Suites réelles
Brahim Boussouis
Département de Mathématiques, Faculté des Sciences de Fès.
Octobre 2013
Brahim Boussouis Suites réelles
Sommaire
1 Suites réelles Généralités
Suites convergentes Opérations sur les limites Limites et relation d’ordre Limites et monotonie Suites de Cauchy Suites équivalentes Suites récurrentes
Théorème de Bolzano-Weierstrass Généralisation de la notion de limite
Définition
Une suite réelle (ou numérique) est une application deNdansR: u
:
N −→ Rn 7−→ u
(
n) =
un.
u est notée par
(
un)
n≥0, et uns’appelle le terme général (ou le terme d’indice (ou de rang) n) de la suite. L’ensemble des suites réelles est noté parRN.On considère également des suitesu
= (
un)
n≥n0 qui ne sont définies qu’à partir d’un certain rangn0(par exemple la suite de terme général un
=
√n
−
2 n’est définie que pourn≥2).Brahim Boussouis Suites réelles
Pour se ramener au cas d’une suite indexée parN, on identifie une telle suite avec la suitev
= (
vn)
n≥0, oùv0
=
un0,
v1=
un0+1,· · · ,
vn=
un+n0,· · ·
.On dit que la suite
(
un)
n≥0est :constantesiun
=
u0, pour tout entiern∈N.stationnaires’il existek ∈Ntel queun
=
uk pour toutn≥k. croissante, et on écrit(
un)
n≥0%, siun≤un+1, pour toutn.décroissante, et on écrit
(
un)
n≥0&, si la suite(−
un)
n≥0est croissante (ou encore siun+1≤un, pour toutn).majorées’il existeM∈Rtel queun≤M, pour toutn.
minorées’il existem∈Rtel quem≤un, pour toutn(ou encore si
(−
un)
n≥0est majorée).bornéesi
(
un)
n≥0est à la fois majorée et minorée (ou encore s’il existeM∈R+tel que|un|≤M, pour toutn).Brahim Boussouis Suites réelles
Définition (Suites extraites)
Une suite extraite (ou une sous-suite ) de la suite
(
un)
n∈Nest une suite
(
vn)
n∈Ntelle qu’il existe une applicationϕ
:
N→Nstrictement croissantetelle que vn=
uϕ(n), pour tout entier n.Si on poseϕ(k
) =
nk, alors la sous-suiteuϕ(k)
k≥0est notée également
(
unk)
k≥0. Le lemme suivant se démontre facilement par récurrence :Lemme
Soitϕ
:
N→Nune application strictement croissante. Alors,ϕ(n)
≥n, pour tout entier n.Définition (Limite d’une suite)
On dit que la suite
(
un)
n≥0a pourlimiteun réel l∈R(ou encore que untend (ou converge) vers l, lorsque n tend vers∞) si, et seulement si :∀ε
>
0,∃
N∈N,∀n≥N,|
un−
l|≤ε. (1) Si c’est le cas, on dit que la suite estconvergente, sinon on dit qu’elle estdivergente.Par exemple, lim
n→∞1
/
n=
0. En effet, étant donnéε>
0, on peut trouver un entierNtel que 1≤Nε(propriété d’Archimède). On a alors, pour toutn≥N,|1/
n−
0|=
1/
n≤1/
N≤ε.Brahim Boussouis Suites réelles
Proposition (Unicité de la limite)
Si une suite réelle
(
un)
n≥0admet une limite l, alors celle-ci est unique et on note :nlim→∞un
=
l ou un −→n→∞l
.
Preuve. Supposons, par l’absurde, que
(
un)
n≥0admet deux limites différentesl etl0. Soitε=
|l−
l0|2
>
0. On peut trouver un entierNtel que pour tout entiern≥N, on ait à la fois|un−
l|<
εet|un−
l0|<
ε (Justifier). On aurait alors, pourn≥N,|l
−
l0|=
|(
un−
l) − (
un−
l0)
|≤|un−
l|+
|un−
l|<
2ε=
|l−
l0|. Contradiction.Définition (Limites infinies)
On dit que la suite
(
un)
n≥0tend vers+
∞lorsque n tend vers+
∞( ou encore que(
un)
n≥0admet+
∞pour limite) si, et seulement si∀A∈R
,∃
N∈N,∀
n≥N,
un≥A.
On note alors : limn→+∞un
= +
∞.On dit que la suite
(
un)
n≥0tend vers−
∞lorsque n tend vers+
∞( ou encore que(
un)
n≥0admet−
∞pour limite) si, et seulement si∀A∈R
,∃
N∈N,∀
n≥N,
un≤A.
