemnités ou des allocations soient bien anciennes - el- les ont été adoptées par la Conférence en 1934- elles mettent l'accent sur un élément qui garde toute sa pertinence : lorsqu'un régime prévoit des indemnités de chômage-« c'est -à-dire une somme versée en raison de contributions payées du fait de l'emploi du bénéfi- ciaire, par affiliation à un système soit obligatoire, soit facultatif» (art. 1, § 1, lettre a C OIT N° 44) - celles-ci ne doivent pas être subordonnées pour le paiement à l'état de be- soin du requérant (art. 12, § 1, C OIT N° 44). En d'autres termes, les protections insti- tuées sous la forme de régimes d'assurances sociales, donc contributifs, ne sont pas autorisés à prescrire des conditions de ressources pour le service des prestations. En revanche, les Etats peuvent prévoir des prestations soumises à condition de revenu; dans une telle hypothèse, cette forme de protection ne constitue pas « un secours alloué en vertu des mesures générales d'assistance aux indigents (art. 1, § 1, lettre b, C OIT N°

44). Autrement dit, ce volet non-contributif et ciblé ne relève pas de l'assistance so- ciale. L'instrument permet judicieusement la combinaison de ces techniques (art. 1, § 1, lettre c, C OIT N° 44; idem : art. 12, § 1 C OIT N° 168). A une époque où, sous la pression des contraintes économiques, le débat sur le ciblage ou la sélectivité de la pro- tection a repris de l'importance28, le rappel de ces notions de base n'est pas inutile.

17. Le droit international de la sécurité sociale continue ainsi d'apporter des élé- ments pertinents sur la question des protections contributives, inconditionnelles, et non- contributives, liées à des conditions de ressources. Le premier mode devrait être priori- taire, car il fournit une réponse plus proche des besoins pour la plus grande part des per- sonnes protégées; le second joue un double rôle de comblement et de relais à l'égard du premier. Cette position montre bien la validité du concept international de la sécurité sociale, qui donne la priorité aux finalités (ici la protection contre le chômage) et envi- sage une combinaison de moyens pour les réaliser (protections contributives, non-con- tributives, mixage). Cela permet une souplesse judicieuse à l'égard des besoins de pro- tection, un respect des traditions nationales, une implication des divers acteurs sociaux.

Cette manière de procéder devrait garder sa pertinence : il y aura toujours une demande de protection des travailleurs à 1' égard de l'éventualité du chômage, qui ait un lien avec le revenu; mais l'emploi, considéré de manière générale, s'est beaucoup fragilisé ces der- nières années : taux de chômage plus ou moins stabilisé à un niveau élevé, difficulté d'in- sertion des jeunes à la fin de leur formation dans les emplois rémunérés, alternance de pé- riodes d'emploi, de chômage et de formation, montée des travaux dits atypiques, chôma- ge de longue durée : les régimes contributifs, fondés sur une carrière régulière, n'arrivent alors pas à répondre à ces situations plus instables, de passages répétés dans et hors des activités rémunérées29 • Une palette d'interventions, monétaires et en services, se révèle

28

29

James SCHULZ :Le débat continue: sélectivité, oui, mais jusqu'où? ln: AISS :La sécuri- té sociale demain, cité à la note 3, pp. 45 sv. -Bea CANTILLON : Les transformations des modèles du travail et de la famille et leurs implications sur la sécurité sociale. ln : Repenser la sécurité sociale, cité à la note 3, pp. 115 sv. (pp. 125 sv).

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL: Le travail dans le monde, 1995. BIT. Ge- nève 1995. - BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : L'emploi dans le monde, 1995, cité à la note 1. -Jean-Jacques DUPEYROUX :Droit de la sécurité sociale, cité à la

(12)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N° 18-1997 79

DOCTRINE P.-Y. GREBER

nécessaire. Le Code européen de sécurité sociale révisé, adopté en 1990 par le Conseil de l'EuropeJO, s'ouvre à ces problématiques, nouvelles en tout cas par leur intensité : il demande aux Etats ratifiants d'étendre le champ d'application personnel de la protection contre le chômage à des catégories qui n'ont jamais appartenu ou qui ont cessé d'appar- tenir aux groupes de personnes protégées (cela concerne notamment les jeunes et les pa- rents reprenant une activité après une période consacrée à l'éducation d'un enfant) (art.

20, § 3). Un volet de protection non contributive vient ainsi utilement prolonger la mis- sion plus traditionnelle de l'assurance-chômage. La Convention OIT N° 168 procède de manière analogue.

