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L'article 725a CO : no man's land procédural ?

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L'article 725a CO : no man's land procédural ?

JEANDIN, Nicolas

JEANDIN, Nicolas. L'article 725a CO : no man's land procédural ? In: Bénédict Foëx et Luc Thévenoz. Insolvence, désendettement et redressement : études réunies en l'honneur de Louis Dallèves . Bâle : Helbing & Lichtenhahn, 2000. p. 145-169

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42577

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no man's land procédural?

Nicolas Jeandin

Avocat au barreau de Genève,

chargé d'enseignement à la Faculté de droit

La procédure de faillite a souvent des conséquences désastreuses, ce qui- comme le souligne le Professeur LouisDALLÈVEs-rendnécessaire une alter- native à la faillite1.

Par nature un simple moratoire ayant pour but de permettre "à l'entre- prise en difficulté d'obtenir un ultime délai pour rétablir sa situation" sans qu'il ne soit question de toucher aux droits des créanciers ou des débiteurs, 1' assainissement ne relève pas de la LP, mais du C02• Alors que la faillite aboutit à annihiler les valeurs de la société ou alors à leur dispersion, ce qui a pour conséquence que les actionnaires perdent définitivement leur investisse- ment, l'ajournement tend à éviter cette extrémité par la voie de l'assainisse- ment, ce qui permet de sauvegarder à la fois le patrimoine de 1' entreprise et les intérêts des créanciers3.

La ratio legis de l'article 725a CO consiste avant tout en la protection des créanciers de la société, qui trouve ses limites dans les intérêts de la société elle-même, des travailleurs, des tiers appelés à fournir des crédits supplémentaires, et des actionnaires4 . De par l'ajournement, on veut dans la mesure du possible éviter la liquidation des actifs de la société et maintenir la substance de l'entreprise, dans l'optique d'assurer la pérennité de celle-ci, ce

1 Louis DALLÈVES, "L'assainissement des entreprises insolvables", in SJ 1992, p. 345- 356/345ss.

2 DALLÈVES (n. 1), p. 350.

3 Alexander DUBACH, "Der Konkursaufschub nach Art. 725a OR: Zweck, Voraussetzungen und Inhalt", in SJZ 94 (1998) 149-160/150ss.

4 DUBACH (n. 3), p. 149; Jürg KOEFERLI, Der Sanierer einer Aktiengesellschaft, thèse, Zurich, 1994, p. 148; Rudolf LANZ, Kapitalverlust, Überschuldung und Sanierungs- vereinbarung, thèse, Winterthour, 1985, p. 135.

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qui permet bien souvent de sauver des places de travai!S. Après le premier signal d'alarme prévu par l'article 725 1 CO dès lors que la moitié du capital actions et des réserves légales n'est plus couverte, ce qui contraint le conseil d'administration à convoquer immédiatement une assemblée générale en vue de proposer des mesures d'assainissement, un deuxième signal d'alarme re- tentit s'il existe des raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée, ce qui, comme le souligne le Professeur LouisDALLÈVES, conduira le conseil d'administration- après établissement d'un bilan intermédiaire confirmant ses craintes initiales- à en aviser le juge (dépôt du bilan)6.

Or, la lecture de 1' article 725a CO peut paraître laconique au praticien désireux de se faire une idée précise de la procédure à mettre en place, raison pour laquelle il nous a paru utile de dresser un état des lieux sur un sujet cher au Professeur Louis DALLÈVES, toujours soucieux de faire en sorte que notre législation dispose d'outils aptes à répondre aux besoins des entreprises en difficulté.

I. Le dépôt de bilan

A. La société est surendettée

Les "raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée" (article 725 II CO) font que le critère à prendre en compte n'est pas seulement le bilan mais tout autre signe donnant à penser à un risque de surendettement?.

Parmi d'autres signaux, on citera l'impossibilité de continuer l'exploitation (retrait d'une licence de production, rupture de stock de matières premières), des événements imprévus (pertes sur débiteur, pertes de change) ou encore la persistance de résultats déficitaires8. Le surendettement-qui se distingue de la suspension des paiements visée par 1 'article 190 1 ch. 2 LP9 - doit résulter

5 Hans Ulrich HARDMEIER, "Das aktienrechtliche Moratorium und der gerichtliche Nachlassvertrag ais Sanierungsinstrumente", in Recht und Rechtsdurchsetzung, Festschriftjür Hans Ulrich Walder, Zurich, 1994, p. 503.

6 Louis DALLÈVES, "Dépôt du bilan, ajournement de faillite et nouveau droit concorda- taire", in La responsabilité des administrateurs, Zurich, 1994, p. 89ss, p. 9lss.

7 KOEFERLI (n. 4), p. 147 ("andere bOse Zeichen").

8 KOEFERLI (n. 4), p. 149ss.

9 WolfhartBÜRGI, "Die Aktiengesellschaft", inZürcher Kommentar, Zurich, 1969, Art. 725 N 9; GIROUD (n. 27), p. 59.

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de bilans établis aux valeurs d'exploitation et aux valeurs de liquidation10

Moins les fonds propres sont importants, plus le conseil d'administration devra être attentif à la question du surendettement ''.

Le bilan établi aux valeurs de continuation (going-concern basis) tient compte des valeurs d'acquisition historiques de 1' outil de production et d'éven- tuels amortissements, ce qui en fait un document relativement objectivable12

En revanche, l'établissement d'un bilan aux valeurs de liquidation est plus aléatoire, puisqu'il est censé apprécier une valeur probable de réalisation correspondant à ce qu'offrirait le marché en cas de vente- dans un certain laps de temps-de machines, d'installations, de divers actifs immobiliers ou encore de valeurs immatérielles à l'instar de créances ou de processus de fabrication 13 •

L'idée d'un bilan aux valeurs de liquidation consiste à s'assurer que la société soit en mesure d'honorer ses dettes en cas de dissolution 14. Si seul le bilan aux valeurs d'exploitation démontre un surendettement, on peut imagi- ner l'existence de réserves latentes dont la réalisation permettrait d'honorer les dettes, d'où la nécessité d'entreprendre un bilan aux valeurs de liquidation aux fins de s'en assurer. A l'inverse, un surendettement ne résultant que du bilan aux valeurs de liquidation n'emporte pas nécessairement le prononcé de la faillite, si la continuation des activités de la société n'est pas mise en dan- ger15.

B. L'avis

au juge

C'est une obligation que d'informer le juge en cas de surendettement ainsi établi, une règle qui prévaut également pour la société à responsabilité limitée (article 817 CO) et pour la société coopérative (article 903 C0) 16.

La loi ne dit rien s'agissant de savoir comment doit être donné l'avis de l'article 725 II CO. Celui-ci peut théoriquement intervenir soit par écrit soit

10 KOEFERLI (n. 4), p. 147.

11 KOEFERLI (n. 4), p. 150.

12 KOEFERLI (n. 4), p. 152.

13 LANZ (n. 4), p. 113ss (qui détaille la notion de "valeurs de réalisation").

14 LANZ (n. 4), p. 129.

15 KOEFERLI (n. 4), p. 147ss.

16 HARDMEIER (n. 5), p. 505.

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oralement17 • Le bilan doit être déposé en même temps que l'avis (d'où le terme "dépôt de bilan" qui désigne souvent l'avis de surendettement), alors qu'en cas d'ambiguïté sur la portée de l'avis ou encore s'il manque le bilan, le juge impartira un délai au conseil d'administration pour préciser ou complé- ter son avis 18 . Le délai dans lequell' avis doit être donné n'est pas précisé; ce délai dépend de la complexité et de l'importance des démarches à entrepren- dre par le conseil d'administration pour s'assurer de l'existence du surendettement et réunir les documents nécessaires au dépôt de l'avis19• La requérante prendra soin de joindre les documents propres à rendre vraisem- blable l'existence d'un surendettement20.

