Éditorial
L’exploration du champ de l’enseignement à distance est un programme ambitieux, écrivions-nous dans le premier numéro de Distances et savoirs. Nous nous y sommes attelés d’entrée de jeu. Les réunions du comité et d’autres échanges, comme la réunion qui s’est tenue le 9 octobre dernier à la librairie Tekhnê, à Paris, entre chercheurs et praticiens concernés par ce domaine, dont plusieurs membres du comité éditorial de Distances et savoirs, nous ont permis de cerner les objectifs et de mesurer les contraintes de ce programme. Par exemple, nous avons pensé qu’il était indispensable de mettre en évidence et d’approfondir des thèmes à la mode, parfois aussi évanescents que l’air du temps mais jamais réellement traités. Ainsi de l’espace-temps, justement. De même, il nous est apparu judicieux de mettre aussi systématiquement que possible en regard textes de recherche et textes
« opérationnels », en sorte qu’ils s’éclairent les uns les autres. A petits pas, nous cheminons dans cette direction avec ce troisième numéro. Les réactions favorables que les numéros précédents ont suscitées, l’intérêt que notre démarche recueille tant auprès des praticiens qu’auprès des chercheurs nous y encouragent grandement.
Des propositions d’articles nous parviennent, de plus en plus nombreuses, riches, intéressantes et, comme c’était prévisible, très diversifiées. Les lectures d’ouvrage renforcent encore l’élargissement du champ. Mais la tâche est ardue, tant l’hétérogénéité y prévaut, tant ses frontières et lignes de force sont malaisées à identifier. Distances et savoirs peut et doit maintenant prendre le temps de la discussion, ajoutant ce rôle à sa mission de publication de travaux. Nous invitons donc tous ceux qui, à un titre ou à un autre, sont concernés par les questions débattues ici à donner leur avis ou à répondre à ceux qui se sont exprimés dans nos colonnes. Elles leur sont ouvertes, dans l’une ou l’autre des sections qui se retrouvent au fil des numéros.
Celui-ci ne devrait pas laisser indifférent : l’étude de la parole, les propos sur les pratiques et sur les méthodes, sur les relations sociales révélées par les échanges verbaux entre acteurs d’un dispositif de formation, sur des croisements de regards sur le domaine de l’enseignement à distance…
Dire les choses, c’est souvent vouloir se les approprier. Il n’est donc pas étonnant qu’à l’intersection de plusieurs domaines portés par différentes technologies de l’information et de la communication, l’enseignement à distance soit écartelé entre des définitions concurrentes et contradictoires. Notre souhait
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334 Distances et savoirs. Volume 1 – n° 3/2003
serait qu’à la lumière de ces croisements et chevauchements, les lignes de fracture se manifestent et s’explicitent. Certainement pas pour parvenir à un consensus, tel n’est pas notre propos. Il s’agirait plutôt d’éclairer les points de vue et, ce faisant, d’enrichir la compréhension de ce qui se passe quand des savoirs sont transmis et acquis à distance.
Voici donc une livraison riche de discussions et réactions potentielles, où les échanges médiatisés sous diverses formes sont questionnés dans leur capacités à faciliter l’apprentissage à distance, à en être le moyen même, à transmettre des savoirs.
Pascale Noët-Morand relève ainsi les comportements d’étudiants en langue étrangère, et la qualité quasi « orale » des conversations tenues dans le cadre de
« chats », ces espaces d’échanges informels où, notamment, elle étudie la négociation du sens entre les divers locuteurs comme moteur d’apprentissage.
De même, Jacques Rodet, dont les observations portent sur une expérience réalisée dans le cadre d’une collaboration entre universités française et québécoise, et qui souligne qu’au cours de « clavardages1 », cette fois destinés à l’encadrement pédagogique, la discussion en ligne, pratiquement synchrone, peut servir des stratégies d’apprentissage.
Ces deux auteurs évoquent l’appropriation par les apprenants d’un espace de dialogue, au-delà des objectifs conçus par les enseignants.
Plutôt que la discussion, c’est le discours de l’enseignant que Philippe Dessus et Pascal Marquet analysent, lorsqu’il est médiatisé, de manière synchrone ou non.
Mais ce discours n’est pas unidirectionnel, il participe d’une « distance de transaction » où, entre autres, la capacité à dialoguer dont font montre les étudiants influe sur leur apprentissage.
Certes, le simulateur dont Pascal Conjard décrit le rôle dans un dispositif de formation sur le lieu de travail, n’émet pas d’opinion. Mais ne participe-t-il pas à des situations de dialogue et d’échanges, selon des processus qui relèvent d’une médiation, et ce, que la distance physique soit réelle ou non ?
Enfin, prolongeant ces articles sur les espaces de parole dans l’enseignement à distance, une bibliographie-webographie sur l’apprentissage collaboratif permet de parcourir les lieux, les expériences, les réflexions sur ces échanges médiatisés dont la finalité, directe ou différée, est l’apprentissage.
Aux côtés des propos sur les échanges verbaux médiatisés, ce numéro comporte également des témoignages. Celui d’Hugues Choplin et d’Arnaud Galisson, qui nous entretiennent de la transformation d’un dispositif de formation lorsqu’il doit s’adapter aux appropriations imprévues qu’en font les étudiants et aux réactions du
1. « Chat » ou « clavardage », chaque auteur a conservé le terme qui lui semblait le plus approprié au contexte pour un outil identique de discussion en ligne.
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Éditorial 335 tuteur décontenancé ; et c’est bien de relations sociales et pédagogiques, parlées ou non, qu’il s’agit.
Autre forme de l’échange : réagissant à une lecture critique parue dans le premier numéro, Bernard Blandin, coauteur de l’ouvrage concerné, donne son point de vue. C’est bien volontiers que nous lui laissons la parole. Peut-être, d’ailleurs, cet échange suscitera-t-il d’autres réactions en cascade.
Des comptes rendus et lectures critiques d’ouvrages récents enrichissent également ce numéro en ouvrant sur d’autres perspectives encore. Il s’agit des ouvrages de Viviane Glikman, Des cours par correspondance au e-learning, ou de celui dirigé par Brigitte Albéro, Autoformation et enseignement supérieur, dont l’approche intègre déjà une démarche de discussion.
Dans L’accès au savoir, de Jacques Perriault, l’accent est mis sur les pratiques innovantes alors que Christian Depover et Louise Marchand, dans E-learning et formation des adultes en contexte professionnel, sont déjà parvenus, dans le monde professionnel, à des préconisations méthodologiques pour la formation à distance, après avoir largement ouvert son spectre et celui de l’e-learning, et avoir produit cinq études de cas, comme autant de reflets d’actions sur le terrain. Ce dernier ouvrage anticipe le thème du quatrième numéro de la revue, la formation à distance dans le monde professionnel.
« L’altérité pour la construction de soi », des confrontations qui doivent s’accomplir, textes et lectures critiques de cette livraison poursuivent et ouvrent l’espace de débat proposé par Distances et savoirs.
Martine Vidal Monique Grandbastien Pierre Mœglin
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