5. LA DEFINITION DE L'EVENTUALITE CHOMAGE

18. Il ne s'agit pas ici de repérer les nuances qui peuvent exister dans les définitions posées par le droit international. Prenons un texte récent, la Convention OIT N° 168 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (1988). Son ar- ticle 10 a la teneur suivante :

«1.

2.

3.

30

31

32

Les éventualités couvertes doivent comprendre, dans des conditions prescrites31 ,

le chômage complet défini comme la perte de gain due à l'impossibilité d'obtenir un emploi convenable, compte dûment tenu des dispositions du paragraphe 2 de l'art. 2P2, pour une personne capable de travailler, disponible pour le travail et effectivement en quête d'emploi.

Tout Membre doit s'efforcer d'étendre la protection de la convention, dans des conditions prescrites, aux éventualités suivantes :

a) la perte de gain due au chômage partiel défini comme une réduction tem- poraire de la durée normale ou légale du travail;

b) la suspension ou la réduction du gain due à une suspension temporaire de travail, sans cessation de la relation de travail, notamment pour des motifs économiques, technologiques, structurels ou similaires.

Tout Membre doit en outre s'efforcer de prévoir le versement d'indemnités aux travailleurs à temps partiel qui sont effectivement en quête d'un emploi à plein temps. Le total des indemnités et des gains provenant de leur emploi à temps par- tiel peut être tel qu'illes incite à prendre un emploi à plein temps.

note 11, pp. 80 sv., 98-99. -INSTITUT EUROPEEN DE SECURITE SOCIALE: Innova- tion technologique et sécurité sociale, cité à la note 1.

Alexandre BERENSTEIN : La révision du Code européen de sécurité sociale. Aspects de la sécurité sociale, bulletin de la FEAS, 2/1991, pp. 36 sv. - S. Günter NAGEL/Christian THALAMY : Le droit international de la sécurité sociale, cité à la note 5, pp. 35 sv.

Selon l'art 1, lettre b, de la Convention OIT N° 168, «le terme prescrit signifie déterminé par ou en vertu de la législation nationale. »

L'art 21, § 2, de la Convention OIT N° 168 pose des critères relatifs au caractère convena- ble d'un emploi.

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80 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE No 18-1997

P.-Y. GREBER DOCTRINE

4. ( ... )33. »

19. L'art. 19 du Code européen de sécurité sociale révisé, adopté en 1990 par le Conseil de l'Europe, a une teneur très proche du texte qui vient d'être cité.

20. Les travaux préparatoires mettent notamment en évidence les éléments sui- vants:

a)

b)

c)

d)

33

34

35 36

37 38

«Les principaux éléments de la définition du chômage indemnisable générale- ment retenus par les législations nationales sont, outre le caractère involontaire du chômage, l'aptitude au travail, la disponibilité pour l'emploi et la recherche active d'un emploi. »34;

Depuis l'adoption de la Convention OIT N° 44 (1934), on a constaté la diffusion de la notion de chômage partiel, « en vue d'éviter des mesures plus draconien- nes comme la cessation de l'emploi, en maintenant une relation d'emploi qui per- met aux entreprises de garder du personnel qualifié et expérimenté et de prévenir le chômage total. »35;

Les réponses des gouvernements ont montré un consensus très large pour l'in- clusion, dans la convention, d'une définition du chômage complet. Elles ont fait apparaître une large majorité pour procéder de même à l'égard du chômage par- tieJ36 Le BIT a relevé que:« L'extension de l'éventualité au chômage partiel et à la mise à pied économique n'exercerait un effet dissuasif sur l'emploi, comme le craint un gouvernement, que si la perte de gain en résultant était totalement com- pensée. ( ... ) La compensation du chômage partiel ne parait pas limitée aux régi- mes contributifs, comme le craint un gouvernement. Mais elle ne parait effective- ment pas pouvoir être réalisée par des prestations dont 1' octroi serait subordonné à une condition de ressources, si les gains du chômeur partiel dépassent le seuil prescrit pour l'octroi de ces prestations. »37;

A propos de la situation visée à l'art. 10, § 3, de la Convention OIT N° 168, le BIT remarque que l'objectif« est en réalité de ne pas aboutir à la situation ab- surde dans laquelle le salaire tiré d'un emploi à temps partiel serait moins attractif pour le chômeur qu'une prestation pour chômage complet. »38 Il faut que le chô- meur occupant un emploi à temps partiel soit capable de travailler à plein temps,

Possibilité de dérogations temporaires aux §§ 2 et 3, si une déclaration a été faite par l'Etat selon 1 'art 5 de la Convention.

OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (73e session-1987) : Rapport IV (1): Promotion de l'emploi et sécurité sociale. BIT. Genève 1986, p. 35.

Idem p. 36.

OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (73e session-1987) : Rapport IV (2): Promotion de l'emploi et sécurité sociale. BIT. Genève 1987, pp. 8 sv.

Idem, pp. 12 et 13 Idem, p. 14.

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE No 18-1997 81

DOCTRINE P.-Y. GREBER

disponible à cet effet et réellement à la recherche d'un emploi à plein temps. Il y a maintien de la faculté d'insertion dans le domaine de l'emploi39;

e) Dans le premier paragraphe de l'art. 10, les termes« perte de gain» ont rempla- cé « absence de gain» tel qu'initialement proposé. Cela exclut les nouveaux de- mandeurs d'emploi : ceux-ci font l'objet de la partie VII de la Convention OIT N° 168. C'est une formule de compromis : en effet, la Partie VII est rédigée d'une manière souple, qui permet une application progressive de ses règles par les Etats ayant ratifié l'instrument; rien n'empêche ceux-ci d'aller plus loin40, 41 ; f) Le BIT relève enfin que : «La Partie III [de la Convention] ne définit pas les mé-

thodes selon lesquelles le chômage à temps partiel et la mise à pied devraient être indemnisés. Rien n'empêcheraient donc qu'ils le soient au moyen d'une garantie de salaire par l'employeur, qui recevrait à cet effet une contribution des pouvoirs publics, selon un système analogue à celui décrit par le gouvernement japonais.

L'indemnisation de ces éventualités n'est donc pas liée à un système d'assu- rance42 comme le pense le gouvernement de la Nouvelle-Zélande; elle pourrait être garantie par un régime applicable à tous les résidents pourvu que les presta- tions compensent la perte de gain subie. »43

21. La définition des éventualités représente l'une des composantes essentielles du droit de la sécurité sociale; il en va de même de la détermination du champ d'application personnel, des prestations (conditions d'octroi, sortes et calculs, service), de l'organisa- tion administrative, financière et contentieuse44 . Dans la pratique, il s'agit d'un« passage obligé» : il faut être touché par l'éventualité pour pouvoir prétendre aux prestations;

c'est dire l'importance de la définition juridique. Celle-ci peut rencontrer de manière adé- quate les besoins de protection ou, au contraire, s'en écarter largement par une approche très restrictive. Le droit international, judicieusement, traite la question. Et ille fait d'une manière qui demeure pertinente, s'ouvrant aux différentes sortes de chômage, sans se limiter à sa forme principale représentée par le chômage complet.

39 40

41

42 43

44

Idem, pp. 13 et 14.

OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (75e session-1988) : Rapport V (2A): Promotion de l'emploi et sécurité sociale. BIT. Genève 1988, p. 21.

Le Conseil de l'Europe, dans son Code européen de sécurité sociale révisé, a, au contraire, choisi de se référer au critère de l'absence de gain; justement pour inclure les nouveaux de- mandeurs d'emplois (v. art. 19, § 1, lettre a, Code révisé et le Rapport explicatif du Code européen de sécurité sociale révisé, établi par la Direction des Affaires Sociales et Economi- ques, Conseil de l'Europe, Strasbourg 1990, § 166, p. 31). Une norme plus contraignante se justifie dans la région européenne, alors que la Convention OIT N° 168 a une portée qui se veut universelle.

Voir ci-dessus les N° 12 sv. 17.

OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (75e session-1988): Rapport V (2A), cité à la note 40, p. 22.

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL: Introduction à la sécurité sociale. 3e éd.

Genève 1986. -Pierre-Yves GREBER: L'apport de Guy PERRIN à la théorie générale de la sécurité sociale. In : Repenser la sécurité sociale, cité à la note 3, pp. 177 sv. (pp. 178-

180).