Seul le conseil d'administration- en cas de liquidation cette compétence passe aux liquidateurs21 -est compétent pour donner 1' avis de surendettement (article 725 II CO), même si on peut admettre le cas de figure dans lequel la décision formellement prise par le conseil d'administration soit exécutée par un administrateur muni de pouvoirs spéciaux lui ayant été conférés à ces fins22 . A relever toutefois 1' article 729b II CO qui oblige 1' organe de révision à donner lui-même l'avis au juge "en cas de surendettement manifeste" et pour autant que le conseil d'administration omette de le faire23 • La direction, l'assemblée générale, l'actionnaire ou un groupe d'actionnaires, un ou plu- sieurs créanciers, voire encore des tiers, n'ont pas la possibilité de déposer le bilan en leur nom24. Le juge ne pourra prononcer d'office la faillite de la société en se basant sur un surendettement dont il aurait appris 1' existence sans que l'avis prévu à l'article 725 II CO n'ait été donné selon les règles25 .

17 LANZ (n. 4), p. 144.

18 Alexander BRUNNER, "Insolvenz und Überschuldung der Aktiengesellschaft", in AJP

611992, p. 806-820/816. -

19 KOEFERLI (n. 4), p. 153ss.

20 Voir à ce propos KOEFERLI (n. 4), p. 154.

21 BRUNNER (n. 18), p. 814; Hans Ulrich HARDMEIER, "Der Verwaltungsrat", in Zürcher Kommentar, Zurich, 1997, Art. 725a N 1299.

22 BRUNNER (n. 18), p. 814; BüRGI (n. 9), Art. 725 N 12; LANZ (n. 4), p. 145.

23 Peter Bë>CKLI, Schweizer Aktienrecht, 2e édition, Zurich, 1996, p. 915; HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1299.

24 Eric HaMBURGER, "Der Verwaltungsrat", inZürcher Kommentar, Zurich, 1997, Art. 725 N 1254.

25 BRUNNER (n. 18), p. 816; Hanspeter WüsTINER, "Obligationenrecht II", in Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Bâle, 1994,Art. 725a N 2. Voir aussi l'ATF 99 la 10, c. 3b.

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Le dépôt du bilan en lui-même ne fait l'objet d'aucune publication offi- cielle; ainsi, à défaut d'en être informés autrement, les créanciers ne seront pas en mesure de solliciter l'ajournement de la faillite (article 725a 1 CO), une question que le juge n'abordera donc pas si le conseil d'administration n'entreprend rien dans ce sens non plus26.

L'annonce du surendettement ne peut être révoquée ou retirée, tant que subsiste le surendettement. En revanche, la faillite ne sera pas prononcée en cas de disparition du surendettement dans l'intervalle27. Si cet avis ne devait pas s'avérer fondé- ce qui implique qu'il aurait été donné par erreur- il ne sera pas retiré28 mais le juge aura la faculté de constater l'absence de surendettement: il ne prononcera pas la faillite ni n'entrera en matière sur une éventuelle requête d'ajournement. En tous les cas, si le juge constate qu'il n'y a pas de surendettement au sens de 1' article 725 II CO (cas d'un surendettement ne ressortant que du bilan établi aux valeurs de continuation), il refusera de prononcer 1' ajournement, tout comme il renoncera à prononcer la faillite de la société29.

II. Le prononcé de la faillite

Comme relevé ci-dessus, l'existence d'un surendettement ressortant du bilan établi aux valeurs de continuation et aux valeurs de liquidation est un préala- ble indispensable au prononcé de la faillite selon l'article 725a 1 C03o.

On peut envisager trois cas de figure après 1' avis au juge: prononcé de la faillite, ajournement de celle-ci ou encore refus de prononcer la faillite no- nobstant l'avis de surendettement pour des raisons formelles ou matérielles31.

Le juge ayant reçu l'avis puis constaté le surendettement n'a d'autre choix 26 LANZ (n. 4), p. 148.

27 Sur l'ensemble de ces points, cf. BüRGI (n. 9), Art. 725 N 15; Roger GIROUD, Die Konkurseroffnung und ihr Auftchub bei der Aktiengesellschaft, 2e édition, 1986, p. 101;

HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1300; LANZ (n. 4), p. 148.

28 Contra, admettant qu'un retrait de l'avis de surendettement est possible dans un tel cas de figure: BÜRGI (n. 9), Art. 725 N 15.

29 KOEFERLI (n. 4), p. 163.

30 WÜSTINER (n. 25), Art. 725a N 3. Voir aussi l'arrêt rendu le 21 octobre 1998 par l'Autorité valaisanne de recours en matière de faillite, in RVJ 33 (1999) 296, c. 2a.

31 KOEFERLI (n. 4), p. 166; LANZ (n. 4), p. 146.

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que de prononcer la faillite, sauf à avoir été saisi d'une requête en ajourne- ment32. Le dépôt du bilan n'habilite pas le juge à exiger de la société qu'elle procède à l'avance des frais propres à couvrir les frais d'une éventuelle faillite jusqu'à une suspension faute d'actifs (article 169 I et II LP): il serait en effet difficilement concevable que l'obligation légale qui incombe au conseil d'ad- ministration de donner l'avis au juge prévu par l'article 725 II CO puisse être paralysée par l'exigence d'une telle avance33. C'est la raison pour laquelle l'article 194 I LP34 deuxième phrase exclut 1' application de l'article 169 LP en relation avec la faillite sans poursuite préalable prévue par l'article 725a

co3s.

Le juge se prononce sur la faillite sans poursuite préalable selon la pro- cédure sommaire (article 25 ch. 2lit. a LP) et conformément aux règles appli- cables au prononcé de la faillite ordinaire, ce qui découle du renvoi de l'arti- cle 194 LP aux articles 170 et 173 a LP en lien avec 1' article 192 LP36. Le juge compétent est celui du siège de la société37. Il n'est pas tenu de convo- quer la société débitrice avant de prononcer la faillite, l'article 194 I LP ne renvoyant pas à l'article 168 LP38. Cela se justifie d'autant plus qu'à défaut d'une requête en ajournement, le juge n'ad' autre choix- dans la mesure où il constate le surendettement- que de prononcer la faillite. Toutefois, rien ne l'empêche de prévoir une audience au cours de laquelle pourrait être entendue la société débitrice, voire l'organe de révision ou un créancier, en vue de vérifier que le surendettement soit donné39.

Selon les cas, le juge pourra être amené à ajourner le prononcé de la faillite et transmettre le dossier au juge du concordat en application de 1 'arti- cle 173a II LP4o.

32 BRUN}ŒR (n. 18), p. 816; GIROUD (n. 27), p. 101; HARD MEIER (n. 21 ), Art. 725a N 1298;

WüSTINER (n. 25), Art. 725a N 1.

33 LANZ (n. 4), p. 146.

34 Voir en outre 1 'article 192 LP.

35 BRUNNER (n. 18), p. 817; Markus L. SCHMID, Überschuldung und Sanierung, Fribourg, 1984, p. 48.

36 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1301 et 1306.

37 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1301.

38 BüRGI (n. 9), Art. 725 N 16.

39 BüRGI (n. 9), Art. 725 N 16.

40 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1307.

