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Pleureuses du Luapula-Moëro. Mélopées funèbres du Sud-Est Katanga (pdf, 18MB)

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Pleureuses du Luapula – Moëro

Mélopées funèbres du Sud-Est Katanga

Léon Verbeek

pa r

(2)

© Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, 2004

Toute reproduction de cette publication, que ce soit par impression, photo-offset, photocopie, microfilm ou tout autre moyen, est interdite sans l’autorisation écrite préalable du Musée royal de l’Afrique centrale, Leuvensesteenweg 13, 3080 Tervuren, Belgique

ISBN : 90-75894-73-2

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Pleureuses du Luapula - Moëro Mélopées funèbres du Sud-Est Katanga

Léon VERBEEK Tome

2003

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PRÉFACE

L'étude de la tradition orale, ce patrimoine immatériel sur lequel se fondent les traditions des peuples, nous offre souvent la possibilité de pénétrer jusqu'au coeur de certains aspects de la vie socioculturelle. C'est le cas pour les sociétés de l'Afrique sub-saharienne.

La multitude de peuples qui habitent le Congo explique pourquoi à 1 'heure actuelle la tradition orale (langue, contes, chants) de beaucoup d'entre eux est encore inconnue. Une des tâches prioritaires de la Section de Linguistique et d'Ethnomusicologie du Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC) consiste dans l'enregistrement, la conservation, l'étude et l'interprétation de cette tradition orale. Une tâche qui n'est pas réservée uniquement aux scientifiques liés à la Section mais également à des collaborateurs scientifiques externes qui grâce à leurs connaissances acquises souvent grâce à leur séjour parmi certaines populations sont d'un précieux secours pour l' étude et la collecte de la tradition orale sous tous ses aspects.

Un de ces collaborateurs est le R.P. Léon Verbeek, actuellement lié au Theologicum SDB à Lubumbashi (RDC).

Grâce à l'intérêt qu'il porte à la culture africaine et plus spécialement aux traditions orales des peuples du sud-est du Katanga, l'audiothèque du Service d'Ethnomusicologie du Musée dispose actuellement d'une collection de 217 cassettes audio enregistrées auprès des Bemba habitant cette région. Ces enregistrements ont été réalisés sur le terrain par les nombreux chercheurs et collaborateurs du R.P. Verbeek qui sont tous familiarisés avec la langue, la culture, les traditions et les coutumes des peuples dont ils ont collecté la tradition orale pour en permettre l'étude.

L'information recueillie permet de décrire et d'interpréter plusieurs aspects de la vie sociale par l'intermédiaire de la tradition orale comme c'est le cas pour les mélopées funèbres présentées dans cet ouvrage.

Tenant compte de la présentation des textes de chants notés par les informateurs, le R.P.Verbeek a également pris l'initiative de faire une transcription musicale de la plupart des chants enregistrés. Ceci implique que la plupart des textes de chants présentés dans cette étude sont à l'origine accompagnés d'une transcription musicale. Cela nous mènerait évidemment trop loin d'intégrer toutes ces transcriptions musicales, c'est la raison pour laquelle nous avons sélectionné sept transcriptions en nous basant sur quelques caractéristiques musicales (mélodie, polyphonie, rythme). Le lecteur aura ainsi une idée du contexte musicologique dans lequel ces mélopées funèbres sont exécutées.

Notre expérience personnel1e sur le terrain chez les Luba au Katanga nous a appris que les chants de deuil se caractérisent souvent par leur longueur. C'est la raison pour laquelle nous présentons la transcription d'une très longue mélopée funèbre dans cet ouvrage (voir Transcription 4, p. 317).

A cause de l'évolution sociale, économique et politique dans un pays comme le Congo, il est indispensable de collecter et d'enregistrer d'urgence la tradition orale telle qu'elle existe encore aujourd'hui. Aucune tradition en Afrique subsaharienne n'est aussi sensible à l'évolution et aux changements que la tradition orale qui subsiste uniquement grâce à la transmission orale d'une génération à l'autre. Pour cette raison le travail du R.P.Verbeek a une importance exceptionnelle car il permettra aux générations futures de se faire une idée des traditions et des coutumes de la société Bemba.

Dr. Jos Gansemans

Chef du Département d'Anthropologie Culturelle

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Introduction ... 9

Présentation ... 9

La pleureuse et la mélopée funèbre ... 13

Mal et douleur ... 20

Les devises ou «malumbo» ... 25

Les mélopées et le monde des esprits ... 27

Partie I. Mélopées de Kasenga 1 (ch. 1-28) ... 33

Partie II. Mélopées de Kasenga 2 (ch. 29-54)... 83

(1) Chants de Mwape Ngosa et de Kilepa Ngosa... 83

(2) Chants de NaMasanta et NaKibalwe ... 97

Partie III. Mélopées de Kasenga 3 (ch. 55-173)... 117

(1) Deuil à Kinyanta (Kasenga) ... 117

(2) Chants de deuil à Muyabi (Kasenga) ... 127

(3) Deuil à Kasanta (Kasenga) ... 129

(4) Deuil à Kasenga ... 138

(5) Deuil à Mukuku (Kasenga) ... 151

(6) Deuil à Kasanta (Kasenga) ... 164

(7) Deuil à Kasenga ... 179

(8) Deuil à Kasenga ... 196

(9) Deuil à Mwalimu (Kasenga) ... 230

(10) Deuil à Kasanta (Kasenga) ... 248

(11) Deuil à Kasanta (Kasenga) ... 264

Partie IV. Mélopées de Kasenga 4 (ch. 174-222)... 283

TABLE DES MATIERES

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(1) Mélopées à Kintululu (Kasenga) ... 283

(2) Mélopées à Kintululu (Kasenga) ... 296

(3) Deuil à Kasenga ... 315

(4) Deuil à Kisenga (Zambie) ... 324

(5) Mélopées à Mushingo (Kasenga) ... 324

(6) Mélopées de Kasenga chantées à Lubumbashi ... 325

1) Mulenga Kibale ... 325

2) Ngosa Mwelwa ... 328

3) Mwewa Mutiti ... 346

4) Kasongo Justine ... 362

5) Chongo Maurice ... 369

Partie V. Mélopées sur la route de Kilwa (ch. 223-235)... 377

(1) Mélopées à Kyansambale ... 377

(2) Mélopéesà Nsonga ... 380

(3) Mélopée à Kabyasha ... 386

(4) Mélopées à Lupembe ... 387

Partie VI. Mélopées dans la région de Kashobwe (ch. 236-251)... 389

(1) Mélopées à Mulumbwa ... 389

(2) Mélopées à Kashobwe : le griot Lwamfwe Kasamata ... 394

(3) Mélopée de Museli Mambwe ... 442

Partie VII. Mélopées du Moëro (ch. 252-336)... 445

(1) Mélopées à Ngongwe ... 445

(2) Mélopées à Ngongwe ... 461

(3) Mélopées à Mfune (Nkuba) ... 480

(4) Mélopées dans la région de Pweto ... 482

1) à Malungu ... 482

2) à N’zwiba ... 486

3) à Pweto ... 505

4) Pleureuses originaires de Pweto à Lubumbashi... 520

a) Kafwimbi Victorine (Md 206) ... 520

b) Musuku Kilufya Febi et Musonda Leya Marie-Françoise ... 548

(7)

c) Mulubi Henriette ... 562

d) Mwansa Mushili Esther ... 576

e) Kalunga Edouine ... 594

Partie VIII. Mélopées de la route de Lukafu (ch. 337-344)... 601

(1) Kipili Bwalya ... 601

(2) Au village de Kalemba (Katete) ... 602

(3) Au village de Muma Kasuba ... 602

(4) Au village de Lutandula ... 603

(5) Au village de Mukutwa ... 604

Partie IX. Mélopées de la région de Katanga (ch. 345-350)... 605

(1) Katobosha ... 605

(2) Bwalya ... 607

(3) Sala Eliyah ... 608

(4) Kakengela Tolwe ... 610

Partie X. Mélopées des Baushi (ch. 351-386)... 613

(1) Nayomi Mwenya ... 613

(2) Kasongo Mumba Justine ... 617

(3) Kipili Mumba ... 630

(4) Monga Mumba ... 632

(5) Matanda Kilufya ... 632

(6) Mumpotongwe Kyalula ... 633

(7) Mélopées de la région de Mwenda ... 634

(8) Mélopées à Mashingini ... 642

(9) Mélopées dans la région de la Kafubu ... 654

1) Mwewa Kalaba Louise ... 654

2) Kyanda Kipapa ... 659

... 663 3) Mwape Irma

(8)

4) Ngandwe Marguerite ... 665

5) Ngosa Mutaba ... 665

6) Berthe Kibembeni et Kyoliki Geneviève ... 666

7) Fikisensha ... 674

Partie XI. Mélopées de diverses origines (ch. 387-401) ... 677

(1) Munkamba Kazadi Gabriéline ... 677

(2) Kasanda Musenga ... 678

(3) Keuka Kasongo ... 679

(4) Mukosha wa Mukosha ... 688

(5) Kansabala Marie-José ... 691

(6) Kasongo ... 692

(7) Marie Bulaya ... 696

(8) Mumba Paisoni ... 700

Annexes ... 705

Annexe I. Liste de devises ... 705

Annexe II. Realia ... 720

a) Noms africains des poissons cités et leurs noms scientifiques... 720

b) Noms africains des oiseaux cités et leur identification... 720

c) Noms africains des mammifères cités et leur identification... 721

d) Noms africains des reptiles cités et leur identification... 722

e) Noms africains des insectes cités et leur identification... 722

f) Noms africains des arbres cités et leurs noms scientifiques... 723

g) Noms africains des plantes citées et leur identification ... 723

h) Localia, personalia et realia cités dans le texte ... 724

i ) Les clans et leurs totems ... 727

Annexe III. Liste des enquêteurs ayant récolté des mélopées funèbres... 728

Annexe IV. Informateurs ayant collaboré à l’interprétation des mélopées funèbres... 730

