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Droit collectif du travail et protection contre le licenciement

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Droit collectif du travail et protection contre le licenciement

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Droit collectif du travail et protection contre le licenciement. In: Duc,

Jean-Louis. Nouvelles dispositions du Code des obligations en matière de résiliation du contrat de travail, la révision de la Loi sur le travail : travaux de la Journée

d'étude de la Faculté de droit de l'Université de Lausanne du 6 avril 1989 . Lausanne : IRAL, 1990. p. 59-81

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12802

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(2)

Droit collectif du travail

et protection contre le licenciement

par Gabriel Auben

Professeur à l'Unive rsité de Genève

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(4)

- '

J'lW!!";'

1. La subsldlarlté de la 101: un principe en question

En raison des difficultés qui ont entouré sa naissance, le nouveau droit du Ucenciement illustre de façon parlante les rôles respectifs du législateur et de la négociation collective comme sources de la réglementation du travail,

Avant la seconde guerre mondiale déjà, les organisations syndicales réclamaient une meilleure protection contre les licenciements abusifs. Lors de l'élaboration de la loi sur le travail, des projets détaillés furent conçus à cette fin par l'administration fédérale; le plus complet date de 195095. Les associations patronales s'y étant opposées, le législateur l'a écarté, au motif que la question devait être réexaminée lors de la refonte du titre dixième du code des obligations"". Toutefois, dans son message accompagnant le projet de loi tendant précisément à cette refonte, le Conseil fédéral, vu l'hostilité des employeurs à la protection des salariés contre les licenciements abusifs, proposa d'abandonner la matière à la négociation collective97 , Depuis lors, les milieux qui, devant l'autorité publique, avaient demandé que la répression des licenciements abusifs fût laissée aux partenaires sociaux ont très largement résisté, dans le cadre des négociations collectives, à des améliorations notables, Il fallut une initiative populaire98 , retirée au bénéfice d'une modification de la loi en 1988, pour que fût instituée une protection à peu de chose près semblable à celle prévue en 195099• L'idée de subsidiarité de la loi par rapport à la négociation collective, plus dogmatique que pragmatique, avait bloqué, sans aucun fruit, le développement d'une protection largement ressentie comme nécessaire,

La négociation collective constitue sans aucun doute une voie privilégiée pour l'adaptation du droit du travail aux circonstances nouvelles, Elle permet aux intéressés directs de trouver des solutions nuancées à leurs problèmes, De plus, une loi inspirée par des accords existants (et, dans cette mesure, déjà

95

96 97 98 99

Kooopka J A: La protection de l'emploi dans les rapports contractuels de travail, Genève 1978, p. 60 5S; Office fédéral de l10dustrie des arts et métiers et du travail, Préparation d'une loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat, le commerce, les transports et les branches économiques similaires, Projet de loi et rapport explicatif, Berne 1950, p, 43 et 88,

FF 1960 Il 897, FF 1967 Il 395, FF 1984 Il 578,

Cf. les nouveaux art. 336 à 336b CO, dans leur teneur du 18 mars 1988.

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mise en oeuvre) sera mieux reçue qu'un texte totalement novateur, étranger à la pratique quotidienne des employeurs et des travailleurs'OO • Toutefois, les conventions collectives ne sauraient prétendre à un monopole

'O' .

S'il devait se borner à entériner les règles déjà conçues par les partenaires sociaux, le législateur serait empêché d'aller plus loin que ceux-ci. En d'autres termes, il ne pourrait imposer aux employeurs des normes rejetées par eux dans le cadre des discussions avec les syndicats. L'idée de subsidiarité de la loi servirait alors d'instrument tactique pour paralyser le législateur. Ce phénomène apparait en particuner, comme on l'a vu, dans l'évolution de la protection contre les icenciements abusifs.

Depuis qu'est entré en vigueur le nouveau droit du licenciement, le 1 er janvier 1989, les sources légales et conventionnelles se complètent mutuellement.

Parfois, en effet, la protection légale contre le licenciement s'étend au-delà de la protection conventionnelle (II); parfois, c'est la seconde qui dépasse la première (III). Il faut examiner enfin les rapports entre le contenu des conventions collectives et le droit impératif (IV).

Il. La protectfon légale dépasse la protection

conventfonnelle

Il sied d'examner le champ d'application de la protection contre le licenciement (A), la répression des congés abusifs (B), le régime particulier applicable aux militants syndicaux et aux représentants élus du personnel (C) et les effets du licenciement immédiat injustifié (0).

A. Champ d'application

Quant à son champ d'aooljcation, la protection légale contre les licenciements va nécessairement plus loin que les conventions collectives. En effet, ces dernières ont connu un grand développement dans le secteur secondaire;

elles restent toutefois largement absentes du secteur primaire et font encore souvent défaut dans le secteur tertiaire. AJJ surplus, dans l'intervalle qui sépare parfois la fin et le renouvellement d'une convention existante, la protection qui

100

101

Alleo5Qaçb H: Ordnungspolitische GrundsAtze der Arbeitgeberpolitik, ln Profile der Arbeitgeberpolitik, Zurich (Zentralverband Schweizerischer Arbeitgeberorganisationen) 1983, p. 17,20-21.

Tschydj Hp: La protection des travailleurs en droit suisse, Berne 1987, p. 18.

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en découle se trouve généralement affaiblie 102. C'est dire l'importance du cadre légal, seule protection de base dont le champ d'application couvre l'ensemble des salariés,

B. Protection générale contre le licenciement abusif

Mais c'est surtout quant à son contenu que la protection imposée par le code des obligations se révèle plus hardie que celle prévue par les conventions collectives. Le phénomène s'observe surtout dans le domaine de la répression du licenciement abusif.