On note alors : limn→+∞un
= −
∞.Brahim Boussouis Suites réelles
Proposition (Caractère asymptotique de la limite)
Si deux suites
(
un)
n≥0et(
vn)
n≥0coincident à partir d’un certain rang (c-a-d s’il existe un rang n0tel que∀n≥n0,
un=
vn), alors elles sont de même nature (c-a-d qu’elles convergent en même temps ou divergent en même temps), et si limn→∞un
=
l∈R¯, alors limn→∞vn
=
l.Ce résultat, qui découle directement des définitions, exprimele caractère asymptotiquede la notion de limite : on peut changer un nombre fini de termes d’une suite sans altèrer ni sa nature
(convergente ou divergente) ni sa limite éventuelle. C’est pourquoi la plupart des résultats qui vont suivre concerneront des suites ayant des propriétés vraies à partir d’un certain rang.
Remarque
En utilisant le lemme1, on démontre facilement que si une suite
(
un)
n≥0admet une limite l (finie ou non), alors toute sous-suite de(
un)
n≥0admet la même limite l. Ce résultat est souvent utilisé pour montrer qu’une suite n’admet pas de limite. Il suffit de trouver deux sous-suites de(
un)
n≥0qui admettent deux limites différentes. Ainsi la suite définie par un= (−
1)
nn’a pas limite car ses deux suites extraites(
u2n)
net(
u2n+1)
nconvergent vers deux limites distinctes.Brahim Boussouis Suites réelles
Etudions, par exemple, la suite
(
un(
x))
, oùun(
x) =
xn, (x∈R).Six
=
1, alorsxn=
1, pour toutnet limn→∞xn
=
1.Six
>
1, on écritx=
1+
h, avech>
0. D’après l’inégalité deBernouilli, on axn
= (
1+
h)
n≥1+
nh. Donc, pour tout réelA, on peut trouverN∈Ntel queNh>
A−
1 (propriété d’Archimède). On a alors, pourn≥N,xn≥1+
nh≥1+
Nh>
A. Donc limn→∞xn
= +
∞et la suite(
un(
x))
est divergente.Six≤
−
1, les deux sous-suites(
u2n(
x))
et(
u2n+1(
x))
ont des limites différentes (resp±1 six= −
1 et±∞six< −
1), donc la suite(
un(
x))
est divergente.Supposons, à présent, que|x|
<
1. On écrit|x|=
1/(
1+
h)
, avec h>
0. On utilise l’inégalité de Bernouilli, pour obtenir|x|n
=
1/(
1+
h)
n≤1/(
1+
nh)
≤1/
nh. Donc limn→∞xn
=
0.Lemme
Toute suite réelle convergente est bornée.
Preuve. Soit
(
xn)
n≥0une suite convergente de limitex. On peut associer àε=
1, un entierN∈Ntel que|xn−
x|<
1, pour toutn≥N.On a alors, pour toutn∈N,|xn|≤M, où M
=
max(
|x|+
1,
|x0|,
|x1|,· · · ,
|xN−1|)
.Brahim Boussouis Suites réelles
On étudie certaines suites en les décomposant en somme, produit ou quotient. On a alors le résultat suivant :
Théorème
Soient
(
xn)
n≥0,(
yn)
n≥0deux suites réelles convergentes de limites respectives x et y , et soitλ∈R. On a alors :(i)
(λ
xn+
yn)
n≥0est convergente et sa limite est égale àλx+
y . (ii)(
xn·yn)
n≥0est convergente et sa limite est égale à x·y . (iii) Si y6=0, alors il existe n0∈Ntel que la suite(
xn/
yn)
n≥n0 soit définie, et converge vers x
/
y .Preuve. La proposition (i) découle de la majoration suivante :
|
(λ
xn+
yn) − (λ
x+
y)
|≤|λ||xn−
x|+
|yn−
y|.