Annexe V. Informateurs ayant collaboré à l’interprétation des devises de clans ... 732

Annexe VI. Bibliographie ... 734

(9)
(10)
(11)

Présentation

Même si quelques intervenants dans le recueil de chants présentés ici sont des hommes, il a semblé préférable de mettre dans le titre l’accent sur les «pleureuses» car les personnes qui pratiquent le chant des mélopées funèbres sont en grande majorité des femmes. Et comme ces chansons ont été récoltées principalement dans la région du Luapula et du lac Moëro, il était tout indiqué de présenter ce recueil sous le titre de «Pleureuses du Luapula-Moëro». Il constitue une sorte de diptyque avec l’ouvrage précédent «Mort et deuil dans une société africaine», dans lequel l’ouvrage présent fut annoncé. L’introduction au premier ouvrage sert également pour celui-ci, le second. La différence quant au contenu de ces deux ouvrages a déjà été expliquée (Verbeek, 2001 : 13). Ici il s’agit presque exclusivement des longues mélopées funèbres composées d’une succession de vers qui se suivent et se répètent sans ordre fixe et qui constituent en grande partie un répertoire clos dont font partie les devises.

L’enquête qui est à la base de cet ouvrage a été menée depuis 1985, surtout du côté du Luapula et du Moëro, auprès de personnes originaires de ces endroits. Le procédé utilisé a été déjà expliqué précédemment. Les enquêteurs ont enregistré les mélopées funèbres publiées maintenant, soit directement lors du deuil, soit en dehors du deuil, lors de rencontres avec des chanteuses spécialisées dans ce genre littéraire.

Dans le premier cas, l’avantage est que la

I N T R O D U C T I O N

performance sera complète y compris les murmures de l’assistance et les pleurs de la chanteuse, mais l’inconvénient est que souvent on ne peut pas s’approcher autant qu’il le faudrait et on a ainsi des enregistrements difficiles à transcrire et aussi souvent un texte lacunaire.

Dans le second cas les avantages du premier cas manquent, certes, mais à la fin de la performance, on peut obtenir des explications utiles et de la sorte on aura un texte complet et clair.

Le lecteur sera averti, pour chaque texte ou série de textes, des circonstances dans lesquelles ont été obtenus les enregistrements.

Certains auteurs ont prétendu qu’on ne peut pas chanter ces chansons en dehors du deuil par peur de faire venir les esprits des défunts, mais dans notre cas, il n’y a pas eu un tel problème. Si le tabou mentionné a pu exister dans le passé et ailleurs, actuellement, il ne semble plus être en vogue. Lorsqu’il s’agit de l’apprentissage de ces chansons entre femmes et jeunes filles, il n’y a pas de difficulté, semble-t- il, pour qu’on les chante. Et pour les obtenir de la part de chanteuses isolées, tout dépend de l’habileté de l’enquêteur.

Quelques travaux inédits consacrés à cette littérature et contenant des textes de mélopées ont été mentionnés précédemment (Verbeek, 2001 : 13). Notre recueil précédent contient également quelques fragments de mélopées. Il ne semble pas qu’il y ait jusqu’à présent d’autres travaux imprimés contenant ce genre de chansons.

Le matériel reproduit dans le présent

(12)

recueil semble assez représentatif pour le genre en général. La collecte a été menée d’après l’opportunité des circonstances. Il n’est pas question évidemment de vouloir être exhaustif.

Ces chansons continuent à être chantées et nous n’avons pas même reproduit tout le matériel récolté. Il y a une bonne partie d’improvisation dans la production de ces mélopées et à partir du matériel traditionnel, il y a moyen de produire toute sorte de combinaisons nouvelles en y mêlant une part de nouvelles créations.

Il existe différents critères à suivre pour le classement des chansons. Finalement nous les avons regroupées d’après le territoire ou la région d’origine. Ce critère correspondra d’habitude au critère linguistique.

Comme les matériaux utilisés par les pleureuses dans la production de leurs chansons sont en grande partie identiques, on pourrait dire que toutes sont comme des variantes les unes des autres. L’étude ultérieure devra faire voir les différentes particularités et l’originalité propre à chaque pleureuse.

La transcription des textes enregistrés a été faite par plusieurs personnes. Quelques enquêteurs ont transcrit eux-mêmes les enregistrements qu’ils avaient réalisés. C’est le cas de Kalumba Calwe, feu Kilolo Calwe, Kashoba Luby, Kalenga Mofya, Lubembo Kabeke, Lubambula Kipota, Musonda Bwalya, Mwelwa Mulokoso. D’autres enregistrements ont été transcrits par des transcripteurs occasionnels, surtout par feu Kafukuta Bupe et par Musonda Milundu.

La traduction des textes a été l’œuvre de différents traducteurs, spécialement de Kambolo Kibimbi, Mbuyu Monga et Musonda Milundu, et en moindre mesure de Kamenga Mwaba, Kashoba Luby, feu Kilolo Calwe, Kimpunta Kilufya, Lubambula Kipota, Lubembo Kabeke,

Musamba Kishiba, Mwandwe Kibimbi, Ngosa Kipoka Alexandre.

La traduction initiale avait négligé pratiquement celle des devises ou malumbo, étant donné qu’il y avait la conviction qu’il fallait tôt ou tard une étude approfondie de ce genre de textes. Ce qui fut fait par les soins de Mwaba Kaindu aidé par des spécialistes à Kasenga.

Ensuite ce travail fut vérifié par un autre groupe de connaisseurs à la Kafubu sous la direction de Kunda Kipunda et finalement par une équipe de connaisseurs à Lubumbashi sous la direction de Cabala Kaleba. Ce travail sera précisé ci-après.

Dans les mélopées il y a beaucoup de mots dont le sens est ignoré. Il semble que ce sont des mots étrangers ou archaïques, surtout dans le contexte des malumbo ou devises. La traduction présentée sera donc souvent le produit d’une conjecture. De plus les mélopées sont constituées en bonne partie d’exclamations. Au lieu de les traduire en français, on laissera souvent des points de suspension pour inviter le lecteur à confronter la traduction et le texte original. Ceci sera aussi souvent le cas pour les textes des plaintes. Une autre difficulté pour la traduction concerne les onomatopées qu’on a tenté parfois de rendre par l’équivalent français.

Comme le kibemba n’a pas le genre pour les substantifs et les pronoms, il est parfois difficile de voir s’il faut rendre le sujet par le masculin ou par le féminin. Si la personne qui chante est une femme on utilisera le féminin pour un sujet ou un possessif la concernant. Une dernière cause d’incertitude lors de la traduction est l’utilisation de la majuscule ou minuscule lorsqu’il s’agit de traduire les sujets des malumbo. Quand on dit par exemple : Kashobwe muntaliwa na koni, on sait que cette devise concerne le chef Kashobwe, au Luapula. Le substantif kashobwe désigne une sorte de sorgho rouge que les oiseaux ne mangent

(13)

pas. Quand le chef Kashobwe utilise cette devise il lance un avertissement à ses ennemis et rivaux pour leur dire qu’il ne se laisse pas manger (tuer) par eux. Nous proposons de traduire alors par :

«Je suis Kashobwe, le sorgho rouge qui n’est pas mangé par les oiseaux (litt. le petit oiseau)».

Mais cette solution n’est pas toujours possible.

Tous les sujets des malumbo ne sont pas des noms propres. Dans le cas de Kansubunsubu mukinda wita mema (goutte de pluie, la gourde qui appelle l’eau), il ne s’agit pas d’un nom propre, mais d’une sorte de slogan par lequel les membres du clan de la pluie s’exaltent. En principe donc, chaque fois qu’un sujet d’une devise peut être un nom de personne, nous le mettrons en majuscule et nous ajoutons la traduction en apposé comme étant une métaphore.

Sinon il sera écrit en minuscule.

Comme la proclamation des mélopées est en grande partie improvisée et qu’on ne dispose pas d’un texte écrit, bien des mots ne sont pas compris et il y a ainsi parfois des incertitudes quant à la bonne version. Ainsi toujours pour la devise de Kashobwe. D’habitude, on prononce comme ci-dessus. Parfois tout de même on dit : Kashobwe muntalilwa na koni (Kashobwe, le sorgho rouge qui n’est pas pleuré par les oiseaux). Cette version a aussi son sens car une partie des sujets n’aiment pas et ne pleurent pas vraiment ce chef au cas où il meurt car ils le considèrent comme un étranger et usurpateur.

Mais en rapport avec le sens de kashobwe=sorgho rouge, la vraie version doit donner muntaliwa (n’est pas mangé). Ainsi il y a souvent, auprès des pleureuses, des hésitations même autour de la version en langue africaine.