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Les décisions du juge (prononcé ou refus de prononcer la faillite) sont susceptibles de recours selon l'article 174 LP; tant la société que le conseil d'administration ou un créancier ont la qualité pour recourh41 •

HI. L'ajournement de la faillite

A. Légitimation pour requérir l'ajournement

Le dépôt du bilan est une exigence préalable incontournable pour que le juge entre en matière sur la requête d'ajournement42, laquelle peut être déposée simultanément à 1' avis de surendettement, et tout aussi longtemps que le juge n'a pas prononcé la faillite43. A relever également que 1' entrée en matière sur un ajournement de faillite est exclue durant l'année qui suit l'expiration d'un sursis extraordinaire au sens des articles 337 et suivants LP (article 350 1 LP)44.

Le juge ne saurait prononcer d'office l'ajournement de la faillite45 • Seuls le conseil d'administration agissant pour la débitrice, ou un créancier sont légitimés à requérir l'ajournement de la faillite46, à l'exclusion de tout autre cercle de personnes pourtant concernées par le devenir de la société anonyme, à l'instar de l'organe de révision (l'article 729b CO ne visant que l'avis de surendettement), de l'actionnaire ou de 1' employé non créancier47. De même, 1' assemblée générale, les actionnaires et les liquidateurs n'ont pas la qualité pour requérir 1' ajournement48.

S'agissant du conseil d'administration, ce qui a été dit à propos de 1' avis au juge demeure pleinement valable: l'administrateur à titre personnel n'a

41 BüRGJ (n. 9), Art. 725 N 17 (qui, à tort, limite la qualité pour recourir aux créanciers

"soweit ihre Forderungen nicht durch Aktiven gedeckt sind''); HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1310.

42 BRUNNER (n. 18), p. 818; G!ROUD (n. 27), p. 110; SCHMID (n. 35), p. 50; WÜSTINER (n. 25), Art. 725a N 5.

43 KOEFERLI (n. 4), p. 161.

44 GIROUD (n. 27), p. 111 (citant l'ancien article 317o LP); KOEFERLI (n. 4), p. 163 (idem).

45 BRUNNER(n. 18),p. 817;DUBACH (n. 3), p. 153;HARDMEIER(n. 21), Art. 725aN l329ss;

KOEFERLI (n. 4), p. 161.

46 BüRGJ (n. 9), Art. 725 N 19; DALLÈVES (n. 6), p. 94.

47 LANZ (n. 4), p. 161.

48 GIROUD (n. 27), p. 108.

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pas qualité pour requérir l'ajoumement49. Il y a toutefois lieu de rappeler que -contrairement à ce qui prévaut s'agissant de 1' avis de surendettement- il n'y a pas d'obligation pour le conseil d'administration de requérir l'ajoume- ment50. Nous sommes d'avis que le conseil d'administration est légitimé à requérir l'ajournement, même lorsqu'il a négligé de donner l'avis de surendettement au juge et que son incurie a été palliée par l'organe de révi- sion agissant selon l'article 729b II CO. Nous ne voyons pas pourquoi le conseil d'administration- eût-il été négligent s'agissant de donner l'avis au juge- ne pourrait agir dans ce sens lorsque 1' assainissement paraît probable, ce qui se conçoit d'autant plus aisément que les créanciers ne seront pas nécessairement en mesure de le faire à défaut d'avoir été informés du dépôt du bilan opéré par 1' organe de révision51 .

Le texte de l'article 725a CO est explicite à cet égard: la requête en ajournement peut être présentée par n'importe quel créancier pris isolément (pas d'exigence quant à un nombre de créanciers minimum ou quant à un montant de créance )52 . On peut penser non seulement à une banque ou à un gros créancier, mais aussi aux travailleurs dans l'entreprise et aux autorités fiscales 53. Une exception demeure toutefois dans le cadre de la communauté des créanciers dans les emprunts par obligations: le créancier individuel ne peut requérir l'ajournement dans la mesure où le représentant de la commu- nauté a le pouvoir de le faire (article 1159 III C0)54. Nous sommes d'avis qu'à défaut de restriction apportée par le texte légal sur ce point, la légitima- tion du créancier ne doit pas dépendre d'exigences supplémentaires, telles que l'absence de garantie réelle ou personnelle55 . Toutefois, comme le souli- gne DALLÈVES, la participation des créanciers à ce stade de la procédure est souvent théorique, puisqu'ils ne sont pas informés du dépôt du bilan, le juge n'ayant aucune obligation de le faire56. Nous ne pensons pas que le juge

49 ÜIROUD (n. 27), p. 109; LANZ (n. 4), p. 161.

50 ÜIROUD (n. 27), p. 109.

5! Contra: HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1330, citant ZR 1995 152ss.

52 KOEFERLI (n. 4), p. 161 et 165; William-Henri WERNER, L'ajournement de la faillite des sociétés anonymes, thèse, Genève, 1938, p. 24.

53 B6CKLI (n. 23), p. 917.

54 ÜIROUD (n. 27), p. 110.

55 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1331; LANZ (n. 4), p. 162. Contra apparemment:

ÛIROUD (n. 27), p. 109ss.

56 DALLÈVES (n. 6), p. 94; DUBACH (n. 3), p. 153; ÜIROUD (n. 27), p. 110; WÜSTINER (n. 25), Art. 725a N 5. La proposition de BRUNNER (n. 18), p. 817, selon laquelle la constatation du surendettement devrait faire l'objet d'une publication dans la Feuille

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puisse appliquer l'article 173a II LP par analogie, de façon à laisser la possi- bilité aux créanciers de solliciter 1' ajournement au sens de 1' article 725a CO en cas d'inaction du conseil d'administration à cet égard57 • Le juge n'a pas non plus à informer les créanciers de la tenue d'une audience58, lesquels n'ont pas un droit à exiger d'y participer59•

B. Plan d'assainissement

Une requête d'assainissement ne suffit pas; encore faut-il que le requérant propose un plan d'assainissement le plus précis possible, qu'il n'incombe pas au juge d'établir d' office60 . A ces fins, le requérant doit permettre au juge de se faire une idée complète et précise de la société; les documents déposés au moment de l'avis de surendettement ne suffiront pas toujours61 . Les mesures proposées doivent permettre une guérison durablé2Selon le Tribunal fédéral, il faut un assainissement financier effectif assurant à la société une activité rentable, et non pas seulement une mesure ponctuelle se limitant à faire disparaître le surendettement sans toutefois assurer une ex- ploitation équilibréé3.

Le plan d'assainissement- dont la mise en œuvre provoque la plupart du temps des sacrifices, des changements de direction et de nouveaux finance- ments64- implique une analyse des causes du surendettement et une évalua- tion des chances de succès des mesures concrètement envisagées. Ces mesu-

officielle suisse du commerce avec fixation d'un délai à tout créancier intéressé pour solliciter l'ajournement, ne trouve aucun appui dans la loi; de plus, elle pourrait contri- buer à donner une publicité non souhaitable à la procédure.

57 Contra, suggérant une telle application par analogie: DUBACH (n. 3), p. 153.

58 KOEFERLI (n. 4), p. 161.

59 G!ROUD (n. 27), p. 151; SCHMID (n. 35), p. 48.

60 BRUNNER (n. 18), p. 819;DUBACH (n. 3), p. 157;HARDMEIER(n. 21), Art. 725a N 1332a.

61 KOEFERLI (n. 4), p. 162.

62 BRUNNER (n. 18), p. 819; KOEFERLI (n. 4), p. 166.

63 BRUNNER (n. 18), p. 819, citant l'ATF 99 II 282, c. 3, lequel exigeait in casu "un assainissement financier effectif, fondé sur une nouvelle structure économique assurant à l'entreprise une activité rentable et des débouchés pour ses produits". De même, un abandon de créance de l'actionnaire, accompagné d'une reprise de dette par ce dernier et d'un refinancement permettant de résoudre un manque chronique de liquidités constitue un plan d'assainissement au sens de la loi (ainsi l'a constaté une décision non publiée rendue le 27 juillet 1998 par le Juge II des districts d'Herens et Conthey [VS], p. 4).

