HAL Id: jpa-00207223
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Submitted on 1 Jan 1972
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Cent ans de Journal de Physique
J. Langevin
To cite this version:
J. Langevin. Cent ans de Journal de Physique. Journal de Physique, 1972, 33 (1), pp.1-8.
�10.1051/jphys:019720033010100�. �jpa-00207223�
1
LE JOURNAL DE PHYSIQUE
CENT ANS DE JOURNAL DE PHYSIQUE
J. LANGEVIN
Pour marquer le centenaire du Journal de
Physique
nouspublions
ci-dessous un article de M. JeanLangevin, qui
retrace l’histoire du Journaldepuis
safondation.
Monsieur J.
Langevin
aoccupé pendant
delongues
années le poste de Rédacteur enChef au Journal,
de1929 à 1969. Sa tâche était
multiple,
allant de laréception
desarticles jusqu’à
leur mise en pages, etil l’accomplis-
sait avec un dévouement inlassable.
Nul mieux que lui n’était
qualifié
pourévoquer
lepassé
du Journal dePhysique, qu’il
a si bien connu etauquel
il reste tellement attaché.Résumé. 2014 Le Journal de Physique, fondé en 1872 par Joseph Charles d’Almeida, a été le premier
périodique
consacré exclusivement à la physique. De 1872 à 1900, les efforts de ses rédac- teurs ont portéprincipalement
sur la documentation, et les analyses des mémoires sur la physique publiés dans les revues du monde entier y ont paru régulièrement jusqu’en 1940, date de fondation du Bulletin Analytique du C. N. R. S.Depuis 1900, la place des articles originaux a constamment augmenté et, en 1968, leur publica-
tion et celle des communications aux Colloques patronnés par la Société Française de Physique
sont devenues les seules activités du Journal.
Parti de 416 pages de 2 000 caractères en 1872, le Journal de Physique en a publié, en 1970, plus
de 3 000 comptant chacune 6 000 caractères, qui ont été distribuées à 3 440 abonnés, dont 1 100
à l’étranger.
Les 102 volumes parus du Journal de Physique (3 volumes supplémentaires ont été consacrés
au grand congrès de 1900) reflètent fidèlement la vie de la physique pendant un siècle.
Abstract. 2014 The Journal de Physique, when founded in 1872 by Joseph Charles d’Almeida,
was the first review exclusively devoted to physics. Between 1872 and 1900, its editors concentrated their effort on documentation and published regularly, up to 1940, abstracts of physical papers from the whole world.
With the increase, since 1900, of the number of original papers, the activity of the Journal de
Physique was limited in 1968 to their publication together with that of the proceedings of the
conferences sponsored by the Société Française de Physique.
Started with 416 pages of 2 000 types in 1872, the Journal de Physique published in 1970 over
3 000 pages of 6 000 types, distributed to some 3 440 subscribers, 1 100 of whom out France.
The published volumes of the Journal de Physique reflect accurately the life of physics during this
last century.
Introduction. - Le
premier
numéro du Journal dePhysique, théorique
etappliquée,
a paruen janvier 1872,
sous la direction de
Joseph
Charlesd’Almeida,
assistéd’une
équipe
de 27physiciens [1].
Notrejournal
vientdonc d’avoir cent ans : cela
justifie
un coup d’oeil surson histoire.
Malgré
songrand âge, beaucoup
de revues scienti-fiques
l’ontprécédé :
enFrance,
les Annales de Chimie et dePhysique, qui
datent de1816,
enAllemagne
lesAnnalen der
Physik
andChemie,
apparues huit ansplus tard,
en1824,
ainsi que lesComptes
Rendusd’anciennes confréries ou associations
scientifiques,
comme ceux de notre Académie des
Sciences, qui
conservent leur forme actuelle
depuis
1835.Tous
cespériodiques
ontpublié,
avant leJournal,
des mémoires sur la
physique,
mais il est, à notreconnaissance,
lepremier
au mondequi
ait été consacré exclusivement à cette science : lesProceedings
of thePhysical Society
ne sont nésqu’en 1877,
laPhysical
Review en
1898,
laPhysikalische
Zeitschrift en1899,
les Annalen der
Physik
en1900,
les Annales dePhy- sique
en 1914 et la Zeitschrift fürPhysik
en 1919.Le fondateur. - La
personnalité
du fondateur du Journal dePhysique, Joseph
Charles d’Almeida(Paris, 1822-1880)
méritequ’on s’y
arrêtequelques
instants. C’était un homme
original, curieux,
et excep- tionnellement actif. Il avoyagé beaucoup plus qu’il
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphys:019720033010100
2
n’était habituel de le
faire,
en sontemps,
pour unprofesseur
deLycée.