Après la saisie, toutes les transcriptions des mélopées ont été vérifiées minutieusement sur l’enregistrement original, par Cabala Kaleba.

La traduction fut soumise également à vérification

par Léon Verbeek en collaboration avec Kunda Kipunda, et l’aide d’un groupe d’informateurs (Annexe IV).

Au cours même de la chanson, les informatrices elles-mêmes ou celles qui les assistent font parfois des commentaires qui sont précédés par «P.», c’est-à-dire des paroles prononcées sans être chantées. Pour des chansons qui ont été enregistrées avec des pleureuses isolées, en dehors des séances de deuil, on a eu l’occasion quelques fois de faire commenter la mélopée. Ces commentaires suivent à la fin du texte de la chanson, uniquement en traduction française. Il y a aussi des notes qui suivent certains vers et qui contiennent des explications provenant de l’équipe d’informateurs de Kunda Kipunda ; d’autres notes sont formulées par Léon Verbeek sur base de sources écrites.

Pour éviter de devoir expliquer chaque fois des données qui reviennent continuellement, nous avons préféré les réunir dans des annexes en fin d’ouvrage. Il s’agira, en premier lieu, du texte, de la traduction et de l’explication des devises ou malumbo (Annexe I), ensuite de l’identification des noms des poissons, des oiseaux, des mammifères, des reptiles, des insectes, des arbres et des plantes cités dans le texte ; en troisième lieu de l’identification de certains noms de lieux, de personnes et de choses.

Seront présentés en annexe également les clans et leur totems ainsi que les noms des enquêteurs qui ont récolté les mélopées contenues dans cet ouvrage (Annexe III). Les informateurs qui ont fourni les mélopées sont présentés au fur et à mesure en introduction à leurs contributions.

Deux listes d’informateurs suivront alors : celle des informateurs qui ont collaboré avec Kunda Kipunda dans la région de la Kafubu en vue de l’explication de certaines difficultés de traduction et de texte (Annexe IV) ; celle aussi

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des informateurs qui ont collaboré avec Cabala Kaleba pour une dernière vérification des devises ou malumbo et pour la pratique des mélopées (Annexe V). Une bibliographie comprendra l’essentiel de la littérature qui intéresse cet ouvrage. Le lecteur trouvera une bibliographie plus abondante dans le recueil précédent de chansons de deuil.

La carte de la région publiée antérieurement (Verbeek, 1992 : VI ; Mulumbwa Mutambwa-Verbeek, 1997 : 12) peut aussi être consultée utilement.

Des études ultérieures devront élucider encore bien des problèmes posés par les textes que nous publions. Pour la bonne compréhension de toutes les allusions historiques et mythiques il aurait fallu une ethno-histoire de la région du Luapula-Moëro. Elle est en préparation. Les ouvrages de I. Cunnison et de Mwata Kazembe - E. Labrecque (1951) contiennent un certain nombre de renseignements.

Le texte des chansons est présenté de la façon suivante. Chaque chanson a un numéro d’ordre. Puis suit un titre : il s’agit d’un bref texte choisi parmi les premiers vers de la chanson : ce procédé est certes un peu arbitraire, mais il suggère souvent, déjà dès le début, de quoi il s’agit. Après le titre, viennent, en deuxième ligne, les noms de l’informateur ; le sigle de l’enregistrement original ainsi que le numéro de classement de cet enregistrement dans la série d’enregistrements d’où provient le texte ; et pour finir le sigle D, qui désigne la série d’enregistrements de chansons de deuil, avec le numéro de la bande et de la chanson à l’intérieur de la bande. Ces bandes ne contenant que des chansons de deuil se trouvent au Musée de Tervuren. Lorsqu’en fin d’ouvrage la transcription musicale d’une chanson est donnée, la mention en est faite après celle de

l’enregistrement d’où vient la chanson.

Le texte même de la chanson est reproduit dans son intégralité. Le vers même est séparé en deux : la partie initiale comprend d’habitude la partie montante contenant une affirmation ; cette partie change normalement d’un numéro à un autre ; la seconde partie ou partie descendante contient des lamentations et des pleurs et ne varie d’habitude pas d’un numéro à l’autre. Aussi longtemps que ces pleurs et plaintes continuent nous les attachons au même vers. En effet il est difficile de séparer chaque unité dans cette suite de pleurs car les pleureuses les font suivre aussi longtemps que le souffle le leur permet. Cette façon de présenter donne une meilleure idée du pathos qui anime les pleureuses quand elles sont prises par l’émotion de leur chanson.

La traduction de la première partie de chaque vers est toujours intégrale, d’un bout à l’autre de la chanson, tandis que la traduction de la deuxième partie du vers est donnée une seule fois entièrement si la même suite de pleurs se répète pour tous les vers. Dans les vers qui suivent, la traduction des plaintes est remplacée par des points de suspension. Pour les exclamations qui forment une bonne partie des pleurs, nous ne donnons pas de traduction qui pourrait donner le sens équivalent en français.

Nous préférons que le lecteur confronte le texte africain pour se faire lui-même une idée de l’intensité et de la longueur de ces plaintes. En effet, cette partie descendante, très souvent formée par quelques éléments qui reviennent chaque fois, se présente avec une répétition inégale. Cette manière de procéder permet de réduire le volume du présent ouvrage et fait gagner en clarté et lisibilité le texte de la première partie du vers.

La ponctuation utilisée dans la présentation du texte et de la traduction n’est pas

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conforme à l’usage ordinaire de la prose française. C’est qu’en voulant utiliser les points d’exclamation et d’interrogation à chaque fois, le texte aurait été surchargé et n’aurait pas été clair. Le lecteur complétera lui-même cette ponctuation. Si à l’intérieur d’une chanson le refrain change, on en tiendra compte. Il n’est pas toujours facile de voir si, dans une même performance, une pleureuse présente une seule chanson ou si elle fait suivre différentes chansons. En effet, au cours de son chant elle change parfois de mélodie.

Les spécialistes observeront que le texte africain n’est pas pourvu d’accents et de tons.

Nous avons essayé de le justifier antérieurement (Mulumbwa Mutambwa-Verbeek, 1997: 11). La langue bemba qui est utilisée dans les textes de cet ouvrage est celui parlé au Congo et transcrit comme on l’entend. C’est ainsi que certaines orthographes varient de celles utilisées pour le cibemba de la Zambie.

Dans les pages qui suivent cette présentation, quelques points plus importants pour la compréhension de cet ouvrage seront analysés. Il s’agit de fournir des données qui permettent de situer les genres littéraires des mélopées funèbres et des devises ou malumbo, de survoler quelques éléments d’histoire et de culture contenus dans les textes proposés, de percevoir le monde spirituel auquel font allusion les pleureuses, de préciser les principales formes et causes de souffrances auxquelles les mélopées font écho. Ainsi il sera possible de voir le lien avec les chansons de deuil ordinaires.

Ce qu’on pourra ressentir comme une lacune, c’est l’absence d’analyse du style de ces mélopées et de l’aspect littéraire en général. Elle a été tentée dans les travaux universitaires dont il a été question ci-dessus. Cet aspect est laissé aux recherches ultérieures à mener par des

étudiants désireux de trouver une matière pour leur sujet de recherche.

La musique des chansons a été encore transcrite par Moïse Kalumbi Kayombo, travail qu’il poursuit depuis 1987. La sélection des mélodies retenues en fin de cet ouvrage a été assurée par le Dr. Jos Gansemans. La saisie de cet ouvrage a été réalisée par Kisimba Kyongo, Cabala Kaleba et Léon Verbeek. Une reconnaissance particulière va à Madame Béatrice Verdoodt qui a bien voulu relire le texte de cette introduction.

Pour conclure il s’agit d’exprimer des remerciements à tous ceux qui ont collaboré à la réalisation de cet ouvrage et dont la plupart ont été cités ci-dessus. Ils mériteraient tous d’avoir leurs noms en couverture, ce qui hélas n’est pas possible. Financièrement, la réalisation du présent ouvrage a été rendue possible surtout grâce à l’aide de la Direction Générale des Salésiens à Rome, plus précisément par l’intermédiaire des Pères feu Juan Vecchi et Luciano Odorico. Stelimo-Hasselt est également intervenu pour l’obtention d’un subside de la part de la province du Limbourg en Belgique. Sans l’aide matérielle de ceux-ci et de tant de secours mineurs mais bien nécessaires, il n’aurait pas été possible de venir à bout de cette entreprise.

Nous remercions sincèrement la section d’ethnomusicologie du Musée de Tervuren et particulièrement le Dr. Jos Gansemans pour avoir bien voulu assurer la publication de cet ouvrage.

La pleureuse et la mélopée funèbre

Pour le lecteur qui n’aura pas le temps de lire patiemment les milliers de vers qui se suivent dans ce volume, il peut être utile de voir présentée, en quelques traits rapides, la pleureuse

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et ce qu’elle a à nous dire dans ses mélopées.

Ici seront traités quelques points d’intérêt plus ordinaires qui se révèlent dans les mélopées. Les quelques éléments qui occupent une place plus importante dans les mélopées ou dont l’étude peut compléter des exposés antérieurs (Verbeek, 1990, 1997, 2001) seront traités hors de ce chapitre. Il s’agit des malumbo ou devises, du lien entre les mélopées et le culte des esprits et de quelques sources de souffrance plus importantes. Ces tableaux seront présentés en liaison étroite avec le texte et en y renvoyant fréquemment permettant ainsi au lecteur de vérifier et de concrétiser rapidement les assertions avancées.