D'abord, le nouveau droit modifie la nature même du régime de protection contre le licenciement, s'agissant du

llll21i1

de ce dernier. Avant 1989, ce régime se caractérisait par la liberté quasiment absolue de licencier, pour quelque motif que ce fût. Ce principe n'était tempéré que par une réserve, découlant de l'interdiction toute générale de rabus de droit statuée par l'article 2 al. 2 CC, Cette réserve, sur laquelle le Conseil fédéral avait fondé certains espoirs lors de la refonte du titre dixième du code des obligations, en 1971'03 ,

s'est révélée largement inopérante pendant de nombreuses années, Même si la jurisprudence l'a rappelée dans des espèces où elle a considéré ne pas pouvoir la mettre en oeuvre, l'interdiction générale de l'abus de droit n'a déployé aucun effet notable avant 1988, Il a fallu que les travaux de réforme du droit du licenciement fussent fort avancés pour que les tribunaux s'enhardissent à l'appliquer dans des cas concrets'04 .

La loi énumère désormais les cas dans lesquels une résiliation du. contrat de travail doit être considérée comme abusive,05. Cette énumération ne parait pas exhaustive, car des situations non visées par l'article 336 CO pourraient, le

102

103 104

10S

Cf. sur ce problème. en dernier lieu, Bo)bwiler J: Gedanken zu SIOIgen Rechtsproblemen des ver1ragslosen ZUSlandes im Gesamtarbeitsvenragsrecht, in Festgabe Alfred ROtheli, Soleure 1990, p. 59350, avec réf.

FF 196711395.

Cf. SJ 1989. p, 674. note &Ibm; SJ 1988, p. 586. note &!œil; ATF 111 Il 243 = JT 1986 180; JAR 1984, p. 171 el 122-123; Aubert G: Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, Lausanne 1984, no 166 et 185; ATF 10711 17Q.171 = SJ 1981, p. 548 = JT 1981 1 287; SJ 1981. p, 318.

Sur les nolNelles dispositions, cf. notamment Bomner Ch Bijbler J -M et Waeber J-

B... Commentaire du contrat de travail, Berne 1989, p. 160 5S; Eri1z...M..: Les nowelles dispositions sur le congé dans le droit du contrai de travail, Union centrale des associations patronales. Zurich 1988. p. 22 ss; Meier K: Oie neuen 8estimmungen des Arbeitsvertragsrechts zum KOndigungsschutz, PIAdoyer 1988, no 5/6, p. 44; Pedergnana B : Ueberblick über die neuen Kündigungsbestimmungen im Arbeitsvertragsrecht. Recht 1989, p. 33.

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cas échéant, tomber sous le coup de l'interdiction générale de l'abus de droit découlant de l'article 2 CC'06.

La liste des motifs de résiliation prohibés par la loi s'articule autour de deux grands thèmes. D'une part, l'employeur ne saurait user de la faculté de licencier un salarié d'une façon qui porte atteinte à la personnalité de ce demier (art. 336 al. 1 lit. a): le législateur sauvegarde la sphère naturelle de l'individu, au sein de laquelle il est lui-même. D'autre part, l'employeur ne doit pas entraver la naissance ou l'exercice des prétentions découlant du contrat de travail et l'accomplissement des devoirs légaux du salarié (art. 336 al. 1 lit. b à e CO): le législateur protège la sphère juridique de ce dernier, soit les droits et les obligations caractérisant ou affectant sa condition de travailleur. Nous faisons ici abstraction de la protection spéciale des militants syndicaux et des représentants élus des salariés, qui sera examinée plus bas,07

Si curieux que cela paraisse, avant 1989, alors même que la protection légale tirée de l'article 2 al. 2 CC demeurait faible, les conventions collectives ne comportaient que rarement des dispositions destinées à préserver le travailleur d'un congédiement portant atteinte à sa personnalité ou à l'exercice de ses droits et de ses obligations,08. On voit mal pourquoi les employeurs n'entendaient pas, en cette matière, admettre d'améliorer la protection contre les licenciements par le canal des conventions collectives. Les intérêts à sauvegarder revêtent ici une telle importance qu'une intervention du législateur s'i mposait.

C. La protection des militants syndicaux et des représentants élus du personnel

Le nouveau droit du licenciement comporte des dispositions spéciales en vue de protéger l'activité des militants syndicaux et des représentants du personnel au sein de l'entreprise.

Ainsi, la réforme ancre expressément dans la loi la protection de la

.Ii..b.e..!1é.

syndicale, sous un double aspect: d'une part, le droit, pour le salarié, d'appartenir ou non à une organisation de travailleurs; d'autre part, le droit

'06 107 108

Cf. en particulier, sur ce point, Berenstejn A: La nouveUe loi suisse sur la résiliation du contrat de travail, in Mélanges Tandogan, Ankara 1990, 489-490.

Art. 336 al. 2 CO; cf. infra, lit. C.

St6ckli J -E : Der lohalt des Gesamtarbeitsvertrages, Berne 1990, p. 174; Hohler ç : Kündigungsschutz durch Gesamtarbeitsvertrag, Bamberg (Ihèse Berne) 1981, p. 84;

voir aussi Schweingruber E: Eftektiver KOndigungsschutz - Kündigungsgründe, in Festschrift fOr F. VIScher zum 60. Geburlslag, Zurich 1983, p. 459. Cf. aussi FF 1984 Il 582

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d'exercer une activité syndicale conforme au droit (art 336 al. 2 lit a CO). Une des questions importantes qui se posent à ce sujet est évidemment celle du droit de grève. A notre avis (que nous ne pouvons développer ici faute de place), une grève licite au sens de la jurisprudence récente'09 constitue l'exercice conforme au droit d'une activité syndicale; en conséquence, le licenciement qui la sanctionnerait devrait être considéré comme abusif au sens de rarticle 336 al. 2 il. a CO.

En second Heu, les représentants élus dy personnel, soit dans l'entreprise, soit dans des institutions liées à l'entreprise (notamment les caisses de prévoyance) bénéficient d'une protection plus stricte. Ils ne peuvent être licenciés que pour un motif justifié, prouvé par l'employeur (art. 336 al. 2 lit. b CO). On relèvera que cette protection, du point de vue de la technique juridique, revêt une nature différente de celle applicable aux militants syndicaux. Le législateur ne s'est pas borné à réprimer l'abus; il a exigé que tout licenciement d'un représentant élu du personnel reposât sur un motif justj!jé (et non pas simplement sur un motif non abusif, c'est-à-dire non énuméré à l'article 336 al. 1 ou al. 2 lit. b CO). Le motif justifié peut résider soit dans la personne du travailleur (inaptitude à effectuer le travail, mauvaise conduite). soit dans la gestion de l'entreprise (difficuijés économiques).