64 B6CKLI (n. 23), p. 902.

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res pourront consister notamment en une réduction des coûts de production, une compression de personnel, des mesures de restructuration, une adapta- tion de la stratégie, la prospection de nouveaux marchés, des négociations avec les créanciers pour obtenir des renonciations à leurs prétentions ou des rééchelonnements de dettes, 1' obtention de prêts d'actionnaires ou encore de postpositions6s. Il peut s'agir de mesures d'organisation, de type financier (procurer les moyens financiers nécessaires à la poursuite du but) et juridique (procédure en elle-même, mise en place des structures juridiques adéqua- tes)66.

Une question souvent débattue consiste à savoir si la perspective de la reprise des actifs de la société par une entité tierce (Auffanggesellschaft), alors même qu'elle permettrait de générer un dividende de liquidation supé- rieur à celui auquel aboutirait la mise en faillite immédiate, doit être considé- rée comme un assainissement au sens de la loi. A notre sens tel n'est pas le cas, puisque de telles mesures aboutissent en réalité à une liquidation de la société et non pas à son "rétablissement". Le critère à prendre en compte n'est pas la continuation de l'outil de production dans un sens économique, mais bien au sens juridique du termé7• En d'autres termes, 1' assainissement présuppose obligatoirement que la continuation de 1' activité de la société pa- raisse possible, et "ne saurait entrer en considération lorsque la liquidation est la seule solution"68. La loi offre d'ailleurs des institutions mieux adaptées pour ce genre d'opérations, à l'instar du concordat par abandon d'actifs69.

C. Pouvoir d'appréciation du juge

La révision du droit de la SA en vigueur depuis 1992 a induit une modifica- tion du texte légal puisque l'assainissement doit paraître "possible", et non plus "probable"70 . Le juge dispose d'un très large pouvoir d'appréciation, ce

65 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1318.

66 DUBACH (n. 3), p. 152.

67 DALLÈVES (n. 1), p. 350; DUBACH (n. 3), p. 155; G!ROUD (n. 27), p. 118; LANZ (n. 4), p. 163.

68 DALLÈVES (n. 6), p. 94. Voir aussi BÜRGI (n. 9), Art. 725 N 18; WüSTINER (n. 25), Art. 725a N 4.

69 DALLÈVES (n. 1), p. 315; DUBACH (n. 3), p. 155.

70 Comparer l'actuel article 725a I CO avec l'article 725 IV aCO. Voir DALLÈVES (n. 6), p. 94.

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qui fait que les pratiques peuvent varier d'un canton à l'autre71 . Il s'assurera que cette mesure ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers; en particu- lier, l'ajournement ne devra pas avoir pour conséquence que les créanciers soient moins bien lotis que dans le cas du prononcé immédiat de la faillite 72.

La loi ne mentionne pas les critères en vertu desquels 1' assainissement doit paraître probable; le juge sera contraint de raisonner en termes de probabili- tés73. Il s'agit pour le juge de constater qu'on peut raisonnablement s'atten- dre à ce qu'à la suite de l'assainissement, la société aura retrouvé une situa- tion financière saine: le surendettement aura durablement disparu74. Il est excessif d'exiger que l'assainissement aboutisse à la satisfaction intégrale des créanciers 75, tout comme de se contenter de ce que 1' assainissement ne soit pas d'emblée exclu pour prononcer l'ajournement76 . Si l'ajournement présuppose impérativement que les créanciers ne soient pas moins bien lotis qu'ils ne le seraient avec le prononcé immédiat de la faillite 77 , il ne suffit pas en revanche de constater que les créanciers pourraient toucher un dividende meilleur qu'en cas de faillite pour prononcer l'ajournement: encore faut-il s'assurer de ce qu'un assainissement ait de raisonnables chances d' aboutir78 . Pour évaluer la situation financière de la société et les chances d'un as- sainissement, le juge devra aussi prendre en considération des éléments qui ne ressortent pas du bilan, comme l'état de la comptabilité, l'état des comman- des, des engagements hors bilans ou encore d'éventuelles analyses de mar- chés. Nonobstant cela, ce n'est pas faire preuve de formalisme excessif de la part du juge que de subordonner l'octroi de l'ajournement à la présentation d'un bilan intermédiaire vérifié par un organe de révision, ce d'autant que ces documents font partie des exigences posées par l'article 725 II C079 .

L'analyse de cette question requiert de la part du juge des connaissances bien spécifiques, puisqu'il doit se faire une idée précise de la situation écono- 71 DUBACH (n. 3), p. 150, qui relève cependant que le taux d'acceptation des requêtes

d'ajournement se situe aux alentours de 90%.

72 KOEFERLI (n. 4), p. 164.

73 DUBACH (n. 3), p. 156.

74 KOEFERLI (n. 4), p. 164.

75 DALLÈVES (n. 1), p. 351; DALLÈVES (n. 6), p. 94.

76 KOEFERLI (n. 4), p. 164ss.

77 DUBACH (n. 3), p. 156; ÜIROUD (n. 27), p. 122; HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1320.

Voir aussi ATF 120 II 425, c. 2b.

78 GIROUD (n. 27), p. 117.

79 ATF 120 III 425, c. 2.

(13)

mique de la société tout comme des causes du surendettement; il lui faudra également apprécier la viabilité de l'entreprise, ce qu'on peut attendre des mesures d'assainissement proposées, de même que l'évolution probable des liquidités et de l'endettement de la société80. Ces questions peuvent dans cer- tains cas revêtir des aspects très techniques, ce qui- selon le degré de com- plexité de l'affaire- incitera le juge à s'adjoindre les services d'un ou plu- sieurs experts chargés de lui fournir toutes constatations utiles aux fins d'apprécier le caractère possible ou non de l'assainissement proposé81 Du- rant le laps de temps nécessaire à 1' expert pour se prononcer, le juge pourra d'ores et déjà prévoir diverses mesures propres à préserver les intérêts des créanciers82 .

La requête en ajournement sera rejetée lorsque le juge arrive à la conclu- sion que les conditions à la poursuite de 1' activité de 1' entreprise ne sont pas données (assainissement non probable) voire encore qu'il y a absence de réelle volonté dans ce sens83 •

D. Avance de frais

Le juge assortira le prononcé de l'ajournement d'exigences quant à des avan- ces de frais propres à couvrir le coût présumé de l'ajournement, constitué la plupart du temps par les honoraires du curateur (articles 169 Il, 192 et 194 LP)84. Il pourra faire dépendre la mise en vigueur de 1' ajournement du verse- ment de l'avance de frais85 • Si l'avance de frais n'est pas versée dans les délais, le juge n'entrera pas en matière sur la requête en ajournement, ou alors révoquera un ajournement en cours; de même le juge peut-il exiger le verse- ment d'une avance complémentaire pour le cas où 1' activité du curateur pen- dant 1' ajournement 1' exigerait86.

80 LANZ (n. 4), p. 163.

81 LANZ (n. 4), p. 163. Cf. jugement non publié rendu le 22 décembre 1994 par le Tribunal de première instance genevois, qui surseoit à statuer sur l'ajournement tout en nom- mant des experts afin de déterminer si l'assainissement paraît possible, parmi lesquels des personnes morales "vu l'ampleur de la tâche à accomplir". Voir aussi décision non publiée rendue le 2 juillet 1996 par le Bezirksgericht de Zurich, p. 7.