Il est aux Etats-Unis en1862, pendant
la guerre deSécession, puis
va enAutriche, Allemagne, Suède, Norvège, enfin,
en1869,
enEgypte,
où il
assiste,
avecBalard, Berthelot,
Jamin etMarey,
àl’inauguration
du Canal de Suez.Membre,
en1870,
du ComitéScientifique
de laDéfense
Nationale,
il a,pendant
lesiège
deParis,
donné l’idée des microfilms etessayé
d’établir descommunications avec l’extérieur par un
procédé
detélégraphie qui
utilisait la Seine comme conducteur.Sa thèse sur la
décomposition
par lapile
de selsdissous dans
l’eau,
trois notes auxComptes
Renduset un
article,
avec MarcellinBerthelot,
sur lagradua-
tion de l’aréomètre
Baumé,
ne constituent pas une oeuvrescientifique originale
depremier plan.
Il fautsans doute accorder
plus d’importance
à sonenseigne-
ment, de 1852 à
1874,
auLycée
HenriIV,
et à lapubli- cation,
avec soncollègue Boutan,
membre du Comité de fondation duJournal,
d’un Cours Elémentaire dePhysique longtemps classique,
mais ses contributionsprincipales
audéveloppement
de la science ont certai-nement été la fondation du Journal de
Physique
etaussi,
en1873,
avecCornu,
Gernez,Lissajous
etMascart,
celle de la SociétéFrançaise
dePhysique,
dont il
fut,
avec Fizeau commeprésident,
lepremier
secrétaire
général.
La croissance de la nouvelle société fut
rapide :
de200 membres en
1874,
elle passa à 500 en1880 ;
le maintien d’uneprogression
linéaire au même tauxjusqu’à
nosjours
donnerait à notre S. F. P. les 5 600membres que nous lui souhaitons.
D’Almeida
organisa
pour la Société une biblio-thèque
circulantequi
ne survécutguère
à soncréateur,
et institua les réunions
générales
annuellesqui
setenaient habituellement
pendant
les vacances scolairesde
Pâques,
avecprésentation d’appareils
etd’expé- riences,
etqui
sont àl’origine
del’Exposition
actuelle.Nommé
Inspecteur
Général de l’InstructionPublique
en
1876,
d’Almeida mourut en 1880.Pourquoi
le Journal dePhysique ? -
En1872,
lesphysiciens français disposaient,
sans compter lesrevues locales
d’Ecoles,
d’Académies oud’Universités,
de deuxpériodiques importants,
lesComptes
Rendus del’Académie des Sciences et les Annales de Chimie et
de
Physique. Pourquoi
ses fondateurs ont-ilséprouvé
le besoin de lancer le Journal de
Physique ?
En
premier lieu,
lesComptes Rendus,
comme lesAnnales, publiaient
surtout des mémoiresoriginaux
relatant un travail de leurs auteurs. Ils se souciaient peu de donner sur la
physique
encréation,
chez nouset dans le
monde,
la documentation d’ensemble dontnos
enseignants
comme noschercheurs,
etparticu-
lièrement
d’Almeida,
très ouvert surl’étranger,
sen- taient la nécessité. D’autrepart,
les Annales de Chimie et dePhysique,
héritières des anciennes Annales deChimie,
étaient sans doute un peu trop orientées verscette dernière science pour satisfaire entièrement des
physiciens :
dans lepremier
fascicule de1872,
sur21
articles,
18 lui sontconsacrés,
contre 3 seulementà la
physique. Enfin, après 1870-71,
le désir deréparer
les
dégâts
des « années terribles », de rénover et dedévelopper
leur pays, a été ressenti par lesphysiciens français
comme, àl’époque,
par laquasi-totalité
deleurs
compatriotes.
Le programme des fondateurs est
indiqué
pard’Almeida,
en tête dupremier numéro,
dans un édito- rial où il propose pour mission au Journal de :«... donner une
impulsion
nouvelle à l’étude de la« physique, en
exposant les théories lesplus
récentes ou« les moins connues ; décrire les
expériences
sur les-« quelles
elles reposent,indiquer
les moyens lesplus o faciles de
lesrépéter....
Ils(les fondateurs) espèrent
« intéresser
quiconque possède
lesprincipes
de la science,« vivfier l’enseignement,
exciterl’esprit
de rechercheo et provoquer des découvertes... » Ils sont mus par :
«... l’amour de la science et l’amour du pays... » et
« veulent : «... pour leur part, contribuer au
développe-
« ment
des forces
intellectuelles et morales de la France, o par leur travail et par l’union désintéressée desefforts
« communs ».
La réalisation : PREMIÈRE PÉRIODE, 1872-1901. - Le programme est immédiatement mis en oeuvre, d’abord
sous la direction du fondateur. Dès
1878,
il partagecette direction avec E.