Le législateur distingue donc, en la matière, entre les représentants désignés par un syndicat et ceux désignés par le personnel dans l'entreprise. Il est cependant loisible aux partenaires sociaux d'étendre aux délégués syndicaux la protection dont bénéficient déjà les représentants élus du personnneL Avant 1988, la protection des militants syndicaux et des représentants élus du personnel n'était guère répandue dans les conventions collectives, même si elle apparaît dans plusieurs branches importantes"o. Une des dispositions les plus larges se rencontre dans l'imprimerie, où les membres de la commission d'entreprise, les personnes de confiance désignées par le syndicat, ainsi que les membres des comités centraux et de section sont protégés contre les congés en rapport avec les activités qu'ils déploient conformément à leur statut, toute résiliation prononcée en violation de cette protection donnant droit à une réparation pécuniaire correspondant à six mois de salaire'''.

'09 110

"'

Cf.ATFllll1257-258~JTl986115.

~. p. 168;.i::kIbWL p. 84.

Art. 29 al. 5 et 6 de la convention collective de travail pour les travaiUeurs de l'imprimerie suisse, édition 1988.

(9)

La protection des militants syndicaux et des représentants élus du personnel découle des fondements mêmes du droit collectif du travail en Suisse. En effet, s'il entend, en principe, abandonner à la négociation collective une grande partie de la réglementation des conditions de travail, le législateur doit protéger l'action des militants syndicaux et de leurs organisations. On n'imagine pas que l'Etat confie à ces militants et à ces organisations la tâche d'établir les conventions collectives qui tiennent lieu de loi et, en même temps, les laisse en proie à toutes les manoeuvres d'employeurs qui, pour échapper à la négociation voulue par l'ordre juridique, entraveraient le recrutement syndical ou l'expression et la défense des revendications, par exemple en licenciant les militants.

Ainsi, dès lors qu'il s'en remet à la négociation collective, le législateur doit créer les conditions nécessaires à son fonctionnement. S'il ne prend pas les mesures utiles, le principe de la primauté de la négociation par rapport à la loi risque d'apparaître comme une voie détournée pour conserver le statu quo.

Dans cette perspective, l'on doit admettre que le législateur ne s'est pas montré très cohérent au cours des cinquante dernières années. Les accords de 1937 dans l'horlogerie et dans l'industrie des machines avaient pour fondement la reconnaissance des syndicats comme interlocuteurs des employeurs dans ces branches; leur corollaire évident, souligné notamment par le Tribunal arbitral horloger, consistait dans la protection des militants syndicaux contre des mesures de représailles par des employeurs soucieux de miner la négociation collective'12. Bien qu'une telle protection lui eût été demandée avec insistance avant même la seconde guerre mondiale, le législateur s'est refusé à intervenir jusqu'en 1988. Intentionnellement ou non, n'a-t-il pas laissé trop de liberté aux adversaires des conventions collectives?

D. La protection contre les licenciements Immédiats Injustifiés

Une des nouveautés introduites par la réforme de 1988 touche le licenciement immédiat injustifié. Le législateur a en effet prévu que, dans un tel cas, l'employeur peut être condamné au paiement non seulement du salaire dû jusqu'à l'expiration normale du contrat (art. 337c al. 1 CO), mais aussi d'une indemnité d'un montant maximum équivalant à six mois de salaire (art.

337c al. 3 CO). Il s'agit là d'une pénalité inUgée à remployeur en raison des conséquences économiques et morales particulièrement graves, pour le salarié, d'un tel renvoi"3.

112 113

Cf., par exemple, une senlenœ du Tribunal arbitral horloger des 2 et 29 septembre 1942, non publiée.

FF 1984 Il 635.

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Les licenciements immédiats injustifiés placent les travailleurs dans une situation difficile, que la pénalité prévue permettra d'adoucir dans une certaine mesure. La réforme mérite donc d'être approuvée. On ne peut toutefois s'empêcher de constater que, dans ce domaine, le Conseil fédéral puis les Chambres n'ont nullement été inspirés par la pratique des conventions collectives. Nous ne connaissons en elfet nul accord prévoyant une pareille pénalité en cas de licenciement immédiat injustifié. Ne proposant aucune disposition dans ce sens, l'initiative populaire à l'origine de la nove Ile n'explique pas davantage cet aspect de la révision'14. Sur ce point, la démarche du législateur revêt, si l'on ose dire, un caractère autonome, qui montre clairement que, le cas échéant, le parlement se trouve dans une position meilleure que les partenaires sociaux pour modeler de façon satisfaisante les conditions de travail.

III. La protection conventionnelle dépasse la protection légale

Dans certaines branches, les partenaires sociaux ont établi des règles sur le licenciement qui vont au-delà de la protection légale. Ces règles touchent essentiellement trois domaines: la procédure de la résiliation individuelle (A), le congé en temps inopportun (8) et les licenciements économiques (C).

A. La procédure du licenciement Individuel

En cas de résiliation, le nouveau droit oblige l'employeur, sur demande du travailleur, à motiver sa décision par écrit (art. 335 al. 2 et 337 al. 1 CO). D'une façon générale, avant 1988, les conventions COllectives n'imposaient que rarement une telle exigence"5 .

Dans l'industrie chimique bâloise, cependant, les partenaires sociaux ont créé depuis de nombreuses années un régime inspiré du droit allemand, qui olfre aux salariés une protection beaucoup plus étendue que les normes légales actuellement en vigueur. Vu l'importance de ce secteur de notre économie, les mécanismes mis en place seront présentés ici.

Lorsque les rapports de travail ont duré six mois, l'employeur ne peut résilier le contrat pour un motif disciplinaire qu'après un avertissement écrit à l'intéressé.

Avant l'envoi, l'avertissement projeté est communiqué au président de la commission des travailleurs, à moins que le salarié n'y ait expressément renoncé. La lettre d'avertissement mentionne le droit de recourir auprès de la

114 115

FF 198411578.

~p.l52.