Il semble bien que traditionnellement seules les femmes chantaient les mélopées funèbres, les fimbo fya malilo. Actuellement il y a aussi des hommes qui les chantent. Dans le recueil présenté ici, il y a ainsi Lwamfwe Kasamata et différentes chorales qui chantent, mais on constate qu’ils chantent d’autres genres de chansons funèbres (Voir les parties V et VI ; Kabemba, 1992 : 13-14). On ne voit pas bien comment des hommes pourraient se laisser aller à des pleurs et à des accents de désespoir comme le fait la pleureuse des fimbo fya malilo. En effet, celle-ci dira dans son chant qu’elle n’aime pas chanter les mélopées car ça la rend comme folle (251:125-126).

Anciennement aussi, il n’y avait pas d’apprentissage spécifique et méthodique de ces chansons. Les jeunes femmes apprenaient à chanter en suivant et accompagnant les adultes.

C’est ainsi que des pleureuses disent qu’elles l’ont appris de leur mère (152:30 ; 351:9 ; 373:9) ou des accompagnatrices (160:72-73) ou dans un tel ou tel village (377:8). Et il y en a qui, au cours de leur chant, mentionnent et remercient celles qui le leur ont appris ou qui s’adressent à

elle, s’il s’agit de la défunte (174:57 ; 329:41- 42). Elles invitent aussi autrui à apprendre à chanter les mélopées (16:53). C’est en chancelant qu’on apprend, disent-elles (120:64). C’est ainsi qu’il y a des pleureuses qui ont vieilli avec le chant et qui désirent le laisser à d’autres (191:19). Il y a des pleureuses qui prouvent qu’elles disposent d’une mémoire et d’une présence d’esprit exceptionnelles. En effet, des heures elles vous font suivre leurs mélopées en combinant le texte et la mélodie, en modifiant les mélodies et l’ordre et le texte des refrains, en entraînant l’assistance par leur pathos et la vibration de leurs voix.

Dans notre volume précédent (Verbeek, 2001), nous avons distingué les simples chansons de deuil, qu’on appelle nyimbo sha kililo / sha bulanda (chansons de deuil / de tristesse) de la grande mélopée funèbre comme elle est pratiquée le long du Luapula et du Moëro, contenant d’habitude une diversité de devises ou malumbo.

On appelle ce genre de chant kimbo kya malilo / kya lyemo / kya miyowa / kya bupuba (chanson de deuil / de souffrance / de pleurs / chanson stupide) (Verbeek, 2001 : 12-13). Ce sont ces chansons qui constituent l’élément principal mais pas l’unique élément du présent volume.

En effet, dans ce recueil il y a quelques chansons de deuil qui ne sont pas de la catégorie du genre kimbo kya malilo. Ce sont des chansons de création moderne, provenant soit d’un disque zambien, comme la chanson Umwana wa bene walubila mu bowa na kabeseni (356, 359, 398), soit d’une chorale d’hommes (228-232), ou d’une chorale quelconque (320-321), soit de tendance et de création chrétienne avec un développement logique et linéaire (198, 324) ou du milieu des bakilumbu ou devins (326), ou provenant du deuil de chasseur (247-248). L’une ou l’autre chanson appartient au genre des nkindi ou

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fishimpi, chansons allusives qui expriment une leçon ou une critique (56-57, 212). D’autres sont clairement des élégies (219). Il y a aussi les chansons de Lwamfwe Kasamata, griot aveugle de Kashobwe, qui construit ses chansons à partir de matériaux provenant des mélopées traditionnelles mais les transforme et conçoit d’autres mélodies, assez monotones et peu pathétiques (241, 242, 245, 249, 250). Ce même chantre produit aussi de nouvelles créations sans rapport avec les traditionnelles (243, 244, 246).

Il y a encore quelques petites chansons de deuil, comme la chanson Kyofwe malemba (26:29 ; 104;

317:171), ou des chansons de mariage (55:13- 14,22-23,90-92, 213) incorporées ou non dans de grandes mélopées.

Comme nous l’avons souligné précédemment, nous ne prétendons pas faire œuvre de pionnier dans cette publication : plusieurs mémoires universitaires et autres études ont déjà été consacrés aux littératures funéraires et élégiaques, aux phénomènes de la mort et de la souffrance au sein des populations du sud-est du Katanga.» (Verbeek, 2001 : 13).

Ainsi Nkomba Zakeni (1992) a rassemblé et commenté des chansons funèbres de la région de Lukonzolwa-Kilwa, donc de la région shila. Il s’agit plutôt de chansons funèbres ordinaires.

Kabemba Ilunga (1994) a présenté et commenté cinq vraies mélopées funèbres récoltées dans la région située entre Kashobwe-Mukupa-Mpweto.

A Lubumbashi, Katempa Mulume (1992) a récolté et étudié 21 chansons élégiaques bemba.

Il s’agit de vrais mélopées mais en fragments assez réduits. Il a réalisé une bonne présentation du genre et des thèmes traités.

Les considérations qui suivent concernent seulement les mélopées funèbres de forme traditionnelle, celles qui contiennent, généralement, des malumbo et qui sont

caractérisées par une suite apparemment désordonnée de vers dont le répertoire est en grande partie conventionnel. Il arrive toutefois que de vraies mélopées funèbres ne contiennent pas de malumbo, comme c’est le cas de la longue chanson 196. D’autres mélopées ont un texte plus pauvre, se réduisant à une répétition de quatre à cinq vers, de façon que la variation devienne minime (134 ; 164 ; 201).

Chaque aire géographique retenue dans le classement des chansons comporte quelque particularité socioculturelle. L’agglomération de Kasenga est fort différente, comme mentalité, par exemple, de celles de Kashobwe ou de Kabyasha.

L’étude minutieuse du texte manifestera des accents particuliers malgré l’apparente ressemblance de toutes ces chansons. Ainsi par exemple les allusions à la sorcellerie sont moins fréquentes à Kasenga qu’à Kashobwe.

Les mélopées sont à distinguer aussi selon les mélodies et les parlers qui diffèrent selon des aires déterminées. Ainsi on parle de mélodies de Kasembe ou de kina Luunda (354:58 ; 365:17-18), de Kilwa (299:21), de Pweto ou kina Mpweto (124b ; 257:12-14 ; 259:2 ; 331:60), des Marungu (124b ; 188:102).

Des informateurs de Kasenga (Annexe V) marquent la limite de la zone de Kasenga, au nord, à Nkole, là où le Luapula rejoint le lac Moëro. A Kashobwe et Kasenga, disent-ils, on a le même genre de chansons. Au nord, vers Kilwa et Pweto, les mélodies et le parler changent et on a le kishila mélangé au kizeela et au kibwile. Du côté de Kabyasha-Songa, il y a le kikatcha et du côté de Katete et Lutandula, le kisumbu. Dans la région de Katanga, le kilamba côtoie le kikaonde, le kyaushi et le kisanga (cf.

Mulumbwa Mutambwa-Verbeek, 1997: 11-13).

Les mélopées chantées par les Baushi (Partie X) contiennent moins de malumbo parce qu’au

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Bwaushi n’existe pas la coutume des malumbo.

S’ils connaissent ces chansons, c’est parce que, à l’est du Luapula, ils ont un contact ininterrompu avec la région de Kazembe où cette pratique est vivante. Parmi ces chansons, il y en a qui proviennent de Mashingini (366-374), localité à l’est du Luapula, en face de l’embouchure de la rivière Kafubu, du côté zambien. Des deux côtés du Luapula on chante les mêmes chansons étant donné que la population est la même.

Parfois on a l’impression que des chantres changent la langue pour obtenir un caractère plus ésotérique, comme c’est le cas de la chanson 208 qui, selon le chantre originaire de Kasenga, vient de Pweto, mais la langue a l’air d’être du kikaonde.

Les mélopées sont formées, comme déjà dit, par une suite et une répétition libre de vers en grande partie figés. Quasi chaque vers est formé d’une partie montante et d’une partie descendante. La partie montante est formée d’une affirmation pouvant se rapporter à différents genres de réalités. Souvent ce sont des malumbo ou devises qui sont lancées. La chantre peut lancer également des proverbes (29:4 ; 43:66 ; 55:153 ; 112:53 ; 188:107 ; 274:3) et des réflexions de tout genre, plus ou bien conventionnelles. La diversité du contenu sera analysée rapidement ci-dessous. La partie descendante est formée par une plainte exprimée en forme de refrain lequel est répété d’habitude à chaque vers, de façon identique ou bien on varie ce refrain au cours de la mélopée. Il y a aussi des mélopées (172 ; 380), où en dehors du refrain de chaque vers, il y a un vers complet qui est répété à intervalles irréguliers et qui forme un refrain proprement dit.