Bouty,
A.Cornu,
E. Mascartet A.
Potier ; quand
il meurt, en1880,
il estremplacé
par G.
Lippmann.
Dans les fa3cicules des trois
premières
séries dedix volumes
annuels,
la documentation estprépon-
dérante. Tout ce
qui paraît
estanalysé :
enFrance,
les C. R. de l’Académie desSciences,
les Annales de Chimie et dePhysique ;
àl’étranger,
lesProceedings
dela
Royal Society,
lePhilosophical Magazine, Nature,
les Annalen derPhysik
undChemie,
les C. R. del’Académie des Sciences de
Vienne,
de l’Académie deStockholm,
les Archives des SciencesPhysiques
etNaturelles de
Genève,
l’American Journal of Science andArts,
les WiedemannsAnnalen,
le Journal de la SociétéPhysico-Chimique Russe,
d’autres encore.La
vigilance
et laperspicacité
del’équipe
du Journalsont démontrées par la lecture de la liste des auteurs des articles
analysés, qui
contient les noms de tous lesphysiciens
de valeur de la fin du x,xe siècle[2].
Le Journal ne
publiait
pas seulement desanalyses.
Les trois
premiers
articles dupremier fascicule,
ceux de Cornu sur les mesuresélectrostatiques,
de Mascartsur
l’application
du spectroscope à l’étude desphé-
nomènes
d’interférence,
celui de Sainte ClaireDeville,
intitulé «Expériences
sur la dissociation et leschange-
ments d’état », sont des
exposés généraux,
etbeaucoup
d’autres
suivront,
dont certains auront faitl’objet
deconférences devant la Société de
Physique.
L’histoire des sciences n’était pas oubliée : d’Almeida lui-même donne une « Note sur le
principe
d’Archi-mède ».
La mission du Journal était en bonne voie : il tenait les
physiciens français
au courant des « théories lesplus
récentes et les moins connues », Il a certainement contribué à cetteépoque,
dans unelarge
mesure, àpréparer
la renaissance de laphysique française qui
s’amorce
après
1880.Le
congrès
de 1900. - A la fin de cettepremière période
se tint àParis,
dans le cadre del’Exposition,
Universelle de1900,
leplus important congrès
dephysique
réunijusqu’alors.
Il rassemblaitplus
de800
participants.
Parmi lesétrangers
dequelque
noto-riété,
aucun nemanquait,
et tout cequi,
enFrance,
touchait à laphysique
était là.Le Journal
publia
en troisvolumes,
brillantsprédé-
cesseurs de ceux consacrés
depuis
auxColloques,
lesComptes
Rendus duCongrès :
on y trouve le meilleur tableau que l’onpuisse présenter
de l’état de laphy- sique
à la fin du siècle dernier.Le
premier
volume débute par le rapport d’Henri Poincaré sur les « Relations entre laphysique expéri-
mentale et la
physique mathématique
». Lapremière phrase
en est cettemagnifique, catégorique profession
de foi : «
L’expérience
est la sourceunique
de la vérité. » Venant duplus grand
mathématicien del’époque,
d’une des
plus
vastesintelligences
quel’espèce
humaineait
jamais produite, quel
encouragement pour lesphysiciens !
Viennent ensuite des
exposés
de Violle et M. Brillouin(sur
la vitesse duson),
de VanT’Hoff,
J.
Perrin,
G.Lippmann, Amagat,
Van derWaals, suivis,
dans le deuxièmevolume,
de ceux de LordKelvin,
de M. Wien(sur
la loi durayonnement),
deRydberg (sur
les séries de raiesspectrales),
de Rubens(sur l’infra-rouge),
dePoynting (sur
lapropagation
del’énergie électro-magnétique),
de S. Arrhénius(sur
lessolutions
électrolytiques),
et d’unediscussion,
par Cornu et H.Abraham,
des déterminations de la cons- tante c.Enfin,
le troisième volumeprésente
un rapport de H. A. Lorentz sur la théorie desphénomènes magnéto-optiques,
suivid’exposés
de P.Drude,
P. etM.
Curie,
P.Villard,
J. J.Thomson, Boys,
Eôtvôs etJ. C. Bose.
Jamais
pareil
ensemble d’écrits de maîtres aussiéminents n’avait été
rassemblé,
ni ne l’a étédepuis.