(11)

direction dans les cinq jours ouvrables qui suivent sa réception. Le salarié peut soit recourir lui-même, son charger de ce soin la Commission des travailleurs. Si cette dernière a été saisie, la direction doit l'entendre. Une fois la procédure accomplie, l'entreprise décide définitivement du maintien de l'avenissement, qui devient caduc s'il n'a pas été suivi d'une résiliation dans le délai d'un an"".

Ainsi, lorsque l'entreprise projette un licenciement disciplinaire, le travailleur bénéficie d'une double protection. D'une pan, sur le plan individuel, il a le droit de faire valoir lui-même ses arguments devant la direction. D'autre pan, sur le plan collectif, il peut obtenir l'assistance de la commission des travailleurs.

Lorsque la résiliation est prononcée pour de justes motifs selon l'anicle 337 CO, la procédure ci-dessus ne s'applique pas. L'employeur a seulement l'obligation d'informer de la résiliation la commission des travailleurs, mais n'est pas tenu d'en indiquer les motifs117. L'idée de base est que, dans un tel cas, le travailleur a, le cas échéant, des droits qu'il peut faire valoir devant les tribunaux; en outre, la communication des motifs à la commission des travailleurs pourrait lui nuire.

Lorsque le motif de la résiliation ne revêt pas un caractère disciplinaire, mais résuije d'une incapacité de travail du salarié, l'entreprise n'est pas soumise à la procédure d'avenissement. Toutefois, si l'incapacité de travail a pour cause une altération de la santé du salarié consécutive à son activité dans l'usine, la résiliation ne peut avoir lieu qu'avec l'accord de la commission des travailleurs"8.

B. Les licenciements en temps Inopportun

En cas de licenciement, la protection du travailleur ne découle pas seulement du respect d'une procédure paniculière. La loi inferdit à l'employeur de résilier le contrat durant cenaines périodes, pour tenir compte, au moins en panie, de snuations dans lesquelles le salarié éprouverait des difficultés à rechercher un nouvel emploi. Les plus imponantes de ces périodes de protection interviennent en cas de service militaire, d'incapacité de travail due à la maladie ou à un accident, ou encore d'accouchement. Le nouveau droit les a prolongées notablement (an. 336c CO).

116

117 118

Gesamtarbeitsvertrag fOr die Basler Chemische Industrie, édition 1990, art. 4 et 6; une procédure semblable a été instituée en Suisse romande dans l'usine de Monthey de Ciba-Geigy.

Art. 7 de la convention précitée.

Loc. cit., art. 10 al. 2.

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Les règles légales désormais en vigueur ne connaissent que de rares précédents dans la pratique des conventions collectives, qui ne renforçaient que rarement la protection du salarié en une matière où, pourtant, il y avait certes place pour la négociation"9L'on doit mentionner deux exceptions.

D'abord, dans la branche du bâtiment (notamment le gros-oeuvre), la période de protection en cas de maladie ou d'accident se trouve prolongée de façon incisive depuis plusieurs années: alors que, selon le nouveau droit, la durée de la protection dépend uniquement de l'ancienneté du salarié, certaines conventions collectives excluent la résiliation du contrat par l'employeur aussi longtemps que le travailleur bénéficie d'indemnités journalières de l'assurance-accidents obligatoire ou de l'assurance-maladie'2o.

Cette solution revêt une importance marquante. En effet, dans le cadre du code des obligations, il arrive que la période de protection contre le licenciement (le cas échéant prolongée du délai de congé) soit plus longue que celle durant laquelle le salarié empêché de travailler peut prétendre à son salaire. Ainsi, selon le nouveau droit, durant la deuxième année de service, la période de protection contre le licenciement est de quatre-vingt-dix jours, alors que le droit au salaire est d'un mois d'après l'échelle bemoise121 . L'écart entre la durée de la protection contre le licenciement et celle du droit au salaire est mal compris dans de nombreux milieux.

Lors de l'élaboration du nouveau droit, les auteurs de l'initiative populaire ont proposé l'adoption d'une règle faisant coïncider, en cas d'incapacité de travail, la protection contre le licenciement et le droit aux indemnités versées par une assurance accidents ou maladie. Cette proposition n'a pas été suivie, car, aux yeux du Conseil fédéral et des Chambres, elle eût provoqué trop d'incertitude quant à la fin possible du contrat en cas de très longue incapacité de travaiP22.

On notera pourtant que cette proposition était fondée sur l'expérience des conventions collectives dans une branche importante. De plus, la règle envisagée n'entraînait pas de charge salariale nouvelle pour l'employeur, dès lors que la prolongation de la protection était liée non pas à une obligation accrue de verser le salaire, mais seulement à la durée des prestations d'une assurance. Certes, en cas de très longue incapacité de

119 120 121 122

~,p. 164; ~ p. 82.

~. p. 165; l:l.!lhkII:, p. 82-83.

Art. 336c al. 1 lit. b et art. 324a al. 2 CO; BnJOoer Riibler et Waeber p.67.

FF 198411578, 604 e1627.

(13)

travail, l'échéance du contrat aurait pu être reportée pendant une longue période, mais, comme l'a relevé le gouvernement, de telles situations demeurent relativement rares'23 .

Il Y a une seconde hypothèse dans laquelle quelques conventions collectives ont considéré qu'une résiliation du contrat interviendra~ en temps inopportun:

les vacances. Ainsi, dans la boulangerie et la confiserie, sur le plan suisse, remployeur ne peut résiüer le contrat pendant les vacances du salarié et les dix jours qui précèdent ces dernières; le travailleur, pour sa part, ne peut résilier son contrat ni pendant cette période, ni pendant les vacances de l'employeur (et les dix jours qui précèdent) s'il doit remplacer son patron. On remarquera que les employeurs, ici, n'ont pas attaché grande importance au principe de la parité de la protection' 24 .

La protection contre la résiliation du contrat en cas de vacances n'a pas fait école. Il reste néanrnoins que, selon les principes généraux, la résiliation notifiée pendant les vacances reste parfois sans effet'25

C. Les licenciements économiques

L'initiative populaire qui a incité les Chambres à revoir le droit du licenciement prévoyait expressément que le législateur devait régler la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs pour raisons économiques'26.

