• Aucun résultat trouvé

Le pouvoir d'appréciation du juge en droit du travail (observations sur l'art.4 CC)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le pouvoir d'appréciation du juge en droit du travail (observations sur l'art.4 CC)"

Copied!
10
0
0

Texte intégral

(1)

Book Chapter

Reference

Le pouvoir d'appréciation du juge en droit du travail (observations sur l'art.4 CC)

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Le pouvoir d'appréciation du juge en droit du travail (observations sur l'art.4 CC). In: Kellerhals, Jean ; Manaï, Dominique ; Roth, Robert. Pour un droit pluriel : études offertes au professeur Jean-François Perrin . Genève, Bâle : Helbing & Lichtenhahn, 2002.

p. 125-133

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12322

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

Le pouvoir d'appréciation du juge en droit du travail

(observations sur l'art. 4 CC)

Gabriel AUBERT

J.

Introduction

Selon l'art. 4 CC, le juge applique les règles du droit et de l'équité lorsque la loi réselVe son pouvoir d'appréciation ou qu'elle le charge de prononcer en tenant compte soit des circonstances, soit de justes motifs.

Suivant une démarche souvent empruntée par le professeur Jean-François Perrin, nous voudrions prèsenter quelques obselVations sur la mise en œu- vre de cette norme dans les rapports entre employeurs et salariés.

Le titre Xe du code des obligations, relatif au contrat de travail, compte de nombreuses dispositions ordonnant au juge d'appliquer les règles du droit et de l'équité. La plus spectaculaire est sans doute l'art. 320 al. 2 CO, qui prèsume conclu le contrat de travail lorsque l'employeur accepte, pour un temps donné, l'exécution d'un travail qui, d'après les circonstances, ne doit ètre fourni que contre un salaire. Un tel contrat ne suppose aucun accord des parties; il peut même naître contre leur volonté1 En reconnaissant ainsi l'exis- tence du contrat de fait, né d'une situation objective, lorsque le comman- dent les règles du droit et de l'équité, le législateur eût difficilement pu donner un rôle plus marquant aux principes ancrés à l'art. 4 Cc.

Dans les limites de cet hommage, nous limiterons notre très brève enquète à deux dispositions particulières: l'art. 324a CO (salaire en cas de maladie) et l'art. 337 CO (licenciement immédiat).

1 ATF 107 la 110; voir aussi SJ 1984, p_ 432.

(3)

Gabriel AUBERT

II. Le droit au salaire en cas de maladie

Selon l'art. 324a CO, si le travailleur est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne (notamment la maladie), l'employeur lui verse le salaire pour un temps limité (al. 1). Sous réserve de délais plus longs fixés par accord, contrat-type de travail ou convention col- lective, l'employeur paie pendant la première année de service le salaire de trois semaines et, ensuite, le salaire pour une période plus longue fixée équi- tablement, compte tenu de la durée des rapports de travail et des circonstan- ces particulières (al. 2).

Ainsi, dès la deuxième année de service, le droit au salaire en cas de ma- ladie est fixé par le juge, «équitablemenb), c'est-à-dire en application de l'art. 4 CC.

Devant les Chambres fèdérales, ce renvoi à l'appréciation du juge ne suscita pas de critique, car les milieux patronaux et syndicaux souhaitaient régler la question dans le cadre des conventions collectives de travail, librement né- gociées par les partenaires sociaux"

Les tribunaux cantonaux ne se sont pas accommodés du pouvoir que leur a reconnu le législateur. Par souci d'égalité de traitement, ils ont établi des tabelles (ou échelles), déterminant le droit au salaire en fonction de l'ancien- neté. Il existe, par exemple, une tabelle zuricoise, une bâloise ou une ber- noise (la dernière étant assez largement appliquée en Suisse romande), dif- férentes les unes des autres. Certes, ces tabelles n'ont pas d'effet contraiguant.