Les fimbo fya malilo ont une composition très libre. Il s’agit de faire suivre rapidement, sans ordre fixe, un certain nombre de vers qui

sont connus par cœur. Il n’y a pas de formule introductive à proprement parler, mais souvent on commence par un vers, constitué d’exclamations, qui constituera ensuite le refrain. Quant à la formule finale ou conclusive, Nkomba Zakeni (1992:126) rapporte que les chansons de son corpus n’en possèdent pas, ce qui est compréhensible, étant donné qu’il s’occupe de chansons funèbres ordinaires qui sont formées de strophes. Tandis que les mélopées funèbres qui ont une structure totalement libre peuvent s’arrêter à n’importe quel moment. C’est ainsi que souvent, dans ces chansons, quelques vers avant la fin, la pleureuse annonce qu’elle va «déposer» sa chanson, c’est- à-dire, arrêter (203:101) ; ou bien elle se plaint qu’on ne la remplace pas (74:37); ou elle invite à la remplacer (170:17-19) ; ou elle dit qu’elle laisse sa chanson à telle ou telle autre maman (68:26- 27).

Avec ce qui précède, on voit que la pleureuse ne fait pas tout simplement entendre un chant qu’elle connaît par cœur, mais qu’elle le fait en maintenant le contact avec son public.

Ainsi la pleureuse s’adresse-t-elle à l’assistance encore à d’autres moments encore de son chant et pour d’autres motifs. Une mélopée est chantée par une soliste mais pas à elle seule. Il faut que le public accompagne et souligne le rythme avec un sombre bourdonnement ou murmure. Sans cela, disent les pleureuses parfois dans leur chant, la mélopée n’est pas belle (171:4,14 ; 336:fin) et à certains moments, la pleureuse se lamente qu’elle chante seule, qu’on ne l’accompagne pas (189:42-43). Souvent elle invite donc l’assemblée à l’accompagner (06:26 ; 172:26 ; 189:31,42-43 ; 193:106 ; 210:32, 43-44

; 329:69). Elle dira : Kamubulumeni ba Kyanda kya myemfu (Bourdonnez, Kyanda la barbue) (189:31). Et à la fin, elle remercie pour le soutien reçu (353:174).

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La pleureuse intervient encore auprès de l’assistance quand elle est accablée par la fatigue.

Elle-même chante debout toute la nuit (249:197).

Le deuil dure des heures et des heures et, à un moment donné, les assistants commencent à sommeiller ou à faire du bruit. Ca risque de gâcher son chant. Elle intervient donc par des rappels à l’ordre (111:24 ; 113:10 ; 121:24 ; 149:15 ; 188:79-81 ; 189:32-35 ; 251:99). Elle se lamente qu’il y a des gens qui viennent seulement pour manger et dormir (189:32-35).

Un vers qui revient souvent à travers les mélopées dit que la pleureuse ne chante pas pour son plaisir : Kimbo tabembila kuwamya ikimbo bembilo kupamfyo mweo (On ne chante pas une mélopée pour le plaisir, on chante une mélopée pour faire souffrir le cœur) (162:52) et encore : Nebo nshimbila kuwamya nyimbila fye kikonko kyaba ku mweo (Moi je ne chante pas pour plaire, je ne chante que pour le chagrin du coeur) (283:4). Et encore : Ati kimbo kya malilo takimbila kumanishe kwimbila fye ukupamfyo mweo (Une mélopée funèbre n’est jamais chantée par celui qui a tout, on ne la chante que pour faire souffrir le cœur) (352:15-16).

La pleureuse, en chantant, y met tout son cœur et déploie un très grand effort pour entraîner l’assistance dans le deuil. Elle encourage les autres à chanter (160:43) et elle invite à bien chanter (234:7). C’est ainsi qu’elle dira à un moment donné que son cœur bat (134:35).

Souvent elle se révolte contre la méchanceté des hommes et du sort en lançant une longue tirade qui va sans cesse en crescendo. Parfois elle dira que chanter la mélopée fait peur : Mayo nafitulapo fyabo mwenso (Maman, je cesse de chanter la mélopée funèbre, ça fait peur) (210:62

; 353:212). Même si la pleureuse affirme parfois dans son chant que la mélopée ne se chante pas rapidement (95:5 ; 325:87), son chant l’entraîne

pourtant souvent à des échappées passionnées et accélérées et elle enchaîne ses plaintes aussi longtemps que son souffle le lui permet. Et le plus souvent, son chant n’est pas un doux chant d’appel à l’espérance, comme prétend Kabemba (1992 : 11).

Dans d’autres vers, la pleureuse communique ses appréhensions personnelles : chanter la mélopée est difficile et elle se sent incapable (188:1-2 ; 235 : 1-2) ; elle se déclare maladroite dans son chant (193:45) ; on se mettra à rire d’elle (55:32-36). Quand elle chante faux ses accompagnatrices lui demandent en effet de nettoyer la gorge (128:1 ; 317:226). Elle critique d’autres pleureuses qui ne chantent pas comme il le faut (117:70) ou elle remarque amèrement que les pleureuses ne chantent plus que pour l’argent (251:80). De son côté elle se permet de demander d’être payée (169a:16). Elle se plaint de porter un pagne déchiré (305:13 ; 306:16 ; 317:240-241). Un chantre aveugle comme Lwamfwe Kasamata ne manque pas de se plaindre régulièrement de sa cécité, en s’appliquant une devise : Pa kumfyala puntapunta mpofu ya mukombo (Pour avoir donné naissance à moi l’aveugle qui marche à tâtons à l’aide d’un bâton) (241:311 ; 249:57), à cause de la difficulté de se trouver une compagne (247:7).

En contraste avec ce qui précède et en rapport avec l’accent habituellement grave de ces mélopées, il est à noter que les pleureuses se permettent parfois de chanter des vers qui semblent déplacés dans une chanson de deuil, à cause de leur trivialité. Elles attaquent les prostituées (56 ; 290:13,15). Surtout par les malumbo qui pourraient faire rire l’assistance : Kuli ndumba muntafwala kifunga (Chez la prostituée qui ne porte jamais de jupon). Et : Tapali ndumba muntafula kifunga (Il n’y a pas

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de prostituée qui n’enlève pas le jupon). Elles ne recourent pas à des euphémismes pour désigner les parties et activités intimes. Pour affirmer leur abjection profonde, elles utilisent des expressions fort crues : Ne musula muntasala pa kunyena (Moi anus qui ne choisit pas où mettre les selles) (362:13) ; Ne musula kabili muntasha pa kunyela (Moi l’anus qui ne laisse aucun espace sans y déféquer) (160:16-18). Et encore : Ne kamusula mu nda kya pa kunyena (Moi petit anus du ventre par lequel sortent les excréments) (214:24) ; Nalisanguka kamushondo muntasha pa kunyela (Je suis devenue l’anus qui ne laisse nulle part où déféquer). La pleureuse recourt à des métaphores crues : Ukamwebeko mayo mpelepete wakinyela nyongwe (Va dire à maman, la chèvre, ce qu’elle défèque est toujours tordu et passe dans un gouffre) (221:67), pour dire que tous ses enfants meurent. Et pour exprimer son total délaissement, elle dira : Nani ukampipa nga nanya umwenso (Qui m’essuiera quand je déféquerai d’effroi) (285:4). Malgré l’ardeur du sentiment qui peut parfois expliquer de telles expressions, on voit que d’autres tournures risquées ne peuvent s’expliquer de la même manière. Ainsi quand une pleureuse dit : Kusunda kwa banakashi kuwawasha (La façon d’uriner des femmes c’est comme un flot) (126b:5 ; 146:37). Les incohérences dans les relations humaines sont exprimées également d’une manière osée : Banakyaloshanye miyengo mitima mu nda tayaloshanya (On se pointe les sexes mais les cœurs à l’intérieur ne s’accordent pas) (325:80,114). On pourrait croire que certaines expressions sont choisies pour éveiller l’attention et choquer (186:10 ; 268:10 ; 275:7 ; 278:10-11 ; 283:3,4,35 ; 308:9). Comme l’a souligné S. Lallemand (1978), en Afrique noire, on ne conçoit pas de la même manière la pudeur littéraire qu’en Occident.

Les mélopées ne sont pas des pièces extra- temporelles. Elles insèrent des données provenant de la société environnante et de l’époque vécue. Il y a des éléments plus importants que nous traiterons plus loin in extenso parce qu’ils méritent une analyse approfondie. Ici nous présenterons quelques éléments qui sont à souligner dans les mélopées, sans cependant pouvoir épuiser la richesse des données contenues dans celles-ci.

Comme les mélopées présentées dans cet ouvrage ont été récoltées avant la chute de Mobutu, plusieurs d’entre elles font allusion à cette figure (126c:14; 202:44). On dira : We uleya ku Zaili kwa Mubutu (Toi qui te rends au Zaïre chez Mobutu) (373:27). On parle de la vie chère au pays de Mobutu : Nebo nkolya pi mawe mayo muno mwa Mubutu e (Où vais-je manger, hélas, maman, ici dans le pays de Mobutu?) (20:32). Pour la pleureuse, le Zaïre est le pays d’où viennent les danses : Tawaumfwa ku Saili e kwisa maoma (Tu entends parler du Zaïre, c’est de là que viennent les danses) (34:3). Au Zaïre il y a les pagnes CPA (45:29) et les habits usagers (20:27), les dérangements du M.P.R.

(347) et le SIDA (34:17). Kyungu wa ku Mwanza laisse aussi sa trace dans les mélopées (06:25).