Sur la proposition du Conseil fédéral, le parlement n'est pas entré en matière sur ce point, considérant que les dispositions nécessaires devaient être prises dans le cadre de la négociation collective127.

Cette manière de voir risque de ne pas survivre aux échéances que, nolens volens, notre pays devra prochainement affronter, même si, pour le moment, le Conseil fédéral et les Chambres persistent à sous-estimer les conséquences de la construction européenne sur notre droit interne. La directive de 1975 sur les licenciements collectifs (élément de l'acquis communautaire à reprendre tôt ou tard par la Suisse). prévoit en effet que l'entreprise qui envisage d'effectuer des licenciements collectifs doit consutter les représentants des travailleurs sur les possibiUtés d'éviter ou de réduire les congédiements, ainsi que d'en atténuer les conséquences; il lui incombe, à cet effet, de fournir aux représentants des travailleurs les renseignements

'23

• 2.

'25 126

27

Ibid .

~ p .74; l:1l1Illm. p. 83-84; cl. art. 335a al. 1 CO.

SJ 1989, p. 671 0'672, note AI&fia.

FF 1984 Il 578 . FF 198411612.

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utiles et, en tout cas, les motifs des résiliations, le nombre des travailleurs à licencier, le nombre des travailleurs habituellement employés et la période sur laquelle il est envisagé d'effectuer les licenciements'28.

Dans la pratique de la négociation collective, la réglementation des licenciements économiques joue un rôle important'29 , surtout dans le secteur secondaire. Les conventions collectives les plus développées se rencontrent dans l'imprimerie, la chimie, l'horlogerie et dans l'industrie des machines. Par souci de brièveté, nous nous concentrerons sur les deux derniers secteurs

'30,

en nous bornant à quelques indications générales

'3' .

1 . Les parties au processus de participation

D'abord, le cadre institutionnel dans lequel interviennent les représentants des salariés varie fortement selon les branches. Il s'agit tantôt d'une négociation collective de style classique entre le syndicat et l'employeur, voire l'organisation patronale; tantôt d'une négociation interne à l'entreprise, entre la commission des travailleurs et l'employeur; tantôt d'une formule mixte, où apparaissent parallèlement, du côté des salariés, la commission d'entreprise et l'organisation syndicale.

2 . La participation concernant le principe et l'étendue des licenciements économiques

D'une manière générale, dans l'industrie des machines, la décision de licencier est prise par la direction sans information ou consultation préalables. La participation touche seulement les conséquences des licenciements économiques (atténuation des effets), et non pas le principe et l'étendue de ces derniers.

128

129 130 131

Directive 751129/CEE: JO no L 48 du 22.2.1975, p. 29; cf. Aubert G.: Droit du travail, in Le droit suisse et le droit communautaire: convergenœs et divergences, Zurich 1990, p.

129.

~,p.170;~p.85.

Cf. l'art. 12 de la convention collective de travail de "horlogerie (édition 1986) et les art. 8 et 29 à 32 de la convention collective de l'industrie des machines (édition 1988).

Pour plus de détails, ct. Baron C.: le licenciement pour motifs économiques, Lausanne 1984; Kliogeoberg S: Die Betriebsschliessung, Zurich 1986; enJOner ç : La protection contre les licenciements pour cause économique en Suisse, in Brunaer C Kündigungsschutz im Arbeitsrechtlla protection des travailleurs contre les licenciements, Lausanne 1979, p. 41.

(15)

La situation est différente dans l'horlogerie, par exemple, où rempioyeur est tenu d'informer et de consulter le syndicat avant de prendre sa décision. De plus, dans certaines grandes entreprises de l'industrie des machines, la pratique fondée sur des accords internes va plus loin que le minimum exigé par la convention collective: les commissions du personnel sont consultées sur la nécessité et l'ampleur des ücenciements envisagés; elles se prononcent sur chaque cas particuüer de congédiement.

3" La participation concernant les conséquences des licenciements envisagés (I"élaboratlon du plan social) La convention de I"industrie des machines, comme toutes les conventions collectives renfermant des dispositions spéciales sur les licenciements économiques, prévoit une procédure de consultation sur les effets des licenciements décidés par la direction. Cette consultation débouche ordinairement sur la confection d"un plan social, c'est-à-dire d"un accord énonçant les mesures prises afin d'atténuer les effets des licenciements pour les travailleurs congédiés.

Au contraire des procédures de consu~ation, qui varient selon les traditions propres à chaque branche, les plans sociaux se ressemblent dans tous les secteurs de I"économie. La principale cause de différence entre eux réside dans les moyens à la disposition des entreprises pour aider les travailleurs ücenciés.

La nature juridique du plan social reste difficile à cerner. Cet instrument n'étant pas réglé par la loi, il faut l'analyser par application des concepts classiquesl32.

Une telle difficulté juridique découle de la jeunesse de la matière; elle est aussi liée à l'absence de dispositions légales sur la participation.

Souvent, le plan social se coulera dans le moule de la convention collective, signée du côté des travailleurs par un ou plusieurs syndicats (art. 356 CO); on peut alors parler de convention collective ad hoc, qui couvrira soit tels licenciements déterminés, soit tous les licenciements à intervenir pendant une certaine période. Dans d'autres cas, le plan social revêt la forme d'un accord

132 En France également. la nature juridique du plan social, fruit de la négociation collective, n'est pas encore dairement élucidée: cf. Lyon-Caeo G et péljssier J : Droit du travail.

Précis Dalloz. 15ème éd., Paris 1990, p. 392-393. En Allemagne. lelégislaleur a pris lui- même le soin de qualifier cet inSb'Ument, qui est un accord d'entreprise au sens des para. 77 et 113 al. 1 du Betriebsverfassungsgesetz.

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passé directement entre la commiSSion du personnel et l'employeur et s'apparente, quant à ses effets, au règlement d'entreprise selon l'article 37 de la loi fédérale sur le travail'33.

4 . Le degré de la participation

Qu'elle concerne le principe et l'étendue des licenciements collectifs ou l'atténuation des effets de ces derniers, la participation se limite en général à l'information et à la consultation des représentants des travailleurs. Il n'y a pas de codécision. La responsabilité finale reste donc l'apanage des employeurs.