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82 CAHŒRS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE No 18-1997

P.-Y. GREBER DOCTRINE

6. LA DEFINITION DU CHAMP D'APPLICATION PERSONNEL

6.1. Le champ d'application personnel traditionnel

22. Dans les Etats qui connaissent une protection contre le risque du chômage, ce sont normalement les salariés qui en bénéficient. Pas nécessairement d'ailleurs l'ensemble de ces travailleurs : « Les catégories exclues le plus fréquemment sont les travailleurs agricoles et les gens de maison, en raison des difficultés d'immatriculation, de recouvre- ment des cotisations, de détermination des gains, etc. Bien souvent aussi, les travailleurs dont l'emploi est éminemment stable, tels les fonctionnaires publics titularisés, ne sont pas assujettis au régime. Les travailleurs occasionnels, auxiliaires ou saisonniers demeu- rent souvent en dehors du champ d'application. »45 Les pays d'Europe centrale et orien- tale, qui connaissent des taux de chômage variant entre un pourcentage faible (Répu- blique tchèque) et des chiffres analogues à ceux enregistrés à l'Ouest, sont à« la recher- che d'un nouvel équilibre entre les besoins de la transition économique et les besoins so- ciaux de la population »46. Et dans les Etats du Sud, le service des indemnités de chôma- ge est rare47.

23. La Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952) a judicieusement opté pour une stratégie souple: les Etats peuvent ratifier l'ins- trument, pour l'éventualité chômage, soit sur la base de régimes couvrant des catégories prescrites [par l'Etat] de salariés (formant au moins 50% de ceux-ci)48, soit sur la base de régimes couvrant tous les résidents dont les ressources ne dépassent pas des limi- tes déterminées conformément à la Convention (art. 21, lettres a et b, Convention OIT No 102). Cela permet, en d'autres termes, de considérer aussi bien des régimes contri- butifs que des protections non contributives basées sur des conditions de revenu ( sélec- tives)49

24. La Convention OIT N° 168 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (1988) est axée sur la protection des salariés : 85 % de ceux-ci doi- vent au moins être protégés, sous réserve d'exclusion possible pour les agents de la fonc-

45

46

47 48

49

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL: Introduction à la sécurité sociale, cité à la note 44, pp. 84-85.

Vladimir RYS : La protection contre le chômage en Europe centrale et orientale. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 13-1994, pp. 25 sv. (p. 31). Cet auteur relève une phase assez libérale dans l'accès à la protection suivie, vu 1' évolution des dépenses, par des révisions restrictives (op. cit., pp. 29-30).

S. GUHAN : Stratégies de sécurité sociale dans les pays en développement. Revue interna- tionale du Travail, vol. 133, 1994/1, pp. 37 sv. (p. 38).

Sous réserve d'aménagements pour les pays dont l'économie est insuffisanunent développée (art. 3 et 21, lettre c, Convention OIT N° 102).

Voir la subdivision 4 de cette étude.

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CAIDERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE No 18-1997 83

DOCTRINE P.-Y. GREBER

tion publique dont l'emploi est garanti jusqu'à l'âge normal de la retraite et d'amé- nagements demandés et motivés par les Etats ratifiants (art. 5) (art. 11 Convention OIT N° 168). De plus, la Partie VII de cet instrument est consacrée à des dispositions particu- lières destinées à protéger les nouveaux demandeurs d' emploi50 . La référence alternative aux résidents dont les ressources ne dépassent pas certaines limites51 a été reprise indi- rectement dans la convention52. Le taux de 85 %, proposé par le BIT au vu des réponses des gouvernements, n'a été que peu critiqué lors du processus d'élaboration de l'instru- ment53. TI est assorti d'une possibilité de dérogations pour tenir compte du niveau de dé- veloppement d'un pays et, dans l'autre sens, d'une recommandation incitant les Etats à

«s'efforcer d'étendre progressivement l'application de leur législation concernant l'in- demnisation du chômage à tous les salariés» (§ 16, Ière phrase, de la Recommandation OIT N° 176), soit une généralisation de la protection. Le Code européen de sécurité so- ciale révisé demande la protection de tous les salariés, y compris les apprentis (art. 20, § 1, lettre a)54, mais autorise immédiatement une dérogation : l'Etat peut exclure des caté- gories de salariés formant au total 15% au plus de l'ensemble des salariés (art. 20, § 2, lettre a, Code révisé).