(ii) D’près le lemme2, la suite(
xn)
n≥0est bornée. SoitM=
supn≥0|xn|. L’assertion (ii) découle maintenant de la majoration suivante :
|xn·yn
−
x·y|=
|xn(
yn−
y) +
y(
xn−
x)
|≤M|yn−
y|+
|y|·|xn−
x|. (iii) Posonsε=
|y |/
2>
0. Il existen0∈N, tel que pour toutn≥n0,|yn
−
y|≤ε. Or||yn|−
|y||≤|yn−
y|≤ε, donc|yn|≥|y|
−ε =
|y |/
2>
0. Par suiteyn6=0, pour toutn≥n0.Brahim Boussouis Suites réelles
D’autre part| y1n
−
y1|=
||yyn−y|n|·|y|≤2|y|n−y|
y|2 . On en déduit que
(
1/
yn)
n≥n0
converge vers 1
/
y, et en utilisant (ii), que(
xn/
yn)
n≥n0 converge vers x
/
y.Dans le cas des limites infinies, il faut faire attention aux formes indéterminées :
Si lim
n→∞xn
= +
∞et limn→∞yn
= −
∞, on ne peut rien dire, en général, dexn+
yn.Si lim
n→∞xn
=
±∞et limn→∞xn
=
0, on peut rien dire, en général, de xnyn.Si lim
n→∞xn
=
±∞et limn→∞yn
=
±∞, on ne peut rien dire, en général, de xnyn. Si lim
n→∞xn
=
limn→∞yn
=
0, on ne peut rien dire, en général, de xn yn.
Théorème
Soient
(
xn)
n≥0et(
yn)
n≥0deux suites réelles.(i) si lim
n→∞xn
= +
∞(resp.−
∞) et si(
yn)
n≥0est bornée, alorsn→∞lim
(
xn+
yn) = +
∞(resp.−
∞).(ii) si lim
n→∞xn
=
limn→∞yn
= +
∞(resp.−
∞), alorsn→∞lim
(
xn+
yn) = +
∞(resp.−
∞).(iii) si xn→
+
∞(resp.−
∞) et si yn≥k>
0, à partir d’un certain rang, alors limn→∞
(
xnyn) = +
∞(resp.−
∞).(iv) si lim
n→∞xn
=
±∞, alors limn→∞1
/
xn=
0.Brahim Boussouis Suites réelles
Proposition
Soient
(
xn)
n≥0et(
yn)
n≥0deux suites réelles convergentes de limites respectives x et y .(i) Si x
<
y , alors xn<
yn, à partir d’un certain rang.(ii) Si, à partir d’un certain rang, on a xn
<
yn, alors x≤y (attention, on peut avoir x=
y ).Preuve. Posonsun
=
yn−
xnetl=
y−
x. Puisque limn→∞un
=
l, on peut associer au réelε=
l/
2>
0, un entierNtel que pour toutn≥N, on ait−ε <
un−
l< +ε
, doncyn−
xn=
un>
l−
ε=
l/
2>
0, pour n≥N. D’où la proposition (i).Inversement si, à partir d’un certain rangN, on axn
<
ynet si on suppose quel=
y−
x<
0, alors àε= −
l/
2>
0, on peut associer un entierN0>
Ntel que−ε <
un−
l<
ε, pour toutn≥N0. On aurait alorsyn−
xn=
un<
l+
ε= −
l/
2<
0, pourn>
N0. Contrairement à l’hypothèse faite surxnetyn. Donc la proposition (ii) est vraie.Remarque
En passant à la limite dans une inégalité stricte, on peut obtenir une égalité. Ainsi, on a 1
n
+
1<
1n, pour tout n≥1, mais
nlim→∞
1
n
+
1=
limn→∞
1 n
=
0.Brahim Boussouis Suites réelles
Proposition (Propriété des gendarmes)
Soient
(
an)
n≥0, (
bn)
n≥0et(
cn)
n≥0trois suites réelles telles que(
an)
n≥0et(
cn)
n≥0convergent vers la même limite l et telles que∃n0∈N
,∀
n≥n0,
an≤bn≤cnAlors
(
bn)
n≥0est convergente et sa limite est égale à l.Preuve. Il suffit d’utiliser la définition de la limite et l’inégalité :
∀n≥n0
,
|bn−
l |≤max(
|an−
l|,
|bn−
l|)
≤|an−
l |+
|bn−
l|, pour obtenir le résultat.Corollaire
Soit
(
xn)
une suite réelle de limite nulle, et soit(
yn)
une suite bornée.Alors
(
xnyn)
est convergente et limn→∞xnyn
=
0.Preuve. En effet, on a 0≤|xnyn|≤M|xn|, oùM
=
supn≥0
|yn|
< +
∞. Le résultat découle alors de la proposition1.4.En utilisant la définition d’une limite infinie, on peut démontrer facilement la
Proposition
Si, à partir d’un certain rang, on a an≤bn. Alors :
nlim→∞an
= +
∞ ⇒ limn→∞bn
= +
∞.
limn→∞bn
= −
∞ ⇒ limn→∞an
= −
∞.
Brahim Boussouis Suites réelles
Proposition
Toute suite réelle croissante et majorée est convergente vers sa borne supérieure (resp. toute suite décroissante et minorée converge vers sa borne inférieure).
