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Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler

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Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler. In: Aubert, Gabriel.. et al. Journée 1991 de droit du travail et de la sécurité sociale. Zürich : Schulthess, 1991.

p. 81-136

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12255

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LE DROIT AU SALAIRE

EN CAS D'EMPECHEMENT DE TRAVAILLER

Gabriel AUBERT

Professeur à l'Université de Genève

1. INTRODUCTION

Si l'on appliquait les principes generaux du droit des obli- gations, le travailleur incapable d'effectuer sa prestation ne pour- rait prétendre à aucun salaire. Une telle manière de voir a été abandonnée depuis longtemps, car ses conséquences seraient trop rigoureuses. La rémunération revêtant un caractère alimentaire non seulement pour l'ouvrier ou pour l'employé, mais aussi pour sa fa- mille, il est devenu nécessaire de garantir, dans certaines limites, les revenus du salarié empêché de travailler pour un motif inhérent à sa personne.

Cette garantie découle aujourd'hui de deux sources: d'une part, le droit du travail; d'autre part, la sécurité sociale. Comme il parait de moins en moins justifié de faire peser sur l'employeur les risques affectant la capacité de gain du salarié, la sécurité sociale relaie progressivement le droit du travail.

. Les praticiens se trouvent ainsi placés aux confins de deux matières, dont la coordination n'a pas toujours été réglée très clai- rement. Mon exposé a pour but de les aider à résoudre les problè- mes auxquels ils se heurtent le plus souvent.

II. LES TROIS REGIMES DE PROTECTION:

CHAMP D' APPLICA nON

Les articles 324a et 324b du code des obligations aménagent trois régimes: le régime de base (art. 324a al. 1 à 3 CO); le régime conventionnel (art. 324a al. 4 CO); le régime de l'assurance obli- gatoire (art. 324b CO).

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Pour déterminer les règles à mettre en oeuvre dans un cas donné, il faut s'interroger sur l'applicabilité de chacun des trois ré- gimes, dans l'ordre suivant: on examinera d'abord si la perte de gain est couverte par une assurance obligatoire; dans la négative, on recherchera si les parties ont établi elles-mêmes un régime conventionnel; lorsqu'aucune de ces deux hypothèses n'est réalisée, on en restera au régime de base, Qui revêt un caractère subsidiaire.

A. Le champ d'application du régime de l'assurance obliga- toire

Les assurances obligatoires Qui couvrent la perte de gain, en tout ou partie, sont l'assurance-accidentsl; l'assurance perte de gain en cas de service militaire ou de protection civile'; l'assurance mi- litaire'.

La Question de savoir si l'assurance-invalidité se trouve vi- sée à l'article 324b CO est controversée. A notre avis, il faut dis- tinguer entre le versement d'indemnités journalières et celui d'une rente. Dans la première hypothèse, la coordination est prévue à l'article 47 al. 2 LAI: les indemnités journalières reviennent à l'employeur dans la mesure où il verse un salaire durant la ré- adaptation; en d'autres termes, pendant celle-ci, l'employeur est tenu selon l'article 324a CO; il touche cependant les indemnités versées par l'assurance-invalidité, Qui diminuent d'autant ses obli- gations. Dans la seconde hypothèse, la loi sur l'assurance-invalidité ne comporte a~une norme de coordination. La rente étant versée en vertu d'une assurance obligatoire, en cas d'incapacité de travail, il se justifie d'appl\Qûer l'article 324b CO. A vrai dire, le cas se présentera. ~arement, car, en général, le contrat de travail a pris fin

.,

1. Cf. la. loi f~4rale lur J· ... uranu-accidenb (LAA), du 20 man 1981, R.S.

832,21. ain.i que l'ordonnance .ur l' ... urance-acc:ident. (OLAA), du 20 dé-

cembre 1982, R.S. 832.202.

2. Cf. la loi fidérale .ur le régime det alloca&ion. pour pertfl de 'loin en faveur des perlOnn .. altreintea au uniee militaire ou l la protection civile (LAPG), du 1er janvier 1963, R.S. 834.1.

3. Cf. 1 .. loi fédérale lUI' }'usurance militaire (LAM), du 20 leptembre 1949, R.S.

833.11.

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Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler 83

lorsqu'in tervien t l'assurance-in validité 4

Ainsi, il est possible de répartir en trois catégories les éventualités visées par ces lois.

J. Les accidents

En principe, la perte de gain résultant d'un accident fait l'objet d'une indemnité journalière prévue par une assurance obli- gatoire, qu'il s'agisse: d'un accident professionnel (art. 6 et 7 LAA); d'un accident non professionnel, sauf si la victime est un travailleur occupé à temps partiel moins de douze heures par se- maine (art. 8 LAA et 13 OLAA); d'un accident survenant durant une période de service militaire ou de protection civile ou durant une activité de "Jeunesse et sports" (art. 1 et 8 LAM).

2. Les maladies

En principe, la perte de gain résultant d'une maladie ne fait pas l'objet d'une indemnité journalière prévue par une assurance obligatoire. En effet, contrairement à ce qu'on s'imagine souvent, une telle assurance n'existe pas en Suisse. Cette règle souffre des exceptions, qui concernent les maladies professionnelles (art. 6 LAA) et les maladies liées à l'accomplissement d'un service mili- taire ou de protection civile ou à une activité de 'Jeunesse el

sports" (art. 1 et 8 LAM). En cas d'invalidité, l'intéressé peut tou- cher des indemnités de l'AI (art. 4 LAI).

3. La participation à un service obligatoire ou volontaire Fait l'objet d'une indemnité journalière prévue par une as- surance obligatoire la perte de gain résultant d'une période de ser- vice militaire (y compris le service féminin de l'armée et le service Croix-Rouge) ou d'une période de service de protection civile (art.

•. Cf. 1. loi fédérale lur l'ulurlUlce-invalidité (LAI), du 10 juin 1959, R.S.

831.20j cf. JAR 1988, p. 219; lur 1 .. h~itation. de la doctrine: cf. p. ex.

STREIFF, U.: Leitfaden sum Arbeiilvenr.preeht, Zurich 1986, p. 125;

KUHN, R./KOLLER. G., Aktuella Arbei&lHCht fUr die betriebliche Prui., Zurich (avec nûlee-l-jour), p. 9.7,1,2; STAEHELlN, A.: Der Einselarbeitaver- trag, in Kommentar sum Schweinrilchen ZivilgeeetBbuch, Zurich 1984, p. 250j REHBINDER, M.: Der Arbeitlvertrar, in Kommentu sum Schweiseriachen Privatrecht, Berne 1985, p. 351; BERTHOUD, P.-A.: Le droit du travailleur au talaire en

u.

d'empêchement de travailler, Lau •• nne 1916, p. 147.