25. Les normes conventionnelles, de l'OIT comme du Conseil de l'Europe, n'ont ainsi pas encore imposé la protection de l'ensemble des salariés à l'égard de l'éven- tualité chômage. Jef V AN LANGENDONCK relève que : «Dans la plupart des pays, l'assurance-chômage tend à couvrir moins de personnes que les autres branches de la sé- curité sociale( ... ) L'assurance-chômage est réservée aux seuls travailleurs qui ont un em- ploi sérieux, une certaine ancienneté55, qui ont payé des cotisations et travaillé à plein temps ou au moins à mi-temps. Les emplois atypiques et les autres types d'activités spé- ciales comme les gens de maison, entreprises familiales, activités du secteur public, etc., tendent généralement à en être exclus. »56 La situation est préoccupante à deux titres : a)

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53

54

55 56

57

Comment le droit international et européen conventionnel parviendra-t-il à combler ce déficit? S'il n'a pas réussi en 1988 et 199057, comment le fera-t-il alors que l'instabilité économique s'est accrue?

Voir ci-dessus les N° 18 et 20 (lettree) et ci-dessous le N° 32.

Voir ci-dessus le N° 23.

Non pas dans la Partie IV relative aux personnes protégées, mais dans la Partie V, qui porte sur les méthodes de protection (art. 12, § 2, Convention OIT N° !68).

OIT -CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (75e session-1988) : Rapport V (2A), cité à la note 40, p. 25.

Avec, comme alternative, la possibilité de couvrir le 70 % au moins de la population éco- nomiquement active (art. 20, § 1, lettre b, Code révisé).

Cet auteur fait référence implicitement à l'exigence du stage de cotisation ou d'emploi.

Jef VAN LANGENDONCK : La protection sociale des chômeurs. In : CONSEIL DE L'EUROPE : La protection sociale dans le contexte de la transition politique et économique.

Actes du Colloque de Strasbourg, 25-26 novembre 1994. Direction des Affaires sociales et économiques, Conseil de l'Europe. Strasbourg 1995, pp. 53 sv. (p. 62).

Dates d'adoption respectivement de la Convention OIT N° 168 et du Code révisé.

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84 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE No 18-1997

P.-Y. GREBER DOCTRINE

b) Les travaux dits atypiques, donc susceptibles d'être exclus de la protection, sont en augmentation depuis plusieurs années58, et ils représentent une fragilisa- tion indéniable de l'emploi. Il y a, pour les personnes concernées, un double han- dicap, au regard tant du travail que de la protection sociale. Au delà de cette fra- gilisation, les notions mêmes d'emploi et de travail sont engagées dans un pro- cessus profond de mutation. Riccardo PETRELLA souligne59 que : «Les pays riches et développés de la planète sont en train de vivre la fin de la société indus- trielle salariale et, avec elle, d'un système de production et de redistribution de la richesse centrée sur le plein emploi (travail rémunéré pour toutes les personnes en âge actif, sur la base d'un contrat à durée indéterminée, assurant protection et sé- curité sociale au travailleur/employé et aux personnes à sa charge). ( ... ) On es- père, cependant, pouvoir réaliser un plein emploi de type nouveau, fondé sur la redéfinition de la nature et du rôle du travail, en valorisant l'activité humaine, ré- munérée et non rémunérée, comme base de l'organisation de la production et de la redistribution de la richesse.( ... ) Ce qu'il faut surtout, c'est concevoir et mettre en oeuvre un nouveau contrat social définissant les principes, les modalités et les acteurs d'une nouvelle régulation sociale concernant la redistribution et la pro- duction de la richesse, de nouveaux mécanismes de représentation, une nouvelle fiscalité, une solidarité professionnelle et collective pour les prochaines décen- nies. »60

26. La protection contre le chômage, le cercle des personnes bénéficiant de celle-ci, ne pourront ainsi pas rester en marge des mutations politiques, sociales et économiques en cours61 . Au titre des préoccupations immédiates, il convient d'être particulièrement attentif à ne pas laisser en dehors de la protection ceux qui en ont besoin, ainsi les tra- vailleurs dits atypiques.

6.2 L'extension du champ d'application personnel

27. Deux questions doivent être évoquées ici : la protection des travailleurs indépen- dants et celle des nouveaux demandeurs d'emploi au regard de l'éventualité chômage.

58 59

60

61

Voir ci-dessus la note 29.

Il n'est évidemment pas le seul à le faire! P. ex. :-L'Europe au-delà du chômage. Raymond Racine (éditeur). Centre européen de la culture, Genève. Presses interuniversitaires europé- ennes. Bruxelles 1992. -Le travail en question. 12 questions sur le travail, l'emploi et le chômage dans le monde. T. Pellet (e.a.). Orcades. Déclaration de Berne. Les Magasins du Monde. OXAM. Poitiers 1995. -Rosanna MAZZI : La précarisation de l'emploi. Réalités sociales. Lausanne 1987.

