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Article pp.471-488 du Vol.1 n°4 (2003)

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Texte intégral

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organisationnelles en entreprise

Nancy Lauzon

Université de Montréal

CEFRIO (Centre francophone d’informatisation des organisations) C.P. 6128, succursale Centre-ville

Montréal, Québec H3C 3J7 Nancy.lauzon@umontreal.ca

RÉSUMÉ. Ce texte présente les résultats d’une recherche exploratoire menée dans dix entreprises manufacturières québécoises. Après avoir défini brièvement la notion de e-learning, on présente les objectifs poursuivis par les applications de e-learning étudiées ainsi que les raisons pour lesquelles ces entreprises ont opté pour le e-learning. A la suite de quoi, cet article traite des pratiques et des politiques de ces entreprises qui favorisent l’adoption et l’appropriation des technologies qui soutiennent le e-learning. En ce qui concerne l’adoption de ces technologies, les facteurs de perception de l’employé quant à l’avantage relatif et à la facilité d’utilisation de ces technologies sont plus spécifiquement examinés. Pour ce qui est de l’appropriation, l’analyse se concentre sur deux facteurs susceptibles de la favoriser, le soutien moral et technique qui est offert aux employés ainsi que l’accessibilité à des ressources pertinentes et valorisées.

ABSTRACT. This article presents the results of an exploratory research carried among 10 manufacturing companies in Quebec. We begin with a brief definition of the concept of e-learning, followed by the objectives pursued by the use of e-learning and the reasons why these organizations chose e-learning. We then take a look at these organization’s practices and policies that promote the adoption and appropriation of technologies that support e- learning. Regarding the adoption of these technologies, two factors are more closely considered, i.e. the perception of employees concerning their relative advantages and ease of use. With regards to the appropriation of these technologies, we analyse two factors that support it, i.e. moral and technical support from technicians to employees and accessibility of relevant and valued resources.

MOTS-CLœS : e-learning, formation, compétences, entreprises.

KEYWORDS: e-learning, training, organizations.

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Introduction

Cet article présente les résultats d’une recherche qui a été menée dans le cadre des travaux du Groupe de recherche sur l’apprentissage à vie par les technologies de l’information (Gravti) et de ceux du Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO). Cette recherche visait à étudier des expériences de e-learning qui se déroulent actuellement dans dix entreprises manufacturières québécoises. Ces entreprises sont de tailles variées et œuvrent dans différents secteurs industriels dont la métallurgie, les pâtes et papier, la pétrochimie, le bioalimentaire, les technologies de l’information et des communications (la micro- électronique et les composants1). Elles sont membres d’une même association patronale, les Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ).

Plus précisément, ce texte propose des informations relatives à deux processus qui, selon nos analyses, contribueraient au succès des expériences de e-learning dans les entreprises. Ces deux processus, vécus par l’employé, sont l’adoption et l’appropriation de la technologie qui soutient le e-learning. Par adoption, nous entendons le processus de développement d’une attitude positive face à la technologie utilisée, une attitude qui influencerait l’intention de l’employé d’utiliser ou non cette technologie. Par appropriation, nous faisons référence à un processus qui favoriserait la maîtrise de la technologie par l’employé. Selon nos analyses, ces deux processus seraient complémentaires : le premier influencerait l’intention de l’employé d’utiliser la technologie qui soutient l’apprentissage et le second en favoriserait une utilisation adéquate2.

Dans cet article, nous présentons les pratiques et les politiques organisationnelles qui sont mises en place par les organisations étudiées pour inciter et permettre à leurs employés de production d’adopter et de s’approprier les technologies qui soutiennent le e-learning. Comme nous pourrons le constater, ces pratiques et politiques sont liées à différentes dimensions organisationnelles telles que les formations préalables à l’activité de e-learning, l’accompagnement offert aux employés-apprenants, le système de reconnaissance3, etc.

Les objectifs visés par les activités de e-learning

De façon générale, dans les entreprises étudiées, le e-learning désigne des activités de développement des compétences qui sont réalisées à l’aide des

1. Cette classification des secteurs industriels se fonde sur celle proposée par le ministère du Développement économique et régional du Québec. Ces entreprises sont Alcan, Bombardier, Bowater, Granford, IBM, Interquisa, Kruger, Molson, Pétromont et Sanmina-SCI.

2. Le terme adéquat réfère ici à la capacité de l’employé d’utiliser le système pour réaliser l’apprentissage qui est visé par l’activité de développement des compétences.

3. Diverses formes de reconnaissance existent dont la rémunération, les cadeaux, souligner les contributions lors des réunions, etc.

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technologies de l’information et de la communication (TIC). Par exemple, ces dispositifs peuvent faire appel à l’Internet, à des intranets, à des cédéroms et à des logiciels qui sont développés à l’interne ou à l’externe par des experts-conseils.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons constaté que les applications de e-learning poursuivent différents objectifs tels que l’acquisition ou la mise à jour de connaissances, le développement d’un savoir-faire particulier, le développement de compétences en matière de résolution de problème et la gestion du processus de développement des compétences au sein de l’entreprise.