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1 LAPG). Il en va de même de la perte de gain résultant de la participation volontaire aux cours "Jeunesse et sports" et aux cours pour moniteurs de jeunes tireurs (art. 1 LAPG).

B. Le champ d'application du régime conventionnel

Que la perte de gain soit ou non couverte par une assurance obligatoire, l'on recherchera si les intéressés sont liés par un régime particulier, en vertu d'un contrat écrit, d'un contrat-type ou d'une convention collective.

Parfois, le régime conventionnel complète celui de l'assu- rance obligatoire, s'agissant, par exemple, de la perte de gain en cas de service militaire ou, moins souvent, en cas d'accident. Par- fois, le régime conventionnel intervient hors du domaine de l'assurance obligatoire, par exemple en cas de maladie, d'accom- plissement d'obligations légales autres que le service militaire ou encore d'absences admises par l'usage (mariage, ensevelissement, déménagement, etc.).

C. Le champ d'application du r.égime de base

Le régime de base remplit deux fonctions. D'une part, il s'applique en l'absence d'une assurance obligatoire ou d'une régle- mentation conventionnelle valable. C'est son rôle supplétif. Les cas les plus fréquents sont évidemment ceux de maladie.

D'autre "art, il sert de référence minimum, en regard de laquelle sont, dans certains cas, déterminées les prestations dues par l'employeur en··~us des indemnités versées dans le cadre d'une assurance obligatoire ou d'un régime conventionnel. C'est son rOle complémentiüre .

. ;.;

D. Observations critiques

La complexité des hypothèses exammees ci-dessus s'expli- que aisément: le législateur n'a pas construit de façon cohérente, mais bricolé petit à petit, au gré des circonstances et des constel- lations d'intérêts, notre système de sécurité sociale. Ainsi, dans certains cas (accidents, service militaire), les conséquences d'une incapacité de travail sont prises en charge par une assurance, alors que, dans d'autres (maladie, grossesse), l'assurance perte de gain

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Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler 85

n'est Que facultative, la protection découlant en principe du contrat de travail.

On voit mal pourquoi la protection du salarié en cas d'inca- pacité de travail dépend de sources si diverses, dont la conjonction frise la confusion. L'absence d'assurance perte de gain obligatoire en cas de maladie et de maternité déploie des répercussions néga- tives auprès des salariés, Qui ne jouissent pas d'une protection suffisante. Elle montre en outre le peu de respect Que l'on a, parfois, pour notre constitution, Qui prévoit depuis 1945: "La Confédération instituera, par la voie législative, l'assurance-mater- nité" (art. 34 QuinQuies al. 4 Cst. féd.). La protection de la natalité n'est-elle pas d'intérêt national?

Et surtout, le "système" actuel entraîne une gestion peu raisonnable des risques, dont tout le monde aurait intérêt à ce Qu'ils fussent répartis dans un cercle large d'entreprises et de tra- vailleurs. Ainsi, l'employeur non assuré doit parfois prendre à sa charge des sommes importantes, en cas de longue maladie ou de grossesse; cette charge personnelle peut d'ailleurs compromettre l'emploi des femmes en age de concevoir. Ne vaudrait-il pas mieux pour les uns et les autres Que ce risque soit transféré à une assu- rance?

De plus, pour un salarié ou une salariée pris individuelle- ment, le coOt d'une assurance perte de gain en cas de maladie ou de grossesse est beaucoup plus important Que celui d'une assurance collective contractée au niveau de l'entreprise. Dans le cadre de l'assurance individuelle, les effets positifs de la répartition des risques diminuent donc considérablement.

Certes, le caractère facultatif de l'assurance paraît peut-être satisfaisant du point de vue de la liberté des agents économiques.

Mais pourquoi subsisterait-il dans le domaine de la maladie ou de la grossesse, alors Qu'il a déjà disparu dans celui des accidents ou du service militaire?

Il est donc grand temps de compléter la protection des sa- . lariés en cas d'incapacité de travail, et cela dans le cadre de

l'assurance obligatoire, c'est-à-dire de la sécurité sociale. En cette matière, le droit du travail ne saurait jouer Qu'un rOle auxiliaire.

En attendant une réforme indispensable (dont nos institu- tions ne sont probablement pas capables dans un délai raisonnable, sauf sous l'impulsion de l'Europe, en particulier dans le domaine de la maternité), nous exposerons les mécanismes actuellement en

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vigueur. Pour bien les faire comprendre, il faut commencer par le régime de base.

III. LE REGIME DE BASE A. Conditions d'application

1. La durée m;m;num des rapports de travail

L'employeur n'est tenu de verser le salaire, en cas d'incapa- cité de travail, que si les rapports contractuels ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois (art. 324a al.

1 in fine CO).

a) Raison d'être de la condition

Cette limitation repose sur l'idée que l'employeur doit pro- téger le travailleur dans l'hypothèse seulement où ce dernier lui montre une certaine fidélité, qui r.ésulte de la durée de l'emploi.

En d'autres termes, il ne se justifie pas de mettre à la charge de l'entreprise les conséquences d'une incapacité de travail lorsque l'emploi revêt un caractère purement temporaire.

Une telle manière de voir n'est pas convaincante. Les pro- blèmes soulevés par l'incapacité de travail due à une maladie doi- vent être résol~ '"en fonction d'un besoin: celui de permettre au travailleur 'de subsister. Dans une telle perspective, la durée des rapports de travair'~mporte peu. Elle parait d'autant plus négli- geable que la fidélité du salarié n'est, de loin, pas toujours en cause. La brièveté de l'emploi peut en effet résulter de la volonté (parfaitement légitime) de l'employeur lui-même. De plus, en période de difficultés économiques, la réglementation légale risque de favoriser les occupations de courte durée, qui, en cas de maladie, coUtent moins cher à l'entreprise. Les travailleurs précaires seraient ainsi doublement défavorisés: d'une part, à raison de l'insécurité de leur emploi; d'autre part, à raison des conséquences particulièrement lourdes d'une incapacité de travail.

Première condition d'application du régime de base, l'exi- gence de la durée minimum des rapports de travail est liée à la nature du système de protection, Qui place au premier plan les

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Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler 87

rapports entre l'employeur et le travailleur. Sa justification paraît aussi discutable que ce système lui-même5

b) Rapports de travail ayant duré plus de trois mois; calcul du délai; le cas des apprentis et des saisonniers

Selon la première des deux hypothèses visées à l'article 324a al. 1 CO, en cas d'empêchement de travailler, le travailleur a droit à son salaire si les rapports de travail ont duré plus de trois mois.