L'industrie des machines constitue une exception à cette règle. Selon la convention collective de la branche, en cas de litige persistant sur le contenu du plan social, ce dernier sera déterminé par un tribunal arbitral, composé en général d'un juge de carrière assisté de deux assesseurs choisis l'un par l'organisation patronale, l'autre par l'organisation syndicale; les assesseurs sont souvent des secrétaires patronaux ou syndicaux.

Ainsi, s'agissant du contenu du plan social, la liberté d'action de l'employeur se trouve limitée dans l'industrie des machines. A vrai dire, l'expérience montre que le tribunal arbitral fait tout son possible pour amener les parties à s'entendre elles-mêmes sur une solution de compromis. Seuls certains points particuliers sont réellement décidés par les arbitres (par exemple le calcul de l'indemnité de licenciement).

Les dispositions sur t'élaboration du plan social dans l'industrie des machines se rattachent à une tradition ancienne dans cette branche qui, depuis cinquante ans, pratique l'arbitrage de certains conflits d'intérêts, en particulier ceux touchant le niveau général des salaires. Nous ne connaissons pas de pratique semblable dans d'autres branches de l'économie suisse.

Le plan social nécessite souvent des mesures de concrétisation qui ne peuvent être arrêtées lors de sa conclusion. Les parties instituent donc partois une commission chargée de l'application du plan. Selon les cas, cette commission est composée de représentants de l'employeur et des travailleurs.

Il arrive qu'elle ait la compétence de prendre certaines décisions en dernier ressort. Elle constitue donc elle aussi, à sa manière, un organe de participation.

133 vischer E: Gesamtarbeitsvertrag und Normalarbeitsvertrag (art. 356-360 COl, in Das Obligationenrecht, Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch, Zurich 1983, n.

132 ad art. 3568 CO.

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5. Le contenu du plan social

Comme on l'a dit, le catalogue des mesures énumérées dans les plans sociaux ne varie pas significativement selon les branches. Au cours des dernières années s'est cristallisée une pratique qui, pour n'être aucunement obligatoire, inspire souvent les partenaires dans les négociations. Voici les principales rubriques de plans sociaux relativement typiques dans l'industrie des machines'34 .

al

Reclassement dans l'emrepdse

L'entreprise s'efforce, dans la mesure de ses besoins et en fonction des apmudes des travailleurs concernés, de rechercher des postes de travail convenables en son sein. Lorsque le Ucenciement a lieu dans un groupe de sociétés, le reclassement est souvent prévu à l'échelle de ce groupe. Supposé que le nouveau poste soit moins bien rémunéré que le précédent, le travailleur peut toucher une indemnité de transition. Le coût d'un recyclage éventuel lui est offert. Les frais de déménagement liés au recyclage dans une autre entreprise du groupe ou dans un autre établissement sont assumés par l'employeur.

b) Recherche d'un emploi à l'extérieur de l'entreprise

L'entreprise aide les travailleurs licenciés à rechercher un nouvel emploi auprès d'autres entreprises. Elle crée un service de placement ou prend contact elle-même avec des employeurs potentiels. Le temps nécessaire pour la recherche d'un emploi est rémunéré.

c) Prolongation ou raccourcissement dl! délai de congé

'34

Les délais de congé sont prolongés, en particulier pour tes travailleurs âgés, afin de laisser davantage de temps aux intéressés en vue de la recherche d'un nouvel emploi. Ils peuvent aussi être raccourcis, pour faciliter l'occupation d'une place à pourvoir immédiatement.

Pour un exemp&e détaillé, cf. Fédératipo des travajIJeyrs de la métallurgie et de

l'horlogerie, Rapport d'activité 198(H983, Berne 1984, p. 51 ss.

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d) Indemnité de départ

Excepté le cas des travailleurs âgés de plus de cinquante ans et ayant plus de vingt ans d'ancienneté (et sauf si des prestations de prévoyance professionnelle au moins équivalentes sont allouées).

le droit suisse n'impose pas à l'employeur l'obligation de verser une indemnité de licenciement (art. 339b CO). Cependant, les plans sociaux prévoient souvent le paiement d'une indemnité de départ (qui peut faire l'objet d'âpres négociations). Celte dernière est en principe calculée d'après l'âge et l'ancienneté de chaque travailleur;

d'autres facteurs entrent parfOis en ligne de compte, comme le montant de la rérnmération mensuelle, les charges de famille, etc.

e) Les logements d'entreprise

Les baux des logements d'entreprise loués à des travailleurs licenciés ne sont pas dénoncés. Sur demande du travailleur, le délai de résiliation du bail peut être raccourci.

1) Prêts consenlis par l'enlreprise

En principe, les modalités convenues au moment du prêt restent valables. Dans des cas exceptionnels et sur demande du travailleur concerné, des conditions plus avantageuses de remboursement peuvent être accordées par l'entreprise.

g) MiseS à la retrajte anticipée

Les travailleurs relativement âgés éprouvent souvent de très grandes difficultés à retrouver un emploi. Aussi les plans sociaux prévoient-ils parfois des mises à la retraite anticipée, par exemple à 57 ans pour les femmes et à 60 ans pour les hommes. L'employeur verse alors une indemnité mensuelle correspondant à la rente que le travailleur aurait touchée au moment de sa retraite s'il l'avait prise dans des circonstances normales. L'indemnité mensuelle varie par exemple entre 60 % et 80 % du revenu annuel brut; les taux sont parfois très inférieurs, compte tenu des possibilités de l'entreprise.

h) prestaljons de libre passage de la caisse de pension

Selon le droit actuellement en vigueur, en cas de licenciement le travailleur ne touche pas toujours obligatoirement de sa caisse de

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retraite la totaNté du capital formé par les primes versées (les siennes et celles de l'employeur) et les intérêts, sous réserve des sommes affectées à la couverture d'un risque: le montant de la prestation de libre passage varie souvent selon l'ancienneté de l'intéressé (art. 28 LPP; art. 331 ss CO). Les plans sociaux prévoient souvent que cette règle restrictive ne s'applique pas en cas de licenciement collectif et que les travailleurs ont droit à une prestation de libre passage équivalant à la totalité des primes encaissées et des intérêts, sous réserve des sommes affectées à la couverture d'un risque.

i) Contrats d'apprentissage

Les contrats d'apprentissage sont maintenus, indépendamment des mesures de restructuration.