Par exemple, certaines applications de e-learning ont pour objectif d’acquérir ou de mettre à jour des connaissances qui sont liées à la structure ou au fonctionnement d’un équipement, aux caractéristiques d’un procédé de production, aux risques associés à des matières dangereuses, à la sécurité opérationnelle4, à des normes telles que ISO5 ou encore, à des méthodes de travail (références pour faire son travail). D’autres applications visent à développer chez l’employé un savoir-faire particulier grâce à l’utilisation d’un simulateur qui lui permet de se familiariser avec un équipement avant d’aller en salle de production. D’autres applications encore ont pour but de développer des compétences en matière de résolution de problème. Ce faisant, les applications consistent en une simulation de situations problématiques qui permet à l’employé de développer ses compétences relativement à l’identification des causes d’un problème ainsi qu’au choix de solutions pertinentes.

Enfin, dans certaines entreprises, le e-learning est utilisé pour gérer le processus de développement des compétences. Les applications permettent alors à l’entreprise de documenter ses besoins en matière de compétences (profils de compétences d’employés ou d’équipes en ligne), de suivre le cheminement de chaque employé (carnet d’apprentissage autogéré en ligne) ou encore, d’évaluer les apprentissages (test auto-administré en ligne).

Les raisons pour lesquelles les entreprises optent pour le e-learning

Dans le cadre de leurs activités de développement des compétences, les entreprises que nous avons étudiées ont choisi de faire appel au e-learning pour différentes raisons. Plusieurs de ces raisons ne sont pas étrangères au potentiel qu’offrent les TIC : Se libérer des contraintes de temps, d’espace, apprendre à des rythmes variables, permettre à l’employé de simuler une situation dont les risques d’erreur pourraient être dangereux ou coûteux, lui permettre de visualiser ce qui ne peut l’être dans un contexte réel de production étant donné la vitesse d’exécution de l’opération ou la structure physique de l’équipement et reproduire des sons qui font partie de l’environnement de travail (par exemple : différentes alarmes, le bruit produit par certains équipements).

4. Ces connaissances permettent à l’employé de s’assurer que les opérations sont sécuritaires tant au plan des personnes, que de l’équipement et de l’environnement.

5. Organisation internationale de normalisation.

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Soulignons que ce potentiel qu’offrent les TIC représente une réelle valeur ajoutée pour la formation dans un contexte de production manufacturière. Ces technologies permettent en effet de traduire les connaissances et le savoir-faire à acquérir ou à mettre à jour dans un langage qui est familier aux employés de production, soit celui des sens. Comme certaines personnes rencontrées en entrevue l’ont affirmé « un bon opérateur est quelqu’un qui voit, qui écoute, qui touche, qui sent sa machine, son équipement ». Cette possibilité est d’ailleurs d’autant plus importante pour certaines entreprises que plusieurs de leurs employés possèdent une faible maîtrise de la langue française et/ou anglaise.

Puis, et cela a son importance, ces technologies offrent la possibilité aux employés d’accéder, à partir de différents lieux physiques, à des informations ciblées et mises à jour. A cet égard, un employé de production rencontré en entrevue mentionnait :

« Avec les liens (informatiques), tu vas voir juste ce que tu veux voir. Le superflu tu n’es pas obligé d’aller le voir… tandis que si tu as besoin de plus de détails, tu vas cliquer. Tu vas avoir la photo qui va avec… quand on le faisait en MAT papier (méthode appropriée de travail), tu te retrouvais avec un document trop épais. »

Les applications qui sont présentées dans les lignes suivantes contribuent à illustrer différentes facettes de ce potentiel des TIC dans un contexte d’apprentissage.

Dans un premier temps, rapportons l’expérience d’une entreprise du secteur bioalimentaire qui a développé une application de e-learning pour former ses employés relativement à l’étape de mise en bouteille de la bière qu’elle produit.

L’application de e-learning permet à l’employé de visualiser au ralenti des étapes de production qui se déroulent dans la réalité à une vitesse beaucoup trop rapide pour être captée par l’œil d’une personne. L’utilisation des technologies permet aussi au formateur d’expliquer des notions qu’il serait très difficile d’expliquer verbalement ou par écrit.

Dans un deuxième temps, citons une entreprise qui a développé une cuve virtuelle d’électrolyse. Deux objectifs principaux ont guidé le développement de cette application de e-learning. Le premier était de permettre à l’employé de visualiser les phénomènes qui se produisent à l’intérieur d’une telle cuve, des phénomènes qu’il est impossible de voir dans un contexte normal de production.

Grâce à cette application, un opérateur de cuve peut donc acquérir ce qui est considéré comme étant des compétences de base dans cette entreprise, soit connaître la structure et comprendre le fonctionnement de son équipement. Le second objectif visé par cette application était de consolider les compétences des opérateurs en matière de résolution de problèmes. Ce faisant, un des volets de cette cuve virtuelle consiste à présenter des situations problématiques aux opérateurs qui sont invités à identifier les problèmes et à déterminer des actions correctives.

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Enfin, dans un troisième temps, rapportons l’exemple d’une entreprise qui a conçu un logiciel pour vérifier les connaissances qui ont été acquises par ses employés à la suite de certaines formations. Dans ce cas, après avoir suivi sa formation, l’employé est invité à compléter un test qui lui est présenté sous la forme d’un questionnaire en ligne. Fait à souligner, l’outil est conçu de façon à ce que l’employé reçoive en temps réel l’information sur sa performance pour chacune des questions du test. En cas d’erreur, l’employé voit apparaître à l’écran la bonne réponse et les notions qui la justifient.

Le e-learning : une innovation pour le développement des compétences

Comme ces quelques illustrations le suggèrent, le e-learning est une approche de développement et de mise à jour des compétences à géométrie variable dans les entreprises que nous avons étudiées. Plus précisément, ces applications se distinguent tant par les objectifs qu’elles visent, que les technologies qui sont utilisées, les ressources qui sont investies pour les développer (par exemple : humaines, financières, informationnelles) et les personnes qui ont participé à son développement (par exemple : formateur, professionnel du service des ressources humaines, employés considérés comme des spécialistes).