La durée des rapports de travail correspond à la période pendant laquelle le salarié se trouve au service de l'employeur. Elle ne commence donc pas le jour de la conclusion du contrat, mais lors de la prise d'emploi. Elle n'est pas suspendue par des jours de congé, de vacances ou d'empêchement de travailler, car, même s'il ne fournit pas sa prestation, le salarié reste au service de l'employeur6.

Ainsi, pour calculer le délai de trois mois, on recherchera, dans le troisième mois civil qui suit celui pendant lequel les rap- ports de travail ont commencé, le quantième correspondant au premier jour d'emploi (art. 77 al. 1 ch. 3 CO).

Comme le dit la loi, l'employeur doit le salaire "dans la mesure" où les rapports de travail ont duré plus de trois mois. Le droit au salaire nalt donc le lendemain du jour où la durée des rapports de travail atteint trois mois. Peu importe que l'incapacité de travail ait commencé avant ou après ce jour. Si elle se déroule entièrement avant l'accomplissement des trois mois, elle ne donne lieu à aucun salaire. En revanche, si elle commence avant, mais se poursuit après cet accomplissement, le travailleur peut prétendre à son salaire non pas dès le premier jour de l'empêchement, mais dès le premier jour du quatrième mois d'emploi7Cette interprétation littérale est renforcée par le contexte de la règle. En effet, comme on le verra, dans l'hypothèse où les rapports de travail ont été conclus pour plus de trois mois, le travailleur empêché de travailler 'recevra son salaire même si l'incapacité de travail survient durant

les trois premiers mois d'emploi.

5. cr. STREIFF, p. 108.

6. cr. JAR 1981, p. 213.

7. JAR 1986, p. 95; STREIFF, p. 109 e\ 112; KUHN/KOLLER, p. 9.6.2.3,2;

REHBINDER, p. 339; la pmente lolution vaut même .i le tempi d'e.ui a été prolona' au-dell de troi. mois Mlon l'anicl. 335b al. 3 CO: cl. KUHNI KOLLER, p. 9.6.1.3,3.

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Le contrat d'apprentissage est un contrat individuel de tra- vail de caractère spécial (art. 344 ss CO). Il donne naissance à des rapports de travail au sens de l'article 324a CO. La période de l'apprentissage doit donc être incluse dans la durée minimum de trois mois visée par cette disposition. Une teUe solution s'impose d'autant plus que, durant son apprentissage, le salarié a effective- ment travaiUé pour l'employeur et que son engagement chez celui- ci, après l'apprentissage, marque sa fidélité à l'entreprise8. Si, après l'apprentissage, les parties concluent un contrat de durée détermi- née, échéant au début de l'école de recrue, alors que l'employeur a l'intention de reprendre le travailleur à son service après cette école, les rapports de travail doivent être considérés comme conclus pour une durée indéterminée, de sorte que le travailleur conserve son droit au salaire, pendant l'école de recrue, dans les limites de l'article 324b CO; toute autre solution reviendrait à per- mettre aux parties d'éluder les dispositions impératives de la loi, ce que l'on ne saurait tolérer9

Les saisonniers sont engagés dans le cadre de contrats de durée tantOt déterminée, tantOt indéterminée. Or, malgré l'in- terruption entre les saisons, les rapports de travail conservent une réeUe continuité, témoignant de la fidélité du salarié. Peu importe, dès lors, qu'un nouveau contrat soit conclu chaque saison ou qu'un seul contrat englobe plusieurs saisons successives. QueUe que soit l'enveloppe juridique, on ne saurait donc considérer que chaque saison crée de nouveaux rapports de travail entre les intéressés.

Ainsi, dans l'ap~içation de l'article 324a CO, il faut tenir compte de la période d'emploi-consacrée à la même entreprise durant la saison précédente. '·,Én cas d'empêchement de travaiUer, le saisonnier a donc droit à son salaire dès le premier jour du qua- trième mois' d'engagement, même si les trois premiers mois des rapports de travail sont séparés de la période d'incapacité par une . , 1Oterruphon marquant une f' d 10 e saIson . 10 .

Ce raisonnement s'applique également, d'une manière plus générale, lorsque les rapports de travail revêtent un caractère

8. JAR 1989, p. 155; JAR 1988, p. 20.; JAR 1981, p. 263; JAR 1980, p. 2&8;

STREIFF, p. 112; KUHN/KOLLER, p. 9.7.4,4; STAEHELIN, p. 2M;

REHBINDER, p. 339.

O. Cf. art. 341 al. 1 CO; quation laiu6e ouverte in JAR 19S1, p. 262. 10. ATr 101 1.465 = JT 1977 1 656; STAEHELlN, p. 236.

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intermittent, tout en conservant une continuité suffisante, notamment dans le cas du travail à temps partiel irrégulierl l.

c) Rapports de travail ayant été conclus pour plus de trois mois

Selon la seconde hypothèse envisagée à l'article 324a al. 1 CO, le droit au salaire naît également si les rapports de travail ont été conclus pour plus de trois mois.

Sont conclus pour plus de trois mois les contrats d'une du- rée déterminée supérieure à trois mois. Sont également conclus pour plus de trois mois les contrats d'une durée indéterminée pré- voyant un délai de congé supérieur à trois mois.

Il n'est pas nécessaire que, dès le premier jour, le contrat ait été conclu pour plus de trois mois. Il suffit que, en vertu de la volonté des parties, les rapports de travail ne puissent prendre fin qu'après avoir duré plus de trois mois. Ainsi, à juste titre, la doc- trine majoritaire considère comme conclus pour plus de trois mois les contrats comportant un délai de congé inférieur à trois mois, mais qui, compte tenu de la durée déjà écoulée des rapports de travail, ne peuvent être résiliés que pour un terme survenant après plus de trois mois de service12. Il en va de même des contrats qui ont été conclus pour une durée déterminée inférieure à trois mois et qui, prolongés tacitement, ne peuvent être résiliés que pour un terme survenant après plus de trois mois de service.

Selon une autre opinion, seuls devraient erre considérés comme remplissant la susdite condition les contrats dont les parties ont voulu, le jour de la conclusion, qu'ils durent plus de trois mois; lorsque les parties n'ont pas manifesté une telle volonté, peu importe que, au moment de l'incapacité de travail, le salarié, compte tenu de la durée acquise de l'emploi et du délai de congé, doive de toute façon rester au service de l'employeur plus de trois mois13. Une telle opinion n'est pas convaincante. Premièrement, le texte légal lui-même n'exige nullement que le contrait ait été, dès l'origine, conclu pour plus de trois mois. En second lieu, une in-

11. cr. AUBERT, G.: Le travail' temp. partiel irrégulier, in Mélangea Alexandre Bennltein, Launnne 1989. p. 216 Hi voir ATF 112 Il S4j JAR lQ80, p. 209.

