Enonc´e noA458 (Diophante)
On s’int´eresse aux suites de n entiers positifs tous diff´erents entre eux a1, a2, . . . , ai, . . . , an tels que la somme
S = a1
a2
+a2
a3
+. . .+ ai
ai+1
+. . .+an
a1
est ´egale `a un nombre entier.
Solution de Jean Moreau de Saint-Martin Question 1
Pour quelles valeurs de n, de telles suites existent-elles ?
C’est impossible pour n= 2. En effet, si S=a/b+b/a, on peut supposer (quitte `a simplifier les fractions par P GCD(a, b)) a et b premiers entre eux. Alors S+ 2 = (a+b)2/(ab), fraction irr´eductible, car num´erateur et d´enominateur sont premiers entre eux.
C’est possible pour tout n >2.
Si nest impair, on peut prendreai = 2i−1 et alorsS = (2n+n−1)/2.
Si n est pair > 2, on peut prendre ai = 3i−1 pour i = 1 `a 4, puis ai = 27·2i−4 pouri= 4 `a n; alorsS= 27·2i−4−1 +n/2.
Question 2
Quelle est la plus petite valeur de n pour laquelle le produit des termes a1×a2×. . .×an est toujours un cube ?
Cette propri´et´e n’est pas toujours vraie pour n= 4 (par exemple avec la suite 4, 3, 18, 6 qui donne S= 6). Mais elle est vraie pour n= 3.
Soit en effet a/b+b/c+c/a=S entier.
On peut supposer (quitte `a diviser les termss par leur PGCD) quea, b, c sont premiers entre eux dans leur ensemble.
Soit d = P GCD(b, c), e = P GCD(c, a), f = P GCD(a, b), ces trois nombres sont premiers entre eux deux `a deux.
Alors a, divisible par e et f, est divisible par ef et a = ef g. De mˆeme b=f dh etc =dei; g est premier avec b/f =dh et c/e=di; autrement dit, g, h, i sont premiers entre eux deux `a deux, g est premier avec d, h avec e,iavec f.
On a alors
eg/(dh) +f h/(ei) +di/(f g) =S entier.
Le facteurg, au d´enominateur de la 3e fraction, ne peut se simplifier avec le num´erateurdi; il est premier avecdh, c’est donc dans la fractionf h/(ei) que l’on doit retrouvergau d´enominateur, et commeg est premier aveci, on ae=gg0 avec g0 entier. De la mˆeme fa¸conf =hh0 etd=ii0.
La conditionS entier devient
g2g0/(hii0) +h2h0/(igg0) +i2i0/(ghh0) =S entier, ou g3g02h0+h3h02i0+i3i02g0−Sghig0h0i0 = 0.
Commei0 divise tous les termes sauf le premier, avec lequel il est premier, il fauti0 = 1 et de mˆeme g0 =h0= 1.
Ainsi d = i, e = g, f = h puis a = g2h, b = h2i, c = i2g, et finalement abc= (ghi)3.
Il faut de plusg3+h3+i3=Sghi.
Exemples :
(g, h, i) = (1,1,2), S = 5 = 1/2 + 2/4 + 4/1,
(g, h, i) = (1,2,3), S = 6 = 2/12 + 12/9 + 9/2, mais aussi (g, h, i) = (1,3,2), S = 6 = 3/18 + 18/4 + 4/3.
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Question 3
Quelle est la plus petite valeur s de S? Quelles sont les valeurs de nqui permettent d’obtenir s?
On obtient S= 5 avec S = 1/2 + 2/4 + 4/1,n valant 3.
D’autre part les n fractions de somme S ont 1 pour produit et pour moyenne g´eom´etrique, et ce sont des r´eels positifs diff´erant de 1 ; ainsi leur moyenne arithm´etique est strictement sup´erieure `a leur moyenne g´eom´etrique etS > n.
Donc si s <5, c’est qu’on a pu obtenir s= 4 avec n= 3. Cela conduit `a discuter l’´equationa/b+b/c+c/a= 4.
Comme on l’a vu `a la question 2, cela revient `a r´esoudre g3+h3+i3 = 4ghi.
Cette ´equation repr´esente une surface dans l’espace (g, h, i), et il s’agit d’y trouver des points `a coordonn´ees enti`eres. L’´equation ´etant homog`ene, on peut ramener la question `a trouver des points rationnels sur une cubique plane (voir pr´ecisions en annexe). Mais je n’ai pas trouv´e de solution non triviale (ghi 6= 0), et une recherche par tˆatonnements m’a permis de voir qu’il n’en existait pas avec min(g, h, i) < 26. Ainsi, s’il existe une suite a, b, c donnants= 4, ses termes sont>16250.