Cependant, dans toutes les situations examinées, les applications de e-learning répondent à un besoin précis. Leur développement ne tient pas du hasard. Elles sont considérées comme le moyen jugé optimal pour relever un défi majeur de l’entreprise. Ainsi, ces applications peuvent avoir pour objectif de développer les compétences d’une catégorie d’employés dont la performance est jugée stratégique pour l’entreprise. Pensons, par exemple, aux opérateurs dans le domaine des pâtes et papier et de la métallurgie. Tout comme ces applications peuvent viser à transmettre à l’ensemble des employés de l’entreprise des connaissances jugées prioritaires telles que des normes de sécurité dans le secteur de la pétrochimie ou de qualité dans le secteur des technologies de l’information et des communications. Enfin, lors de la phase de démarrage d’usines, certaines de ces applications peuvent être jugées comme le moyen optimal pour réussir à former un grand nombre d’employés dans un délai relativement court.

Ces observations nous amènent à considérer le e-learning comme une innovation en matière de développement des compétences dans les entreprises que nous avons étudiées. Ces applications correspondent à de nouvelles façons de faire qui visent à améliorer le processus de développement des compétences des employés. Notons que notre affirmation se base sur les définitions de l’innovation qui sont proposées par Rogers et Silver. Rappelons que Rogers (1983, p. 11) indique qu’une innovation est une idée, une pratique, un objet qui est perçu comme nouveau par une personne ou un groupe6. Pour sa part, Silver (1998, p. 9) précise qu’une innovation est un

6. Traduction libre.

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processus (ou un produit), qui vise (mais n’atteint pas nécessairement) une amélioration, et qui peut inclure de l’originalité ou une adaptation7.

La pertinence de la recherche

Notre recension des écrits sur le e-learning en entreprise suggère que les travaux menés jusqu’à présent sur ce sujet sont majoritairement de type anecdotique.

Plusieurs d’entre eux rapportent des expériences qualifiées de succès, sans toutefois être supportés par une démarche rigoureuse.

Au plan de l’avancement des connaissances, nous considérons donc que ce projet de recherche de type exploratoire apporte une contribution intéressante. Plus concrètement, il permet notamment de mieux connaître les expériences de e-learning qui ont cours dans des entreprises québécoises, d’identifier des raisons qui incitent les décideurs à opter pour cette approche de formation et de nommer un certain nombre de conditions susceptibles de favoriser ou de nuire au développement des compétences des employés à l’aide des TIC.

Dans cette perspective, nous croyons que ce projet pourrait éventuellement ouvrir la voie à des recherches descriptives et explicatives en ce qui a trait au phénomène du e-learning en entreprise.

Quelques précisions sur la recherche

En ce qui concerne les entreprises qui ont collaboré à notre projet de recherche, elles participaient toutes au comité Compétences8 des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Plus concrètement, chacune d’elles était représentée dans ce comité par au moins un de ses gestionnaires responsables du développement des compétences des employés.

Les membres de ce comité ont d’ailleurs joué un rôle important pour la réalisation de cette recherche. Ils nous ont fourni la documentation requise pour connaître leur entreprise et leur(s) expérience(s) de e-learning. Ils nous ont aussi donné la possibilité de rencontrer différents groupes d’employés au sein de leur entreprise et ont participé à la sélection des personnes qui pouvaient être considérées comme des informateurs-clés dans le cadre de notre projet. Non moins important, ces gestionnaires ont validé les différentes synthèses des informations que nous

7. Traduction libre.

8. Ce comité a notamment pour mandat de faire des recommandations au Président directeur général des Manufacturiers et exportateurs du Québec relativement à de nouvelles orientations gouvernementales ou des projets de loi dans le domaine de la formation de la main-d’œuvre ainsi que d’encourager le développement de la formation continue dans les entreprises manufacturières québécoises.

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avons produites9 et ils ont accepté de témoigner de leur expérience de e-learning pour les autres membres du comité Compétences.

Vu les objectifs de notre recherche, documenter et approfondir nos connaissances sur le phénomène du e-learning en entreprise, nous avons choisi les entrevues semi-structurées comme méthode principale de collecte d’information.

Cette méthode nous permettait de recueillir de l’information en fonction d’un cadre prédéterminé tout en nous laissant une certaine flexibilité. Précisons qu’une grille spécifique a été développée pour chaque catégorie d’employés qui était visée par les entrevues. Enfin, ces grilles d’entrevue ont été testées auprès d’employés présentant des caractéristiques similaires à ceux qui seraient rencontrées. A la suite de ces prétests, certains ajustements ont été apportés à nos outils de collecte d’information (par exemple : vocabulaire utilisé, chronologie des questions).

Afin d’obtenir une image la plus complète possible des expériences de e-learning étudiées, nous avons d’abord rencontré en entrevue les responsables de la formation de ces entreprises. Par la suite, nous avons rencontré des employés de production (par exemple : opérateurs, aidesopérateurs, personnel d’entretien), des formateurs, des concepteurs de formation et des superviseurs (par exemple : contremaîtres, chefs de groupe). Enfin, nous avons mené des entrevues auprès de membres de la direction qui participent à la détermination des orientations et à l’allocation des ressources relativement au développement des compétences dans ces entreprises.