D

Cadeaux d'ancienneté

Le cadeau d'ancienneté qui aurait dû être faits au collaborateur dans l'année qui suit la sortie de l'entreprise lui est remis lorsqu'il quitte

ses fonctions. ~

k) Prise en compte des années de service antérieures en cas de réengagement

Les années de service effectuées sont prises en compte en cas de réengagement dans les cinq ans qui suivent la fin des rapports de travail.

prestations supplémentaires dans les cas dits de dg'Jeur

Les dispositions contenues dans un plan social sont souvent générales et ne permettent pas de faire face à toutes les situations individuelles. Aussi l'employeur met-il souvent à disposition une certaine somme qui sera utilisée pour des aides particulières. Le montant et l'affectation de cette somme globale fait l'objet de négociations.

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IV. Les rapports entre le contenu des conventions collectives et le droit Impératif

La convention collective doil respecter les limites posées par le droit impératif (A). Parfois, le législateur lui permet de déroger à ce dernier (B).

A. Les limites posées par le droit Impératif

1 . Généralités

S'il doit favoriser la négociation collective, le législateur peut aussi l'encadrer, pour préserver les valeurs qui lui paraissent essentielles et dont il craint l'abandon par les organisations patronales ou les employeurs. C'est ainsi, par exemple, que le droit du licenciement pose un certain nombre de règles absolument impératives, auxquelles la négociation collective ne saurait déroger. Ce faisant, il protège la partie patronale, le cas échéant, contre sa propre faiblesse. A vrai dire, on ne connait pas de situation dans laquelle les employeurs auraient accepté des dispositions sur le licenciement qui leur fussent excessivement défavorables. En édictant des règles absolument impératives pour leur protection, le législateur s'est surtout montré soucieux de prévention.

Il faut reconnaître que, dans d'autres domaines, le législateur, plus pragmatique, s'est défendu d'établir des règles de prévention dont la nécessité n'avait pas, selon lui, été démontrée dans la réalité. Ainsi, se prononçant en 1967, lors de la révision du titre dixième du code des obligations, sur l'idée de protéger les salariés contre des licenciements abusifs, le Conseil fédéral l'a écartée, au motif que la jurisprudence des tribunaux n'avait pas révélé un véritable besoin en la matière 13S

En regard de la prudence affichée à l'époque par le Conseil fédéral, on constate que, s'agissant de la protection des employeurs contre des clauses conventionnelles désavantageuses, le gouvernement ne se laisse pas retenir par le même scrupule: loin de s'interroger sur les besoins révélés par la pratique (et ne citant aucun exemple de convention collective inadmissible de ce point de vue), il prend les devants.

Notre propos n'est pas de reprocher au Conseil fédéral d'avoir adopté des règles destinées à prohiber des conventions excessivement lourdes pour l'employeur, de son point de vue (qui peut naturellement se discuter). Il vise

135 FF196711395.

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plutôt à mettre en évidence une certaine langue de bois dans laquelle, sous couvert de prudence et de pragmatisme, le gouvernement aime parfois à emballer des prétextes pour faire obstacle à l'adoption de règles nouvelles, plutôt que de dire franchement qu'il n'en veut pas.

2 . La parité des délais de congé

L'un des principes à la base de la révision du titre dixième du code des obligations est celui de la parité des délais de congé: la loi veut protéger l'employeur contre des clauses contractuelles par où il accepterait que le salarié puisse résilier son contrai moyennant un délai plus court que celui qui s'appliquerait en cas de Iicenciement'36. Cette manière de voir, fondée sur l'idée étrange que, dans le cadre du contrat de travail, l'employeur et le travailleur éprouveraient un égal besoin de protection, a été justement critiquée par le professeur Berenstein137 • Comme le souligne cet auteur, on ne saurait nier que le droit du travail doit assurer la protection du salarié, qui est la partie la plus faible au contrat'36. Le Tribunal fédéral a rappelé récemment ce principe'39, que le Conseil fédéral invoquait lui-même dans son message à l'appui de la loi fédérale sur le droit international privé140

Le principe de la parité s'applique notamment dans le domaine des licenciements économiques. Le législateur a en effet consenti une exception à ce dogme lorsque l'employeur a manifesté son intention de résilier le contrat ou qu'il l'a résilié pour des motifs d'ordre économique: en une telle hypothèse, des délais de congé plus courts peuvent alors être prévus en faveur du travailleur par accord, par contrat-type de travail ou de convention collective (art. 356a al. 2 CO).

Cette exception soulève deux difficuHés. D'abord, à rigueur de texte, il semble que seuls en bénéficient les accords conclus alors que les licenciements économiques sont imminents ou qu'ils ont déjà été notifiés. On discerne mal la raison d'être de cette restriction. En réalité, plusieurs conventions collectives prévoient à l'avance des dispositions sur les délais de congé en cas de licenciements économiques. Faut-il admettre que, faute d'avoir été convenues à chaud, ces dispositions ne seraient pas valables? Il ne semble pas que telle ait été l'intention du législateur. En fait, comme le montre le

'36

137

'38

'39

'40

FF 198411610.

8erenstejn, op. cit., p. 485-486; Berenstejo A: la ·protection paritaire contre le congé- dans le contrat de travail, RSJ 1984, p. 108.

Berenstein A.: La loi sur la résiliation du contrat de travail, Pladoyer 1989, no 1, p. 52.

ATF 11411283 = SJ 1988, p. 617.

FF 19831402.

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message du Conseil fédéral, ce dernier ignorait visiblement la pralique des partenaires sociaux"'. Voulant ouvrir la porte à des dérogations, il énonçait les hypothèses auxquelles il pouvait songer. Il ne paraît pas qu'il entendait condamner des clauses d'ores et déjà insérées dans les conventions collectives en vue de licenciements futurs.