La direction du Journal n’avait pas
manqué
uneoccasion
unique
de faire exposer par leurs auteurs eux-mêmes «... les théories lesplus
récentes... ».DEUXIÈME PÉRIODE : 1902-1911. - Elle a vu
paraître
les dix volumes de la 4e
série,
pourlesquels l’équipe
des directeurs
s’adjoignit,
de 1905 à1911,
L. Poincaré et, en1906, quelques
mois avant sa morttragique,
P. Curie. A
partir
de1911,
le Journal devint officielle- mentpublication
de la SociétéFrançaise
dePhysique,
et Amédée Guillet en eut la
responsabilité jusqu’en
1919. Il
continua, grâce
à uneéquipe
dévouée d’extrac- teurs, à fournir une abondante et excellente documen-tation,
mais les articles relatant des travauxoriginaux prirent
uneplace
croissante. L’éventail dessujets
étaittrès
étendu,
allant de laphysique biologique,
avecl’article de H.
Becquerel
et P. Curie sur l’actionphysio- logique
duradium,
auxmathématiques,
avecl’exposé
de J. Hadamard sur les « Problèmes aux limites dans les
équations
aux dérivéespartielles
», enpassant
parl’astrophysique,
avec les travaux de Baillaud sur lamesure de la
grandeur photographique
desétoiles,
et de La Baume-Pluvinel sur le spectre de la couronne solaire.
C’est dans cette même série que l’on trouve
(entre beaucoup d’autres,
mais on ne peut toutciter)
l’ar-ticle de Cotton et Mouton annonçant leur découverte de la
biréfringence magnétique,
celui de Weiss et K. Onnes sur lespropriétés magnétiques
aux trèsbasses
températures ;
un autre, de P.Langevin,
surl’étude du
champ
de l’électronaccéléré, qui précède
de
plusieurs
mois lepremier
mémoire d’Einstein surla
relativité,
et dont la conclusion est :« L’énergie
rayonnante, que lechamp
extérieur doitégalement fournir,
n’est pas contenue dans les lois de ladynamique classique,
etobligerait
à lesmodfier,
si lapetitesse
del’énergie rayonnée
par rapport àl’énergie
dechangement
de vitesse ne rendait cette correction
inappréciable
dans les cas
expérimentaux (février 1905, 4, 165).
Les
exposés plus généraux
nemanquent
pas nonplus
dans ces volumes où sontpubliées,
parexemple,
les conférences faites devant la Société de
Physique
par Jean Perrin sur le mouvement
brownien,
parPoynting
sur lapression
deradiation,
par Nernst surles chaleurs
spécifiques
aux bassestempératures.
La
physique appliquée
estdignement représentée
par les pages où Grassot décrit le
fluxmètre, Georges
Claude sesprocédés
deliquéfaction
et deséparation
des gaz, et le
capitaine
Ferrié la T. S. F.Pour
compléter
leur formation enapprenant
combienl’autocritique
est nécessaire auphysicien,
nos
jeunes
chercheurs pourront aussi lire avecprofit,
dans les volumes de 1903 et 1904 du Journal et des autres
périodiques français,
les nombreux articlesconsacrés,
par des gens que les lauriers deRôntgen,
de
Becquerel
et des Curieempêchaient
dedormir,
aux
imaginaires Rayons
N.Le radium. -
Après 1900,
une sorte de convention tacite s’était établie peu à peu entre les directions despériodiques français
dephysique.
AuxComptes
Rendusfiguraient,
commeactuellement,
de courtes notes destinées à annoncerrapidement
unrésultat,
mêmepartiel.
Le Journal dephysique contenait,
en dehors desanalyses bibliographiques,
des articles sur unerecherche
plus complètement développée. Enfin,
lesAnnales de Chimie et de
Physique commençaient
àse
spécialiser
dansl’impression
desthèses,
et aussid’exposés importants
d’un ensemble de travaux,comme ceux de Mme Curie sur la radioactivité en
1903,
de P.Langevin
sur la théorie dumagnétismè
en 1904 et, en
chimie,
ceux de G. Urbain sur les terres rares ou de Sabatier et Senderens sur les méthodesd’hydrogénation
par les métaux divisés.4
La
production
deschercheurs,
en France etailleurs, augmentait
sirapidement
que certainspensèrent qu’elle pourrait
alimenter un nouveaupériodique.
En 1904 parut la revue Le Radium
[3],
enprincipe
consacrée aux nouvelles branches de la science que constituaient l’étude de la
radioactivité,
celle des rayonnements récemment découverts et celle de leursapplications
enchimie, biologie, médecine,
etc...Elle ne tarda pas à déborder
largement
ce domaine.On y trouve en
effet,
à côté d’articles sur la radioacti- vité deCurie, Laborde, Aston,
J. J.Thomson,
Ruther-ford, Soddy, Bragg, Szilard,
despublications
sur dessujets
bienéloignés
de ceux quesuggère
sontitre, telles,
parexemple,
en1908,
celle de J.Becquerel
etK. Onnes sur les
propriétés
des cristaux aux très bassestempératures,
en 1909 celles de E. Bauer sur le rayon-nement
thermique
des flammes et de G. Urbain surles terres rares, en 1911 celle de A. Cotton sur l’effet
Doppler-Fizeau
et la vitesse radiale du Soleil.Quelques
annéesaprès
safondation,
le Radium ne sedistinguait guère
des autrespériodiques
dephysique, auprès desquels
il tenait uneplace
fort honorable.La
première
guerre mondiale. -Jusqu’en 1914,
le Journal continua à se
développer :
de 416 pages en1872,
il étaitpassé,
en1913,
dernière année depaix,
à1140. La guerre
bloqua
cet essor : lesphysiciens
enactivité furent
mobilisés,
leurs travauxinterrompus.