Certaines entrevues ont été menées individuellement et d’autres en groupes composés de 3 ou 4 personnes. Au total, 38 entrevues individuelles et 36 entrevues de groupe ont été réalisées par les chercheurs de notre équipe. A quelques exceptions près, deux chercheurs ont participé à chacune des entrevues. La presque totalité des entrevues a été enregistrée après avoir obtenu l’autorisation des personnes concernées. Les entrevues intégrales ont ensuite été retranscrites en vue de réaliser une analyse de l’information recueillie.

Le modèle de référence

Le modèle de référence qui a été développé pour analyser l’information recueillie lors des entrevues s’inspire de deux courants de recherche qui sont indépendants dans les publications scientifiques10. Or, selon nous, les connaissances développées dans ces deux courants de recherche peuvent contribuer à approfondir nos connaissances dans le domaine du e-learning.

Le premier courant de recherche retenu s’intéresse aux facteurs susceptibles de favoriser l’intention d’utiliser un système d’information (IS, Information System). Il

9. Il est à noter que le respect de l’anonymat a été assuré.

10. Précisons toutefois que ces deux courants partagent certaines bases théoriques communes dont les travaux de Bandura sur le sentiment de compétence (self-efficacy theory).

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est représenté par les travaux de Davis et des auteurs qui se sont inscrits dans le courant que ce chercheur a développé à la suite de sa thèse11 (par exemple : Davis, 1989 ; Venkatesh, 1999, 2000 ; Venkatesh et Davis, 2000 ). Le second courant a trait à la maîtrise d’une nouvelle situation. Il s’inspire des travaux menés sur l’empowerment qui est ici défini comme un processus qui sous-tend un changement chez l’individu et regroupe un ensemble d’éléments qui participent à hausser ou à développer son sentiment de maîtrise par rapport à une nouvelle situation (par exemple : Rappaport, 1981 ; Torre, 1986 ; Thomas et Velhouse, 1990)12.

L’adoption d’un système : les facteurs qui influenceraient l’intention de l’utiliser Différents modèles ont été proposés pour expliquer, voire prédire l’intention d’une personne d’utiliser un système d’information (Gefen et Keil, 1998 ; Vankatesh, 1999 ; Hu et al., 1999). Parmi ces modèles figure celui désigné comme le TAM (Technology Acceptance Model) qui a été développé par Davis à la fin des années 1980. Selon (Hu et al., 1999), qui se sont intéressés à la question, ce modèle serait un des plus influents dans le domaine. Toujours selon ces chercheurs, le TAM comporterait notamment les caractéristiques suivantes : il aurait des fondements théoriques solides et aurait été spécifiquement développé en rapport avec des technologies de l’information (IT, Information Technology). En ce qui concerne les fondements théoriques, rappelons que Davis s’est notamment inspiré des travaux menés sur l’adoption des innovations, le sentiment de compétence (self-efficacy theory) et l’analyse des coûts/bénéfices. Ajoutons à ces commentaires que ce modèle a été testé empiriquement dans différents contextes (Gefen et Keil, 1998 ; Hu et al., 1999). Ainsi, en ce qui concerne les catégories de personnes étudiées, citons des professionnels dans le domaine de la santé, des étudiants inscrits au MBA, des employés travaillant pour une firme d’édition, des gestionnaires et des employés de bureau d’une université ainsi que des ingénieurs. Pour ce qui est des technologies, les études se sont intéressées au courriel, aux systèmes experts, aux tableurs (spreadsheets), à des systèmes d’aide au travail de groupe, etc. (par exemple : Davis, 1989 ; Davis et al., 1989 ; Mathieson, 1991 ; Adams et al., 1992 ; Taylor et Todd, 1995 ; Chau, 1996, 1996 ; Szajna, 1996).

Comme l’illustre la figure 1, selon ce modèle, deux perceptions d’un utilisateur potentiel contribueraient à influencer son intention d’utiliser un système d’information : son avantage relatif (perceived usefulness) et sa facilité d’utilisation (perceived ease of use). Selon Venkatesh et Davis (2000, p. 187), l’avantage relatif

11. Bien que les recherches menées en se fondant sur le modèle TAM soient quantitatives, il nous est apparu que ce modèle s’avérait fort pertinent pour articuler les informations que nous avions collectées au cours de nos entrevues.

12. Pour plus d’information sur le sujet, on pourra se référer à Lauzon, N., L’habilitation des employés dans un contexte d’équipe de travail, Thèse de doctorat, Montréal, Université du Québec à Montréal, 1997.

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peut être défini comme le degré auquel une personne croit que l’utilisation d’un système d’information haussera sa performance. Pour Segars et Grover (1993), cette perception individuelle peut être envisagée en fonction de différentes dimensions dont celles d’accomplir son travail plus rapidement, de faciliter son travail, de hausser sa productivité, d’être plus efficient et d’améliorer sa performance au travail Pour ce qui est de la facilité d’utilisation, Venkatesh et Davis (2000, p. 187) définissent cette perception comme le degré auquel une personne croit que l’utilisation d’un système d’information sera libre d’efforts. Pour opérationnaliser cette perception, Segars et Grover (1993) proposent de retenir des dimensions telles que la facilité de l’apprendre, de l’utiliser, de le comprendre et de se familiariser avec ce système.