Elles n'excluent nullement la prise en considération des cas particuliers. Néan- moins, les décisions qui nous sont connues montrent que les tribunaux can- tonaux ne s'en écartent que très difficilement. Bien plus, les organisations professionnelles faîtières ont déterminé le droit au salaire en cas de maladie dans des recommandations de portée nationale, pour les employés (cols blancs), lesquelles diffèrent des tabelles cantonales. A notre connaissance, les praticiens et les tribunaux en ignorent l'existence, de sorte qu'elles sont demeurées lettre morte dans la jurisprudence'.

Quant au Tribunal fédéral, il considère implicitement ces tabelles comme équitables, tout en rappelant, platoniquement, que le juge doit prendre en con- sidération l'ensemble des circonstances du cas particulier. Il est allé jusqu'à admettre que le travailleur dont la maladie s'étend à cheval sur deux années

2 Cf. Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision des titres dixième et dixième bis du code des obligations, FF 1967 II 93-94.

J Cf. plus génémlement Gabriel AUBERT, (Le droit au salaire en cas d'empêchement de tra- vaillem, in Journée 1991 de droit du travail et de la sécurité sociaJe, Zurich 1991, p. 10058.

(4)

de service voit automatiquement naître un nouveau droit au salaire lorsque com- mence une nouvelle année de service4. Les échelles revêtent une telle impor- tance que le Tribunal fédéral, dans un cas paniculier, a opposé l'interdiction de l'abus de droit à un travailleur qui, ayant reçu d'autres prestations impor- tantes, réclamait la totalité du salaire prévu par la tabelle bernoise'. Ce raison- nement surprend. En etTet, comme il ftxe le salaire à la lumière de Ioules les circonstances, le juge doit nécessairement retenir, à ce stade, celles sur lesquelles il entendrait s'appuyer pour caractériser l'abus de droit. De telles circonstan- ces ayant déjà été prises en considération lors de la ftxation du salaire en équité, selon l'an. 4 CC, il n'y a plus de place pour l'application de l'an. 2 al. 2 CC.

En invoquant cette disposition, le Tribunal fédéral a simplement perdu de vue qu'il statuait en équité: l'écheUe bernoise s'était substituée à sa libre appréciation.

Comme on l'a relevé, le pouvoir d'appréciation conféré au juge par l'an. 324a al. 2 CO (en liaison avec l'an. 4 CC) repose sur l'idée que, dans la plupan des cas, le droit au salaire sera ftxé précisément par les conven- tions collectives de travail; l'intervention du juge, statuant en équité, ne re- vêtant qu'un caractère secondaire. Toutefois, les conventions collectives de travail n'ont pas, en Suisse, la ponée qu'on leur prête parfois: seule la moitié des salariés en bénéficie', de sone que, dans de très nombreux cas, le juge doit fixer lui-même le montant du salaire auquel le travailleur malade peut prétendre. Se fondant sur un critère constant, c'est-à-dire l'ancienneté, pour rendre des décisions cohérentes, les tribunaux cantonaux ont préféré opérer comme s'ils se trouvaient en présence d'une lacune. Leurs échelles sc sont si bien imposées que l'on assiste presque, dans le cadre de l'an. 324a al. 2 CO (et, par conséquent, de l'an. 4 CC), à une résurrection du droit cantonal!

Une pareille situation n'est guère satisfaisante. Il vaudrait mieux que le législateur fédéral fixe une échelle déterminant le droit au salaire en cas de maladie, quitte à autoriser des exceptions lorsque les circonstances le justi- fient. On objecterait en vain que les échelles cantonales sont plus souples qu'une règle fédérale: en etTet, à notre connaissance, les échelles bernoise, zurichoise et bâloise n'ont pas évolué de façon significative. De plus, l'échelle fédérale ne bloquerait aucune évolution: elle ne constituerait qu'un minimum, auquel les parties au contrat individuel de travail (et les conventions collec- tives) demeureraient libres de déroger.

.. Cf. Gabriel AUBERT, Sept cents arrêts sur le COnlrat de travail, Zurich 2002, nos 209 (= SJ 1995, p. 785), 210, 217.

AUBERT (n. 4), no 218.