82 LANZ (n. 4), p. 163.

83 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1334; LANZ (n. 4), p. 164.

84 G!ROUD (n. 27), p. 111.

85 SCHMID (n. 35), p. 47.

86 DUBACH (n. 3), p. 154; HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1332; KOEFERLI (n. 4), p. 163.

(14)

E.

Désignation d'un curateur

La désignation d'un curateur n'est pas une obligation mais une faculté, dont le juge fera usage selon sa libre appréciation (article 725a II CO). Dans l'im- mense majorité des cas, le juge procédera ainsi87 . Le rôle du curateur consiste essentiellement à prendre les mesures utiles à la conservation des actifs de la société, à veiller au maintien de 1' égalité de traitement entre les créanciers sociaux et à préparer les mesures d'assainissement nécessaires88 • Il devra établir un rapport à 1 'attention du juge, de façon à lui permettre de prendre toute décision utile à l'issue de l'ajournement (prolongation, constatation de la survenance de 1' assainissement, prononcé de la faillite), ou encore rendre des rapports intermédiaires à une fréquence fixée par le juge. Le curateur peut aussi se voir conférer le pouvoir de transiger, ou encore de conclure certaines conventions avec des tiers (reprise de tel ou tel actif important par exemple)89 • Dans les affaires importantes, il sollicitera la ratification de sa décision par le juge.

Le juge est libre de choisir un ou plusieurs curateurs, parmi lesquels une ou plusieurs personnes morales au gré de la difficulté de 1' exercice90 • Cela pourra aussi être un préposé de 1' Office des poursuites91 . Le juge n'est pas obligé de suivre les éventuelles propositions que lui aura faites la partie re- quérante ou encore la société débitrice au sujet de 1' identité du curateur, même s'il ne s'en distancera-d'un point de vue de pure opportunité- que si néces- saire; il est en effet important que, tout en gardant son indépendance, le cura- teur nommé ne soit pas d'emblée rejeté par la débitrice ou les créanciers92 . Le juge devra décrire la mission du curateur de fàçon précise93 ; celle-ci pourra consister en une simple surveillance des activités de la débitrice, ou alors en une implication plus marquée dans la gestion des activités de la société, par exemple en ce sens que les décisions du conseil d'administration ou encore

87 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1335.

88 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1336; DALLÈVES (n. 6), p. 95; WERNER (n. 52), p. 46.

89 WERNER (n. 52), p. 52.

90 G!ROUD (n. 27), p. 129.

91 WüSTINER (n. 25), Art. 725a N 12. Voir aussi l' ATF 104 III 1, c. 3b, SJ 1978 593/595.

92 DUBACH (n. 3), p. 158.

93 Message du Conseil fédéral concernant la révision du droit des sociétés anonymes, in FF 1983 II 757/955.

(15)

certains actes juridiques (conclusion de certains contrats par exemple) seront soumis à son approbation94. Le curateur est libre d'accepter ou non sa charge95.

Le curateur revêt la qualité d'un organe officiel de 1 'Etat, chargé de veiller à la fois sur les intérêts de la société débitrice et sur ceux des créanciers, à l'instar du commissaire au sursis concordataire96 • Il n'a aucun lien contrac- tuel avec la société, qui demeure néanmoins débitrice des honoraires du cura- teur97. Il demeure placé sous la surveillance du juge en charge de l'ajourne- ment, et non sous celle de 1' autorité de surveillance en matière de poursuites, et ce contrairement au commissaire au sursis concordataire98. Le juge a le pouvoir de révoquer le curateur, soit d'office, soit sur requête de la débitrice ou d'un créancier99. Quiconque est touché par une décision du curateur est habilité à recourir, ce qui peut être le cas d'un créancier, du conseil d'admi- nistration, de la société débitrice, voire d'un tiers cocontractant100. Le pou- voir d'examen du juge saisi d'un recours contre une décision du curateur se limitera bien souvent à l'excès du pouvoir d'appréciation; le juge sera appelé à donner des instructions contraignantes au curateur, voire à le révoquer ( ultirna ratio )101. De même, toute décision du juge rendue dans de telles circonstances pourra faire l'objet d'un recours auprès de l'instance cantonale supérieure compétente102.

Les honoraires du curateur sont fixés par le juge (et non par 1' autorité de surveillance en matière de LP103), lequel s'inspirera de l'Ordonnance sur les 94 Bë>CKLI (n. 23), p. 918ss; HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1337; KOEFERLI (n. 4), p. 171. Ainsi le juge pourra prévoir que tout paiement supérieur à CHF 10 '000 devra être soumis à l'approbation du curateur, que la société a l'obligation de communiquer tout renseignement ou document nécessaire à l'exercice de sa mission par le curateur, ou que toute aliénation d'actifs dépassant l'exploitation normale implique l'approba- tion du curateur.

95 KOEFERLI (n. 4), p. 171.

96 DUBACH (n. 3), p. 158; ÜIROUD (n. 27), p. 130; KOEFERLI (n. 4), p. 170. Voir égale- ment ATF 104 III 1, c. 3b.

97 WERNER (n. 52), p. 44.

9S BRUNNER (n. 18), p. 819ss; DUBACH (n. 3), p. 158; ÜIROUD (n. 27), p. 130; HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1338; KOEFERLI (n. 4), p. 170; SCHMID (n. 35), p. 55; WüSTINER (n. 25), Art. 725a N 13; WERNER (n. 52), p. 45. Voir aussi ATF 98 III 41, JdT 1972 II 91/93.

99 WERNER (n. 52), p. 44ss.

100 KOEFERLI (n. 4), p. 171; SCHMID (n. 35), p. 55.

101 BRUNNER (n. 18), p. 820; HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1338.

102 SCHMID (n. 35), p. 59.

103 ATF 98 III 41, JdT 197211 91/93ss.

(16)

émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et le faillite (OELP) du 23 septembre 1996 (RS 281.35), cette ordon- nance n'étant applicable que par analogie104. La problématique du traitement juridique des honoraires dus par la société au curateur dans le cadre de la faillite ultérieure de celle-ci ne suscite pas l'unanimité parmi les auteurs. La majorité d'entre eux voudraient voir traiter ces honoraires comme une dette de la masse 105 ; si l'on peut comprendre cette solution de lege ferenda, force est de constater qu'elle ne trouve pas d'appui dans la loi, l'article 310 II LP n'étant pas applicable à l'ajournement106• En d'autres termes, l'éventuel solde d'honoraires du curateur ne peut se voir conférer un statut privilégié en cas de faillite subséquente, ce qui incitera tout curateur- avec 1' aide du juge- à s'assurer du versement de provisions suffisantes107. Cette déficience de notre droit actuel-DALLÈVES le relève à juste titre108 - fait de l'ajournement une procédure d'assainissement insatisfaisante.

F. Autres mesures propres à la conservation de l'actif social

La décision de prononcer 1 'ajournement a pour corollaire la mise en œuvre de diverses mesures propres à sauvegarder le patrimoine social et à favoriser le succès du plan d'assainissement (article 725a I CO infine)109• Le juge pren- dra ces mesures d'office, sans être lié par l'existence ou l'absence de requêtes ou propositions des parties dans ce sens et selon sa propre appréciation des circonstances 110•

104 BRUNNER(n. 18),p. 819; G!ROUD (n. 27),p. 133;HARDMEIER (n. 21), Art. 725aN 1340;

KOEFERLI (n. 4), p. 172; WüSTINER (n. 25), Art. 725a N 13. Voir aussi ATF 98 III 41, JdT 1972 II 91/94.