A
partir
de1915,
lesaînés, qui
servaient dans les unités degardes-voies
de communication de l’arméeterritoriale,
etquelques-uns
des moinsâgés qui
avaientsurvécu aux
premiers combats,
furentrappelés
dansdes laboratoires travaillant pour la défense nationale.
Si certaines de leurs recherches
apportèrent quelques
« retombées » utiles à la science
(développement
de lalampe
à troisélectrodes, production
des faisceauxd’ultra-sons,
parexemple),
laproduction scientifique
du pays resta néanmoins très faible et, comme les résultats
susceptibles
d’utilisation militaire étaient naturellementgardés
secrets, lapublication
scienti-fique
fut presque totalementinterrompue.
Pendantles trois années
1914, 1915
et1916,
le Journalimprima
en tout 304 pages,
soit,
par an, moins du dixième du volume de1913,
et 232 pages pour l’ensemble des années 1917 et 1918.La
paix
revenue, l’activitéscientifique
se rétablitlentement. Les
physiciens français
avaient fourni leur terrible part des sacrifices de la nation. Si les savantsâgés
deplus
de 40 ans à la mobilisation avaient engrande majorité survécu, beaucoup
de ceuxqui
auraient dû se
joindre
à eux,puis
leursuccéder,
avaientété tués
[4].
Le nombre des blessés était encoreplus grand
et tous les démobilisés avaient un difficile effort deréadaptation
à fournir.La refonte de 1920. - La
production
de nos cher-cheurs ne suffisait
plus
à alimenter lespériodiques
exis-tants. D’autre part la
dévaluation,
ladispersion
deleurs
abonnés,
l’ensemble desséquelles
de la guerre,avaient mis les sociétés éditrices du Journal de
Phy- sique
et du Radium dans une situation difficile.Une
réorganisation s’imposait :
un groupe dephysiciens l’entreprit
en1920,
en réunissant « Le Journal dePhysique
et le Radium » en une seule revue, dont le titre a puparaître
bizarre à nosjeunes collègues
des années 60. Leurs aînés trouvaient naturel de ne pas laisser tomber dans l’oubli une
publication
- LeRadium -
qui
avaitmarqué
unegrande époque
dela
science,
et àlaquelle
avaient collaboré les savants lesplus
illustres de toutel’Europe.
Le nouveau « Journal de
Physique
et le Radium »était édité par une société anonyme
[5]
constituée à ceteffet,
aucapital
de 300 000 francs 1920qui, malgré
lespremières dévaluations,
valaient à peuprès
nosnouveaux francs actuels. Les actions de cette
société, qui
n’ont évidemmentjamais rapporté d’intérêts,
ontété souscrites par ceux des
physiciens
del’époque qui pouvaient disposer
d’un peud’argent.
Les liens entrele nouveau Journal et la Société
Française
dePhysique qui
en patronna lapublication
et le distribua à sesmembres,
furentprécisés
dans les statuts. Au cours des années, la S. F. P. hérita d’ungrand
nombre d’actions duJournal,
et devint sonprincipal
actionnaire.Paul
Langevin
fut nommé directeurscientifique
dupériodique
remis à flot. Dans l’avertissementqu’il
écrivit en tête du
premier
fascicule(janvier-juillet 1920),
on peut lire :
« Dans
l’esprit
de ceuxqui
auront àrédiger
le nouvel« organe, son but essentiel sera de
représenter,
dans ses« diverses
manifestations,
l’activité desphysiciens
de«
langue française
et desétrangers qui
voudront bien« nous honorer de leur
collaboration,
et de leurfournir,
« au
point
de vuebibliographique,
lesinformations
« abondantes et
rapides
dont ils ont besoin... Nous« ferons également
unegrande place
à une autreforme
« de
documentation,
celle desexposés
d’ensemble et« des mises au
point
sur desquestions importantes
et« actuelles... »
Les
objectifs
des fondateurs étaientrepris,
maisl’accent mis sur la demande de manuscrits
originaux, qui
nemanquèrent
pas. Il n’en fut pas de même des mises aupoint :
on ysuppléa
enpubliant,
commepar le
passé,
desexposés présentés
devant la Sociétéde
Physique,
enparticulier
par des invitésétrangers.