Il est question de la crise économique qui a entraîné le «chacun pour soi» dans la vie : on ne partage plus en famille et dans le clan ; il y a la misère chaque jour pour trouver de l’argent (72:2

; 94:24-27 ; 148:15 ; 221:48-50 ; 332:explic.;

326:73). Il n’est pas certain que l’insistance fréquente au fait de rendre la peau claire (325:98,101) ait un rapport avec la mode récente d’utiliser des produits à cette fin. Les mélopées parlent aussi parfois de la Zambie voisine, appelée encore la Zambie de Kaunda (276:9).

La ville de Lubumbashi est aussi mentionnée dans les mélopées. C’est une ville du Katanga où il n’y a que des sacs, dit-on, donc

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des magasins : Lubumbashi kyakilikwa masaka (Lubumbashi, lieu renommé par les sacs) (270:11

; 273:22) ; Uku kwine ku Lubumbashi bakilika masaka (Là-même à Lubumbashi où l’on barre le chemin de sacs) (237:31) ; Kulya kwine ku Katanga ku Lubumbashi (Là-même à Lubumbashi au Katanga) (127:41 ; 182:7). On se plaint de la cherté de la vie en ville (325:20).

Des blancs, il n’est pas souvent question, en dehors de quelque ilumbo comme: Tulekuya ku basungu basungumene (Partons chez les blancs qui sont tout blancs) (27:36) ; Ati ba mayo tubutukile ku basungu bapoloke myona (Chère maman, fuyons, allons chez les blancs au nez pointu) (352:76 ; 385 : 69) ; ou bien ku basungu baponena myona (Chez les blancs au nez pointu)

; Kwa Tulembi umusungu wapambana (Chez Tulembi le blanc qui est très actif) (249:145) ; Mayo musungu wa nsapato muntanyanta mu matipa (Maman, le blanc qui a des souliers et qui ne marche pas dans la boue) (251:145 ; 326:111) ; We kasungu kabula mano (Toi petit blanc qui manques de sagesse) (311:72). A propos de Kasenga il y a un ilumbo souvent répété : Mwa Kasenga mwa ba Polo (A Kasenga chez Paul) et il s’agit d’un blanc habitant le quartier commercial de cette localité.

Les mélopées gardent également le souvenir de faits historiques passés, mais de manière fort réduite. Il y a ainsi les devises ou malumbo dont certains forment des réminiscences du passé, souvent difficiles à décrypter. La mélopée 314 mentionne Myelemyele kepaya wa bantu (Milambo Myelemyele tueur d’hommes), bien connu de l’histoire de la deuxième moitié du 19ème siècle (Verbeek, 1987 : 275-280). On fait allusion aussi à l’histoire de Nakituti et Kasembe (241:374).

On se rappelle encore l’esclavage ancien et la route des recrues du début du 20e siècle (364:4 ; 345).

Les pleureuses se permettent aussi de faire

la critique de certaine situations et de certaines situations, surtout de ceux qui se permettent de manger des personnes, c’est-à-dire de les tuer, donc les sorciers. On attaque ceux qui feignent de pleurer (249:98), ceux qui n’y font que causer (196:146), ceux qui viennent seulement pour manger et dormir au deuil (123:30-31). On s’attaque à certains clans. Ce sont les frères qui ont une relation à plaisanteries avec la famille éprouvée qui pourront l’attaquer ainsi. Il y a ainsi le clan des bena mumba qui est vivement pris à partie, à partir d’un conte qui circule à leur sujet (325:83-84). La pleureuse dénonce ceux qui ne vont pas au deuil en montrant ainsi qu’ils n’ont pas besoin des autres : Awe tapali no wakumanisha munshilala mu malilo (Non, il n’y a personne qui puisse avoir tout pour ne pas aller dormir au deuil) (120:181).

Les mélopées contiennent parfois des vers qui ne contribuent en rien au climat de deuil, comme par exemple des allusions à la présence de l’enquêteur qui enregistre le chant (14:3 ; 35:12 ; 174:27 ; 179:7). C’est que la pleureuse ne peut pas avoir tendu la corde à l’extrême d’un bout à l’autre de la performance.

Dans les mélopées on parle parfois d’instruments de musique, comme du tambour en général (178:23 ; 211:8), du petit tambour kayanda (210:55), du tambour kinkumbi (qui est devenu nom propre d’une personne), du tambour mwimbi (329:83), du tambour kangondo (121:38),du xylophone malimba (193:85,100,114 ; 307:20) ; des grelots kisekele (208) ; fréquemment il est question des grelots nsombo, dans la devise de NaKyomba kya lusombo (126b:47 ; 249:286).

Toutefois lors de la vraie mélopée funèbre on ne joue pas d’instruments et on ne danse pas, même si il y a des chants dans lesquels il est question de la danse (121:14 ; 9:26 ; 09:12-13,26 ; 127:34), entre autres de la danse de mantyantya (402).

Qu’en est-il de la survivance des mélopées

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funèbres ? Elles ont à se défendre face aux chansons religieuses, surtout à celles des sectes chrétiennes.

Ainsi une chantre prétend que les mélopées sont en train de disparaître (251:74-79). Toutefois à Kasenga et même à Lubumbashi et environs, ces chansons sont encore fort prisées et les pleureuses sont encore hautement respectées et recherchées pour rehausser les deuils de leur présence.

La mélopée se chante lors du deuil, normalement pendant que le corps est à la maison et au cours des jours de deuil qui suivent. On peut la chanter aussi si l’on reçoit de loin le message d’un deuil, même pendant toute une semaine et on fait le deuil à l’absence du corps.

Pareillement quand des membres de famille viennent de loin et arrivent en retard pour le deuil, on peut reprendre le deuil. Actuellement on peut chanter ces mélopées aussi en dehors du deuil. On a écrit que l’on ne pouvait pas le faire car ça ferait revenir les morts (Kabemba, 1992 : 10). Actuellement ce n’est plus la règle. Les spécialistes organisent des séances d’apprentissage pour les jeunes. Lorsque quelqu’un, à un moment de solitude, se souvient d’un défunt qui lui est cher, il peut chanter une mélopée pendant quelques moments. Les enquêteurs qui ont collecté les textes contenus dans ce recueil n’ont pas eu de peine à faire chanter les mélopées.

Les travaux qui ont été consacrés aux mélopées montrent la richesse stylistique de ces chants. Il y a une grande variété de figures de style qui y sont pratiquées. L’habitué de la littérature n’aura pas de peine à remarquer cet aspect des textes en les parcourant. La beauté musicale de cette littérature ne sera pas non plus analysée ici. Les transcriptions musicales en fin d’ouvrage pourront aider le connaisseur à la découvrir.

Mal et douleur

Dans son étude sur «Le mal et la douleur», Pierre Centlivres a énuméré les différents concepts qui désignent en français les formes de mal dans la vie humaine. Il y a moyen de présenter quelques formes de mal et de douleur comme elles sont exprimées dans les mélopées funèbres. Dans les chants de deuil ordinaires (Verbeek, 2001 : 5-8), ces réalités ont été déjà fort soulignées.

a) La mort

Il y a bien des expressions où les gens prônent l’importance unique et supérieure de la vie. Ainsi aussi dans les mélopées : Ikililwako fye mweo (Ce qui importe c’est seulement la vie) (91:12). Ainsi, on dit aussi de la mort qu’elle est méchante, qu’elle n’est pas bonne : Mwe bena bane mfwa tayawama (Mes frères, la mort n’est pas bonne) (178:26) ; Ikintu ubukulu mwe ba yaya imfwa yalikalipa (Une chose si grande, vous autres, mes chères, la mort est méchante) (197:3) ; Imfwa yalikalipa ndetalala shani pano fye (La mort est méchante, comment vais-je cesser de pleurer seulement ?) (197:4). La mort n’est pas bonne, mais on se console quand même en disant : Ala mwe bantu muye nshiku nkalyo mweyeye (Ô mes chers amis, au fil des jours je mourrai) (122:46) ; Tapali mushila kyashila kenyendo (Il n’y a pas de juré qui a juré de ne pas aller au cimetière) (123:63).

Les morts sont désignés comme ceux qui ont choisi de vivre au cimetière ; la pleureuse chante donc : Kuta fye amakyona yakyonene ku manda (Appelle un peu ceux qui ont choisi de vivre au cimetière) (164:4,9,14,19,26,32).

Ci-dessus il a été question de l’idée qu’on se fait des esprits des défunts et du cimetière.

Dans certaines circonstances il vaut mieux

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mourir. C’est quand la souffrance est exagérée et qu’il ne vaut plus la peine de vivre : Awe kukyula kumo no kufwa kwawama eeee mawe tefyo nyimba nebo (Non, certaines souffrances, c’est même mieux de mourir, pauvre de moi, c’est ainsi que je chante moi) et la pleureuse continue : Nyimba ti ukukyula kumo no kufwa kwawama eeee (Je chante en disant : il vaut mieux mourir que de supporter certaines souffrances) (72:46-47). Cet adage se répète souvent à travers les textes qui figurent ici. Une de ces souffrances qui justifie la mort, c’est la solitude : Nalimo kuti mfwe bwangu pa kyalo (Peut-être puis-je mourir vite ici-bas ?) Kanshi ngikyusha fye (Donc je me fais seulement souffrir) Iseni munshike ba ShiIlunga iseni munshike (Venez m’enterrer, papa de Ilunga, venez m’enterrer) Iseni munshike ShiKalilwa wangi (Venez m’enterrer, mon cher papa de Kalilwa) Peka pa iseni munshike nashala bunke ee (Venez m’enterrer ici-même, je suis restée seule) (196:33-37). Et encore : Mayo sa mumpoke pe sonde paba kitendwe (Maman, viens me prendre, ici-bas il y a l’ennui) (211:34).