Preuve. Soit
(
un)
n≥0une suite croissante et majorée et soitε>
0.L’ensembleU
=
{un/
n∈N}est une partie non vide et majorée deR, donc elle admet une borne supérieurel=
supU. Par définition del, il existen0∈Ntel quel−
ε<
un0. Comme(
un)
n≥0est croissante, on aurait :∀n≥n0,
l−
ε≤un0≤un≤l<
l+
ε. Doncun−→l. Si(
un)
n≥0est décroissante et minorée, on applique ce prècède à la suite(−
un)
n≥0est croissante et majorée.Théorème (Théorème de la limite monotone)
Toute suite réelle monotone
(
un)
n≥0admet une limite dansR. Plus précisément, si(
un)
n≥0%alors limn→∞un
=
supn≥0
un; et si
(
un)
n≥0&alors lim
n→∞un
=
infn≥0un.
Preuve. Supposons, par exemple, que
(
un)
n≥0est croissante (si(
un)
n≥0&, on considèrerait la suite(−
un)
n≥0).(
un)
n≥0est majorée, donc, d’après la proposition1.6,(
un)
n≥0est convergente etnlim→∞un
=
supn≥0
un. Si
(
un)
n≥0n’est pas majorée, alors pour tout réelA, il existen0∈Ntel queun0>
A. Comme(
un)
n≥0est croissante, on auraitun≥un0>
A, pour toutn≥n0. Donc limn→∞un
= +
∞=
supn≥0
un.
Brahim Boussouis Suites réelles
A titre d’application de ce théorème, montrons que pour tout réelx, on a lim
n→∞un
(
x) =
0, oùun(
x) =
xn
n
!
. Le résultat est trivial six=
0.Supposons, dans la suite, quex 6=0. On a |un+1
(
x)
||un
(
x)
|=
|x|n
+
1. Donc, pourn>
|x|, on a |x|n
+
1<
1 et|un+1(
x)
|<
|un(
x)
|. Donc la suite(
|un(
x)
|)
est décroissante à partir d’un certain rang. Comme elle est minorée (par 0), elle est convergente. Soitl=
limn→∞|un
(
x)
|. On a|un+1
(
x)
|=
|un(
x)
|× |x|n
+
1. En passant à la limite, on obtient l=
l×0=
0. D’où le résultat.Corollaire
Soit
([
an,
bn])
n≥0une suite décroissante de segments. Alors l’intersection I=
Tn≥0
[
an,
bn]
est un segment (donc non vide).Preuve. L’inclusion
[
an+1,
bn+1]
⊂[
an,
bn]
entraînean≤an+1≤bn+1≤bn. Donc
(
an)
n≥0est croissante et majorée (par b0) et(
bn)
n≥0est décroissante et minorée (para0). Donc les limites a=
limn→∞an
=
supn≥0
anetb
=
limn→∞bn
=
infn≥0bnexistent. On a alors, pour tout entiern,an≤a≤b≤bn, donc
[
a,
b]
⊂I=
Tn≥0
[
an,
bn]
.Inversement six∈I, alorsan≤x≤bn, pour toutn, et par passage à la limite,a≤x≤b. DoncI
= [
a,
b]
.Brahim Boussouis Suites réelles
Suites adjacentes
Théorème et définition
Deux suites réelles
(
un)
n≥0et(
vn)
n≥0sont ditesadjacentessi(
un)
n≥0est croissante et(
vn)
n≥0est décroissante et sinlim→∞
(
un−
vn) =
0.Dans ce cas on a :
(i) un≤vn, pour tout entier n.
(ii)
(
un)
n≥0et(
vn)
n≥0convergent vers la même limite.Preuve. Posonswn
=
vn−
un. On awn+1
−
wn= (
vn+1−
vn) − (
un+1−
un)
≤0,
donc(
wn)
n≥0&. Commewn→0, alors 0=
infn≥0wnet par suite wn≥0, pour toutn. D’où (i).
Par ailleurs on a, pour toutn∈N,u0≤un≤vn≤v0. Donc
(
un)
n≥0est croissante et majorée, et(
vn)
n≥0est décroissante et minorée. Donc ces deux suites sont convergentes, et leurs limites coïncident, carnlim→∞wn
=
limn→∞vn
−
limn→∞un
=
0.Brahim Boussouis Suites réelles
Théorème
A tout réel x on associe, pour tout n∈N, les rationnels xn
=
10−nE(
10nx)
et yn=
xn+
10−nappelésvaleurs approchées dex à10−nprès, respectivement par défaut et par excès. Alors les suites
(
xn)
et(
yn)
sont deux suites adjacentes, et on a :(∀
n∈N,xn≤x<
yn)
etnlim→∞xn
=
limn→∞yn
=
x.