12. REHBINDER, p. 339; STAEHELIN, p. 233.

U. JAR 19119, p. 167; JAR 1986, p. 95; STREIFF, p. 109; KUHN/KOLLER, p.

9.6.2.2,2.

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terprétation si restrictive créerait d'étranges inégalités de traite- ment. Pourquoi un salarié engagé pour quatre mois pourrait-il bé- néficier de son salaire en cas d'incapacité de travail survenant du- rant le troisième mois, alors, durant ce meme troisième mois, un salarié engagé pour une durée indéterminée, avec un délai de congé de deux mois, serait privé de ce droit ? Dans les deux cas, l'employeur est appelé à bénéficier de la fidélité du salarié pendant la même durée; dans les deux cas, les salariés méritent d'être traités de façon identique.

Selon une troisième opinion, il faudrait présumer que tout contrat de durée indéterminée serait, en fait, conclu pour plus de trois moisu . Cette manière de voir ne saurait elre suivie. Elle se heurte au texte légal, qui ne vise pas de façon générale les contrats conclus pour une durée indéterminée, mais seulement les contrats 'conclus pour plus de trois mois'. D'autre part, la règle, clairement posée par la loi, est que les parties peuvent résilier un contrat de durée indéterminée de telle façon qu'il ne dure pas plus de trois mois (art. 335b et 335c CO); rien ne permet donc de présumer que tout contrat de durée indéterminée doit être considéré comme conclu pour plus de trois mois.

2. L'emp~chement de travailler

L'application de l'article 324a CO suppose que le travailleur soit empêché, totalement ou partiellement, de travailler.

Cet em~chement doit se définir en fonction du travail accompli par le S'àlàrié. Vu la variété des activités exercées dans la vie économique, la ~ême maladie ou le même accident n'entraÎ- neront pas des empêchements de travailler identiques. Une légère angine ne frappe pas de la même manière une cantatrice ou une secrétaire;. un pied cassé ne gêne pas non plus de façon semblable un maçon ou un téléphoniste. En fixant le principe ou le taux de l'incapacité de travail, le médecin devra donc prendre en con- sidération le métier de l'intéressé15

Conformément aux principes généraux, c'est au salarié qu'il incombe de prouver un tel empêchement (art. 8 CC). En cas d'accident, de maladie ou de grossesse, le travailleur ou la travail-

14. JAR 1987, p. 297; BRUNNER, Ch./BUEHLER, J.-M. et WAEBER, J.-B., Commentaire du contrat de travail, Berne 1989, p. 66.

15. JAR 1983, p. 117.

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Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler 91

leuse établit son incapacité en présentant un certificat médical;

d'autres preuves sont possiblesl6. Cette attestation ne revêt toute- fois pas une valeur probatoire absolue. La jurisprudence récente montre que les tribunaux, plus souvent qu'autrefois, n'hésitent pas à rejeter un certificat médical lorsque les circonstances le font ap- paraître comme le fruit d'une tromperie du salarié envers son mé- decin ou d'une complaisance de celui-ci envers celui-là. La ques- tion mériterait d'amples commentaires, dont nous nous abstien- drons ici: en effet, le certificat d'arrêt de travail fera l'objet d'un colloque organisé le 6 juin 1991 par le Centre universitaire d'étude des problèmes d'écologie du travail (Faculté de médecine), le Dé- partement de droit du travail et de la sécurité sociale (Faculté de droit) et l'Office cantonal genevois de l'inspection et des relations du travail. Les actes de ce colloque seront publiés dans la présente collection.

Relevons seulement que si les circonstances lui inspirent des doutes quant à la véracité de l'empêchement de travailler (incapa- cité alléguée à la suite d'un congédiement ou consécutive au refus d'accorder les vacances au moment désiré par le salarié; absences répétées; production de certificats émanant de permanences ou de médecins connus pour leur complaisance; présentation d'attestations contradictoires, etc.), l'employeur peut faire contrOler l'incapacité de travail, à ses propres frais, par un médecin conseil de son choix, qui en vérifiera l'existence et le degré 17. Sauf exception, le refus, par le salarié, de se soumettre à un tel examen de contrOle pourra être interprété comme l'aveu du caractère non sérieux du certificat produitl8.

Lorsque l'incapacité est couverte par une assurance perte de gain (obligatoire ou facultative), l'employeur s'adressera à celle-ci;

la caisse ou la compagnie fera elle-même effectuer les contrOles nécessaires par son médecin-conseil ou par ses inspecteurs, qui vi- sitent les intéressés chez eux.

16. JAR 1983, p. 119; JAR 1982, p. 112; KUHN/KOLLER, p. 9.5.2,1-2;

REHBINDER, p. 340.

17. JAR 1982, p. 113 et 130; AUBERT, G.: Qu.tre c:enta arriil lur le contrat de travail, Laulanne 1984, no 118, p. 75; STREIFF, p. 115; REHBINDER, p. 340-341; cf. aUlli BRUNNER/BUEHLER/WAEBER, p. 63.

18. STREIFF, p. 116.

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3. La cause de l'empêchement

a) Généralités

L'employeur ne doit le salaire que si l'empechement résulte d'une cause inhérente à la personne du travailleur. Cette notion se comprend de manière large. Comme le dit la jurisprudence, un tel

em~chement est réalisé lorsque, en raison de la situation person- nelle du travailleur, on ne peut attendre de lui qu'il accomplisse sa

. d 'Itg

prestatIon e traval .

Les cas les plus fréquents sont un accident, une maladie, l'accomplissement d'une obligation légale ou d'une fonction pu- blique, ainsi que les autres empêchements reconnus comme tels par l'usage (art. 324a al. 1 CO).

b) Accident et maladie

Les notions d'accident et de maladie ont été définies par le Tribunal fédéral des assurances. Ainsi, par accident, on entend toute atteinte dommageable, souda.ine et involontaire portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire (art. 9 al. 1 OLAA). La maladie se circonscrit négativement, par rapport à· cette définition: il s'agit de toute atteinte dommageable à la santé physique ou psychique qui n'est pas due il un accident ou à ses conséquences directesJOIl faut assimiler aux empêchements résul- tant d'un accident.ou d'une maladie les visites de contrôle préven- tif chez le' méd'èèin, car elles sont nécessaires; elles répondent d'ailleurs aux intérêt\ de l'employeur autant que du travailleur21

c) Grossesse et accouchement; adoption

. ,

La loi vise expressément, comme causes d'incapacité de tra- vail donnant droit au salaire, la grossesse et l'accouchement (art.

324a al. 3 CO). Il faut entendre par là non seulement l'accouche- ment d'un enfant viable, mais aussi la fausse couche ou l'avorte-

19. JAR 1982, p. 120 = RSJ 1981, p. 235; STRElf'F, p. UO; STAEHELIN, p. 224;

REHBINDER, p. 326.