6

cr

Jean-Claude PRINCE, L'impact des conventions collectives de travail en Suisse, Zurich 1994, p. 34-36; Dario LOPRENO, Conventions collectives de travail (CCT) en vigueur en SulSse au 1er mai 1994, La Vie économique 1995. no 10, p. 62.

(5)

Gabriel AUBERT

III. Le licenciement immédiat

Selon l'art. 337 CO, l'employeur peut résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs (al. 1). Sont notamment considé- rées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2). Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme telle fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler (al. 3).

Conférant au juge le pouvoir (et le devoir) d'apprécier librement les cir- constances, l'art. 337 CO constitue un cas d'application de l'art. 4 Cc.

Lorsqu'il aborde un cas de licenciement immédiat, le Tribunal fédéral rap- pelle toujours, dans un considérant-type, les principes généraux qu'il a dé- gagés de l'art. 337 CO. Un tel rappel, qui renvoie expressément aux règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), ne limite en rien le pouvoir d'appréciation du juge, même s'il souligne que, mesure exceptionnelle, la résiliation im- médiate pour justes motifs ne s'admet que de manière restrictive. Le pou- voir d'appréciation du juge ne se trouve pas davantage entravé par la dis- tinction, constante et banale, entre les manquements particulièrement graves, qui justifient un licenciement immédiat sans avertissement préalable, et les manquements moins graves, qui ne peuvent entraîner un licenciement im- médiat qu'en cas de récidive malgré un avertissement. Enfin, la liste des cir- constances à prendre en considération ne revêt pas un caractère exbaustif (il s'agit, «notammenl», de la position et la responsabilité du travailleur, de la nature et de la durée des rapports contractuels, ainsi que de la nature et de l'importance des manquements) '.

Sur deux points, toutefois, on peut craindre que le Tribunal fédéral ne res- treigne le pouvoir d'appréciation du juge dans une mesure excessive. Il s'agit, d'une part, de la durée du délai de réflexion laissé à l'employeur pour pro- noncer un licenciement immédiat, lorsqu'il a eu connaissance de faits justi- fiant un tel licenciement; d'autre part, de la pénalité due par l'employeur qui a licencié un salarié avec effet immédiat de façon injustifiée.

a) Le délai de réflexion

Selon la jurisprudence, l'employeur doit notifier le licenciement immé- diat dès qu'il a connu le juste motif dont il entend se prévaloir ou, au plus tard, après un bref délai de réflexion; s'il tarde à réagir, il est présumé avoir

7 ATF 127 III 353-354, avec réf.

128

(6)

renoncé au licenciement immédiat; à tout le moins, il donne à penser que la continuation des rapports de travail est possible jusqu'à la [m du délai de congé'.

En 1992, le Tribunal fédéral a indiqué que le délai de réflexion est de deux ou trois jours ouvrables à compter de la date à laquelle l'employeur a la preuve du manquement invoqué pour justifier la résiliation immédiate; ce délai ne peut être dépassé que si les exigences de la vie économique le jus- tifient'. En 1995, les juges de Mon-Repos ont considéré qu'un délai d'une semaine était approprié lorsque la décision de procéder au licenciement im- médiat relevait d'un conseil d'administration composé de plusieurs membresiO En 1997, le Tribunal fédéral a posé que, en règle générale, le délai de ré- flexion ne dépassera pas trois jours ouvrables". En 1999, il a repris la for- mulation selon laquelle ce délai est de deux ou trois jours ouvrables; en l'oc- currence, il a retenu qu'un délai de réflexion de cinq jours ouvrables était trop long, tout en indiquant que, dans le cas particulier, l'employeur avait donné à penser qu'il renonçait à un congé inunédiat, car il avait confié une nouvelle tâche au salarié après les faits invoqués à l'appui dudit congé. Dans cette affaire, les calculs de la cour cantonale et du Tribunal fédéral parais- sent inexacts: compte tenu du week-end de Pentecôte, entre le jeudi 26 mai 1998, en fin d'aprés-midi (moment où le salarié a traité l'employeur de voleur) et le mercredi 3 juin 1998 (date de l'expédition de la lettre de congé abrupt), il ne s'est écoulé que trois jours ouvrables entiers, voire quatre, si la lettre a été envoyée le mercredi 3 juin à la fin de l'aprés-midi, mais nullement cinq".