Preuve. Par définition de la partie entière, on a :E
(
10nx)
≤ 10nx<
E(
10nx) +
1 (2) E(
10n+1x)
≤ 10n+1x<
E(
10n+1x) +
1 (3) En multipliant la relation2par 10−n, on obtientxn≤x<
yn. En la multipliant par 10, on obtient :10E
(
10nx)
≤10n+1x<
10E(
10nx) +
10. En tenant compte de la relation3, on obtient 10E(
10nx)
≤E(
10n+1x) +
1 et par suite xn≤xn+1.De même,E
(
10n+1x) +
1≤10E(
10nx) +
10, doncyn+1≤yn. Comme yn−
xn=
10−n →n→∞0, les suites
(
xn)
et(
yn)
sont adjacentes. D’autre part,xn≤x<
yn, donc limn→∞xn
=
limn→∞yn
=
x.Brahim Boussouis Suites réelles
On déduit du résultat précédent une propriété importante deR: Théorème (Propriété des segments emboîtés)
Soient
([
an,
bn])
n≥0une suite décroissante de segments deRtelle que limn→∞
(
bn−
an) =
0. Alors l’intersection I=
Tn≥0
[
an,
bn]
est réduite à un point.Preuve. On sait, d’après le corollaire1.2et sa démonstration que les suites
(
an)
et(
bn)
sont convergentes et queI= [
a,
b]
, oùa=
limn→∞an
etb
=
limn→∞bn. Comme lim
n→∞
(
bn−
an) =
0, on en déduit quea=
bet queI=
{a}.Définition (Suites de Cauchy)
On dit qu’une suite réelle
(
un)
n≥0est de Cauchy (ou vérifie le critère de Cauchy) si∀ε
>
0,∃
N∈N,
∀m,
n≥N,
|un−
um|<
ε(∗)
. PropositionToute suite de Cauchy est bornée.
Preuve. En effet, si
(
un)
n≥0vérifie la condition(∗)
, alors pour tout n≥N,|un−
uN|<
εdonc|un|<
ε+
|uN|. On en déduit que, pour tout entiern,|un|≤M oùM=
max(
|u0|,
|u1|,
· · ·,
|uN−1|,
ε+
|uN|)
.Brahim Boussouis Suites réelles
Théorème (critère de Cauchy)
Une suite réelle
(
un)
n≥0est convergente si et seulement si, elle est de Cauchy. On exprime ce résultat en disant queRestcomplet.Preuve. Montrons que la condition est nécessaire. Soit
(
un)
n≥0une suite convergente de limitel, et soitε>
0. Il existeN∈Ntel que|un
−
l|<
ε/2, pour toutn≥N. On en déduit que pourm,
n≥N, on a :|un
−
um|=
|(
un−
l) − (
um−
l)
|≤|un−
l|+
|um−
l|<
ε/2+
ε/2=
ε. Donc(
un)
n≥0est de Cauchy.Montrons que la condition est suffisante. Soit
(
un)
n≥0une suite de Cauchy.On sait qu’une telle suite est bornée (cf. proposition1.7). Donc les réels suivants sont bien définis :
xn
=
infXn;
yn=
supXnoùXn=
{up/
p≥n}.De l’inclusionXn+1⊂Xn, on déduit que
(
xn)
n≥0%et que(
yn)
n≥0&. Soitε>
0 et soitNl’entier qui lui est associé par(∗)
. Soitn≥N. Par définition dexn, il existep≥n≥N, tel quexn≤up<
xn+
ε. De même, il existeq≥n≥Ntel queyn−
ε<
uq≤yn. Donc∀n≥N
,
0≤yn−
xn≤(
yn−
uq) + (
uq−
up) + (
up−
xn)
≤3ε.Doncyn
−
xn→0 et les suites(
xn)
n≥0et(
yn)
n≥0sont adjacentes : soitlleur limite commune. Comme on a, pour tout entiern,xn≤un≤yn, il en résulte d’après la propriété1.4, que
(
un)
n≥0est convergente versl.Brahim Boussouis Suites réelles
Remarque
1 Le théorème précédent est très important, puisqu’il fournit une condition nécessaire et suffisantepour qu’une suite numérique converge, sans faire intervenir la limite.