20. GREBER, P.-Y.: Droit suiae de la léc:urit6 wciaJe, Launnne 1982, p. 383, .va<: r'f,

21. REHBINDER, p. 327; conlr., KUHN/KOLLER, p. g.3.1,3; cf. STREIFF, p.

114.

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Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler 93

ment: dès lors que l'article 324a al. 3 vise la situation physiologique particulière de la femme, on ne voit pas pourquoi ces deux hypo- thèses devraient être traitées dans le cadre de l'article 324a al. 1 C022.

En revanche, on ne saurait assimiler l'adoption à une gros- sesse ou à une naissance. Le droit au salaire, dans ce cas, découle du principe général posé à l'article 324a al. 1. A notre avis, suivant l'âge de l'enfant, les soins donnés à celui-ci et la présence requise par son adaptation au milieu familial (art. 264 CC) peuvent provo- quer, pour la mère ou le père adoptifs, un empêchement inhérent à leur personne.

d) Autres obligations légales: service militaire, fonctions pu- bliques

Les obligations légales visees par l'article 324a al. 1 sont essentiellement le service militaire, suisse ou étranger23 (même avancé à la demande du salarié2~), y compris le service féminin de l'armée25, ainsi que le service de protection civile. Sont inclus le recrutement, l'inspection d'armes et la restitution de l'équipement militaire. La doctrine y assimile la détention préventive non fautive26.

Quant aux fonctions publiques visées à l'article 324a al. 1 CO, il s'agit, pour l'essentiel, de l'exercice de mandats électifs ou de l'obligation d'être juré ou témoin auprès d'un tribunal ou d'être juré dans un bureau de vote27; à notre avis, les jetons de présence ou indemnités touchés par le travailleur doivent être imputés sur le salaire versé en vertu de l'art. 324a C028. En revanche, l'inter- diction de travailler durant les jours fériés, qui constitue certes une

22. JAR 1980, p. 207; STREIFF, p. 118; conlr.: KUHN/KOLLER. p. 9.3.5.1;

REHBINDER, p. 329-330.

23. Sur 1. "rvieo à l'''r.(I1or: KUHN/KOLLER, p. 9.8.10.2; REHBINDER, p. 332;

contra: BERTHOUD. p. 73.

2~. JAR 1981, p. 221.

25. JAR 1983, p. 152; DTAC 1981, p. 68 = JAR 1982, p. 11.

26. STREIFF, p. 119; REHBINDER, p. 33~; KUHN/KOLLER, p. 9.3.3,2.

21. STREIFF, p. 118; REHBINDER, p. 332.

28. STREIFF, p. 118-119; indkie, KUHN/KOLLER, p. 9.3.4,2.

(15)

obligation légale, n'est pas considérée comme inhérente à la per- sonne du salarié, vu son large champ d'application29

D'une manière générale, il n'apparaît pas que soit justifié le système imposant aux employeurs les conséquences de la perte de salaire liée à l'accomplissement, par le travailleur, de ses obliga- tions légalesso. Il incomberait plutôt à l'Etat, qui crée ces obliga- tions, d'organiser aux frais de la collectivité publique le dédomma- gement des travailleurs immobilisés.

e) Les obligations découlant du droit de la famille

Parmi les obligations légales, il faut aussi retenir celles dé- coulant du droit de la famille. Ainsi, il a été jugé qu'une femme doit pouvoir, sans perte de salaire, s'occuper de son enfant malade, tout au moins durant le temps nécessaire à la recherche d'une autre solution permettant la prise en charge de l'enfant (aide fournie par d'autres membres de la famille, services sociaux, gardes-malades, etc.); si la travailleuse s'abstient de rechercher une aide extérieure, son absence devient fautiveSl. Les mêmes principes s'appli~uent en cas d'assistance à une soeur qui vient de tenter un suicide 2 ou en cas d'aide indispensable apportée à 'une mère ou à un père33.

Certaines conventions collectives prévoient des règles ex- presses en la matière, par exemple:

Les collaborateurs qui apportent la preuve qu'ils ne trouvent personne. pour assister un de leurs propres enfants tombé malade

:z

'avec lequel ils cohabitent bénéficient. en règle gé- nérale, d'un'.(iongé de nécessité d'une durée limitée. tout en touchant leur salaire intégral ( ... ). Ces absences payées sont priSe3 en compte dans le calcul de la durée du droit au sa- laire en cas de maladie ( ..

f·.

29. STREIFF, p. 119.

SO. REHBINDER, p. 332.

SI. An. 276 CC; JAR 1988, p. 197 ; RSJ 1988, p .9; JAR 198-4, p. 33; KUHN/

KOLLER, p. 9.3.S,3; STAEHELlN, p. 228; REHBINDER, p. 335; BRUNNER/

BUEHLER/WAEBER, p. 66.

32. An. 328 CC; JAR 1988, p. 201.

33. Art. 306 CC; el. STREIFF, p. 119.

34. Art. 27 .• de la convention collective nationale de travail de Microl, éd. 1987.

(16)

Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler 95

Ou encore:

Garde des enfants malades: Lorsqu'un enfant de moins de 12 ans et habitant au domicile parental tombe malade, le parent salarié peut exceptionnellement demander à Son em- ployeur d'~tre dispensé totalement ou partiellement de l'obligation de se rendre au travail, à la condition qu'il se se soit préalablement assuré que l'autre parent ou toute aUlre personne de sa famille ou de son entourage ne peut assumer celle garde.

Si la condition ci-dessus est remplie. l'employeur est tenu d'accorder une dispense au parent salarié. Celle-ci, accordée en une seule fois ou fractionnée selon les besoins du parent salarié, ne peut excéder une semaine durant l'année civile.

En règle générale. un certificat médical doit ~tre remis par le parent salarié à son employeur dès le troisième jour d'absence ou au plus tard à son retour au Iravail.

Sauf accord contraire. l'employeur peut exiger de la part du salarié une compensation partielle ou lotale du temps de travail36

f) Clause générale

Comme le montre le texte même de l'article 324a CO, l'énumération légale des causes inhérentes à la personne du tra- vailleur n'est pas exhaustive. L'on doit y ajouter les autres causes qui, selon une pratique reconnue, empêchent le salarié de se rendre à son travail pour d'autres motifs familiaux non liés à une obliga- tion légale: mariage du travailleur ou d'un proche; naissance d'un enfant dans le ménage du salarié; décès d'un proche, y compris un ami, ou encore un déménagement36.