Quant `a obtenirS = 5, ce ne peut ˆetre qu’avecn= 3 oun= 4.
On a vu la solution (1,2,4) pour n = 3. Pour le cas n = 4, je n’ai pas trouv´e de solution, sans pouvoir affirmer qu’il n’en existe pas.
Question 4
Trouver une suite (si possible la plus courte) telle que S= 2009.
On peut obtenir S= 2009 avec la suite de 13 termes 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256, 1280, 320, 800, 2000, car
S = 1/2+1/2+1/2+1/2+1/2+1/2+1/2+1/2+1/5+4+2/5+2/5+2000.
Annexe `a la question 3
Discussion de l’´equationg3+h3+i3 = 4ghi.
1) Passage `a une courbe (x, y)
Posonsg=xi, h=yi, il vient x3+y3+ 1 = 4xy.
C’est l’´equation d’une cubique du plan (x, y), ayantx+y= 0 comme seule direction asymptotique, et sym´etrique par rapport `a la droite x=y. Elle coupe les axes en (−1,0) et (0,−1).
Soitx=u+v, y=u−v. L’´equation devient 2u3−4u2+ 1 + 2v2(3u+ 2) = 0,
mettant en ´evidence l’asymptoteu=−2/3.
Soitw=v/(3u+ 2), t=−u/(3u+ 2). On a 1 + 3t= 2/(3u+ 2), puis w2=t3+t2(1 + 3t)−(1 + 3t)3/16 = (37t3−11t2−9t−1)/16.
On obtient la forme canoniqueY2 =X3+AX+B, avecA etB entiers, en posant
Y = 3996w= 3996v
3u+ 2 = 3996 x−y
3x+ 3y+ 4= 3996 g−h 3g+ 3h+ 4i
X= 333t−33 = −432u−66
3u+ 2 = −432(x+y)−132
3(x+y) + 4 = −432g−432h−132i 3g+ 3h+ 4i etA= 30240,B = 1959984.
Les points `a coordonn´ees enti`eres X = 300, Y = ±3996, sont des points d’inflexion de la cubique, ce qui ne permet pas d’en d´eduire d’autres points
`
a coordonn´ees rationnelles par le proc´ed´e classique `a partir des tangentes en ces points. Je suppose qu’il n’en existe pas mais je n’en ai pas de d´emonstration.
Cela correspond `a l’´etat des connaissances il y a une quarantaine d’ann´ees : on lit dans “250 probl`emes de th´eorie ´el´ementaire des nombres”, par W. Sierpinski, Hachette Universit´e 1972, en remarque sur la solution 2
du probl`eme 5/181, que pour s = 4 “on ne sait pas si l’´equation a/b+b/c+c/a=sadmet des solutions”. Il se peut que les progr`es obtenus depuis par les nombreux travaux sur les courbes elliptiques permettent de r´epondre sans ambigu¨ıt´e `a la question de l’existence de points rationnels hors de ces points d’inflexion.
2) Recherche par tˆatonnements
Pour limiter le nombre de triplets (g, h, i) `a essayer, j’ai proc´ed´e `a un filtrage pr´ealable bas´e sur l’analyse suivante.
a) Si g < h < i, le rapport i/g <2.
En effet, (g3+h3+i3)/ghiest une fonction de h qui d´ecroˆıt pour g3 < h3 <(g3+i3)/2, passe par un minimum dont le cube vaut (27/4)((i/g)3+ 2 + (g/i)3),
puis croˆıt pour (g3+i3)/2< h3< i3.
Pour i/g ≥ 2, ce cube du minimum > 270/4 > 43, et l’´equation est impossible.
b) Pour queg3+h3+i3 soit pair, il faut que deux des entiersg, h, isoient impairs, le 3e ´etant pair. Si par exemplei est pair,
(g3+h3)/(g+h) =g2−gh+h2 est impair,
donc g+h est divisible par la mˆeme puissance de 2 que i(4gh−i2) = 8(i/2)(gh−(i/2)2).
Quei/2 soit pair ou impair,g+hest multiple de 16 au moins. Alorsgh+ 1 est multiple de 8, et on a la r`egle suivante :
(g+h)/16 impair ⇐⇒i/2 ou i/4 impair,
(g+h)/2r impair ⇐⇒i/2r−2 impair pourr >4.
On peut alors passer en revue les triplets (g, h, i) class´es par min(g, h, i).
J’ai v´erifi´e qu’il n’y a pas de solution pour min(g, h, i) < 26. Ainsi, s’il existe une suite a, b, cdonnants= 4, ses termes sont>16250.
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