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Article pp.435-439 du Vol.1 n°3 (2003)

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L ECTURES ET DISCUSSIONS

L’autoformation,

avec ou contre l’enseignement supérieur ?

A propos de Autoformation et enseignement supérieur, sous la direction de Brigitte Albéro, Paris, Lavoisier, 2003, 316 p.

On ne peut que rendre hommage à Brigitte Albéro d’avoir dirigé et coordonné un ouvrage qui prend en compte et oblige à positionner l’un par rapport à l’autre deux types de concepts et de pratiques qui d’emblée apparaissent peu compatibles sinon contradictoires.

L’avant propos du livre explique son ambition et le paradoxe qui le constitue : – l’autoformation n’est pas un concept élaboré ni un champ clos de recherches et de pratiques. Élargir et poursuivre la réflexion sur un terrain de pratiques et de recherches qui n’est pas son terrain premier, celui de l’institutionnel emblématique des formations académiques, tel l’enseignement supérieur, ne peut qu’être fécond ;

– l’enseignement supérieur est un lieu ouvert à des pratiques d’autoformation qu’il est important d’interroger et de faire connaître dans les enjeux, objectifs, dispositifs, techniques qui les traversent.

Il faut noter les conception et production originales du livre à base de réunions, confrontations, lectures croisées entre les auteurs. Elle participe clairement du projet de l’ouvrage de favoriser le décloisonnement de la réflexion et l’analyse critique sur le concept et les pratiques.

Deux types de spécialistes ont été réunis dans la préparation : ceux qui analysent la notion d’autoformation à partir de leur pratique disciplinaire de référence (sciences de l’éducation, psychosociologie, philosophie, psychologie cognitive, économie), ceux qui analysent des pratiques sociales d’autoformation dans lesquelles ils sont pour la plupart engagés comme acteurs avec des implications et responsabilités différentes.

Le livre est construit en trois parties : l’autoformation comme notion, l’autoformation comme pratique, l’autoformation et les technologies. Les contributions de chacune des parties ont été soumises en amont à un « discutant » familier des travaux dans le domaine de l’autoformation des adultes et sont introduites par lui après confrontation et amendements.

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Deux chercheurs étrangers au projet ont lu les propositions et rédigé l’un la préface sur les perspectives internationales, l’autre la postface en proposant une lecture critique à visée épistémologique.

La richesse et complexité de l’ouvrage dans ces différentes participations ne facilite pas son compte rendu. Je m’essaye à dégager quelques éléments-clés…

La première partie apporte des éclairages essentiels et convergents sur la

« notion » d’autoformation pour la dégager de confusions fréquentes inhérentes à la polysémie du terme, en repérer l’histoire et les significations diverses à partir desquelles le rapport avec l’enseignement supérieur et les pratiques qui s’en réclament peuvent être réfléchies et comprises.

L’autoformation ne peut pas être confondue avec un mode d’organisation individualisé de formation ou une modalité d’apprentissage confrontant un apprenant au choix et à l’usage de ressources technologiques ou traditionnelles.

Historiquement reliée à l’autodidaxie (étymologiquement s’enseigner soi-même) dans ses dimensions militantes et pédagogiques, elle caractérise la pratique d’une personne qui s’approprie son propre pouvoir de formation (se donner sa propre forme) quelles que soient la présence ou l’absence d’un dispositif institué de formation. L’exercice de ce pouvoir renvoie à la capacité de la personne de s’autoproduire à travers les actions conduites en se réfléchissant elle-même dans son processus d’apprentissage intégrant buts, projets et stratégies.

L’exercice n’est pas « oubli d’autrui » : l’histoire montre que la socialisation, l’usage de personnes-ressources ont toujours accompagné les pratiques autoformatives. Plus subtilement il faut repérer le paradoxe selon lequel l’altérité est constitutive du « self » et nécessaire à sa reconnaissance autant qu’affrontement ou combat avec elle sans lesquels l’indépendance du sujet ne serait jamais acquise.