Parfois, l'empêchement, qui parait à première vue toucher la personne d'un tiers, affecte de façon suffisamment forte le sala-

35. Cony~mt;ion coU.dive d. travail du commerce de dUail non alimentaire, Ge- nne, 1990-199S.

36. Cf. l'art. 20 de. Recommandations relative. aux conditions de travail d •• em- play", convention nationale du 1er juillet 1089 entre l'Union centrale de. AI- .oci.lione patronales .uiun, l'Union lui ... du commerce et de l'indu.trie, l'Union lui.1e d .. art. et métien, la Sociét' lui.1e dH employéJ de commerce et l'Aaaociation ,uiu. d •• cadre. techniqu .. d'exploitation; STREIFF, p. 119;

KUHN/KOLLER, p. 9.3.6,2; REHBINDER, p. SS4 et 3i8-3i9; BRUNNER/

BUEHLER/W AEBER, p. 65.

(17)

rié lui-même. Ainsi, a été considéré comme un empêchement in- hérent l la personne du travailleur la nécessité, pour ce dernier, de quitter son emploi pendant le temps nécessaire à la recherche de sa famille, qui se trouvait coupée du monde dans une zone frappée par un tremblement de terre. Certes, les victimes de la secousse sismique étaient, au premier chef, les membres de la famille; mais l'angoisse intenable éprouvée par le salarié constituait un empé- chement inhérent l sa personne. En revanche, le fait que ce tra- vailleur ait été retardé par des intempéries, sur le chemin du re- tour, relevait des circonstances purement externes; il n'était pas in- hérent à sa personneS7Cette décision, dont nous ne contestons pas le bien-fondé, montre la difficulté qui peut résulter de la distinc- tion, posée par la loi, entre l'empêchement dO à une cause interne et celui résultant d'une cause externe. Le travailleur est payé du- rant l'absence provoquée par le besoin impérieux de retrouver les siens; il ne le serait probablement pas s'il avait été empêché lui- même de se rendre au travail par un tremblement de terre.

Selon quelques auteurs, la recherche d'un nouvel emploi doit être considérée comme un empéchement de travailler au sens de l'article 324a

casa.

A notre avis, tel ne peut être le cas que dans l'hypothèse où cette recherche n'est pas provoquée par un motif imputable au salarié, comme une démission ou un licencie- ment pour un motif justifié39 et dans la mesure où, compte tenu des circonstances, on ne peut exiger du salarié une compensation en temps de travail.

4.

, .

L'absence ile laule

"

Le travailleur n'a droit au salaire en cas d'empêchement de travailler què si ce dernier n'est pas fautif. Le législateur a voulu éviter que l'employeur ne doive prendre à sa charge les consé- quences d'une incapacité que le travailleur a lui-même provoquée par sa propre imprudence.

Est donc considéré comme faute, au sens de cette disposi- tion, un manquement à la diligence qu'on peut attendre d'un sala- rié, dans sa vie professionnelle ou non professionnelle, en vue

37. lAR Iga2, p. 121 = RSllgal, p. 236.

38. REHBINDER, p. 334; BRUNNER/BUEHLER/W AEBER, p. 96; .onl •• : STAEHELIN, p. 341; BRUEHWILER, p. ISO. . 39. STRElrr, p. 169.

(18)

Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler 97

d'éviter la survenance d'un empêchement de travailler. Selon l'opinion dominante, seul peut ~tre privé de son salaire, dans le cadre de l'article 324a CO, le travailleur qui a commis une faute relativement grave; une faute légère demeure sans conséquence40.

Une telle restriction découle du degré de diligence qu'on peut im- poser au travailleur dans sa vie quotidienne. Vu les dangers inhé- rents à cette dernière, on ne saurait exiger qu'il ne commette au- cune imprudence d'aucune espêce à aucun moment. Il faudra, bien plutOt, comparer son comportement avec celui d'une personne rai- sonnable placée dans la même situation et se demander s'il est équitable, dans chaque cas particulier, de faire supporter l'inca- pacité de gain par l'employeur.

Est ainsi fautif l'accident causé par le travailleur en état d'ébriété41 ou en opposition à un acte de l'autorité42Il en va de même de l'incapacité due au fait que l'intéressé se soustrait à un traitement médical43

En revanche, n'est pas fautive l'absence d'une salariée qui se fait avorter44 ou d'un salarié qui se fait opérer durant le délai de congé, lorsque le report de l'opération entrainerait une aggrava- tion du cas45. D'une façon peut-être discutable, la jurisprudence n'a point retenu une faute à la charge du salarié drogué qui suit une cure de désintoxication 46, ni à celle du salarié qui, malgré les conseils de son médecin, a choisi une activité l'exposant à des in- tempéries47. A notre avis, d'une manière générale, la consommation excessive d'alcool ou de tabac, de même que l'absorption de dro- gue, reposent presque toujours sur une importante faute initiale; il n'y a donc pas de raison de mettre à la charge de l'employeur la perte de gain liée à une cure de désintoxication. Il incombe à l'Etat de pourvoir à la réinsertion des alcooliques et des drogués, le cas échéant au moyen de ressources prélevées par l'impOt sur les al- cools .

.. O. KUHN/KOLLER, p. 9.6.1,3; REHBINDER, p. 331; STAEHELIN, p. %30;

BRUEHWILER, p. 89-90.

41. JAR 1980, p. 139.

42. JAR 1990, p. 174.

43. STREIFF, p. 124; REHBINDER, p. 338.

44. JAR 1980, p. 207.

45. JAR 1981, p. 260.

46. JAR 1984, p. 136; d. STREIFF, p. 124.

47. JAR 1990, p. 160.

(19)

En général, le juge civil s'inspirera des principes adoptés dans le domaine de la sécurité sociale

à s'agissant notamment de l'accident causé par la faute de l'assurë . A notre avis, cependant, il devra parfois se distancer de la pratique des juges administra- tifs49; en effet, le comportement de l'assuré qui a lui-même payé des cotisations pour être couvert contre les conséquences d'un em- pêchement de travailler doit être apprécié avec moins de rigueur que celui du travailleur qui dépend uniquement des prestations de son employeur, lequel ne devrait pas, en ~rincipe, subir les consé- quences des écarts commis par son salarié .

Du reste, même si elle n'est pas suffisamment grave pour exclure le droit au salaire, la faute du travailleur compte parmi les circonstances particulières que le juge prendra en considération pour fixer la durée de ce droit. La présence d'une faute n'entraine donc pas nécessairement la perte du droit au salaire; dans certains cas, en particulier lorsque la faute ne se révèle que relativement légère, le juge pourra écourter la période durant laquelle l'emplo- yeur se trouve obligé de payer le salaire51

Comme il lui incombe de démontrer que les conditions d'application de l'article 324a CO sont remplies, le travailleur sup- portera le fardeau de la preuve quant à l'absence de faute de sa part52.