Riccardo PETRELLA : Nouveau contrat social ou apartheid mondial. Préface à : Le travail en question, cité à la note 59, pp. 9 et Il.

Voir les note 3 et 29.

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE No 18-1997 85

DOCTRINE P.-Y. GREBER

28. En ce qui concerne la première, nous avons vu que le champ d'application per- sonnel des régimes d'assurance-chômage couvre traditionnellement les salariés (certaines catégories ou la totalité de ceux-ci)62; il ne s'étend pas, en principe, jusqu'aux indépen- dants63. JefV AN LANGENDONCK relève que les exemples danois, luxembourgeois et suédois démontrent que l'inclusion de ces travailleurs est parfaitement possible sur le plan technique. Et il ajoute que : « Sur le plan social, aucun doute ne subsiste quant au bien-fondé de cette assimilation des indépendants. L'opinion qui voulait que les indépen- dants constituent une classe sociale supérieure aux salariés, et que leurs économies doi- vent suffire à subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille à la fin de leur vie profes- sionnelle, appartient définitivement au passé. Les situations sociales et économiques des indépendants sont aussi variées que celles des salariés et, en moyenne, ne sont pas meil- leures. Les conditions économiques qui contraignent les employeurs à licencier les tra- vailleurs sont les mêmes que celles qui contraignent les commerçants et artisans indépen- dants à baisser leurs volets. Il est évident que dans les pays où le gouvernement garantit les prestations de chômage et les finance dans une large mesure - comme cela semble être le cas dans presque tous les pays européens à l'exception de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas - on ne voit aucune raison de ne pas permettre aux travailleurs indépendants de payer les mêmes cotisations que les salariés (et leurs employeurs), pour obtenir les mê- mes avantages d'un système de protection, par ailleurs largement basé sur les impôts qu' ils paient. »64

29. Lors des travaux préparatoires relatifs à la Convention OIT N° 168, le BIT a sou- mis à consultation une alternative : le champ d'application personnel pourrait être défini soit par rapport aux salariés, soit par rapport à des catégories de la population économi- quement active. Le second terme « convient en particulier à un certain nombre de systè- mes nationaux qui couvrent certains travailleurs indépendants, compte tenu de l'évolu- tion des conceptions. »65 L'alternative a été abandonné par la suite. Mais si l'on met le champ d'application personnel (art. 11) en regard des méthodes de protection (art. 12), il apparaît que l'instrument est très souple : il peut accueillir des régimes contributifs com- me non contributifs, une combinaison de ceux-ci, des régimes de salariés ou des régimes couvrant tous les résidents dont les ressources n'excèdent pas des limites prescrites. A propos des indépendants, la Convention OIT N° 168 est en quelque sorte neutre : elle peut les« accueillir» pour une ratification (elle ne les écarte ni ne les encourage). Cepen- dant, une approche plus positive apparaît à son art. 26 : les Etats doivent protéger au

62 63

64

65

Voir ci-dessus le N° 22.

Les législations danoise et luxembourgeoise prévoient une protection des indépendants (voir:

COMMISSION EUROPEENNE : MIS SOC. La protection sociale dans les Etats membres de l'Union. Situation au !er juillet 1994 et évolution. Office des publications officielles des Communautés européennes. Luxembourg 1995, pp. 266-267). En Suisse, l'art. 34novies, al.

2, 2e phrase, de la Constitution fédérale, dispose que : « La Confédération veille à ce que les personnes exerçant une activité indépendante aient la faculté de s'assurer à certaines condi- tions. »Cette disposition n'a pas encore été concrétisée par la législation.

JefVAN LANGENDONCK: La protection sociale des chômeurs, cité à la note 56, p. 63.

OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (73e session-1987) :Rapport IV(2},citéàlanote36,p.l7. Voiraussip.IOI.

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86 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N° 18-1997

P.-Y. GREBER DOCTRINE

moins trois des dix catégories énumérées de nouveaux demandeurs d'emploi; l'une de ces dix catégories est composée des personnes ayant auparavant travaillé à leur compte (lettre j). Et la Recommandation OIT N° 176 fait un pas supplémentaire, à son paragra- phe 8, en disposant que « Les Membres devraient dans toute la mesure possible et dans des conditions prescrites, offrir aux chômeurs qui souhaitent créer leur propre entreprise ou s'engager dans une autre activité économique un soutien financier et des services con- sultatifs. »

30. La Se Conférence des Ministres européens responsables de la sécurité sociale, te- nue à Limerick les 20 et 21 mai 1992 sur le thème « Les politiques de sécurité sociale et l'emploi» a recommandé au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe d'étudier« la contribution de la sécurité sociale à la lutte contre le chômage, notamment par des mesu- res tendant à favoriser la création par des chômeurs de leurs propres entreprises »66, 67.