Signalons
aussi que la rédaction du Journal collabora à l’édition de certaines des « ConférencesRapports » publiées
par la Société dePhysique.
J.
Blondin,
etaprès
lui sonfils,
M.Blondin,
assurè- rent, en même temps que celle de la Revue Généraled’Electricité,
la direction administrative du Journal.Aidé,
pour laDocumentation,
par L.Brillouin, puis
par L.
Bloch,
G. Hache remit en route lapublication ;
le
signataire
de ceslignes
lui succéda en1929,
MadameR. Lucas
participant
au travail de la rédaction. Lepersonnel comprenait
aussi uneemployée
à tempscomplet,
MadameLyonnet
de 1920 à1954, puis
Madame Varloteau de 1954 à
1969 ;
à la foisdactylo-
graphe, téléphoniste, chargée
ducourrier,
de la tenuedes
dossiers,
de larépartition
desépreuves,
desclichés,
de toutes les
besognes
courantes de la vie d’unpério- dique,
elle nemanquait
pas de travail dans le bureau que l’Ecole dePhysique
et de Chimiemettait,
rueVauquelin,
à ladisposition
de la rédaction du Journal.La
période
entre les deux guerres(1921-1939).
-Le « Journal de
Physique
et le Radium » connut undéveloppement rapide.
Sa croissance ne fut pas uni- forme : les troischangements d’imprimeur provoquèrent
des accumulations de
copie qu’il
fallut ensuiterésorber,
d’où
quelques
creux et bosses dugraphique, mais,
dans
l’ensemble,
laprogression
fut nette. Parti de 488en
1920,
le nombre annuel de pagesdépasse
1 000 en1922 et arrive tout
près
de 1 900 en 1932. En1938,
iln’est
plus
que de1 400,
mais c’estquand
même uneaugmentation
car, en1934,
le format a étéchangé
etles pages,
imprimées depuis
sur deuxcolonnes,
contiennent
plus
de deux fois autant de texte que celles des volumesprécédents.
La
documentation, publiée
àpartir
de 1930 encollaboration avec la Société de
Chimie-Physique,
continue à occuper une
place importante,
mais la part des articlesoriginaux
augmente ; sur la demande desorganismes
internationaux dedocumentation,
unrésumé est
placé,
àpartir
de1924,
en tête de chacun d’eux.Plus encore que leur
nombre,
laqualité
des articles montre lerapide
rétablissement de laphysique
fran-çaise après
1920. Des thèses degrande valeur,
comme celle de Louis deBroglie (1925) qui
fondait la méca-nique ondulatoire,
celles aussi de L.Brillouin,
deI. Curie
(1925 également),
de P.Auger (1926),
R. Lucas
(1928),
F. Perrin(1929),
L. Néel(1932),
A. Kastler
(1936) paraissent
aux Annales dePhysique,
mais leurs auteurs
publient
toute la suite de leurs travaux au Journal oùfigure aussi,
dans le volume de1934,
l’article de F. Joliot et I. Curie sur la découverte de la radioactivité artificielle.A ces
publications s’ajoutent
celles que continuent àproduire
lesphysiciens
de lagénération précédente :
dix de Marie
Curie,
six de PierreWeiss,
une deG. Friedel - et bien d’autres - entre 1920 et 1934.
La deuxième guerre et
l’occupation.
- Le volumede 1938 du Journal montre l’aboutissement de l’évo- lution commencée en 1920 et que la guerre
allait,
une deuxièmefois, interrompre.
La mobilisation eut, dès1939,
sur la viescientifique française,
des consé-quences
catastrophiques
que la défaite etl’occupation aggravèrent.
Le volume de 1940 contenait encore, en 380 pages,
une soixantaine d’articles
originaux,
tous reçus par la rédaction en 1939 ou en1940,
avant le 10juin.
Le 30 octobre
1940,
les occupants arrêtèrent le directeurscientifique,
P.Langevin. Immédiatement,
le
gouvernement
deVichy exigea
sonremplacement
àla tête du
Journal,
et une nouvelle direction fut miseen
place.
Au début dupremier
numéro de1941,
leremplaçant jugea
bon de fairefigurer
un éditorialoù, après
avoirdénigré
le comportement de sesprédéces-
seurs, il se flattait de « rendre au Journal l’activité
qu’il
doit
avoir,
et de lui faireremplir
son rôle ».En
fait,
les difficultés del’occupation, jointes
àl’attitude de la nouvelle
direction,
aboutirent à uneffondrement : le volume de 1941 tombe à 144 pages de contributions
originales. Heureusement,
desphysiciens
travaillant en zone non
occupée
s’efforcèrent de remédier à cette carence. Sousl’impulsion
de Ch.Fabry,
ils créèrent dèsjuin
1941 les Cahiers dePhy- sique,
édités par la Revued’Optique,
et dont la rédac- tion était àSt-Cyr-sur-Mer, près
de Marseille[6].