2 Qn’est pas complet. En effet, puisqueQest dense dansR, on peut trouver, pour tout n≥1, un nombre rationnel rncompris entre√
2
−
1/
n et√2
+
1/
n. On a rn−
√2
<
1/
n, donc(
rn)
n≥0 est une suite de rationnels qui converge vers√2. En tant que suite convergente dansR,
(
rn)
n≥0est une suite de Cauchy dans R, donc c’est aussi une suite de Cauchy dansQ. Mais(
rn)
n≥0 n’est pas convergente dansQ.Définition (Suites équivalentes)
On dit que
(
yn)
n≥0est équivalente à(
xn)
n≥0, et on note yn∼xn, s’il existe une suite de scalaires(λ
n)
n≥0de limite1et telle que pour n assez grand, on ait yn=
λnxn. Si xn6=0, pour n assez grand, il revient au même de dire queλn=
yn/
xn→1.Par exemple, on a : sin1n ∼1n;tg1n ∼1
n;log
(
1+
1 n)
∼1n; logn∼log
(
n+
1)
; cosncos 1n∼cosn.
Les "équivalents" sont utiles pour le calcul des limites et pour l’étude du signe d’une suite pour les grandes valeurs de la variable :
Brahim Boussouis Suites réelles
Proposition
La relation∼est une relation d’équivalence ( réflexive, symétrique et transitive ).
Si la suite
(
xn)
n≥0admet une limite (finie ou non ), toute suite qui lui est équivalente admet la même limite.Réciproquement si deux suites ont la même limite, et si cette limite est finie non nulle, alors ces deux suites sont équivalentes.
Si deux suites
(
xn)
n≥0et(
yn)
n≥0sont équivalentes, alors elles ont le même signe, pour n assez grand.Preuve. Immédiate d’après la définition et les opérations sur les limites.
Théorème
On ne modifie ni la convergence ni la limite d’un produit ou d’un quotient de suites, en remplaçant chacune des suites qui y figurent, par une suite équivalente.
Remarque
Ce théorème ne s’applique pas aux sommes ou aux différences des suites :
n∼n
+
1,
mais n− (
n+
1)
6∼0.
Brahim Boussouis Suites réelles
SoientD⊂R,a∈Detf
:
D→R. On se propose d’étudier les suites(
xn)
n≥0définies par la donnée du premier termex0et par une relation de récurrence simple :xn+1=
f(
xn),
∀n∈N. On suppose quef
(
D)
⊂Dpour que(
xn)
n≥0soit bien définie. On observe que xn+1−
xn=
f(
xn) −
f(
xn−1)
et on en déduit laProposition
Si f%, alors la suite
(
xn)
n≥0est monotone (croissante si f(
x0) −
x0≥0, et décroissante si f(
x0) −
x0≤0). Si f &, alors xn+1−
xnest alternativement positif ou négatif (on dit que la suite est oscillante). Soient g=
f◦f,
yn=
x2n,
zn=
x2n+1. On a g%et pour tout entier n : yn+1=
g(
yn),
zn+1=
g(
zn)
. Donc les suites(
yn)
n≥0et(
zn)
n≥0sont monotones et varient en sens inverse l’une de l’autre.Si
(
xn)
n≥0admet une limitel∈Det sif est continue enl, alorsf(
l) =
l (on démontrera ce résultat ultérieurement).Donc si léquationf
(
x) =
x n’a pas de solutions dansD, alors(
xn)
n≥0 est divergente. Si par contre cette équation admet plusieurs racines dansD, le problème revient à examiner si(
xn)
n≥0admet l’une de ces racines comme limite. En pratique, on commence par chercher les points fixesdef (c-a-d les solutions de l’équationf(
x) =
x). Cette résolution facilite la recherche de majorants et de minorants pour la suite(
xn)
n≥0. Le graphe def peut être utilisé comme source de renseignement sur le comportement de(
xn)
n≥0.Brahim Boussouis Suites réelles
A titre d’exemple, étudions la suite
(
xn)
n≥0définie par la donnée des deux nombresa>
0 etx0>
0 et par la relation de récurrence :∀n∈N
,
xn+1=
12xn
+
ax2n
.
Observons d’abord quexnest défini pour tout entiern, et quexn
>
0.Une limite éventuelle de la suite doit vérifier l
=
12l
+
al2⇐⇒ l2
=
a2 ⇐⇒ l=
±a. Commexnest toujours positif, on al=
a. Nous sommes ainsi conduits à comparerxneta: xn+1−
a=
(xn−a)22xn . Doncxn≥a, pour toutn≥1. D’autre part xn+1
−
xn=
a2−xn22xn ≤0. Donc la suite
(
xn)
n≥0est décroissante et minorée (para). En fin de compte, elle est convergente et sa limite est a.Théorème de Bolzano-Weierstrass
Le théorème suivant est très important, par ses conséquences et par ses nombreuses généralisations, dont la plus importante est la notion topologique de compacité.