La pleureuse invoque les parents défunts pour qu’ils viennent la chercher comme elle est restée seule : Natata onse ampandaule antwale ku kalunga (Que papa vienne aussi me dépecer tout entière et m’emmener au cimetière) Namayo onse ampandaule antwale ku kalunga (Comme ma mère aussi, qu’elle me dépèce et qu’elle m’amène au cimetière) (215:19-20). On voudrait qu’on montre l’échelle par où rejoindre les défunts (101:8,31).

Certaines morts sont très mauvaises et font pleurer amèrement. C’est le cas du décès du mari, pour une épouse qui compte totalement sur lui comme son soutien, par exemple, s’il a été pêcheur et procurait une belle vie : Ne wali muka kikato (Moi qui étais la femme d’un pêcheur) (200:7). Une mort cruelle est encore celle de la

mère car la fille devra maintenant cultiver seule : Mawe bwanshile namayo na ya bulimi (Ô le malheur que m’a laissé ma mère y compris celui de cultiver) (317:11).

La pleureuse, en exagérant sa douleur, s’imagine rappeler les défunts pour venir aider, pour venir donner conseil, pour rompre la solitude : Awe nebo ndafwaya shentele wakukosho mutenge (Non, moi je suis à la recherche d’un soutien pour fortifier la toiture) Awe nebo ndafwayo mwaume uukwete amano (Non, moi je suis à la recherche d’un homme intelligent) Mayo ukantumineko nangu ni yama ShiMusonda washinkilwa na bilungu (Mère, veuille m’envoyer soit mon oncle, le père de Musonda qui est retenu par les esprits) Nangu ni ba Petelo wa mu kipingo (Même si c’est Pierre de la Bible) Awe ntumineko nangu ni tata awe ese angafwilisheko imilandu pa kyalo (Envoie-moi soit mon père pour qu’il vienne me soutenir dans les problèmes du monde) (167:17- 21). Et encore : Mbwesesheko nangu ni tata Kaunda ka milimo (Renvoie-moi même mon père Kaunda le travailleur) Mawe ese ampeleko amano (Hélas, pour qu’il vienne me donner des idées) (167:34-35).

b) La sorcellerie

Très liée à la mort, comme sa cause fréquente ou habituelle, la pleureuse désigne la sorcellerie comme source de ce malheur. Comme termes qui servent à désigner le sorcier on a : mfwiti, ndoshi, muloshi. Mais dans les mélopées c’est rare qu’on utilise ces termes, comme le terme muloshi (147:15) ou mulozi (326), mfwiti (147:21), mulili (325:109).

On désigne plutôt l’activité par des termes comme kulowa (ensorceler), kulya (manger). Le sorcier est désigné par des termes comme kibanda (l’ogre), ou kabanda (la brousse),

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ou makubi (le vautour) ou les nzunji (gnomes; cf.

Mulumbwa Mutambwa-Verbeek, 1997 : 347), qui

«mangent les gens» ou qui «exterminent les gens»

(143:2 ; 196:128 ; 202:75 ; 221:comment. ; 297:11 ; 325:49-50 ; 327:32 ; 400:60 ; 278:19 ; 281:11), ou kombe (la mouche) qui fait pourrir les gens et les bêtes (83:13). C’est le mwansakabinga (le bandit) qui déterre les cadavres (101:53). Un adage, qui revient souvent, condamne le sorcier qui mange les hommes ou les enfants, et lui attribue un manque d’intelligence : We kilya baume takyaba na mano (Toi qui manges les hommes, tu n’as pas d’intelligence) (181:9 ; 237:58 ; 315:47 ; 323:37).

On recourt aussi à des expressions plus recherchées comme dans : Bamuteyo musoko bamulila ku mano (On l’a piégé puis mangé magiquement) (145:2). Ou bien en disant qu’on a coupé l’herbe lubamba dans la plaine (104:1), pour dire qu’on a tué quelqu’un de la famille. Ou qu’on a coupé les jambes à quelqu’un (89:20), pour dire qu’on a ensorcelé le soutien de la famille. On note aussi des formes particulières de sorcellerie : Ba mayo ba Pandapanda wakubapandile isengo (Ma mère Pandapanda, fais-toi sorcière, tu chercheras de la sorcellerie contre elle) (284:6). Il s’agit des fétiches en poudre dans une corne. Ou c’est le fétiche de la folie qui est cité (145:2) ou encore le fétiche de l’argent (377:2). La pleureuse se défend parfois de l’accusation éventuelle d’être sorcière (335:

expl.), surtout si elle est seule et âgée (39:29).

Dans la protection contre la sorcellerie on fait mention des fétiches, comme dans les malumbo de certaines personnes : Mambwe ya bwanga (Mambwe du fétiche) (177:43), Mufunga mwine bwanga (Mufunga propriétaire du fétiche) (261:6).

La pleureuse désigne naturellement le sorcier quand elle chante qu’on lui a enlevé la fécondité (305:7), ou qu’on lui a causé l’avortement (294:8 ; 295:53), qu’on a troué les intestins de son

enfant (185:2 ; 294:8), qu’on a tué son enfant et qu’elle est devenue solitaire (326:7-8), qu’on a tué sa compagne de chant (117:26 ; 123:53 ; 147:9).

Elle craint que le sorcier pourrait l’empêcher de chanter (328:22).

c) L’état d’orphelin et de veuve

Le malheur le plus grave, après la mort, c’est peut-être bien la solitude. Dans la vie il faut être à deux. C’est quand on est à deux qu’on aura du courage (27:31 ; 88:10 ;101:11 ; 127:22

; 136:25 ; 137:22). Seule on est facile à battre (123:44 ; 315:52). La pleureuse s’étonne donc si on est à deux et qu’on ne s’entend pas (123:8).

L’orphelin, l’enfant qui n’a plus de mère, est comme quelqu’un qui est abandonné dans la plaine (293:12), dans les pistes (307:17), qui n’a pas où aller ni où rester (255:9 ; 282:13- 14). C’est surtout cette dernière constatation qui est reprise comme un leitmotiv. Être orphelin c’est dur, on est condamné à la mendicité (160:9- 12 ; 167:12). La marâtre est comme un manioc replanté, comme on répète souvent (137:15). On dort dehors (174:20-21). Les orphelins, ce sont des êtres à part, comme on dit : Bana ba mufu kilangilwa beni (Les enfants d’un défunt sont des échantillons à montrer aux visiteurs) (137:37).

Quelqu’un qui se marie ayant déjà un enfant d’une autre union, fait de cet enfant un être aussi misérable qu’un orphelin (145:25).

La veuve, de son côté, a une situation peu enviable. Sa vie en est une de souffrance (27:11 ; 122:37 ; 334:explic.). Les textes sont trop laconiques pour savoir en quoi on fait consister leur souffrance.

d) La solitude

La solitude, en soi, indépendamment de la mort des proches, qui en est la source principale, est mauvaise aussi (118:77 ; 123:10 ; 174:4). On

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dit ainsi : Twapye lyemo lya bushimwa (Nous sommes frappées par la souffrance de la solitude) (307:89). Ubunke bwampesha na mano (La solitude me dépasse) (122:60). Kine bunke bulema (Vraiment la solitude c’est une infirmité) (03:8 ; 326:61 ; 351:90-91). On n’a plus les relations sociales normales. On dit : Matwi ya bunke kiletelwa na mwela (Oreilles de solitaire qui ne reçoivent que du vent) (92:22). Ubunke bwipaya nama tabusenda (La solitude tue une bête mais elle ne la transporte pas) (288:8-10). On est aussi condamné à la mendicité (335:2). L’orpheline devra dorénavant piler seule (55:109). Comme les pleureuses expriment plus spécialement le sort des femmes, elles soulignent nécessairement la particularité que la solitude revêt pour les femmes.

A plusieurs reprises on les entend dire que rester seules, pour elles, c’est devenir folles (120:51,113

; 138:55 ; 291:4) et survivre seule c’est mauvais, disent-elles (112:68).

La mort est particulièrement malheureuse quand on reste seule pour élever l’enfant de la défunte (87:9,11). Ainsi on condamne le mari défunt pour avoir abandonné les enfants (36:15). Pire encore si on reste seule avec l’enfant de sa mère (123:48 ; 137:2,8,13). Et le pire est si l’on perd son enfant unique ; partout on sera seule pour faire ses travaux (207). Vous n’aurez personne pour vous enterrer (188:37).

e) La stérilité

Un malheur fort proche de celui qui vient d’être considéré ci-dessus, c’est celui de la femme qui est stérile ou qui perd tous ses enfants.

A la longue, elle connaîtra nécessairement la solitude.

Les femmes désirent enfanter : Kamfyalepo mwana (Ô que je mette au monde un enfant) (66:36

; 112:44 ; 174:65). Il est normal d’avoir au moins un enfant : Akana kaliweme mwisamba lya kyalo

(C’est bien d’avoir un enfant sur terre) (101:5) ; Kufyala busambashi (Avoir des enfants est une richesse) ; Mawe nga taufyele wamona lyemo (Non, si tu n’as pas d’enfants, tu connais la souffrance) (122:29-30 ; 349:20).