Fixer, même approximativement, la durée maximum du délai de réflexion demeure une entreprise risquée et, à ce jour, peu réussie. A notre avis, le juge ne saurait poser des présomptions qui le dispenseraient de prendre en consi- dération toutes les circonstances, comme le requiert l'art. 4 CC. N'oublions pas que, selon le droit du licenciement, l'employeur qui résilie le contrat de travail de façon injustifiée doit non seulement le salaire jusqu'à l'échéance normale du contrat (art. 337c al. 1 CO), mais aussi une pénalité, qui peut représenter six mois de salaire (art. 337c al. 3 CO). Comment exiger de lui une prudence accrue, si on le prive du temps nécessaire à une décision cor- rectement réfléchie?

ATF 127 III 315, avec réf.

, JAR 1994, p. 223.

10 JAR 1997, p. 209.

" AUBERT (n. 4) no 260 - JAR 1998, p. 235.

12 JAR 2000, p. 233.

(7)

Gabriel AUBEIrr

Pour fixer la durée maximum du délai de réflexion, dans chaque cas par- ticulier, il faut tenir compte, par exemple, de la nature du manquement invo- qué. Considérera-t-on comme injustifié, parce que tardif, un licenciement avec effet immédiat notifié par lettre expédiée un vendredi soir, alors que le sala- rié, par hypothèse, a tenté de violer une collègue le lundi matin précédent?

D'un point de vue objectif comme de celui du salarié en cause, y a-t-il lieu de supposer que l'employeur, en pareille occurrence, admettait de renoncer à une telle sanction? Jugera-t-on différemment si, plutôt que d'une tentative de viol, il s'agit d'une gifle? Une insulte proférée dans un moment de colère (peut-être explicable par les circonstances) n'appelle-t-elle pas une réaction plus rapide que des détournements commis sur une longue durée?

Souvent, la décision suppose une enquête. Quand bien même, à première vue, les faits semblent établis, comment reprocher à l'employeur de s'infor- mer sur toutes les circonstances (le cas échéant atténuantes) entourant le man- quement, surtout lorsque le salarié, ignorant l'enquête, ne peut nourrir l'es- poir que l'employeur renoncera à une juste sanction? Si l'employeur ne trouve aucune circonstance atténuante, lui reprochera-t-on d'avoir perdu du temps à en chercher? En outre, pour se prémunir en cas de procès, l'employeur sera parfois bien inspiré de ne pas se contenter d'indications orales, et deman- dera à un témoin ou à un détective un rapport écrit. Objectivement, une telle demande manifestera-t-elle que l'employeur tolère le manquemen~ même s'il en a connaissance depuis plusieurs jours? L'employé félon pourra-t-il invo- quer la tardiveté du congé avec effet immédiat, au motif que l'employeur n'eût pas dû accumuler les preuves ou que le témoin n'a pas fait diligence pour rédiger son texte?

Il arrive parfois que le manquement soit découvert lors d'une absence du salarié. Une réaction immédiate s'impose-t-elle, alors que, en fait, l'intéressé ne travaille pas dans l'entreprise? Exhortera-t-on l'employeur à se transporter à la clinique pour notifier à temps un congé avec effet immédiat à une sala- riée relevant de couches, parce qu'on vient de découvrir qu'elle a commis des vols? Si l'employeur met à pied le salarié pendant trois semaines, aux fins d'en- quêter sur la portée effective de manquements graves dont il a déjà la preuve, jugera-t-on qu'il a donné l'impression de renoncer à un congé immédiat?