Théorème
Toute suite réelle bornée admet une sous-suite convergente.
Preuve. Soit
(
xn)
n≥0une suite réelle bornée : il existea,
b∈R,
a<
b tels quea≤xn≤b, pour tout entiern. PosonsI0= [
a,
b] = [
a0,
b0]
. On aI0= [
a0, (
a0+
b0)/
2]∪ [(
a0+
b0)/
2,
b0]
. Désignons par I1= [
a1,
b1]
celui de ces "deux moitiés" qui contient une infinitéBrahim Boussouis Suites réelles
de termes de la suite ( si les deux sous-intervalles contiennent tous les deux une infinité de termes de la suite, on prend
a1
=
a0,
b1= (
a0+
b0)/
2 ). Comme l’ensemble{n∈N/
xn∈I1}est infini, il existen1≥1 tel quexn1 ∈I1. Procédons de même avecI1: On obtiendra un sous-intervalleI2= [
a2,
b2]
⊂I1,
b2−
a2= (
b−
a)/
22, un entiern2>
n1tel quexn2 ∈I2Ce procédé peut être répétéindéfiniment : on peut donc construire une suite décroissante
(
Ik)
k≥0 de segments emboités (Ik= [
ak,
bk]
de longueurl(
Ik) = (
b−
a)/
2k ) et une suite strictement croissante(
nk)
k≥0d’entiers telles que xnk ∈Ik, pour toutk ∈N. Les suites(
ak)
k≥0et(
bk)
k≥0sontadjacentes : soitx leur limite commune. Commeak ≤xnk ≤bk, il en résulte que la suite
(
xnk)
k≥0converge versx.Valeurs d’adhèrence d’une suite
Définition
Soit
(
xn)
n≥0une suite réelle et soit l∈R. On dit que l est unevaleur d’adhèrence de(
xn)
n≥0s’il existe une suite extraite de(
xn)
n≥0qui a pour limite l.Par exemple, la suitexn
=
nsin nπ4
admet 0 et±∞comme valeurs d’adhèrence, car 0
=
limn→∞x4n,
+
∞=
limn→∞x8n+1et
−
∞=
limn→∞x8n+3. Remarque
On peut reformuler le théorème1.8de Bolzano-Weierstrass, en disant que toute suite réelle bornée admet une valeur d’adhèrence.
Brahim Boussouis Suites réelles
Caractérisation des valeurs d’adhèrence
Proposition
Soit l∈R. Pour que l soit valeur d’adhèrence de la suite
(
xn)
n≥0, il faut et il suffit que, pour toutε>
0, l’intervalle]
l−
ε,l+
ε[contienne une infinité de termes de la suite.Preuve. La condition est nécessaire : En effet, sil est la limite de la sous-suite
(
xϕ(n))
, alors l’intervalle]
l−
ε,l+
ε[contient tous lesxϕ(n), à partir d’un certain rang.La condition est suffisante : Les inervallesIn
=]
l−
1/
n,
l+
1/
n[
contiennent chacun une infinité de termes de la suite.On choisitn1∈N∗tel quexn1 ∈I1.I2contient une infinité de termes de la suite, donc il existen2
>
n1tel quexn2∈I2. Ce procédé peut être poursuivi indéfiniment. On construit ainsi une suite(
nk)
strictement croissante d’entiers tels quexnk ∈Ik, pour toutk≥1. On a alors l−
1/
k<
xnk<
l+
1/
k, doncl=
limk→∞xnk est une valeur d’adhèrence de la suite
(
xn)
n≥0.Proposition
Pour que
+
∞(resp−
∞) soit une valeur d’adhèrence de la suite(
xn)
n≥0, il faut et il suffit que, pour tout réel A, l’intervalle]
A, +
∞[
(resp.] −
∞,
A[
) contienne une infinité de termes de la suite.Brahim Boussouis Suites réelles
On va maintenant introduire deux notions fondamentales dans l’étude d’une suite réelle : lalimite supérieureet lalimite inférieure. Ces deux notions généralisent la notion de limite, elles sont définies pour n’importe quelle suite (ayant ou non une limite) et coïncident avec la notion de limite lorsque celle-ci existe.
Soit
(
xn)
n≥0une suite réelle et soit Xn=
{xp|p≥n},
un=
supXn=
supp≥n
xp∈R
,
vn=
infXn=
infp≥nxp∈R
.
On aXn+1⊂Xn, donc(
un)
n≥0&et(
vn)
%. En tant que suites monotones, ces deux suites admettent des limites dansR:nlim→∞un
=
infn≥0unet lim
n→∞vn
=
supn≥0
vn.
