Énoncé
L'objet de ce problème est d'établir certaines propriétés de polynômes particuliers dits polynômes de Tchebychev de première espèce.
On désigne par R [X ] l'espace vectoriel des polynômes à coecients réels et (pour tout entier naturel n ) par R
n[X] le sous-espace des polynômes de degré inférieur ou égal à n . Pour tout P ∈ R [X] et a ∈ C, on désigne par P e (a) le résultat du remplacement de X par a dans l'expression de P .
Soit (T
n)
n∈Nla suite de polynômes de R [X ] dénie par :
T
0= 1, T
1= X, ∀n ∈ N : T
n+2= 2XT
n+1− T
nPartie I. Propriétés trigonométriques.
1. a. Déterminer les polynômes T
2et T
3.
b. Déterminer le degré, la parité et le coecient dominant de T
npour n ∈ N.
2. Factoriser cos((n + 2)x) + cos(nx) et ch((n + 2)x) + ch(nx) pour tous n ∈ N et x ∈ R.
Les démonstrations devront obligatoirement utiliser des exponentielles.
3. a. Établir, pour tout nombre réel x et tout entier naturel n : T f
n(cos x) = cos(nx), T f
n(ch x) = ch(nx) b. Montrer que, pour tout nombre réel u :
|u| ≤ 1 ⇒ T f
n(u)
≤ 1, |u| > 1 ⇒ T f
n(u)
> 1 4. a. Pour tout n entier naturel non nul, résoudre dans [0, π] l'équation
T f
n(cos(x)) = 0
b. Montrer que, pour n entier naturel non nul, T
nadmet n racines. Préciser ces racines, elles seront notées x
1, · · · , x
navec x
1< x
2< · · · < x
n.
Partie II. Sommes et produits de racines.
Dans cette partie, on suppose n pair non nul avec n = 2p . On note σ
1, σ
2, · · · , σ
nles polynômes symétriques élémentaires formés avec les x
1, · · · , x
nainsi que
s
n= x
21+ · · · + x
2n, π
n= x
1· · · x
n1. Montrer que
T
n= 2
n−1n
Y
k=1
(X − x
k) =
p
X
k=0
2p 2k
X
2p−2k(X
2− 1)
k2. a. Préciser les trois coecients σ
1, σ
2, σ
n. En déduire π
n.
b. Exprimer s
nen fonction des σ
1, σ
2, σ
n. En déduire une expression simple de s
n. 3. Proposer une autre méthode pour calculer s
n. On demande seulement les principes et
les articulations de ce calcul sans le réaliser explicitement.
Partie III. Minimalité.
Dans cette partie n est un entier non nul xé. On note U
nl'ensemble des polynômes unitaires à coecients réels et de degré n .
1. a. L'ensemble U
nest-il un sous-espace vectoriel de R [X ] ? b. Pour tout P ∈ R [X ] , on pose
N(P ) = max n P(x) e
, x ∈ [−1, 1] o
Pourquoi peut-on le faire ? Montrer que N (P ) > 0 si P n'est pas le polynôme nul.
c. On considère maintenant
m
n= inf {N (P), P ∈ U
n} Pourquoi peut-on le faire ?
2. Montrer que m
n≤ 2
−n+1.
3. a. Déterminer les racines des polynômes T
n− 1 et T
n+ 1 dans [−1, 1] sous la forme de suites croissantes y
1, y
2, · · · et z
1, z
2, · · · . Préciser les inégalités entre les y
iet les z
j.
b. Soit P ∈ R [X ] unitaire de degré n tel que N(P ) < 2
−n+1.
Montrer que l'on aboutit à une contradiction en étudiant les racines de
2
n−1P − T
nc. En déduire :
m
n= 2
−n+1= min {N(P ), P ∈ U
n}
4. a. Soient a et b deux réels avec a < b , dénir une bijection ane (c'est à dire une fonction polynomiale de degré au plus 1) strictement croissante de [−1, 1] dans [a, b] .
b. Soit P ∈ R [X] unitaire de degré p ≥ 1 tel que | P e (x)| ≤ 2 pour tous les x ∈ [a, b] . Montrer que
b − a ≤ 4
Corrigé
Partie I. Propriétés trigonométriques.
1. a. En utilisant la dénition :
T
2= 2X
2− 1 T
3= 4X
3− 3X b. On démontre par récurrence la propriété
(P
n) :
deg(T
n) =n coecient dominant de T
n=2
n−1T c
n(−X) =(−1)
nT
nLa dernière relation signie que T
nest "de même parité" que n . 2. Écrivons d'abord une relation entre exponentielles :
e
i(n+2)θ+ e
inθ= e
i(n+1)θe
iθ+ e
−iθ= 2 cos θe
i(n+1)θEn prenant la partie réelle, on obtient
cos(n + 2)θ + cos nθ = 2 cos θ cos(n + 1)θ De même :
e
(n+2)θ+ e
nθ= e
(n+1)θe
θ+ e
−θ= 2 ch θe
(n+1)θEn prenant la partie paire de l'expression considérée comme une fonction de θ , on obtient
ch(n + 2)θ + ch nθ = 2 ch θ ch(n + 1)θ Il sera utile pour la question 3. d'écrire ces formules comme :
cos(n + 1)θ = 2 cos θ cos nθ − cos(n − 1)θ ch(n + 1)θ = 2 ch θ ch nθ − ch(n − 1)θ 3. a. Utilisons une récurrence forte. Introduisons la propriété
(P
n) ∀k ∈ {0, · · · , n}, ∀x ∈ R : (
T f
n(cos x) = cos(nx) T f
n(ch x) = ch(nx)
Cette propriété est vériée pour n = 1 . La relation de récurrence T
n+1= 2XT
n−
T
n−1et les factorisations de la question 2. montrent que P
n−1entraine P
n.
b. Pour tout nombre réel u tel que |u| ≤ 1 , il existe des réels x tels que u = cos x .