Dans le champ de l’enseignement supérieur, c’est l’arrivée des technologies qui, après des pratiques, restées marginales, d’autoformation souvent reliées au développement de formation d’adultes, apparaît être un facteur déterminant de l’élaboration d’une offre de dispositifs et de produits requérant l’autonomie des apprenants et s’en réclamant. Ce qui n’est pas étranger au passage du paradigme de l’instruction au paradigme de l’autoformation que reconnaissent plusieurs des auteurs.

L’analyse économique conforte le changement de paradigme en se décentrant des activités elles-mêmes et les situant dans les processus de transformation du système productif : l’apprenant « s’autoformant » est une ressource génératrice de valeur ; les nouveaux savoirs, rapports au savoir et au pouvoir, médiations qui s’instaurent sont nécessaires à l’économie de la connaissance et transférables dans d’autres activités.

Les pratiques analysées dans la deuxièmeet la troisième partie témoignent de ces enjeux nouveaux pour l’enseignement supérieur intégrant technologies et autoformation. Elles correspondent à des innovations (certaines déjà anciennes) qui

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requièrent toujours l’engagement conjoint d’acteurs politiques et d’acteurs de terrain préoccupés de répondre à une demande sociale nouvelle autant qu’à l’optimisation économique et pédagogique d’un système qui s’essouffle ou risque d’imploser.

Cependant l’identification des problèmes reliés à l’insertion concrète de ces pratiques et dispositifs dans un contexte qui les contredit (mais n’est-ce pas le propre de l’innovation ?) questionne autant sur le sens réel qu’ils prennent dans la logique institutionnelle qui les porte que sur les perspectives de généralisation qu’ils ouvrent.

Les exemples présentés proviennent pour la plupart de formations en langues, parallèles et complémentaires à des formations diplômantes ou qualifiantes d’une autre nature ou dans une formation informatique optionnelle d’une école d’ingénieurs. Ils manifestent de façon lumineuse la synergie des objectifs et des acteurs qui les rendent possibles autant que la mise entre parenthèses des innovations, actions, contenus, ressources et modalités d’apprentissage en œuvre par rapport aux formations instituées.

Les actions conduites par le RUCA (Réseau universitaire des centres d’autoformation), créé en 1987, portent, elles, sur un secteur-clé du développement des universités : la rénovation des premiers cycles scientifiques associant dès l’origine cinq universités. Dans les informations et analyses apportées sur sa création, l’évolution de ses structures et actions, le RUCA apparaît particulièrement représentatif des contradictions et turbulences d’un système qui peut entraîner sa disparition aussi rapidement qu’il l’a fait naître. Et pourtant le réseau perdure et se transforme jusqu’à favoriser la réalisation d’un programme accessible à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur. Que généralise-t-on alors ou généraliserait-on ? des ressources technologiques ? une organisation pédagogique individualisée rendant possible la formation à distance ? une université en ligne ? une nouvelle conception des rapports pédagogiques ? des conditions rendant possible l’autoformation des apprenants ? Ces interrogations sont celles de certains des auteurs. Ils pointent à la fois les aspects novateurs des pratiques, les limites des changements organisationnels qu’elles instaurent et les dérives possibles d’un système qui, s’il n’inscrivait plus les changements à la marge, pourrait disjoindre cependant réorganisation et modernisation, ingénierie de dispositifs médiatisés de formation, mise à disposition de ressources informatisées et pratiques d’autoformation.

Autour du concept d’autoformation et des « réalités » qu’il recouvre, apparaissent d’autres questions et réflexions qui contribuent à éclaircir les dynamiques des changements en œuvre.

Décrétée, autorisée, organisée dans les dispositifs (individualisation des parcours, mise à disposition de ressources technologiques et/ou humaines en centre de ressources ou à domicile), l’autoformation n’est pas « jouée » : les auteurs- acteurs des actions présentées le font clairement apparaître. Elle est du côté des apprenants, dans l’autonomie dont ils font preuve pour clarifier leur projet et

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objectifs de formation, faire des choix pertinents, conduire leur parcours, assurer les régulations nécessaires au dépassement des difficultés rencontrées et à leur réussite.