Limites supérieure et inférieure
Définition
On appellela limite supérieure(resp.la limite inférieure) de la suite
(
xn)
n≥0la limite (dansR) de un=
supXn=
supp≥n
xp(resp. de vn
=
infXn=
infp≥nxp) :
lim supxn
=
limxn=
limn→∞sup
p≥n
xp
=
infn≥0sup
p≥n
xp
;
lim infxn=
limxn=
limn→∞inf
p≥nxp
=
supn≥0 pinf≥nxp
.
Brahim Boussouis Suites réelles
Par exemple, pour la suitexn
= (−
1)
n, on a : limxn=
limn→∞sup
p≥n
xp
=
1 et limxn=
limn→∞inf
p≥nxp
= −
1.Théorème
Pour toute suite
(
xn)
, on a :(i) limxnetlimxnsont des valeurs d’adhèrence.
(ii) Si l est valeur d’adhèrence, alorslimxn≤l≤limxn.
(iii)
(
xn)
admet une limite (dansR) si, et seulement silimxn=
limxn. Preuve. Montrons, par exemple, quel=
limxnest une valeurd’adhèrence.
1ercas :l∈R. Soitε
>
0. On al=
limn→∞sup
p≥n
xp. Donc il existeN∈Ntel que, pour tousn≥N,l
−
ε<
supp≥n
xp
<
l+
ε. On en déduit que, pour toutn≥N, il existeq≥ntel quel−
ε<
xq≤supp≥n
xp
<
l+
ε. Donc l’intervalle]
l−
ε,l+
ε[contient une infinité de termes de la suite, etl est une valeur d’adhèrence de(
xn)
, d’après la proposition1.10.2ecas :l
= +
∞. SoitA∈R. On a+
∞=
limn→∞sup
p≥n
xp, donc il existe N∈Ntel que, pour toutn≥N,A
<
supp≥n
xp, donc il existe un indice q≥ntel queA
<
xq. On en déduit que l’intervalle]
A,+
∞[
contient une infinité de termes de la suite, et par suite que+
∞est une valeur d’adhèrence de(
xn)
, d’après la proposition1.11.Brahim Boussouis Suites réelles
3ecas :l
= −
∞. On a−
∞=
limn→∞sup
p≥n
xp, donc il existeN∈Ntel que, pour toutn≥N, sup
p≥n
xp
<
A, donc pour toutp≥n, on axp<
A. On en déduit que l’intervalle] −
∞,A[
contient une infinité de termes de la suite, et par suite que−
∞est une valeur d’adhèrence de(
xn)
, d’après la proposition1.11. On démontre, de même, que limxnest une valeur d’adhèrence, d’où la proposition (i) du théorème.Soitl une valeur d’adhèrence de
(
xn)
. On al=
limn→∞xϕ(n). Or inf
p≥ϕ(n)xp≤xϕ(n)≤ sup
p≥ϕ(n)
xp. En passant à la limite, on obtient limxn≤l ≤limxn. D’où la proposition (ii).
Supposons que limxn
=
limxn=
l. On a, pour toutn,pinf≥nxp≤xn≤sup
p≥n
xp.
D’après la propriété des gendarmes, lim
n→∞xnexiste et égalel.
Inversement, si
(
xn)
admet pour limitel, toutes ses sous-suites ont la même limitel, donc(
xn)
admet une seule valeur d’adhèrence et par suite limxn=
limxn=
l. Ceci termine la démonstration du théorème.Proposition
Soient
(
xn)
n≥0et(
yn)
n≥0deux suites réelles. On a les propriétés suivantes :i) inf
n≥0xn≤limxn≤limxn≤sup
n≥0
xn. ii) limxn
= −
lim(−
xn)
.Brahim Boussouis Suites réelles
iii) Si, à partir d’un certain rang, on axn≤yn, alors limxn≤limynet limxn≤limyn.
iv) lim
(
xn+
yn)
≤limxn+
limynet limxn+
limyn≤lim(
xn+
yn)
. Ces deux inégalités peuvent être strictes, et si l’une des deux suites admet une limite, alors il y a égalité.v) Siλ
>
0, alors lim(λ
xn) =
λlimxnet lim(λ
xn) =
λlimxn.vi) Si lesxnet lesynsont positifs, alors lim
(
xnyn)
≤limxn×limynet limxn×limyn≤lim(
xnyn)
. Ces deux inégalités peuvent être strictes, et si l’une des deux suites admet une limite, alors il y a égalité.Preuve. Laissée en exercice.