• Aucun résultat trouvé

A L'ECOLE : LES LANGUES ETRANGERES

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "A L'ECOLE : LES LANGUES ETRANGERES"

Copied!
5
0
0

Texte intégral

(1)

A L'ECOLE :

LES LANGUES ETRANGERES

D

epuis trente ans, les ministres qui se succèdent à la rue de Grenelle s'engagent à modifier notre système éducatif avec un succès mitigé. Les secrétaires d'Etat qui les secondent dans leurs tâches administratives sont le plus souvent effacés et modestes dans leurs ambitions. Mais aujourd'hui M . Jacques Pelletier, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education, voudrait attacher son nom à une réforme de l'enseignement des langues. Il voudrait inculquer à la grande majorité des jeunes Français « la connaissance parfaite d'une langue étrangère ».

Traduite dans la réalité, une telle intention aboutirait à un dou- ble échec : l'anglais serait pratiquement la langue unique en- seignée, et une telle réforme conduirait à la disparition de la connaissance de toutes les autres langues vivantes, sans que pour autant l'anglais soit mieux connu. Tel qu'il se pratique, l'ensei- gnement des langues, qui n'a jamais été brillant, est devenu tota- lement inefficace. Sur les lacunes actuelles de cet enseignement, sur les projets de réforme ministériels, sur l'affaiblissement des possibilités de présence française culturelle et commerciale dans le monde, les partis politiques, les syndicats ou associations (sauf celles qui défendent des intérêts catégoriels de professeurs) sont étrangement silencieux. Or une telle réforme ne peut être conduite dans la clandestinité ou sans débat (1).

(1) Signalons pourtant deux articles parus dans le Monde, l'un de M . André Fontaine qui, professionnellement, a sillonné nos cinq continents, l'autre de M. Pierre Bertaux qui dirige l'Institut d'allemand de la Sorbonne nouvelle. Les conclusions de ces textes se rejoignent. Nos députés et sénateurs, comme les hauts fonctionnaires du ministère de l'Education, auraient intérêt à les méditer et à les approfondir. Ils sont de nature à fournir la base d'une vraie réforme.

(2)

L

es jeunes Français n'apprennent plus les langues étrangères au lycée. C'est une constatation qu'il serait vain de dissi- muler. Seuls les effectifs des classes d'anglais ont progressé. Par contre, même dans les régions frontalières, l'allemand et l'italien ont fortement régressé. Le nombre des élèves qui, en France, choisissent l'allemand comme première langue est tombé de près d'un tiers, et pourtant la République fédérale d'Allemagne de l'Ouest est notre premier partenaire économique. Une remarque analogue peut être faite pour l'italien, et l'Italie est devenue depuis 1977 notre deuxième client et fournisseur. Une mesure administrative intérieure que le Parlement a sans doute ignorée favorise ce déclin : les services du ministère de l'Education ont porté de neuf à quinze le nombre de demandes de parents néces- saires pour l'ouverture d'une classe de langue dans un collège !

Mais avant de décider s'il faut augmenter le nombre d'heures en sixième, reculer à la classe de seconde la deuxième langue ou maintenir à quinze le seuil d'ouverture des classes, une autre réflexion lourde de conséquences s'impose. Tel qu'il est conduit dans nos collèges et nos lycées, l'enseignement des langues est un échec. M . Pierre Bertaux explique que, dans

son institut d'allemand, « sur cent à deux cents bacheliers qui entrent chez nous en première année, en principe pour y « pour- suivre » des études d'allemand, il n'y en a pas cinq pour cent qui soient capables de lire et comprendre un texte allemand sim- ple, par exemple un article de journal choisi pour sa facilité. Au lycée, ils n'ont rien appris ; ils ont donc perdu leur temps et gas- pillé l'argent du contribuable. Ceux qui savent un peu quelque chose l'ont appris ailleurs et autrement ».

L'objectif n'est pas qu'on enseigne les langues aux enfants, mais qu'ils les apprennent, ou plus exactement qu'ils les sachent.

Il faut que les jeunes écoliers, collégiens ou lycéens connaissent les langues parce que les frontières se sont ouvertes et que nous sommes des Européens. L a pluralité des langues pratiquées et leur confrontation, leur coexistence dans un même esprit, sont des richesses, l'une des ressources intellectuelles de l'Europe. L a diversité de langage est un prodigieux instrument de développe- ment intellectuel. Mais alors que décider ? Il existe un problème du contenu de l'enseignement. L a langue enseignée est-elle bien celle de la vie quotidienne, de la civilisation actuelle du pays concerné ?

(3)

Se borner à préconiser la connaissance de deux langues étran- gères, et reporter le démarrage de la deuxième langue vivante de la quatrième à la seconde, c'est cumuler les inconvénients. Ce report n'appauvrit pas seulement l'enseignement de la seconde langue, i l aura pour effet inévitable de tuer toutes les autres langues et de renforcer l'écrasante domination de l'anglais comme première langue. Il ne garantit pas, au surplus, que l'anglais soit appris et connu.