105 DUBACH (n. 3), p. 158; GIROUD (n. 27), p. 132; KOEFERLI (n. 4), p. 172; SCHMID (n. 35), p. 54; WÜSTINER (n. 25), Art. 725a N 13.

106 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1340.

107 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1340. Dans ce sens également, décision non publiée rendue le 20 avril 1999 par le Juge du District de Loèche-les-Bains et Rarogne Ouest (VS), p. 11.

108 DALLÈVES (n. 1), p. 352, soulignant que d'une façon générale le juge ne peut attribuer la qualité de dette de la masse aux dettes nées pendant l'ajournement (ce qui restreint la possibilité pour la société en ajournement d'obtenir les crédits bancaires nécessai- res à son assainissement, sauf pour la banque à obtenir des garanties réelles ou person- nelles).

109 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1326; WERNER (n. 52), p. 20.

110 WüSTINER (n. 25), Art. 725a N 10ss.

(17)

Un inventaire peut s'avérer utile, lorsque des doutes subsistent sur la composition des masses du bilan présenté; cette mesure -que le législateur mentionnait à l'article 725 IV aC0111 mais qu'il n'a à juste titre pas reprise à l'article 725a CO car elle ne contribue pas en elle-même à l'assainissement112 -ne sera appliquée qu'à titre exceptionnel'13 . Quant à un appel aux débi-

teurs, comme en cas de sursis concordataire, la mesure ne paraît pas indi- quée; elle serait en tous les cas en contradiction complète avec une absence de publication de l'ajoumementll4.

De plus, selon les cas, le juge pourra restreindre tout ou partie des pou- voirs du conseil d'administration (pour cause d'incompétence ou de manque de crédibilité), soit globalement, soit vis à vis de tel ou tel administrateur en particulier (ainsi 1' actionnaire principal par exemple), ce que prévoit expres- sément 1' article 725a II CO 11 5. Cette restriction des pouvoirs impliquera bien souvent leur exercice par le curateur ou par le gérant, voire par une commis- sion de gestion désignée à cet effet par le juge. De même, le juge pourra restreindre le pouvoir de disposer sur tel ou tel compte, bloquer certains avoirs ou encore prononcer la mise en lieu sûr de certaines valeurs116, soumettre l'aliénation de certains actifs (immobiliers par exemple) à l'approbation du curateur11 7, ou encore faire procéder à une annotation au registre foncier selon l'article 960 I ch. 2 CCS118•

Le jugement peut aussi prévoir la nomination d'un gérant en charge de la gestion courante des affaires (Geschiiftsführer), en lieu et place du conseil d'administration, notamment lorsque 1' incurie de ce dernier aura joué un rôle III SCHMID (n. 35), p. 57.

II2 Message (n. 93), p. 955.

ll3 B6CKLI (n. 23), p. 919; DUBACH (n. 3), p. 158; GIROUD (n. 27), p. 128. WÜSTINER (n. 25), Art. 725a N 11, estime que l'inventaire n'est pas une mesure propre à la conservation de l'actif social au sens de l'article 725a I CO et l'exclut.

I1 4 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1327; KOEFERLI (n. 4), p. 168.

I 15 HARDMEIER (n. 5), p. 509; KOEFERLI (n. 4), p. 168ss; WÜSTINER (n. 25), Art. 725a N llss.

ll 6 DUBACH (n. 3), p. 158; HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1326. Cf. aussi jugement non publié rendu le 13 septembre 1995 par le Tribunal de première instance genevois, fixant un délai à la société requérante pour déposer la totalité de son capital actions en mains des curateurs.

!17 SCHMID (n. 35), p. 56.

118 GIROUD (n. 27), p. 127ss (laissant la question ouverte de savoir s'il s'agit du ch. 1 ou du ch. 2 de l'article 960 I CCS); HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1326 (retient le ch. 2); KOEFERLI (n. 4), p. 168 (ne tranche pas). Nous préconisons d'appliquer l'arti- cle 960 I ch. 2 CCS par analogie.

(18)

prépondérant dans le surendettement et que l'ampleur de la tâche l'exige119

Dans ce cas, les compétences du gérant devront être décrites de façon précise par le juge, qui délimitera explicitement les compétences du gérant et celles du curateur. Le gérant, contrairement au curateur, n'est pas un organe officiel de l'Etat120; sa mission consiste essentiellement à gérer les affaires courantes de la société, sans qu'il ne soit question pour lui d'un devoir particulier de veiller aux intérêts des créanciers, qui incombe au curateur121

De même le juge peut, lorsque des circonstances particulières le justi- fient, prévoir une assemblée des créanciers, voire encore une commission de créanciers issue de cette dernière, tous organes qui n'auront qu'une fonction consultative au point que GrROUD qualifie de "farce" la mise en place de telles structures 122 ••.

G. Durée de l'ajournement

La loi ne dit rien quant à la durée de l'ajournement, ce qui laisse cette ques- tion à la libre appréciation du juge123 • Tout dépendra du cas particulier, même si le juge gardera à 1' esprit que 1' ajournement- par définition une mesure de caractère transitoire 124- crée une situation dont le prolongement peut porter atteinte aux intérêts des créanciers, ceux-ci n'ayant pas la faculté de requérir la faillite de la société125Le juge doit fixer une durée, et ne peut prévoir un ajournement pour une durée indéterminée126En règle générale, le juge ajour- nera à raison de périodes n'excédant pas quelques mois, quitte à examiner le moment venu et sur requête (du conseil d'administration ou d'un créancier) l'opportunité de prolonger l'ajournement en fonction de l'évolution de la si-

119 KOEFERLI (n. 4), p. 172; SCHMID (n. 35), p. 56.

120 ZR 69 (1970) 308 N. 113.

121 KOEFERLI (n. 4), p. 173. Contra: GIROUD (n. 27), p. 133 selon qui le gérant, dès lors qu'il est nommé par le juge, doit être assimilé au curateur.

122 GIROUD (n. 27), p. 136. Voir aussiDUBACH (n. 3), p. 158; HARD MEIER (n. 21), Art. 725a N 1327; KOEFERLI (n. 4), p. 173.

123 HARDMEIER (n. 5), p. 508 (qui relève que- contrairement à ce qui prévaut en matière de sursis concordataire [article 295 IV LP] -la loi ne prévoit pas de maximum s'agis- sant de la durée de l'ajournement); LANZ (n. 4), p. 165; WÜSTINER (n. 25), Art. 725a N 8.

124 DALLÉVES (n. 6), p. 95.

125 HARDMEIER (n. 5), p. 507.

126 G!ROUD (n. 27), p. 136ss; SCHMID (n. 35), p. 66.

(19)

tuation et des perspectives offertes par la poursuite de la mise en œuvre des mesures d'assainissement127. Rien ne s'oppose à notre sens à ce que la pro- longation de 1' ajournement soit sollicitée par une personne ou entité autre que celle ayant requis 1' ajournement pour la première fois 128.

A l'échéance de l'ajournement non prolongé, soit l'assainissement aura eu lieu-constatation qui fera l'objet d'unjugement129 -et la société poursui- vra son chemin, soit l'assainissement n'aura pas eu lieu et le juge devra alors prononcer la faillite, à moins qu'une demande de sursis concordataire ne soit déposée ou encore que le tribunal ne décide d'office d'ajourner selon l'article 173a LP, dans la mesure où un concordat lui paraît possible130.

H.