B. Les prestations de l'employeur J. Une méthpde législati.e déficiente

,

'.

Selon l'articlll 324a CO, l'employeur paie pendant la pre- mière année de serv;l:e le salaire de trois semaines et, ensuite, le

48. M. 37 LAA; art. 48, 49, 50 OLAA; JAR 1990, p. 174; JAR 1984, p. 129 el 131; cf. DUC, J.-L.: Les entreprises téméraire. dan. l· ... uranc:e lociale, RDS 1934, I, p. 225.

49. JAR 1980, p. 215.

50. BRUEHWILER, P 106; con'ra: STREIFF, p. 125; KUHN/KOLLER, p.

9.A.3.2,1-2; STAEHELIN, p. 252-253; REHBINDER, p. 337-3S8 el 358-359;

BERTHOUD, p. 169; BRUNNER/BUEHLER/WAEBER, p. 63.

61. STREIFF, p. 123; STAEHELIN, p. 231; BERTHOUD, p. 64; conlra:

REHBINDER, p. 338.

52. JAR 1~84, p. 130; BRUEHWILER, p. 91; contr", KUHN/KOLLER, p. 9.5.2,3;

REHBINDER. p. 3'U; VIRET, B.: La lituation du travailleur en cu de mala- dia, SZS 1979, p. 6-7; BERTHOUD, p. 7L

(20)

Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler 99

salaire pour une période plus longue fixée équitablement, compte tenu de la durée des rapports de travail et des circonstances parti- culières.

Ainsi, la loi ne précise que pour la première année la durée du paiement du salaire; pour les années ultérieures, c'est au juge qu'il incombe de décider. Cette méthode législative paraît criti- quable à bien des égards&!.

On ne voit pas pourquoi la durée de trois semaines, pour la première année, est fixée de façon rigide, alors que, par la suite, les droits du salarié ne sont pas clairement déterminés. N'aurait -on pas pu imaginer, au contraire, qu'au début des rapports de service les obligations de l'employeur devraient dépendre davantage des circonstances qu'au cours des années ultérieures, une fois que le salarié a démontré sa fidélité?

Vu l'importance pratique du salaire en cas d'empêchement de travailler, le législateur aurait été mieux inspiré d'instituer une réglementation suffisamment claire des droits des travailleurs ayant plus d'une année d'ancienneté. En effet, l'expérience enseigne que le contentieux judiciaire entre l'employeur et le travailleur ne se produit, dans la plupart des cas, qu'après l'échéance du contrat, car on verrait mal que le travailleur, durant son emploi, saisisse un tribunal pour s'informer de ses droits s'il souhaite obtenir davantage que ce que l'employeur estime devoir lui accorder. Il courrait le risque de représailles54. La loi paraît compter sur les avantages du paternalisme; elle ne se soucie nullement d'en éviter les excès, comme s'il était équitable et raisonnable d'abandonner le salarié aux incertitudes d'un procès qui peut lui coOter son emploi.

Il faut dire que les syndicats ont leur part de responsabilité: durant les travaux parlementaires, ils n'ont pas demandé très fort une réglementation précise. Ils souhaitaient laisser le champ libre aux conventions collectives, sans se soucier des cas, fort nombreux, dans lesquels ces dernières ne jouent aucun rOle.

Les juges ont bien compris que la souplesse recherchée par le législateur entraine un risque considérable d'arbitraire. Aussi di- vers tribunaux ont-ils établi des échelles déterminant le droit au

53. REHBINDER, p. 546-347.

5.. Cerlel, depuil le 1er janvier 1989, une rHiliation fondée .ur lu réclamations du .alari'. en cette matière, doit être conlidérée comme abu.ive (Mi. 336 al. 1 lit. d CO), mai. la preuve de J'.hua demeure difficile' repporterj de plu. le travailleur lic.eneîé abu.Îument ne peut etI~rer l'annulation de la rHiliation (art. 336. CO).

(21)

salaire, dans le cadre de l'article 324a CO, en fonction de l'ancienneté du travailleur. L'instauration de ces échelles permet de réaliser, dans une large mesure, l'égalité de traitement dont la loi, ici, semble faire bon marché. Mais cette égalité demeure limitée.

Comme on le verra, des échelles différentes existeat à Berne, à Bâle et à Zurich. Alors que le législateur est censé avoir unifié la matière sur le plan fédéral, on ne comprend pas pourquoi les tra- vailleurs n'ont pas les mêmes droits dans deux cantons-villes proches l'un de l'autre, comme Bâle et Zurich. En vérité, si le lé- gislateur n'a pas établi lui-même une échelle, c'est qu'il ne parve- nait pas à prendre une décision efficace; oubliant sa mission d'unification du droit privé, il a préféré éluder le problème66.

Ainsi, le système prévu par l'article 324a CO ne répond pas aux exigences modernes, puisqu'il méconnait les principes de la sécurité et de l'unité du droit fédéral. Il aurait été de loin préfé- rable que le code des obligations fixât lui-même une échelle, quitte à permettre au juge d'appliquer des solutions plus nuancées lorsque les circonstances le justifient.

2. Le contenu des échelles cantal/ales

al Généralités

Comme le prévoit la loi, le juge doit tenir compte des cir- constances particulières. C'est dire que les échelles pratiquées par les juridictions du travail ne posent pas un cadre strict. Elles fixent des repères, 'que

les'

juges peuvent adapter à chaque cas, en tenant compte, notamment;,l,1è la situation économique de l'employeur et du salarié, du taux d;absence de ce dernier, d'éventuels accidents subis antérieùrement durant le travail66. Il vaut toutefois la peine de remarquer que, malgré la liberté qui leur est laissée, les tribu- naux n'aiment pas courir le risque de traiter différemment des si- tuations qui se ressemblent fort. C'est dire que, d'une façon géné- rale, ils s'écartent peu des échelles qui leur paraissent applicables.

56. KUHN/KOLLER, p, 9.6,4,1.

66. ATF 84 Il 32 = JT 1968 1 278-279; REHBINDER. p. 347; ZINSLI, J.M.: Zur Dauer der minimalen LohnforsahlunppOicht du ArbeiC,.ben bei Erkrankung .ine. Ar~itnehmen. ArbR 1990, p. 30.

(22)

Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler 101

Il existe trois échelles cantonales importantes (Berne, Bâle et Zurich)5T. L'on doit y ajouter les échelles prévues par les contrats-types, qui reflètent souvent la pratique cantonale, ainsi que les échelles conventionnelles, établies par les partenaires so- ciaux. Nous allons les examiner tour à tour.

b) Les échelles bernoises

L'échelle bernoise est la plus souvent invoquée en Suisse romande, mais son contenu demeure incertain. Les auteurs ne mentionnant que rarement leurs sources, il est difficile d'établir la filiation des barêmes retenus par les uns ou les autres sous cette étiquette.

aa) L'ancienne échelle bernoise (J 926)

L'ancienne échelle bernoise remonte au moins à 192668Elle n'est plus guère retenue, sinon, par exemple, dans la pratique de l'Office cantonal genevois de conciliation, mais' non pas dans celle de la Chambre d'appel des prud'hommes à Genèvé9. On en trou- vera la teneur ci -après.