Figure 1. Les facteurs susceptibles de favoriser l’intention d’utiliser un système d’information (produit à partir de Davis et Vankatesh, 2000)

En terminant, comme l’indique la figure 1, précisons que Venkatesh et Davis (2000) posent que l’influence de la perception de facilité d’utilisation d’un système aurait un effet indirect sur l’intention de l’utiliser. Plus précisément, ce facteur aurait une influence sur la perception d’avantage relatif qui, à son tour, aurait une influence sur l’intention d’utiliser un système.

L’appropriation du système : acquérir la maîtrise de la technologie qui supporte l’apprentissage

Comme il a été mentionné précédemment, les travaux menés sur l’empowerment ont été retenus pour analyser une partie des informations que nous avons collectées lors des entrevues. Rappelons que le terme d’empowerment est ici envisagé comme un processus qui sous-tend un changement chez l’individu et regroupe un ensemble d’éléments qui participent à hausser ou à développer son sentiment de maîtrise relativement à une situation (par exemple : Rappaport, 1981 ; Torre, 1986 ; Thomas

Avantage relatif

Facilité d’utilisation

Intention d’utiliser un

système d’information

Utilisation d’un système d’information Attitude face au système d’information

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et Velthouse, 1990)13. Notons également que, dans le cadre de cet article, nous nous intéressons plus précisément au processus d’appropriation, donc de maîtrise des technologies qui soutiennent le e-learning.

Nos travaux antérieurs14 ont en effet permis d’identifier un certain nombre de facteurs susceptibles de favoriser la maîtrise d’une nouvelle situation par une personne. Des recherches, menées dans différents contextes, permettent de dégager un certain nombre d’éléments favorisant l’empowerment d’une personne. Dans le cadre de notre recherche, nous avons concentré notre attention sur deux de ces facteurs : le soutien offert aux employés et l’acquisition de ressources valorisées et pertinentes. De fait, lors de nos entrevues, ces deux facteurs ont fréquemment été cités. Nous considérons pour cette raison que ces facteurs pourraient favoriser l’appropriation de la technologie qui soutient l’apprentissage dans un contexte de e-learning.

Le soutien offert aux employés

Nous avons retenu la classification des types de soutien qui a été suggérée par Lord (1991) et Lord et Hutchison (1993) pour analyser l’information collectée dans le cadre de nos entrevues. Ces auteurs suggèrent de classifier le soutien suivant trois catégories principales, soit le soutien lié à des aspects pratiques, le support moral et le mentoring :

– le premier type de soutien est lié à des aspects pratiques. Il a pour caractéristique principale d’aider l’individu à résoudre des problèmes (par exemple : fournir à l’individu de l’information pertinente à la prise de décision) ;

– le deuxième type consiste en un soutien moral. A cet effet, la qualité la plus souvent identifiée par les participants est « l’habileté d’écoute ». Le soutien moral consiste à offrir à l’individu l’occasion de confirmer ses intuitions, d’augmenter sa croyance en lui-même et de reconnaître ses forces et ses capacités ;

– enfin, le troisième type est celui de mentoring ou de modèle (Kieffer, 1984 ; Lord et Hutchison, 1993). Précisons que Lord et Hutchison ont observé que le mentor est généralement du même sexe que l’individu et a vécu des expériences semblables. Le mentor joue plusieurs rôles incluant le fait qu’il croie en l’individu, lui procure de l’information pertinente au bon moment et fait preuve d’initiative, ce qui fait en sorte que l’individu est motivé à changer et à participer.

Notons qu’à la suite de leurs travaux, Lord et McKillop Farlow (1990) et Lord et Hutchison (1993) ont conclu que le soutien social jouait un rôle primordial dans le processus d’empowerment d’une personne. Ces chercheurs indiquent que toutes les personnes interrogées ont mentionné qu’au moins une personne avait été

13. Pour plus d’information sur la sujet, on pourra se référer à Lauzon N., L’habilitation des employés dans un contexte d’équipe de travail, Thèse de doctorat, Montréal, Université du Québec à Montréal, 1997.

14. Ibid.

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significative dans leur démarche. Retenons aussi que les individus apportant du soutien peuvent être des collègues de travail, des spécialistes ou encore des amis (Lord et Hutchison, 1993).

L’acquisition de ressources valorisées et pertinentes

Différents chercheurs ont observé que l’acquisition de ressources valorisées et pertinentes favorisait la maîtrise d’une nouvelle situation par une personne (par exemple : Rappaport, 1981 ; Kieffer, 1984 ; Lord et Hutchison, 1993). Dans cette perspective, Lord et McKillop Farlow (1990) ont noté que l’accès à des ressources physiques, qui augmentent les options et le degré de contrôle personnel que la personne peut exercer dans la prise de décision, collaborent à développer sa maîtrise d’une nouvelle situation. Bien entendu, ces ressources peuvent varier selon le contexte dans lequel s’inscrit le processus. Il peut s’agir autant de ressources matérielles que non matérielles. A ce dernier sujet, il est intéressant de mentionner que Friedman (1992) a dégagé de ses observations les deux ressources suivantes : l’information et les connaissances.

Analyse de l’information collectée

Dans le cadre de cette recherche exploratoire, nous avons opté pour mener une analyse guidée thématique. De prime abord, les données provenant des entrevues ont été traitées en fonction du cadre qui avait été développé et qui a été présenté précédemment. Ce faisant, les informations ont été regroupées suivant deux volets : les pratiques et politiques organisationnelles susceptibles de favoriser l’adoption de la technologie qui soutient le e-learning et celles susceptibles de favoriser son appropriation15. Ainsi, nous avons regroupé les pratiques et politiques susceptibles de favoriser la perception d’un avantage relatif et de facilité d’utilisation d’une part et celles relatives au soutien offert et à l’allocation des ressources d’autre part.