31. Le droit international s'ouvre ainsi progressivement à la protection des tra- vailleurs indépendants en matière de chômage, sans pour autant exercer ici une influ- ence marquée sur les législateurs nationaux. Mais il ne traite pas une question qui prend de l'importance : celle du développement d'une sorte de «zone grise» - entre les statuts « classiques» de salariés et d'indépendants - au sein des travaux dits atypi- ques. Il s'agit des situations dans lesquels des employeurs renoncent à engager des tra- vailleurs voire les licencient et entendent les considérer comme des indépendants. Cette tendance est grandement favorisée par les progrès de l'informatique, qui ont pour effet que le travailleur peut fort bien exercer la majeure partie de son activité en dehors des lo- caux de l'entreprise. Il aura certaines caractéristiques d'un indépendant (choix plus ou moins large de son horaire, certaine autonomie quant à l'organisation de son travail), tout en dépendant économiquement de l'entreprise qui lui confie des « mandats ». Et évi- demment cet « indépendant» supporte le poids de l'ensemble de sa protection sociale (affiliation aux caisses compétentes, cotisations), le coût de ses vacances, etc. L'entre- prise échappe à ces contraintes et pratique la « flexibilité ». Le phénomène est tout à fait sérieux et rien ne semble actuellement le freiner68. Une intervention du législateur inter- national consistant à poser des repères (qu'est-ce réellement qu'une activité indépendan- te ?) et à prévoir des garanties serait hautement souhaitable.

66 67

68

Communiqué final de la Se Conférence, A, 4e tiret.

Voir aussi: S. Günter NAGEL : Quelques réflexions à propos de la philosophie du Conseil de 1 'Europe en matière de protection sociale. In : La sécurité sociale en Europe et en Suisse, cité à la note 3, pp. 23 sv. (pp. 31 sv.).

Voir, dans l'Annuaire de l'Institut européen de sécurité sociale cité à la note 1, notanunent les contributions de R. PESSI, L. FREY, B. BERCUSSON, B. GREVE, K. KREMALIS, W. BOECKEN, L. LUCKHAUS, G. AMITSIS, G. VAN LIMBERGHEN et B. ABEL- SMITH.- Pierre MORIN: La grande mutation du travail et de l'emploi. Les Editions d'Or- ganisation. Paris 1994, 1995.

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CAffiERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE No 18-1997 87

DOCTRINE P.-Y. GREBER

32. La Convention OIT N° 168 contient, à son article 26, des dispositions particuliè- res aux nouveaux demandeurs d'emploi. Sous ces termes, se placent des catégories de personnes qui n'ont jamais été affiliées à des régimes de protection contre le chômage ou qui ont cessé d'y être affiliées, des personnes qui n'ont jamais été reconnues comme chô- meuses ou qui ont cessé de l'être. Ces catégories, en quête d'un emploi, n'appartiennent pas au champ d'application traditionnel des régimes relatifs à l'éventualité chômage.

L'instrument demande aux Etats d'un couvrir au moins trois (lesquelles seront indiquées dans les rapports de contrôle) et de s'efforcer d'étendre la protection à d'autres catégo- ries. Celles-ci, au nombre de dix, sont les suivantes : les jeunes ayant terminé leur forma- tion professionnelle; les jeunes ayant terminé leurs études; les jeunes libérés du service militaire obligatoire; toute personne à l'issue d'une période consacrée à l'éducation d'un enfant ou aux soins d'une personne malade, handicapée ou âgée; les personnes dont le conjoint est décédé si elles n'ont pas droit à une prestation de survivant; les personnes séparées ou divorcées; les détenus libérés; les adultes ayant terminé une formation; les travailleurs migrants à leur retour dans leur pays d'origine, sous réserve de leurs droits acquis au titre de la législation de leur dernier pays de travail; les personnes ayant aupara- vant travaillé comme indépendants. L'art. 20 du Code européen de sécurité sociale révisé contient une disposition de même type, bien que légèrement moins développée.