Alors
T f
n(u)
=
T f
n(cos x)
= |cos(nx)| ≤ 1
Pour tout nombre réel u > 1 , il existe un unique réel x > 0 tel que u = ch x . Alors
T f
n(u)
=
T f
n(ch x)
= |ch(nx)| = ch(nx) > 1
Pour tout nombre réel u < −1 , il existe un unique réel x > 0 tel que u = − ch x . Alors
T f
n(u)
=
T f
n(− ch x) =
(−1)
nT f
n(ch x) =
T f
n(ch x)
= ch(nu) > 1 4. a. D'après les questions précédentes :
T f
n(cos x) = 0 ⇔ cos nx = 0 ⇔ nx ≡ π
2 mod π
⇔ ∃k ∈ Z tel que x = (2k + 1)π 2n Pour les racines dans [0, π] , on doit se limiter aux k ∈ {0, · · · , n − 1} . On obtient donc n racines distinctes car la restriction de cos dans cet intervalle est injective.
b. La restriction à [0, π] de la fonction cos est strictement décroissante, les cos
(2k+1)π2npour k ∈ {0, · · · , n − 1} prennent donc n valeurs distinctes qui sont toutes des racines de T
n. Comme T
nest de degré n elles forment l'ensemble de toutes les racines de T
n.
À cause du caractère décroissant, pour numéroter les racines dans l'ordre crois- sant, il faut "inverser" les indices.
Lorsque k croît de 0 à n−1 alors k
0= n−k décroît de n à 1 et les cos augmentent.
En revenant à la lettre k pour désigner l'indice, on obtient que les n racines de T
nsont les
x
k= cos 2(n − k) + 1
2n π = − cos 2k − 1
2n π avec k ∈ {1, · · · n}
Partie II. Sommes et produits de racines.
1. Dans la partie I, on a vu que T
nest de degré n et de coecient dominant 2
n−1. Comme les racines de T
nsont x
1, · · · , x
n, la décomposition en facteurs irréductibles s'écrit
T
n= 2
n−1n
Y
k=1
(X − x
k)
La deuxième égalité est de nature trigonométrique.
cos nx = Re(cos x + i sin x)
n= Re
n
X
l=0
n l
(cos x)
n−l(i sin x)
l!
(binôme)
=
n
X
k=0
n 2k
(cos x)
n−2k(−1)
k(sin x)
2k(seuls les indices pairs contribuent)
=
n
X
k=0
n 2k
(cos x)
n−2k(cos
2x − 1)
kcar − sin
2x = cos
2x − 1 .
Rappelons que dans cette question n est pair : n = 2p . Dénissons un polynôme Q
npar :
Q
n=
p
X
k=0
n 2k
X
n−2k(X
2− 1)
kOn a Q f
n(cos x) = cos nx = T f
n(cos x) . Ainsi le polynôme T
n− Q
nadmet une innité de racines ; à savoir toutes les valeurs du cos c'est à dire [−1, +1] . Ce polynôme doit donc être nul et
T
n=
p
X
k=0
n 2k
X
n−2k(X
2− 1)
k2. a. Ici encore, n est pair égal à 2p et la parité de T
nse lit très bien sur la deuxième expression qui ne contient que des puissances paires de X . On en déduit que σ
1= 0 . On aurait pu remarquer aussi que les racines vont par paires. Chaque racine peut être appariée à son opposée, la somme de toutes est donc nulle.
Le calcul du σ
nse fait en cherchant les termes de degré 0 dans la somme. Ils ne peuvent venir que du seul k = p . On a donc
terme de degré 0 de T
n= n
2p
(−1)
p= 2
n−1(−1)
nσ
n= 2
n−1(−1)
nπ
nOn en déduit :
σ
n= π
n= (−1)
p2
1−nLe calcul du σ
2est plus compliqué car tous les termes de la somme contribuent : terme degré n − 2 de T
n=
p
X
k=0
n 2k
( terme degré 2k − 2 de (X
2− 1)
k)
=
p
X
k=0
n 2k
(−k) (formule du binôme)
= − 1 2
p
X
k=0
n 2k
2k = − n 2
n
X
k=1
n − 1 2k − 1
(rel. coe. binôme) La somme de tous les
n−1iest égale à (1 + 1)
n−1= 2
n−1. La diérence entre les sommes pour les indices pairs et impairs est nulle. On en déduit que ces deux sommes sont égales entre elles et valent 2
n−2. On obtient donc :
terme degré n − 2 de T
n= −n 2
2n−3= 2
n−1σ
2⇒ σ
2= − n 4
b. Pour les polynômes symétriques en général : s
n= σ
21− 2σ
2. Dans notre cas particulier, on obtient, en revenant à l'expression des racines :
s
n=
n
X
k=1
cos
22k − 1 2n π = n
2
3. On peut calculer s
ndirectement à partir de l'expression avec les racines
n
X
k=1
cos
22k − 1 2n π On commence par linéariser les cos
2:
cos
2θ = 1 2 + 1
2 cos 2θ On obtient alors
s
n= n 2 + 1
2
n
X
k=1
cos 2k − 1 n π
On utilise ensuite l'exponentielle, la partie réelle et une somme de termes en progression géométrique ou les propriétés des racines n -èmes de l'unité
n
X
k=1
cos 2k − 1 n π = Re
n
X
k=1
e
i2k−1n π!
= Re e
−iπnn
X
k=1
e
i2πnn!
= 0
car la somme la plus à droite est formée par les racines n -èmes de l'unité.
Partie III. Minimalité.
1
1 1 2n−1N(P)
−2n−1N(P)