Mentionnons qu’à la suite d’une première analyse, nous avons décidé de revoir notre modèle de référence. Cette première analyse suggérait en effet des limites importantes à notre conceptualisation. Plus précisément, il nous apparaissait que, dans la réalité organisationnelle, des facteurs tels que le soutien offert et l’accès à des ressources valorisées influençaient également l’intention d’utiliser le système d’information qui supporte la formation. Plus particulièrement, ces facteurs avaient une influence sur la perception de facilité d’utilisation du système. Ces facteurs avaient donc une influence sur l’employé plus tôt que nous l’avions posée.

15. Précisions que l’analyse a été validée par un autre chercheur de l’équipe qui a participé aux entrevues et a été présentée aux gestionnaires qui sont membres du comité Compétences des Manufacturiers et exportateurs du Québec en vue de l’enrichir.

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Les pratiques et politiques de GRH relativement à l’adoption du système

Comme l’indiquent Venkatesh et Davis (2000), nous avons constaté que la perception de facilité d’utilisation d’un système avait une influence sur la perception d’avantage relatif. Bien plus, nos observations suggèrent que cette perception pourrait être une des composantes de l’évaluation de l’avantage relatif.

Elle se situerait au plan de l’analyse de l’employé relativement aux « coûts » à adopter le système d’information.

Notre analyse suggère également que cette évaluation de l’avantage relatif (coûts/bénéfices) repose sur des facteurs différents selon que les employés sont en cheminement de carrière ou non. En fait, elle indique que l’impact de certaines politiques de gestion de ressources humaines est fort limité pour favoriser l’adoption du système par les travailleurs seniors16. Une situation qui interpelle plusieurs des entreprises que nous avons étudiées puisqu’une proportion importante de leur main- d’œuvre de production est composée de ces employés. De ce fait, les entreprises doivent faire appel à des pratiques différentes si elles veulent inciter cette catégorie de travailleurs à adopter une approche de formation basée sur les technologies.

Notre analyse suggère ainsi que le défi des entreprises et des formateurs se situe tant au plan des habiletés de base en informatique à développer chez cette catégorie d’employés que des renforcements à leur offrir.

Les pratiques développées pour hausser la perception de facilité d’utilisation du système

En ce qui concerne la facilité d’utilisation de la technologie, les entrevues ont permis d’identifier un certain nombre de caractéristiques susceptibles d’influencer cette perception chez l’employé : sa formation académique, le fait qu’il possède ou non un ordinateur à la maison et le type de travail qu’il accomplit.

Selon nous, les deux premières caractéristiques – sa formation académique et le fait de posséder un ordinateur à la maison – sont directement liées à la maîtrise des compétences de base requises pour utiliser un ordinateur. A ce propos, fait non surprenant, tant des employés que des formateurs et des superviseurs ont indiqué que « les employés qui avaient appris leur métier avec les technologies » n’avaient aucune crainte relativement à la technologie qui supporte le e-learning. Pour cette raison, une partie de ces personnes avait tendance à affirmer que chez les jeunes, la peur de l’ordinateur n’existait plus. Cette affirmation n’était toutefois pas partagée par tous. D’autres personnes retenaient le niveau de scolarité plutôt que l’âge de la personne comme caractéristique distinctive. Plus précisément, selon ces dernières, les employés plus scolarisés étaient davantage ouverts à l’apprentissage et craignaient moins les technologies utilisées tant pour la production que la formation.

16. Egalement désignés comme des travailleurs âgés.

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Pour ce qui est de la troisième caractéristique – le type de travail qui est accompli – les propos recueillis nous incitent à dépasser la simple question de savoir si l’employé utilise ou non les technologies dans le cadre de son travail. Ces propos invitent à nous interroger sur le type de réalité qui prévaut dans l’environnement de travail de l’employé : la réalité organisationnelle concrète ou une représentation de celle-ci. A cet égard, des formateurs ont remarqué que les employés qui ne travaillent pas avec des technologies tels que les tuyauteurs et les soudeurs avaient davantage tendance à percevoir les technologies qui supportent le e-learning comme étant complexes. Dans un même ordre d’idées, nous avons constaté que cette perception de facilité semble liée au fait que, pour certains employés, la réalité de travail est d’abord et avant tout virtuelle. A cet égard, pensons à certains opérateurs qui sont placés devant une série d’écrans de contrôle et qui doivent détecter les problèmes et prendre les actions correctives à partir d’une série de signaux et d’alarmes qui apparaissent à l’écran. Ces opérateurs ne se déplacent pas sur le terrain. De ce fait, ils ne peuvent visualiser ou tester l’équipement (par exemple, vibrations, bruits inhabituels). Ils ont appris leur métier et travaillent à partir de schémas, de représentations des procédés et non, comme les anciennes générations en présence des équipements réels. Pour eux, le e-learning, qui se présente par exemple sous forme de simulations, est donc la représentation qui correspond le plus à leur réalité quotidienne, d’où une perception de facilité.

Par ailleurs, lors des entrevues, plusieurs personnes ont mentionné que la crainte,

« la peur d’effacer quelque chose », « de briser la machine » revenaient fréquemment chez certains employés lorsqu’ils étaient placés devant un écran d’ordinateur. Ainsi, un des formateurs nous a indiqué : « Les gens, c’est plus une crainte, ils ne connaissent pas la machine, ils ont peur d’effacer quelque chose. » Dans une même perspective, un autre formateur a mentionné : « il y en a beaucoup qui sont allergiques à l’ordinateur ». Or, fait à noter, plusieurs de ces employés appartenaient à la catégorie des employés seniors.