Elle implique un engagement global de l’être, un travail de soi sur soi tels qu’identifiés dans les théories. C’est ce niveau « supérieur » d’autonomie que requièrent ensemble technologies et autoformation, comme le formalise très fortement la dernière contribution. Il associe autorégulation, ouverture sur les confrontations, la dépendance à l’extérieur, et autoréférence, mécanismes sur lesquels l’accompagnement humain des dispositifs intervient de façon privilégiée.

Ainsi définie et visée, l’autoformation associée aux technologies apparaît de nature à contester profondément les formations supérieures dans leur mode de production et de diffusion des connaissances, leurs dimensions pédagogiques et éthiques. Les changements qu’elle génère ou peut générer, sont souhaités, jugés nécessaires par la plupart des contributeurs. Les contradictions et problèmes rencontrés dans les projets sont regrettés et analysés dans le sens de la résistance au changement plus qu’ils ne jettent de doute sur sa direction.

Il semble que l’ouvrage n’atteigne pas complètement les objectifs recherchés de confrontation entre théories et pratiques et d’éclairage conceptuel issu de la confrontation. Des analyses plus distanciées des implications idéologiques et pratiques seraient nécessaires ainsi que l’utilisation ou l’identification de recherches permettant de mieux comprendre les problèmes rencontrés dans les projets, les enjeux « réels » de la rencontre autoformation-enseignement supérieur, les évolutions à venir. Elles seraient bienvenues particulièrement :

– sur les « résistances » des différents acteurs au développement de projets autoformatifs à l’université : qui sont ces acteurs (les enseignants, les institutionnels, les administratifs ?) et qu’est-ce qui argumente pour eux le maintien de pratiques magistrales et/ou « présentielles » ? Quelles fonctions attribuent-ils à l’université ? Quelles représentations ont-ils des technologies et de l’autoformation ? Quelles peurs que l’autoformation ne soit plus formation ?

– sur les finalités et objectifs des différents établissements d’enseignement supérieur : l’autoformation peut-elle remplacer la formation ? L’université en ligne peut-elle être toute l’université ? N’est-ce pas à la formation continue d’assurer la formation à l’autonomie, la formation aux compétences ? Il est clair que concernant ces questions, la prise en compte de l’histoire des institutions, des publics, la complémentarité ou le recouvrement avec les pratiques et publics de la formation continue, sont essentiels à la compréhension des refus, engagements, persévérances ou arrêts dans les projets ;

– sur la « réalité » de l’autoformation dans les pratiques qui se réclament d’elles.

« Quelle part d’auto dans autoformation ? » questionne l’économiste dans l’ouvrage.

Et l’auteur de la postface insiste sur la nécessité d’aborder la question de l’autoformation par l’entrée « activité ». Il est vrai que les analyses des pratiques dans les contributions décrivent davantage les dispositifs et la visée d’autoformation des formateurs ou l’accompagnement, qu’elles n’apportent d’informations sur le travail autoformatif accompli par les apprenants et explicité par eux... Faute de ces

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recherches, un doute subsiste sur les régulations externes, internes, vécues, les obstacles dépassés, la « conversion mentale » accomplie : y a-t-il vraiment autoformation ou décalage entre les désirs ou/et théories et les actes ? N’est-on pas dans les actions en présence d’un apprenant utilisant à son bénéfice les ressources et les marges de manœuvre d’un système et soucieux de sa seule efficacité dans l’acquisition des savoirs recherchés ? Ou bien d’un apprenant qui n’apprend rien, ni sur les choses ni sur lui-même ? Dans les deux cas le paradigme de l’instruction perdure à travers une pédagogie modernisée et l’enseignement supérieur n’assure plus ni sa mission de transmettre des savoirs ni celle de former à l’autonomie l’homme que la société de la connaissance réclame. Et se comprennent ainsi les craintes de certains…

Toutes ces questions soulevées et les limites repérées aux approches de l’ouvrage n’enlèvent rien à son grand intérêt. Nous espérons que le lecteur en est convaincu et poursuive…

Claude Debon Maître de conférences Chaire de formation des adultes, Cnam, Paris debon@cnam.fr

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