La jurisprudence, on l'a vu, admet un délai de réflexion plus long lors- que l'employeur revêt la forme d'une société anonyme et que la décision de licenciement immédiat ressortit au conseil d'administration. Imaginons, in- versement, qu'un petit employeur, dépourvu de formation juridique, consulte un avocat ou sa fiduciaire, dont il n'obtient pas un rendez-vous à très bref délai. Sera-t-il traité avec moins d'indulgence qu'une société anonyme do- tée d'un service juridique?

(8)

On le voit: tenu d'apprécier effectivement toutes les circonstances relati- ves au délai qui s'est écoulé entre les faits ct la décision de notifier un congé immédiat, le juge ne saurait s'en dispenser par le biais de présomptions, alors qu'il ne peut ni établir une liste exhaustive des facteurs à prendre en consi- dération, ni déterminer d'avance le poids relatif de chacun des facteurs". Sauf à inciter les tribunaux cantonaux à des démarches excessivement simplifica- trices, le Tribunal fédéral devrait, dans ses considérants, exposer et soupeser les circonstances, avant d'en tirer les conséquences, plutôt que d'énoncer un délai «standard», même seulement de principe, qui risquerait de s'ériger en règle sur un point où, précisément, le législateur a refusé d'en édicter une.

b) La pénalité

Selon l'art. 337c al. 3 CO, en cas de licenciement immédiat injustifié, le juge peut condamner l'employeur à verser au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, compte tenu de toutes les circonstances.

Le Tribunal fédéral a interprété l'art. 337c al. 3 CO en ce sens que, sauf circonstances particulières, l'indemnité est due dans tous les cas de licencie- ment immédiat injustifié".

La pénalité prévue à l'art. 337c al. 3 CO, en cas de licenciement immé- diat injustifié, est de nature identique à celle allouée par le juge, sur la base de l'art. 336a al. 1 CO, en cas de licenciement respectant le délai de congé, mais abusif". Or, à l'art. 337c al. 3 CO, le législateur a statué que le juge

«peut» ordonner le versement de la pénalité, alors que, à l'art. 336a al. 1 CO, il le «doi!». Dans ces circonstances, il paraît difficile de comprendre, avec le Tribunal fédèral, le mot «peut», à l'art. 337c al. 3 CO, comme signi- fiant «doit en principe».

Le Tribunal fédéral ne s'est référé qu'à quelques passages des travaux pré- paratoires pour décider que la pénalité prévue à l'art. 337c al. 3 CO est en principe due. Or, von KAENEL, procédant à une étude complète des délibéra- tions, a montré que cette disposition, l'une des plus controversées de la révi- sion du droit du licenciement, n'a été adoptée que sur l'assurance donnée au Conseil des Etats que la pénalité revêtait un caractère facultatif. L'art. 337c al. 3 CO représente donc une véritable «Kann-Vorschrifb>, qui ne restreint nul- lement le pouvoir d'appréciation du juge". C'est dire que les travaux prépa- ratoires n'autorisaient pas le Tribunal fédéral à s'écarter du texte clair de la loi.

13 Cf. la tentative de Manfred REHBINDER, CommenlaÎre bernois, n. 16 ad art. 337 CO.

l< ATF 116 II 301; voir aussi ATF 121 III 68; 120 Il 247.

" ATF 123 III 391.

(9)

Gabriel AUBERT

Sans se référer aux travaux préparatoires, REHBrNDER approuve la juris- prudence. A ses yeux, en effet, pour s'en être remises au pouvoir d'appré- ciation du juge, les Chambres seraient tombées dans l'arbitraire! Il était donc nécessaire que le Tribunal fédéral tentât une interprétation courageuse de l'art. 337c al. 3 CO, qui purifiât la norme de cette tare17.