En second lieu, comment faut-il comprendre, à l'article 335a al. 2 CO, l'expression "des délais de congé plus courts ( ... ) prévus en faveur du travailleur" ? Ce problème est important, car les conventions collectives qui abordent la matière fixent le plus souvent, en cas de licenciemenls économiques, des délais de congé plus longs pour l'employeur, en fonction de l'ancienneté ou de l'âge du travailleur142. Est décisive la ratio legis. Selon l'article 335 a al. 1 CO, les deux parties au contrat ne peuvent se délier qu'en respectant un délai identique pour l'une et pour l'autre, de sorte que ce délai ne saurait, en principe, être plus court pour le travailleur que pour l'employeur;

le législateur a voulu protéger le second, surtout durant les périodes de haute conjoncture, contre des accords qui, à son détriment, donneraient au premier une liberté plus grande que celle dont il jouit lui-même. Cependant, la dérogation prévue à l'alinéa 2 de cette disposition doil permettre au travailleur d'échapper à une telle règle lorsque la résiliation est voulue par l'employeur et découle de motifs économiques. En effel, dans ce cas, le salarié ne peut pas profiter de la situation pour imposer à son cocontractant, contre son gré, des délais déséquilibrés. Au contraire, vu la précarité de sa position économique, il se justifie de le mettre au bénéfice d'un traitement plus souple. Des délais de congé plus courts en sa faveur peuvent alors résuHer soit de la réduction du délai contractuel, inHlalement égal pour les deux contractants, de sorte que le travailleur est tenu par un préavis abrégé; soit de la prolongation de ce délai, de sorte que l'employeur doit respecter un préavis plus long, qui aide le travailleur à chercher un nouvel emploi. Dans ces deux hypothèses, le délai de congé est plus court pour le travailleur que pour l'employeur; dans l'une comme dans l'autre, cette différence se trouve convenue en faveur du premier, de sorte qu'elle ne se heurte pas au droit impératif.

3 . La sanction du licenciement abusif

En vertu de l'article 33Ba CO, la sanction du licenciement abusif consiste dans une indemnité égale, au maximum, à six mois de salaire. Cetle règle revêt un caractère absolument impératif, si bien que les parties ne peuvent convenir

14'

142 FF '984116'8-6'9.

Convention précilée de l'imprimerie, art. 32. al. 8 et 9; convention précitée de I~ndustrie

des machines, art. 34; convention précitée de I1ndustrie chimique bâloise, art 8 al. 2;

convention proo,ée de rhor1ogerie, art. '2. '0.1.

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d'une sanction différente, au détriment de femployeur (art. 361 CO). C'est dire qu'une convention collective ne pourrait valablement prévoir, comme sanction du licenciement abusif, la réintégration du salarié.

La doctrine, sur ce point, est divisée. Selon l'opinion majoritaire, il n'est pas Ucite de fixer dans un contrat individuel ou une convention collective, en cas de résmation abusive, une indemnité supérieure à six mois de salaire'43. Une opinion minoritaire veut appliquer le principe de la parité, de sorte qu'une sanction plus sévère pourrait être prévue à l'encontre des deux parties'''.

Toutefois, le principe de la parité manque ici de pertinence, car une aggravation de la sanction metlrait en cause le caractère absolument impératif de la norme, qui n'autorise aycune dérogation. ni au détriment de l'employeur, ni à celui du travailleur (art. 361 CO). L'interdiction d'une sanction plus stricte que la pénalité de six mois de salaire exclut, a fortiori, la réintégration14S

B. Les dérogations aux dispositions Impératives par la vole de la convention collective

Conclue, du côté des salariés, par un ou plusieurs syndicats, la convention collective offre une notable garantie de protection en faveur des travailleurs.

Le législateur a estimé que cette garantie était assez forte pour qu'il puisse renoncer à l'application de certaines dispositions impératives de la loi, en laissant aux parties à la convention le soin d'établir les règles les plus appropriées. C'est ainsi que sont aménagées des dérogations au code des obligations par la voie de la convention collective'46.

Dans le domaine du licenciement, ce mécanisme joue un rôle non négligeable. Ainsi, après le temps d'essai, la loi prévoit, d'une manière générale, un délai de congé d'un mois pendant la première année de service;

toutefois, par convention collective, ce délai de congé peut être abrégé (art.

335c al. 2 CO).

VI. Conclusion

Dans le domaine du licenciement, la négociation collective n'a pas joué le rôle que le Conseil fédéral attendait, si bien que la protection légale revêt aujourd'hui une importance toujours plus grande,

'43 '44

'45 '46

Dans ce sens, MI:iI:L p. 48; E!iIL n. 1 ad art 336a.

Brunoer Waeber et 8Qhler p. 168.

Erilz. n. 1 ad art. 336a; contra: MWft[, p 48, sans aucune explication.

Au sujet des dérogations conventionnelles aux règles de droit public, cl. Aubert G: L'aménagement de dérogations à la loi sur le travail dans le cadre de conventions collectives, DTAC 1989, p. 42.

(24)

Le législateur a prévu lui-même une réglementation relativement étoffée des licenciements individuels (répression du congédiement abusif, qui inclut le régime spécial en faveur des militants syndicaux et des représentants élus des travailleurs). Toutefois, il laisse aux partenaires sociaux le soin de conclure des accords sur les licenciements collectifs, qu'il s'agisse d'instituer des procédures de consu~ation ou de mettre en oeuvre, selon les circonstances, cet instrument nouveau qu'est le plan social; à vrai dire, dans le cadre du rapprochement de la Suisse et de la Communauté européenne, le parlement devra édicter lui-même des dispositions nouvelles en la matière, pour adapter notre droit aux exigences de la directive de 1975.

Si elle promeut la protection des salariés, la loi s'attache aussi à préserver la liberté des employeurs, en privant d'effet les clauses des conventions collectives qui les désavantageraient excessivement par rapport aux salariés.

Ce faisant, elle entend exercer une action préventive, qui ne répond pas vraiment à des besoins actuels. Les considérations dogmatiques sur lesquelles le législateur s'est fondé, en 1988, pour borner la négociation collective sont surprenantes, si on les compare avec les intentions apparemment plus pragmatiques qui ont présidé à la révision du titre dixième en 1971.

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