57. Pour une enqu~te .ur la jurisprudence cantonale, ct. ZINSLI, p. 32.1.

58. RSJ 1938/1938, p. 138.

59. L'Office cantonal ,enevoi. de conciliation (compoaé, C011llM la Chambre d'appel det prud'homme., de quatre jU&eI prud'hommell et d'un juge à la Cour d. jUltiee). 6dicte le. contratl-ty~ Mlon l'article 359 CO. Ce. contrat. pré- ciunt, pour le. proraaiofU con.id~ré", le droit au .alaire en cu d'empfchement de travaillerj cf. p. ex. l'art. 17 al .• et 18 al. 1 du contrat-type de travail pour travailleun de l'économie dome.tique. du 20 avril 1989, R.S.

J/S/21; tou. 1 .. contrata-typea cenevoi. ,uivenl ce barème: cf. le contrat-type des &ravailleun açieolet, du 20 avril 1989, art;. 17 al. '" et 18 al. l, R.S.

J/3/23; eon&ra&-&ypf! det jeunet lent au pair, du 20 8vrill989, art. 17 a.l. '" e&

18 al. l, R.S. J/S/2"'; eon&rat-type pour lei jeunet ,enl aides de ménage, du 20 avril 1989, art. 17 al. 4 .t 18 al. l, R.S. J/S/34,5.; voir alWli F1LLIETTAZ, L Nouveau guide de droit du travail, S.me fd., Muri/Berne, 1987, p. 43 et Bullehn pa&ronal vaudoit, no 4/1981, p. 15.

(23)

année de service 1ère

2ème

de la 3ème à la 5ème de la 6ème à la 1 Dème de la Ilème à la 15ème de la l6ème à la 20ème dès la 21éme

droit au salaire 3 semaines

1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois.

bb) L'ancienne échelle bernoise réduite

Pour une raison que nous ignorons, certains auteurs veulent appliquer un bar~me "bernois' moins favorable aux travailleurs que celui établi en 1926 (!) par les tribunaux de ce canton60.

annee de service 1ère

de la 2éme à la 3ème de la 4ème à la 5ème de la 6ème à la 1 Dème de la 11 ème à la 15ème de la 16ème à la.20ème dès la 21éme ' '

"

droit au salaire 3 semaines 1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois.

Cette échelle est identique à la précédente sous une réserve:

elle donne drbit non pas à deux, mais à un mois de salaire la troi- sième année de service.

cc) La nouvelle échelle bernoise: première version En 1975, après la revlSlon du titre dixième du code des obligations, l'OFIAMT a utilisé une nouvelle échelle, qui paraît

60, REHBINDER, p, 3(6; BRUEHWILER, p, 99; l'échelle préHnlée par BERTHOUD n' .. t pu claire pour la Ume et 1. &lm. ann" d. service, etc., p.

31,

(24)

Le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler

correspondre à la pratique modifiée des tribunaux bernois61

année de service 1ère

de la 2ème à la 4ème de la Sème à la 9ème de la lOème à la 14ème de la ISème à la 19ème dès la 20ème

droit au salaire 3 semaines 2 mois 3 mois 4 mois S mois 6 mois.

103

Par rapport à l'ancienne échelle, le nouveau bareme prévoit deux mois de salaire dès la deuxième année de service (non pas dès la troisième) et trois mois dès la cinquième année de service (non pas dès la sixième). Un mois supplémentaire s'ajoute chaque fois par paliers de cinq ans dès la dixième année de service (et non pas dès la onzième).

dd) La nouvelle échelle bernoise: deuxième version (ci-après: échelle bernoise)

La première version de la nouvelle échelle bernoise fut cri- tiquée par des milieux patronaux, qui souhaitaient s'en tenir à l'ancien barême62. Dans une publication ulterieure, l'OFIAMT a maintenu le nouveau schéma, en réduisant toutefois à un mois le droit au salaire durant la deuxième année de service:

année de service 1ère

2ème

de la 3ème à la 4ème de la 5ème à la 9ème de la 10ème à la l4ème de la 15ème à la 19ème dès la 20ème

61. DTAC 1976, p, 92; cf. au .. i JAR 1981, p. 2~.

62. Bulletin patronal vaudois, no "/1981, p. 15.

droit au salaire 3 semaines 1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois.

(25)

Aujourd'hui, cette échelle est adoptée par les sources offi- cielles, reconnues tant du côté patronal que syndical63. On peut toutefois considérer que le droit à deux mois de salaire durant la deuxième année de service représente une forte tendance64

A Genève, la juridiction des prud'hommes applique l'échel- le bernoise66. Elle relève, par exemple, que le travailleur a droit à un mois de salaire la deuxième année de service, à deux mois de salaire les troisième et quatrième années de service, à trois mois la cinquième année de service66

ee) La double échelle bernoise

La double échelle bernoise est appliquée par les compagnies d'assurance, en dérogation à leur régime habituel de prestations, dans les cas d'incapacité de travail résultant d'une maladie ou d'une infirmité préexistante à l'entrée en vigueur de l'assurance.

Elle figure dans les conditions générales.

année de service du 1 er au 6ème mois du 7ème au 9éme mois du 100me au 12éme mois de la 2éme à la 4ème année de la Sème à la 9è me année de la 100me à la, 4.éme année dès la 1 Sème année .

"

droit au salaire 4 semaines 6 semaines 2 mois 4 mois 6 mois 8 mois 10 mois.

Comme on le constate, cette échelle est proche du double de la bernoisé, mais de façon approximative .

.

,

63. DTAC 1983, p. 6 ; JAR 1984, p. 69; STREIFF, p. III; STAEHELIN, p. 236;

BRUNNER/BUEHLER/W AEBER, p. 67; Guide p.tronal, p. 13; Journal de.

uaoeiatioM patronalel, 1984, p. 26.

64. KUHN/KOLLER, p. 9.6.2.4,3.

66. JAR 1990, p. 164.

66. JAR IPQ(), p. 166 et 168j JAR 1988, p. 279, avec référence à SCHWEIN- GRUBER, E.: Commentaire du contrat de travail Mlon le code fédéral dei obligation., ~me 1976, p. 89-goj l'.,rrit dU! in AUBERT. Quatre cent.

aml."., no llO, p. 12 n'at pu préci •.

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