Les entreprises ont donc développé des pratiques pour permettre à ces employés de dépasser ces peurs. Ces pratiques sont multiples, mais sont habituellement organisées et gérées par les formateurs. Comme les citations suivantes l’illustrent, les formateurs offrent un soutien technique, moral et jouent même le rôle de mentor dans certains cas. Dans certaines situations, ils vont inciter l’employé à s’engager dans un processus d’apprentissage, l’encourager tout au cours de ce processus et le motiver à persévérer malgré les difficultés rencontrées. Dans d’autres situations, plus concrètes, le formateur va aider l’employé à apprendre à chercher dans une banque de données, à utiliser la souris et à « se retrouver dans le logiciel lorsqu’il s’est perdu ». Dans cette perspective, plusieurs formateurs insistent sur l’importance d’offrir à l’employé une aide individualisée qui tient compte tant de ses forces que de ses limites et de l’importance d’apprendre en ayant les « mains sur les touches ».

Concrètement, dans certains cas, des formateurs ont organisé des lunchs durant l’heure du midi. Lors de ces rencontres informelles, les formateurs ont invité les

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employés à partager leurs difficultés. Plus précisément, un formateur nous rapporte un de ses projets :

« (…) C’est des working match, amener les gens à dire – venez, il y a un petit buffet. Il n’y a rien de formel. Assis-toi devant ton ordinateur et dis-moi c’est quoi les problèmes, qu’est-ce que tu comprends pas quand tu entres dedans ? On va y aller très informel au lieu de dire je vais te montrer comment faire. Parce que personne n’a la même problématique, ces gens-là il y en a qui ont peur, y’en a qui ont peur d’effacer des choses, y’en a un l’autre jour à chaque fois qu’il devait choisir quelque chose il cliquait deux fois… »

Dans d’autres situations, les formateurs ont organisé des cours pour permettre aux employés de se familiariser avec l’ordinateur. Un employé mentionne à cet égard : « on s’amusait, on avait des petits exercices. Quand on avait réussi les exercices, on passait à autre chose ». Enfin, fait inusité, dans une autre entreprise un formateur a fait installer des jeux sur les ordinateurs afin de combattre la crainte qu’il avait constatée chez plusieurs employés. Plus précisément, ce formateur mentionne :

« On a fait installer des postes avant que le système soit implanté et on y a mis des jeux avec la permission de la direction. Pour les habituer à aller chercher, on faisait souvent fermer l’écran pour que l’opérateur soit obligé de réouvrir et chercher ses jeux dans Windows. Ça leur apprenait à naviguer. Quand on a donné le cours, pour plusieurs, la navigation n’était plus un problème… » Pour terminer, mentionnons que la majorité des employés que nous avons rencontrés en entrevue ont insisté sur l’importance d’avoir accès à un soutien moral et technique. A cet égard, la présence d’un formateur apparaît comme un facteur fondamental pour favoriser l’adoption du système. Précisons aussi que la presque totalité des formateurs rencontrés étaient d’anciens employés (par exemple : des opérateurs, mécaniciens, techniciens) fort respectés par les employés. Dans plusieurs cas, ils avaient été sélectionnés par l’entreprise pour leur passion de la transmission du savoir et leur expertise. Enfin, mentionnons que plusieurs personnes ont insisté pour dire qu’elles ne croyaient pas au « mythe de l’autoformation » dans un contexte de e-learning.

Pour ce qui est de l’accès à des ressources valorisées et pertinentes, nous avons constaté qu’il varie considérablement d’une entreprise à l’autre et d’une catégorie d’employés à l’autre. Ainsi, dans certains cas, les employés ont facilement accès à un ordinateur et retrouvent sur l’intranet de l’entreprise tout le matériel requis pour développer leurs compétences. Dans d’autres entreprises, les ordinateurs se font rares et les employés n’ont même pas accès à un système de courriel. Enfin, certaines entreprises ont mis en place un programme d’achat d’ordinateurs pour inciter les employés à en acquérir un. Il semblerait que ce programme soit très populaire et contribue à l’acquisition des compétences de base en informatique par les employés.

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Les pratiques et politiques susceptibles de favoriser la perception de l’avantage relatif

En ce qui concerne l’avantage relatif perçu, notre analyse met en évidence que cet avantage peut être envisagé par l’employé selon deux perspectives non exclusives : l’horizon temporel et la nature de l’avantage perçu, cette dernière pouvant également être considérée comme la source de motivation à l’adoption du système par l’employé. Dans une même perspective, nous avons constaté que ces avantages perçus peuvent être liés à des récompenses extrinsèques ou intrinsèques.

Pour plusieurs employés en cheminement de carrière, sans nier l’importance qu’ils accordent à la fierté et à la satisfaction du travail accompli, plusieurs raisons d’adopter le e-learning apparaissent comme étant liées à des récompenses extrinsèques, soit conserver son emploi, hausser sa rémunération ou encore, progresser dans sa carrière. Pour cette raison, il semble fondamental que l’entreprise s’assure d’une intégration horizontale – c’est-à-dire d’une cohérence – de certaines politiques de gestion des ressources humaines dont celles de rémunération, de reconnaissance et de promotion. En l’absence d’une telle cohérence, nous avons constaté que les employés n’établissent pas de relation entre adopter le e-learning et les conséquences organisationnelles de cette action, d’où leur faible motivation.