Cer-tains
physiciens
restés en zoneoccupée réussirent,
euxaussi,
à collaborer au nouveaupériodique. L’impor-
tance des Cahiers
dépassa
immédiatement celle du Journal : 424 pages,équivalant
à environ 200 de celles duJournal, pendant
la seconde moitié de1941,
et464 pages en 1942. Ce
développement
futcompromis,
dès cette deuxième
année,
par l’extension de l’occu-pation
allemande. Les Cahiers durèrentjusqu’en 1967,
où les difficultés financières des Editions de la Revue
d’Optique
en arrêtèrentl’impression.
L’après-guerre, depuis
1945. - La vie du Journalreprit après
lalibération,
vie d’abord difficile. Les pertesparmi
lesjeunes
avaient été moins massivesqu’entre
1914 et1918,
mais le nombre des mortspendant
la guerre et larésistance,
et endéportation,
était élevé
[7].
Le travail des survivants étaitdifficile,
dans des laboratoires
dépourvus
de tout ; lepapier
était rare, les
imprimeries désorganisées.
Les relationsavec le monde extérieur avaient été presque
impos-
sibles
pendant quatre
ans et, pour tous, unlong
effortde remise en train
s’imposait.
Depuis 1940,
le C. N. R. S. avaitcréé,
avec desmoyens bien
supérieurs
à ceux duJournal,
un servicegénéral
de documentationscientifique
etpubliait
unBulletin
analytique
contenantl’analyse
despublica-
tions de
physique,
cequi
faisait doubleemploi
avec ladocumentation du Journal. En accord avec la direction du C. N. R.
S.,
lapublication d’analyses
y futrempla-
cée par celle des « mises au
point
»,prévues depuis.
toujours
etqu’on
réussit enfin à obtenir..Lespremières
de M. et R.
Freyman
et J. LeBot,
sur « Le spectre ultra-hertzien et la structure moléculaire »figurent
dans le volume de
1948,
et la suite parutrégulièrement jusqu’en
1963. D’autres modifications intervinrent :en 1950 commença la
publication
desColloques,
nationaux ou
internationaux, organisés
par la S. F.P.,
en 1956 celle des résumés en
anglais
des articles. En1951,
onadopta
unepagination séparée (pages A)
pour la
physique appliquée
pourlaquelle,
àpartir
de1962,
on créa la Revue dePhysique Appliquée,
sup-plément
au Journal.Sous la direction de R.
Lucas, qui
avait succédé à P.Langevin
en1946,
laprogression
du Journal avaitrepris.
De 312 pages en1948,
on étaitpassé,
en1963,
6
à
1 328,
dont 684 d’articlesoriginaux
dephysique fondamentale,
192 dephysique appliquée
et 452 deComptes
Rendus deColloques :
en 15 ans, la matièrepubliée
avait étémultipliée
par4,25.
Dans le même temps, le nombre des abonnés directs au Journal avaitplus
quedoublé, passant
de 643 à1 305,
celui des membres de la S. F. P. avait crû de 1 022 à1 542,
si bien que le nombre desexemplaires
distribués étaitpassé
de 1 665 à2 847,
dontprès
de 1 000 allaient àl’étranger,
à peuprès
tous dans lesbibliothèques
desUniversités ou des
grands
laboratoires[8].
La situation actuelle. - On ne
peut
donc pas dire que le Journal ait vu,depuis 1948,
son audience baisser. Il estcependant
certain que sonexpansion
aurait
dû,
étant donné l’énormedéveloppement
scien-tifique contemporain,
être encoreplus rapide.
Uneréorganisation
despublications scientifiques françaises
était nécessaire aussitôt
après
la libération.Quelques-
uns en ont
parlé,
et personne ne l’a faite.Au Journal,
le service des relations extérieures était tout à faitinsuffisant,
et cela aux deux extrémités de la chaîne : pour laprospection
des manuscrits comme pour la diffusion dupériodique.
L’excuse dupersonnel
res-ponsable
estqu’il manquait
de temps(travaillant
à temps
partiel
pour le Journal et exerçant en même temps une, voireplusieurs,
autresfonctions)
etaussi, malgré
l’aide constante duC. N. R. S.,
de moyens, que seul aurait pu fournir un Office centralisé despublications scientifiques françaises,
officequ’il
n’estpeut-être
pas encore trop tard pour créer.Tel
qu’il
est, le Journal occupequand
même uneplace
honorableparmi
les revues de sonespèce.