A notre avis, le libre pouvoir d'appréciation du juge répond à une néces- sité. Les cas de licenciement immédiat injustifié sont parfois difficiles à tran- cher. L'employeur ne recourt en général à cette sanction que si le salarié a commis une faute importante. L'erreur qu'on peut lui reprocher, lorsqu'il pro- nonce à tort un congé abrupt, n'est pas toujours grave. Le condamner, de façon quasi automatique, au paiement d'une pénalité, selon l'art. 337c al. 3 CO, risquerait de Se révéler inéquitable. En outre, il serait regrettable que, pour éviter une application large de l'art. 337c al. 3 CO, les contraignant de condamner l'employeur à une pénalité de plusieurs milliers de francs, les tribunaux cantonaux admettent plus largement la justification du congé im- médiat (selon l'art. 337 al. 1 CO), de telle sorte que la protection des tra- vailleurs s'en trouverait amoindrie. Un tel risque paraît d'autant moins né- gligeable que, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les tri- bunaux cantonaux se prononcent très librement sur la réalisation des justes motifs, la juridiction suprême ne revoyant qu'avec retenue leur décision sur ce point".

Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a pris note des critiques de von

KAENEL, mais a laissé ouverte la question de savoir s'il entend revenir sur sa jurisprudence". Nous souhaitons qu'il s'y résolve, car la liberté du juge doit

l'emporter sur des limi tes mal ancrées dans les travaux préparatoires.

16 Adrian von KAENEL, Die Entschiidigung aus ungerechtfertigter fristloscr Entlassung (art. 337c al. 3 OR), Berne 1996, p. 22 ss, 69 ss.

17 REHBINDER (n. 13), n. 8 ad art. 337c CO, sous le titre - significativement - interrogatif

«Richterliches Ermessen?». Pour exprimer clairement son estime pour le législateur et les juges suisses. REHBJNDER ajoute: <<Für sotch miscrable Gesetze zahlt der Steuerzahler den

Abgeordneten auch noch DUiten» (ibidem).

18 ATF 127 III 351, consid. 4, avec réf

19 Arrêt de la le Cour civile du Tribunal fédéral, du 16 août 2001, cause no 4C.137/2000, consid.4.

(10)

IV, Conclusion

Lorsqu'ils appliquent l'art. 4 CC, les juges craignent parfois de se pronon- cer sur l'ensemble des circonstances; ils préfèrent restreindre volontairement leur pouvoir d'appréciation, en se soumettant à des règles générales qu'ils forgent eux-mêmes pour baliser leur raisonnement.

Dans le domaine du droit au salaire en cas de maladie, une telle démar- che nésulte d'un choix malheureux du législateur, qui aurait dû poser les règles applicables, tout en laissant au juge la faculté d'y déroger selon les circons- tances. Il serait souhaitable que le parlement corrige la norme.

Dans le domaine du licenciement immédiat (délai de réflexion, pénalité en cas de licenciement abrupt injustifié), l'approche trop stricte du Tribunal fédéral ne correspond pas à la lettre et au but de l'art. 4 CC. La jurispru- dence mériterait un assouplissement, pour laisser son plein effet au pouvoir d'appréciation du juge.

Références

Documents relatifs

Face à une législation anti-blanchiment d’argent en évolu- tion permanente et à un nombre croissant de données traitées par les intermé- diaires financiers, la question de savoir

L'arbitrage en droit du travail 115 particulier, comme tribunal arbitral privé, parce que les parties à la convention collective avaient expressément décidé, d'un

ne, l'auteur prend position sur plusieurs problè- mes: les notions de solaire (notamment les rétri- butions différées), de solaire usuel (par rapport ou solaire

31 - La constatation, qui rejoint celles faites par Mme Christine Chappuis dans le présent volume, c'est que, en droit du travail comme dans d'autres domaines, la

Si ce régime impose une instance judiciaire suscep- tible d'etre saisie, il ne proscrit pour autant pas les voies de droit préalable internes à l'administration21. Il n'est pas non

Ainsi, la liberté de l'art pourrait cantribuer à définir la portée du droit à l'intégrité de l'œuvre ainsi que cel/e de certai- nes exceptions au droit d'auteur (citation,

17 Notamment en matière de légitimation à déposer plainte (cf. 4 a LCD n’est pas abrogé ni modifié, mais biffé de la liste des comportements constitutifs du délit réprimé

Dans les entreprises comptant moins de 50 salariés (soit 98,5 % d'entre elles), seule est obligatoire la parti- cipation directe: l'employeur informe et consulte