Ainsi, lorsque ces politiques sont intégrées, la technologie qui supporte le e- learning est vue par l’employé comme le moyen qui lui permet d’obtenir une certification, donc de conserver son poste, voire un emploi au sein de cette entreprise. L’employé perçoit donc un avantage concret et à court terme relié à cette technologie. Dans d’autres entreprises, l’employé perçoit l’utilisation de cette technologie comme un outil qui peut lui permettre de développer de nouvelles compétences et de ce fait, d’augmenter éventuellement sa rémunération, d’où son intérêt à l’utiliser. Comme nous pouvons le constater, certains avantages perçus semblent liés à des avantages à court terme alors que d’autres sont évalués comme étant plus à long terme.

Or, comme nous l’avons mentionné, l’information collectée suggère que certaines pratiques et politiques de gestion des ressources humaines – qui peuvent être considérées comme des récompenses extrinsèques – ont un effet très limité sur les employés seniors. De fait, dans les organisations que nous avons étudiées, ces travailleurs sont généralement plafonnés au plan de la rémunération et ont fort peu, voire aucune possibilité de promotion. Par conséquent, les politiques de gestion des ressources humaines ont pour ainsi dire aucun effet motivationnel sur une adoption potentielle du e-learning. En fait, en termes d’avantage relatif, l’adoption de ce nouveau moyen de formation représente plus de coûts que d’avantages pour l’employé, d’où sa faible motivation.

En fait, pour les travailleurs seniors, comme l’ont indiqué certains formateurs, l’avantage relatif d’adopter le système se situe davantage à l’extérieur du milieu de travail (vie personnelle, planification de la retraite) et sur le plan de la récompense intrinsèque. Nos entrevues mettent effectivement en évidence que plusieurs seniors

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voient un avantage plus personnel à s’approprier la technologie qui soutient le e- learning. Ils veulent utiliser cette technologie parce que cet apprentissage leur permettra d’utiliser d’autres technologies auxquelles ils sont confrontés dans leur vie courante (par exemple : le guichet automatique des institutions bancaires) ou encore, parce qu’elle sera un atout lorsque viendra le temps de la retraite (par exemple : naviguer sur Internet, participer à des groupes de discussion).

Pour cette raison, les entreprises, et plus particulièrement les formateurs, ont développé des pratiques propres à cette catégorie de travailleurs. Ces arguments ont d’ailleurs été présentés par des formateurs pour inciter des employés à utiliser la technologie qui supportait le e-learning. A cet égard, l’un d’entre eux mentionne :

« Si c’est quelqu’un d’âgé et que ses enfants ont déjà quitté l’école, il n’aura pas à en acheter un (un ordinateur) pour qu’ils fassent leur secondaire, tu leur vends ça avec le guichet automatique. T’es payé pour que je te montre comment aller retirer de l’argent à la caisse. Ce n’est pas tout à fait comme ça, mais ça se ressemble (…) tu les embarques avec quelque chose de l’extérieur de l’usine.

C’est lui vendre ce que ça va représenter dans sa vie privée. »

Enfin, relativement aux récompenses intrinsèques, plusieurs employés ont aussi mentionné que le e-learning leur offrait la possibilité d’améliorer la maîtrise de leur travail, leur sentiment de compétence. Certains ont en effet précisé que cette technologie leur permettait d’avoir plus de contrôle sur leur équipement, de mieux comprendre le procédé dont ils étaient responsables. A cet égard, il est intéressant de noter que même des employés comptant plusieurs années d’ancienneté ont insisté sur cet avantage du e-learning. Pour certains, pouvoir visualiser l’intérieur de leur équipement ou l’ensemble (ou une partie) du processus de production leur permet de mieux comprendre leur travail. Ils mentionnent pouvoir ainsi passer d’un mode basé sur l’essai-erreur ou l’intuition à un mode d’analyse plus systématique lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes.

Conclusion

Comme nous l’avons mentionné au début de cet article, cette recherche de type exploratoire visait à approfondir nos connaissances sur le e-learning en entreprise.

En ce sens, nous considérons que cette recherche a permis de mieux connaître les expériences de e-learning qui se déroulent dans certaines entreprises manufacturières québécoises, de dégager une première classification des objectifs qui sont visés par ces expériences et d’identifier un certain nombre de raisons pour lesquelles ces entreprises ont choisi cette approche de développement des compétences soutenue par les TIC. Dans cette perspective, mentionnons qu’une des conclusions qui a été dégagée à la suite de notre analyse consiste à considérer les expériences de e-learning comme des innovations dans les entreprises que nous avons étudiées.

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Cette recherche a également permis d’identifier un certain nombre de pratiques et de politiques organisationnelles qui sont susceptibles de favoriser l’adoption des technologies qui soutiennent les applications de e-learning dans ces entreprises.

Notre analyse suggère aussi que certaines pratiques et politiques de gestion des ressources humaines ont peu d’impact sur l’adoption du e-learning par les travailleurs seniors. Leur motivation à adopter ces technologies se situerait davantage au plan de la vie privée et de l’accomplissement de soi au travail, de son sentiment de compétence. Par conséquent et compte tenu de l’importance de cette main-d’œuvre dans les entreprises que nous avons étudiées, des pratiques particulières ont été développées en vue de hausser la perception de facilité d’utilisation du système et des avantages à adopter ce système de formation basé sur les technologies.

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Références

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