33. L'instrument prescrit que ces catégories (trois au minimum) «doivent bénéficier de prestations sociales». Il peut s'agir d'une protection apportée par des régimes d'assu- rance-chômage, d'assistance-chômage voire même de régimes généraux d'assistance, pour autant que les personnes concernées soient titulaires d'un droit à la protection69 J ef V AN LANGENDONCK souligne que « si l'on veut prendre au sérieux le droit au tra- vaiJ70, il est impératif que 1' on admette au bénéfice des prestations de chômage tous ceux qui ont besoin d'un revenu du travail quelle qu'ait pu être leur situation antérieure. »71 Cela d'autant plus que, dans certains systèmes, il y aura ainsi prise en compte des pério- des indemnisées pour le calcul des pensions de retraite, accès aux soins de santé, droit aux prestations familialesn.

34. Le Conseil de 1 'Europe a voué une attention particulière à cette extension du champ d'application personnel, singulièrement dans ses textes à caractère de recomman- dation73. Quelques points significatifs peuvent être mentionnés ici : les actions en faveur de catégories spécifiques de personnes pour leur permettre de trouver un emploi ne doi- vent pas reporter les problèmes sur d'autres groupes (Rec. R (82) 8, B, § 4); les gouver- nements devraient créer des emplois dans le secteur public et parapublic ayant une utilité sociale particulière pour la collectivité (idem, § 1 ); ils devraient rendre plus attrayants des

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OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (73e session-1987) : Rapport IV (2), cité à la note 36, p. 25.

Garanti par plusieurs textes de droit international, dans un sens large (travail ou revenu de remplacement).

JefV AN LANGENDONCK : La protection sociale des chômeurs, cité à la note 56, p. 64.

Idem, p. 64 in initio.

Voir ci-dessus le N° 4.

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P.-Y. GREBER DOCTRiNE

métiers et emplois économiquement utiles mais non recherchés par les jeunes (Rec. R (79) 3, I, § 4); mettre en oeuvre des moyens permettant aux jeunes de mieux connaître J'économie et les réalités professionnelles, par exemple en offrant des possibilités de sta- ge (idem, § 5); prendre les dispositions permettant de concilier activités professionnelles et responsabilités familiales, tant pour les femmes que pour les hommes (Rés. (77) 1, re- commandation).

35. Ainsi, le droit international prend en compte Je caractère trop limité du champ d'application personnel traditionnel de la protection contre le chômage. L'objectif de la généralisation à l'ensemble des salariés est à la fois nécessaire et largement insuffisant, il y a une sorte de glissement vers J'universalité.

7. EN GUISE DE CONCLUSION: DES POINTS POUR MEMOIRE

36. Le droit international de la sécurité sociale inclut J'éventualité du chômage, mal- gré son origine économique. Il gagne en légitimité tout en assumant une charge risquée.

La gestion de ce paradoxe n'est pas vraiment une sinécure dans la période actuelle de mutations profondes et rapides. Mais qui d'autre prendrait Je relais? Les discussions sur les réformes nécessaires de la sécurité sociale, les critiques parfois vives sur les déficits de certains systèmes ne devraient pas ignorer le rôle dévolu à la sécurité sociale : permet- tre les mutations au coût social le plus acceptable. La crise des années trente s'est juste- ment déroulée sans cet effet compensatoire et 1' on en connaît les résultats ... Politiques, gestionnaires et chercheurs sont à la recherche de repères, alors que, parfois, « la sécurité sociale (est) dans la tempête74 ». Sans en surestimer les résultats, Je recours au droit in- ternational de la sécurité sociale s'avère judicieux : il garde une pertinence parfois éton- nante compte tenu de l'ancienneté de certains instruments. Il y a là la présence d'un cer- tain nombre de principes et d'orientations, dont nous aurions tort de nous priver. L'étude en a rappelé quelques uns, relatifs à la nature de la protection (contributive ou non), à la définition de l'éventualité du chômage, à la définition du champ d'application personnel.

Il conviendrait de continuer l'analyse, en abordant les finalités de la protection (le tripty- que de prévention, d'indemnisation et de réadaptation), les conditions générales du droit aux prestations, Je calcul de celle-ci et la durée de leur service ( quid lorsqu'il prend fin ?), la suspension du droit et les mesures contre les abus, les égalités de traitement (entre catégories de population, entre femmes et hommes, entre nationaux et étrangers), J'articulation avec les politiques et J'emploi.

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Jean-Pierre FRAGNIERE : La sécurité sociale dans la tempête. In : La sécurité sociale en Europe et en Suisse, cité à la note 3, pp. 113 sv.

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