Uneétude faite par S. Kennan et P. Atherton pour l’Ame- rican Institute of
Physics,
et parue en 1964 sous le titre « The Journal litterature ofphysics
», a établiun classement par ordre
d’importance
de 405journaux
de 39 pays traitant de
physique, d’après
le nombred’extraits
publiés
par les Science Abstracts. Pour laphysique nucléaire,
le Journal seplace
au 6e rang,en
tête,
et deloin,
desjournaux
écrits enlangue
autrequ’anglaise
ou russe.A
partir
de1950,
lesspécialistes
de certainssujets
abandonnèrent le Journal :
beaucoup
de travaux dephysique mathématique parurent
aux Annales de l’Institut HenriPoincaré,
laplupart
de ceux sur lesparticules
degrande énergie
au Nuovo Cimento.Parmi les raisons
alléguées
pourjustifier
ce compor- tement,figurait
lalongueur
des délais depublication
du Journal : en
fait,
ils étaient en moyenne, à cetteépoque,
inférieurs à ceux de laplupart
des revuesfrançaises
etétrangères
de mêmeespèce.
Et si onjugeait
l’audience du Journalinsuffisante,
est-ce en lui refusant de bons articlesqu’on pouvait espérer
l’ac-croître ?
Malgré
cesdéfections,
le Journal restait laprincipale
tribune des
physiciens
de notre pays, et’ d’un nombreappréciable
d’amisétrangers.
Il ne saurait êtrequestion
.de nommer les
signataires
des articles lesplus
remar-quables
de ces dernières décennies : l’auteur de ceslignes
n’est nidésireux,
nicapable
de dresser unpalmarès
de laphysique contemporaine.
Disons seule- ment que c’est au Journal dePhysique qu’une partie importante (moins, malheureusement, qu’il
y a unedizaine
d’années)
des travailleurs de l’Institut du Radium et de ceuxqui,
àOrsay,
àStrasbourg
etailleurs, s’occupent
dephysique
nucléaireexpérimen- tale,
rendent habituellement compte de leurs travaux ; que laphysique
du solide et des milieux condensés engénéral
y est de mieux en mieuxreprésentée,
et que le reste de notrescience,
parexemple
laphysique atomique
et moléculaire
(plasmas, spectroscopie, etc.)
continueà y tenir la
large place qu’elle
mérite.En
1963,
le Conseil de la SociétéFrançaise
dePhy- sique
décida de renforcer l’influence de la Société surla marche du Journal en
renouvelant,
conformémentaux statuts de la Société
d’Edition,
le Comité de Ré- daction et en augmentant son rôle et son activité. Peuaprès,
ceComité, élargi,
devint la Commission des PublicationsFrançaises
dePhysique, présidée
d’abordpar J. Friedel
puis,
àpartir
de1970,
par R. Balian.Cette commission amorça une
réorganisation
deplusieurs périodiques
enprenant
encharge,
pour leJournal,
la Revue dePhysique Appliquée
et lesAnnales de
Physique,
unepartie
essentielle du travail des anciennes réactions : laréception, l’examen,
la discussion et larépartition
des manuscritsproposés.
Elle décida de renoncer aux « Lettres à la Rédaction » du
Journal, qui
faisaientjusqu’à
un certainpoint
double
emploi
avec les notes auxComptes Rendus,
etde confier aux Annales la
publication
des mises aupoint.
Dans ces nouvelles
conditions,
laprogression
duJournal de
Physique
continua : les 2 000 pages furentdépassées
en 1968. En1970,
le nombre total de pagespubliées
était voisin de 3000,
et le nombre d’exem-plaires
distribués 3440,
dont 1100 àl’étranger.
Depuis janvier 1970,
le Journalporte
le « label del’European Physical Society,
et troislangues
étran-gères peuvent
y être utilisées : sauf pour unarticle,
seul
l’anglais
l’a étéjusqu’à présent.
La décisionprise
par la Commission des Publications
Françaises
dePhysique d’y accepter
lapublication
de travauxd’auteurs
français
enlangue étrangère
a amené les démissions du directeur et du rédacteur enchef, qui
l’estiment contraire à la mission
assignée
au Journalpar ses fondateurs de 1872 et ses rénovateurs de 1920
- mission
qu’ils
croient devoir être encore la sienneen 1972.
L’avenir du Journal de
Physique.
-Après
avoiresquissé
sonhistoire,
on ne peuts’empêcher
de penser à l’avenir du Journal. Laprolifération explosive
de laphysique
n’interdit-elle pas l’existence depériodiques qui prétendent
couvrir tout lechamp
de cette science ?Ne vaut-il pas mieux s’orienter vers un ensemble de
revues très