Publication de l'ajournement

L'article 725a III CO, dans sa version actuelle, indique que "l'ajournement n'est publié que si la protection de tiers l'exige", et ce alors que la jurispru- dence qui prévalait sous l'ancien droit exigeait en tous les cas la publica- tion131. Par "tiers", il faut entendre non seulement les créanciers existant au moment de l'ajournement, mais encore et surtout les créanciers futurs, appe- lés à revêtir cette qualité durant l'ajournement132. Le législateur a voulu per- mettre au juge, selon les cas, de prendre en compte l'intérêt de l'entreprise pour la survie de laquelle une telle publication peut souvent s'avérer catastro- phique, alors que l'assainissement vise précisément à rétablir une situation qui n'apparaît pas définitivement compromise. L'idée consiste à éviter à la société l'atteinte au crédit "résultant nécessairement del' aveu public de son surendettement", ce qui ne va pas sans poser un problème de principe tant il est vrai que l'absence de publication revient bien souvent à léser des tiers, que

127 SCHMID (n. 35), p. 66. En l'absence de base légale, la jurisprudence et la doctrine admettent la possibilité de prolonger l'ajournement de l'art. 725a CO: B6CKLI (n. 23), p. 920.

128 On peut songer à l'hypothèse dans laquelle l'ajournement a été demandé par un créan- cier, sa prolongation l'étant par le conseil d'administration, et inversement.

129 A l'image d'une décision non publiée rendue le 17 janvier 2000 par le Juge du District de Loèche-les-Bains et Rarogne Ouest (VS), p. 4.

130 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1325; LANZ (n. 4), p. 166ss.

131 ATF 101 III99, c. 4, JdT 1977 II 34; DALLÈVES (n. 6), p. 94.

132 DUBACH (n. 3), p. 159.

(20)

1 'on amène à traiter avec une société dont on leur cache le surendettement133 •

La publication devrait dès lors rester la règle, sauf à s'assurer qu'il ne soit pas porté atteinte aux intérêts des tiers appelés à traiter avec la société durant l'ajournement134. Dans de rares cas, la publication est explicitement souhai- tée par la débitrice elle-même, pour autant que cette mesure puisse permettre la prise de conscience, par des tiers susceptibles de contribuer à 1' assainisse- ment de la société, d'une situation sérieuse mais non définitivement compro- mise135.

Comme le relève WüsTINER, l'absence de publication n'empêchera pas nécessairement que 1 'ajournement ne soit porté à la connaissance de 1 'un ou l'autre créancier, puisque le créancier dont la poursuite sera suspendue ap- prendra-à la lecture de la motivation de 1' office- que cette suspension est liée à l'existence d'un ajournement136• Dans certains cas, le jugement n'or- donnant pas la publication assignera spécifiquement la tâche au curateur de veiller à ce que les créanciers conscients du surendettement ne soient pas favorisés au détriment des autres137.

I.

Suspension

des

poursuites

La question est controversée de savoir si le prononcé de l'ajournement sus- pend à lui seulles poursuites, ou si une précision expresse du juge dans ce sens est nécessaire. Le Tribunal fédéral retient la première solution 138, ce qui

133 B6CKLI (n. 23), p. 919; DALLÈVES (n. 6), p. 95. Voir aussi Message (n. 93), p. 955, selon lequel "cette publication ne peut être évitée lorsque les intérêts et les droits des tiers sont menacés".

134 DUBACH (n. 3), p. 160. cf. arrêt non publié de la Cour de justice genevoise du 18 novembre 1996, p. 8, relevant que la publication s'impose "notamment lorsque la société traite avec de nombreux créanciers ou que plusieurs d'entre eux ont déjà requis sa faillite".

135 Voir décision non publiée rendue le 6 octobre 1998 par le Tribunal de première ins- tance genevois, p. 8.

136 WüsTINER (n. 25), Art. 725a N 14.

137 Décision non publiée rendue le 20 mai 1999 par le Juge III du District de Sierre (VS), p. 6.

138 G!ROUD (n. 27), p. 138ss; WüSTINER (n. 25), Art. 725a N 9. Voir aussi les ATF 104 III 20, c. 1; 101 III 99, c. 4; 77 III 37 (s'agissant de réalisations dans le cadre de la saisie);

voir aussi décision non publiée rendue le 20 mai 1999 par le Juge III du district de Sierre (VS), p. 6. Contra: arrêt de l'Obergericht de Zurich du 27 janvier 1977, publié in SJZ 73 (1977) 289, c. 3b.

(21)

revêt une certaine logique tant il est vrai qu'on ne voit pas le sens qu'il y aurait à ce que les poursuites suivent leurs cours, permettant cas échéant à d'autres créanciers de requérir la faillite de la société. Il faut admettre que l'ajournement suspend ex lege les poursuites, ce d'autant que le seul dépôt d'une réquisition de poursuite permet au créancier concerné d'interrompre tout éventuel délai de prescription139. En revanche, il ne saurait être question d'aller jusqu'à interdire de nouvelles poursuites: celles-ci seront reçues par l'office, mais leur traitement sera suspendu pendant la durée de l'ajourne- ment, ce qui représente une différence par rappmt à la situation prévalant dans le cadre d'un sursis concordataire (article 297 I LP) 140.

IV. Particularités procédurales

A. Procédure sommaire

Le juge compétent pour connaître de 1' avis de surendettement et, cas échéant, de la requête en ajournement, est le juge de la faillite du siège de la société tel que le désigne le droit de procédure cantonal141 . Le droit fédéral impose la mise en œuvre de la procédure sommaire s'agissant du prononcé de la faillite sans poursuite préalable et de 1' ajournement de faillite selon 1' article 725a CO, comme en matière de faillite ordinaire142, ce qui découle de la relation entre l'article 25 ch. 2 lit. a LP et les articles 192 et 194 I LP, ce dernier renvoyant- s'agissant de l'ajournement de la faillite- aux articles 170 et 173a à 176 LP à l'exclusion de l'article 169 LP143.

L'article 725a CO ne dit rien sur l'obligation d'entendre les parties à la suite de l'avis de surendettement, tandis que l'article 194 LP ne renvoie pas à

139 ATF 104 III 21, c. 2; BÜCKLI (n. 23), p. 918; GIROUD (n. 27), p. 136; KOEFERLI (n. 4), p. 174ss; SCHMID (n. 35), p. 53 et 61.

140 WERNER (n. 52), p. 36.

141 G!ROUD (n. 27), p. 150; HOMBURGER (n. 24), Art. 725 N 1252 & Art. 725a N 1328;

LANZ (n. 4), p. 144.

142 A Genève, c'est le Tribunal de première instance instruisant à huis clos et par voie de procédure sommaire qui statue sur l'avis de surendettement et sur la requête d'ajour- nement de faillite (article 21 I lit. d LALP). Le jugement faisant suite à l'avis de surendettement sera rendu public en cas de prononcé de faillite, le contraire prévalant en cas de refus de donner suite à l'avis de surendettement (article 21 II LALP). Au surplus, le juge "apprécie s'il y a lieu de rendre public le jugement d'ajournement de faillite" (article 21 III LALP).

143 KOEFERLI (n. 4), p. 165.

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1' article 168 LP. Le juge conserve cependant la faculté d'ordonner toute audi- tion qui s'avère nécessaire pour vérifier que les conditions propres au dépôt du bilan sont réunies144. Le juge n'a pas non plus l'obligation expresse de convoquer une audience avant de se prononcer sur 1' ajournement145, même si la plupart du temps il s'avérera indiqué d'entendre l'un ou l'autre représen- tant de la société, tout comme- cas échéant -le créancier requérant, de façon à s'assurer du respect de leur droit d'être entendu146; on peut aussi penser à un créancier important appelé à renoncer à tout ou partie de ses prétentions, à la banque appelée à octroyer des facilités de crédit, au partenaire contrac- tuel appelé à confirmer qu'il est prêt à continuer à collaborer avec la société en voie d'assainissement, ou encore au réviseur en vue d'obtenir des préci- sions sur le bilan147.