Les pleureuses mentionnent souvent la stérilité (71:16 ; 134:54 ; 169a ; 171:40-43 ; 311:38 ; 317:18) ; c’est une cause de pleurs : elle est une malédiction (97:11) ; sans enfant Dieu va vous chasser (322:20). C’est un grand malheur de ne pas avoir un enfant (188,1-18).

Quand on est stérile, on ne pourra manger que les arêtes (150:21). On croit que chez les femmes stériles les doigts s’allongent (233:1,5,6) et qu’elles ne meurent pas vite (384:6).

La chanson 169b contient trois vers qui expriment bien le souci de la femme stérile : Mayo ne kakatangisha nshila banensu bantangisha bana (Maman, moi qui fais devancer toujours le chemin, mes compagnes font devancer les enfants) Kabili mayo ne kangumba mulila kupapa (Et moi donc la stérile qui veux enfanter) Mayo ne kakifilwa kyafilwa banganga (Maman, moi la ratée avec qui les devins ont toujours échoué) (169b:21-23). La femme stérile a honte en voyant ses amies avec leurs enfants, elle voudrait enfanter, elle a consulté les devins, mais sans succès. La stérilité est causée par la malveillance humaine, par le sorcier ; c’est pour cela qu’on consulte le devin (180:7). Dans son désespoir elle s’exclamera que par manque d’un enfant elle portera au dos le petit du crocodile (204:54).

Toutefois, il vaut mieux ne pas avoir un enfant que d’en avoir un qui est fou ou bossu (122:41 ; 42:15-16). Aussi avoir un seul enfant ne vaut pas mieux que de n’en avoir aucun car on n’est jamais tranquille (51:61 ; 196:16,19 ; 196:16,19).

Et si l’on ne profite pas de son enfant, la maternité est déconsidérée (270:2-6). Ce n’est pas bien non

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plus quand il n’y a que des filles dans un mariage (90:22). Ainsi la maternité n’est pas toujours bonne et idéale (199:7).

f) Tensions au sein de la famille

Ci-dessus plusieurs situations familiales ont été déjà évoquées comme étant des sources de souffrance, tel le fait d’être orphelin ou d’être veuve, et les accusations de sorcellerie à l’intérieur d’une même famille.

D’autres préoccupations sont encore exprimées par les mélopées. Les femmes sentent un grand besoin d’être soutenues par des hommes.

Si il n’y a ni frères ni mari, la femme est à plaindre (35:50 ; 307:12 ; 171:10). Pour une femme c’est nécessaire d’avoir un mari (66:5 ; 209:19). Le premier mari est souvent cité et avec beaucoup de respect ; c’est le mari de la virginité et ce mariage est pour toujours (36:17). Pour une femme c’est mauvais de rester célibataire et on préfère accepter un petit mari plutôt que de continuer éternellement à souffrir dans le célibat (87:23). La femme mariée est fière. La pleureuse l’exprime dans un langage imagé : Taumwene bali na baume pa kwenda matangala ngombe (Ne vois-tu pas que celles qui ont des hommes marchent à pas pesants comme des vaches) (271:9). Les célibataires au contraire ont un comportement impoli (120:178).

La femme a aussi besoin d’un frère, d’au moins un. Manquant de frère elle est comme une esclave (115:36 ; 120:38). Si elle n’en a pas, elle demande à quelqu’un qui en a, comme une chose absurde, de lui en vendre un (276:11).

La conclusion qui s’impose est que la femme se sent mal à l’aise dans sa peau. C’est comme si elle voulait changer de sexe, quand elle chante : Tuli banakashi kine (Nous sommes des femmes vraiment) Nga tuli baume kine (Si nous étions des hommes vraiment) Fwebo tuli

banakashi baipela (Nous sommes des femmes qui se donnent). Elle se qualifie comme «la femme au pagne» (274:12; 287:9 ; 294:36). L’homme est celui qui est intelligent ; les pleureuses le chantent souvent (24:169 ; 45:7 ; 167:18 ; 174:52 ; 241:169 ; 282:41). La femme ne l’est pas (280:10). Un homme qui n’est pas intelligent n’est pas un homme (112:23). L’homme est le défenseur du foyer (24:255) ; il est le pilier qui soutient le toit (300:19- 20 ; 177:29 ; 167:17) ; il est le responsable de la maison et des travaux (45:17).

Si la relation mari-épouse est décrite d’une façon assez idyllique, les pleureuses reconnaissent que, dans le concret, elle n’est pas toujours aussi idéale (325:80,114). Et en général, à la mort de la mère, les relations familiales s’enveniment (317:180- 181,185-186).

Pour exprimer la relation avec la mère il y a un vers très concis : Nangu kote ukolanguluka noko (Si vieux sois-tu, tu te souviendras de ta mère) (90:14). La différence, du point de vue humain, entre le garçon et la fille est bien exposée par la pleureuse de la mélopée 289, dans son commentaire. La fille pleurera sa mère parce qu’elle a du sentiment, le garçon au contraire tient du côté de son père et n’a pas de sentiment, il est dur.

A propos de la polygamie, les mélopées ne disent pas grand chose : le principe est que celles qui se marient dans la polygamie ne sont pas intelligentes (322:16) et on n’y fait jamais du bien (351:18).

La cadette, de son côté, se met aussi en évidence dans certaines mélopées (253, 259, 264, 273, 323, 326, 332). En langue bemba le terme est kabinda, mais dans les mélopées on construit un ilumbo en disant kabinda mukala ngongo, ce qui signifie, en kisanga : le «cadet dernier de la bosse», donc le fruit de la dernière grossesse. Son statut ne comporte pas de problèmes particuliers.

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Les devises ou malumbo

Parmi les éléments qui constituent principalement les mélopées, il y a les malumbo, pluriel de ilumbo qu’on traduit par louange. Le terme technique en français serait «devise» ou en anglais praise name. Le terme français

«devise» fait hésiter quelque peu car les malumbo forment d’habitude l’ensemble d’un substantif, nom propre ou nom d’objet quelconque, et un qualificatif, souvent une épithète homérique. Au contraire, ce qu’on nomme devise en français, est souvent un dicton formé par une proposition concise et quelque peu énigmatique, dans le genre de luctor et emergo, exprimant une pensée, un sentiment, un mot d’ordre, une règle de vie ou d’action. Nous utiliserons donc le terme ilumbo, malumbo.

Les malumbo forment un genre littéraire qui a été étudié pour plusieurs populations de l’Afrique australe (R. Finnegan, 1978 : 111-146, 470-477 ; C. Hodza, 1982 : 206-221 ; G.T. Nurse : 1978) et centrale (C. Faik-Nzuji M., 1976, 1984

; Mpandanjila Bateente M., 1986 ; Kalala Nkulu, 1992 ; T.J. Theuws , 1962). Pour la zone bemba, les malumbo ont été étudiés surtout en liaison avec le système clanique. Pour les Babemba proprement dits, Audrey Richards a analysé ce système avec le corollaire du joking relationship (relation à plaisanteries). J.M. Doucette (s.d.) a étudié les différents aspects du système clanique chez les Bemba, entre autres les malumbo de chaque clan. Il en donne le texte bemba et la traduction anglaise. Les clans qu’il traite correspondent en bonne partie à ceux de la région du Luapula, mais les malumbo des clans bemba ont peu en commun avec ceux des riverains dont nous donnons les mélopées funèbres lesquelles contiennent de nombreux malumbo. C’est le cas aussi pour le livret de Musonda M. Chitula (1989)

qui donne les malumbo de plusieurs noms de personnes mais il n’y a pas de correspondance avec ceux du Luapula. C. Doke et B. Stefaniszyn ont étudié, pour deux groupes ethniques de la zone bemba, respectivement les lamba et les ambo, le système clanique, avec un accent spécial sur la relation à plaisanteries. Mais ils ne traitent pas des malumbo, tout simplement parce que ce phénomène n’est pas développé dans ces groupes, tout comme les mélopées funèbres du Luapula n’y sont pas pratiquées.

Pour la région couverte par notre publication, le système clanique et le phénomène des malumbo ont été décrits avec beaucoup de précision. Il y a tout d’abord I. Cunnison (1959 : 62-82) qui analyse tous les aspects du système clanique et également le phénomène des malumbo, pas spécifiquement en rapport avec les mélopées funèbres mais dans l’ensemble de la vie de société. Il ne donne pas les textes des malumbo en question. La publication de ceux-ci a été réalisée par M.Chinyanta et C.J. Chiwale (1989 : 103-116). Pour environ deux cents quinze noms de clans et de personnes ils présentent le texte des malumbo, sans traduction. Ceux-ci correspondent en grande partie à ceux qui se rencontrent dans les mélopées funèbres du recueil étudié ici (Annexe I).

Quant à notre recherche, nous avons fait enquêter sur les malumbo de manière marginale.

D’abord, dans la botte de Sakania, ensuite dans la vallée du Luapula et sur les Kundelungu, l’enquête a été menée sur l’histoire des différents chefs et clans qui peuplent la région. A chaque occasion il a été demandé de citer les malumbo des chefs du passé et des clans, ainsi que d’expliquer ces textes souvent énigmatiques. Lors de l’enquête sur les chefs, on s’est aussi renseigné sur leur clan : le nom, l’origine, les clans à plaisanteries, les devises du clan, les anthroponymes

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