E

noncer ces évidences, ce n'est ni ignorer la réalité, ni partir en guerre contre l'anglais. Bien au contraire. Il est sûr que le jargon de base qui permet au touriste de voyager, à l'homme d'affaires de conquérir un marché, au scientifique de lire, voire même de se faire publier, à tout individu plus simplement de demander son chemin, de comprendre un journal, un avis au public, ou même de prendre un repas, est l'anglais. Et comme c'est essentiellement de mémoire qu'il s'agit dans ce cas beau- coup plus que de logique, i l faut commencer au moment où les mémoires sont le plus malléables, où les sons s'imprègnent avec le plus de précision, parce que la prononciation n'est pas encore influencée par l'habitude de l'écrit, c'est-à-dire dès la maternelle. Il s'agirait essentiellement d'un anglais pratique com- portant la connaissance d'un millier de mots, de quelques tour- nures de phrases s'inscrivant dans une conversation, d'expres- sions modernes, car l'anglais parlé est axé sur des verbes mono- syllabiques et il ne cesse de se renouveler.

Cet enseignement dans toutes les écoles du premier degré devrait être fait par un personnel, étudiants ou lecteurs, dont l'anglais serait la langue maternelle. Gageons qu'il faudrait du courage et une volonté tenace pour imposer aux syndicats une mesure aussi simple, peu coûteuse et singulièrement efficace. Mais comme l'indiquait M . Pierre Bertaux, déjà nommé et cité, il y a « un effet pervers, une fâcheuse dérive des finalités. La fonc- tion n'est pas faite pour le fonctionnaire, ni l'enseignement pour assurer aux enseignants des situations et une retraite ». Les écrans de télévision devraient venir au secours de cet enseigne- ment et le compléter. Quand on sait que les jeunes enfants pas- sent plus de temps devant la télévision qu'à l'école, pourquoi ne pas prévoir, notamment les mercredi et samedi après-midi, sur

(4)

deux des trois chaînes, des créneaux consacrés aux langues vivantes ? Des films de court métrage à base de dessins animés et parlés, mais projetés en même temps qu'une traduction exacte des paroles échangées, donneraient aux enfants, par le son et l'image, la possibilité de progrès fulgurants non seulement en anglais, mais aussi dans la seconde langue qui serait imposée dès la sixième. Cela supposerait aussi la réforme des concours d'agrégation et des certificats d'aptitude, de leurs programmes jusqu'à présent fermés aux réalités institutionnelles et écono- miques.

L

'enseignement d'un anglais pratique ne saurait être consi- déré comme suffisant. L a place subsiste pour l'acquisition, qui devrait être obligatoire dès le collège, d'une langue de culture, non seulement pour détenir un moyen de communiquer avec l'extérieur, mais aussi pour accéder, par le biais de la traduction orale et écrite, à la précision maximale. C'était l'un des rôles autrefois assignés au latin et au grec. Mais ne pourrait-on faire en sorte que l'étude d'une langue étrangère soit, en tout état de cause, l'occasion d'un approfondissement de la réflexion et de l'expression française ? L'anglais pourrait devenir cette langue de culture. Mais alors i l ne faudrait pas le maintenir à l'égal des autres langues dans ses horaires et dans sa notation aux examens, et lui donner la même importance qu'aux autres langues de culture, qu'elles soient mortes ou vivantes. Pour défendre et maintenir ces autres langues, i l faut les avantager. Et à ceux qui voudraient conserver l'étude de l'anglais au collège ou au lycée devrait être imposée une seconde langue dès la sixième.

L'enseignement de ces langues de culture, d'abord les langues romanes si proches de la nôtre, mais aussi celles qui ouvrent l'accès à des cultures et à des réalités économiques et politiques différentes, aurait un écho certain dans tous les pays intéressés et susciterait chez eux en contrepartie un regain d'intérêt pour le français. Sinon à quoi bon signer des accords culturels ou tenter de leur donner une portée concrète !

(~\ uoi qu'en pense M . Pelletier, « la connaissance parfaite » d'une langue étrangère dans le cadre des mesures existantes ou envisagées est une vue de l'esprit. Apprenons à tous les jeunes

(5)

Français, comme nous leur apprenons à nager ou à conduire, le minimum d'anglais nécessaire pour se débrouiller dans le monde d'aujourd'hui. Laissons-leur le choix d'une langue, vivante ou morte, qui leur permette d'accéder à une autre culture et à une meilleure précision de leur propre pensée. Si leur choix se porte sur l'anglais, qu'ils apprennent aussi une autre langue.

Il est temps de faire marche arrière, et cette affaire a valeur de test. Le président de la République, notre ministre des Affaires étrangères, trouvent les accents qu'il faut quand ils parlent de la France, de sa vocation mondiale ou de sa place en Europe.

Mais leurs propos rejoignent-ils la réalité ? On pourra le croire à la manière dont sera réglé l'enseignement des langues à l'école.

P A S C A L ARRIGHI

Références

Documents relatifs

[r]

[r]

Inverser la matrice n’ayant que des 1, sauf sur la diagonale qui est nulle3. Trouver les matrices B telles que AB = BA et montrer qu’elles

[r]

Dans Ie plan orients on considère trois points A, B et C non alignes. A', B' et C' sont trois points a l'extérieur du triangle ABC, tels que Ies triangles A'BC, B'CA et

Les deux premières traduisent la comparaison des croissances entre l’exponentielle et toute fonction puissance.. La troisième correspond au coefficient directeur de

On suppose que la variable aléatoire X qui, à tout bidon choisi au hasard dans la production, associe le volume en millilitres de désherbant qu’il contient, suit une loi

Montrer que si la série onverge uniformément alors f est un polynme.