Le juge a- dès le dépôt du bilan -la possibilité de prendre les mesures conservatoires qu'il estime nécessaires dans l'intérêt des créanciers, ce qui découle des articles 170 et 194 I LP14s.

B. Procédure de recours

Toute décision rendue dans le cadre de l'article 725a CO, que ce soit la faillite, le prononcé de 1' ajournement, le refus de prendre acte du surendettement, ou encore la constatation qu'à l'issue de l'ajournement l'assainissement a eu lieu, peut être déférée par-devant l'autorité supérieure149, ce qui découle de l'article 174 LP applicable en la matière par renvoi des articles 192 et 194 LP150. En particulier, le jugement prononçant 1' ajournement pourra faire 1' objet d'un recours ne visant qu'un point accessoire de la décision, à l'instar du choix du curateur151 . Le droit de recourir appartient à toute personne touchée

144 LANZ (n. 4), p. 147.

145 G!ROUD (n. 27), p. 151; KOEFERLI (n. 4), p. 161.

146 KOEFERLI (n. 4), p. 166; SCHMID (n. 35), p. 48.

147 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1333.

148 LANZ (n. 4), p. 147.

149 A Genève, le jugement rendu par le Tribunal de première instance est rendu en pre- mier ressort (article 23 LALP), et la Cour de justice connaît en deuxième instance, en fait et en droit, dudit jugement (article 23A I LALP).

150 G!ROUD (n. 27), p. 151; SCHMID (n. 35), p. 59; Werner (n. 52), p. 19.

151 Cf. arrêt non publié rendu le 14 décembre 1995 par la Cour des poursuites et faillites du Canton de Vaud, p. 6.

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par la décision, ce qui recouvre la société elle-même, mais aussi tout créan- cier, qu'il ait ou non participé à la procédure de première instance152 . Si l'ajournement n'a pas été publié, le délai de dix jours prévu par l'article 174 LP court dès la connaissance effective par le créancier du prononcé de l'ajour- nement153. La voie d'un recours auprès du Tribunal fédéral après épuisement des instances cantonales n'est pas donnée, exceptée celle du recours de droit public154. De même, toute autre décision du juge rendue sur recours contre une décision du curateur, ou encore ordonnant telle ou telle mesure, pourra être déférée auprès de l'autorité cantonale de recours155 ; la qualité pour re- courir peut être dans ces cas étendue à tout tiers touché par la décision156.

L'article 174 I LP in fine permet aux parties de faire valoir de faux nova par-devant l'instance supérieure de recours, et en conséquence de produire les pièces nouvelles s'y rapportant. Qu'en est-il des vrais nova, soit des faits survenus postérieurement au jugement entrepris 157? Il appartient aux cantons de décider de leur admissibilité. Nous estimons, compte tenu de la finalité de la procédure d'ajournement de l'article 725a CO qui vise avant tout la sauve- garde des intérêts des créanciers, qu'il convient de se montrer plutôt large en la matière. On peut admettre qu'une requête en ajournement soit déposée postérieurement au prononcé de la faillite et serve d'unique argument (vrai nova) à l'appui d'un recours, pour autant que les conditions posées par l'ar- ticle 725a CO soient réunies158.

152 Ainsi GIROUD (n. 27), p. 151ss (comparer avec la solution différente retenue par l' ATF 1ll III 66, JdT 1988 II 52, qui n'estime pas arbitraire de dénier à un créancier le droit de recourir contre un jugement octroyant la faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur au sens de l'article 191 LP).

153 SCHMID (n. 35), p. 59. Cf. arrêt de la Cour de justice genevoise non publié du 18 no- vembre 1996, p. 8, retenant qu'à défaut d'une publication, le délai court lorsque le créancier qui requiert la faillite se voit expliquer par le greffe qu'il ne peut y être donné suite au vu d'un ajournement en cours; le même arrêt retient que ce créancier a en principe le droit d'obtenir une copie du jugement (attaqué) d'ajournement, mais pas celui d'avoir accès au dossier "sauf s'il n'existe à l'évidence aucun risque de mettre en péril des secrets commerciaux", une condition rarement réalisée en prati- que ...

154 HARDMEIER (n. 21), Art. 725a N 1334.

155 SCHMID (n. 35), p. 59.

156 Cas du cocontractant recourant contre un refus (du curateur ou du juge) de ratifier une convention conclue avec la société en ajournement.

157 Exemple: un recours contre un refus d'ajournement avec production de pièces faisant état d'arrangements nouveaux selon lesquels certains créanciers se proposent d'aban- donner leurs créances à certaines conditions.

(24)

C.

Cumul

de requêtes

Il peut arriver que le juge soit saisi de plusieurs requêtes simultanément ou successivement (ajournement de faillite, mise en faillite ordinaire ou sans poursuite préalable, sursis concordataire), ce qui pose la question d'un ordre de préséance entre elles.

Le dépôt de 1' avis de surendettement à lui seul fait que le juge a 1' obliga- tion d'ouvrir la faillite, ce qu'il fera sans avoir à entrer en matière sur une éventuelle requête de faillite déposée par un créancier parallèlement à cette procédure, laquelle deviendra sans objet. De même prononcera-t-il cas échéant 1' ajournement s'il en est requis en relation avec 1' avis de surendettement, sans entrer en matière sur une requête de faillite. En revanche, si le juge estime que le surendettement n'est pas donné, ou encore que l'avis n'a pas été déposé conformément aux règles formelles régissant la matière, il entrera en matière sur la requête de faillite (articles 166 et 190 LP) du créancier concerné. En tous les cas, le juge suspendra la requête de faillite tant qu'il n'aura pas statué dans le cadre de l'article 725a CO. Il faut partir du principe que le juge, dès lors qu'il est nanti d'un avis de surendettement, tranchera dans ce cadre avant toute autre procédure, même si une requête de faillite (non encore tranchée) est pendante préalablement159 • Nous ne partageons pas l'avis de certains auteurs selon lesquels c'est 1' ordre du dépôt des requêtes qui pré- vaut160: dès lors qu'il est saisi d'une requête en ajournement, le juge doit prendre en considération l'intérêt majeur des créanciers et pouvoir décider d'ajourner, s'il est convaincu que le report de la faillite correspond à l'intérêt bien compris de l'ensemble de ceux-ci161.

158 Cf. toutefois arrêt non publié rendu le 16 décembre 1999 par la Cour des poursuites et faillites du Canton de Vaud, p. 9ss, qui exige que des mesures d'assainissement aient déjà été prises en première instance pour entrer en matière sur de vrais nova tels qu'une requête en ajournement postérieure au prononcé de la faillite ("l'article 174 II LP n'a pas pour but de protéger le débiteur désespérément endetté qui attend le prononcé de faillite pour régler ses dettes"). A Genève, les vrais nova sont admissibles sans restriction (cf. supra, note 149).

159 Sur ces problèmes, voirBÜRGI (n. 9), Art. 725 N 20; BRUNNER(n. 18), P. 818; DUBACH (n. 3), p. 153;GIROUD (n. 27),p. 123ss;HARDMEIER (n. 21), Art. 725aN 1331;KOEFERLI (n. 4), p. 177ss; WERNER (n. 52), p. 26ss.

160 Ainsi WERNER (n. 52), p. 27.

161 SCHMID (n. 35), p. 51.

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