FACULTE DE MEDECINE PARIS
Année 1884 "T THESE Ll C O ET
N'POUR
LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentée et soutenue le 30 Juillet 1884, à 1 heure
^
Par
JulesGALUP
QUELQUES CONSIDERATIONS
SUR LE
TRAITEMENT DU GOITRE EXOPHTHALMIQUE
PAR L'IODE ET SES COMPOSÉS
Président: M.DAMASCHINO, professeur.
Juges : MM. \ RENDU, professeur,
LANDOUZY, JOFFROY, agrégés.
Le Camidat
répondraaux
questions quiluiserontfaites surlesdiverses parties de renseignementmédical, - , "v^
PARIS
A.
PARENT, IMPRIMEUR DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE
A.
DAVY,
Successeur22, RUE MADAME ET RUE MONSIEUR-LE-PRINCE; 14 1/
•*
-' • . • 1884
FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS
Doyen M. BÉCLARD.
Professeurs MM.
Anatomie SAPPEY.
Physiologie BÉCLARD.
Physique médicale GAVARRET.
Chimie organique etchimie minérale N.
Histoire naturelle médicale.,. »*•!<•• BAILLON.
Pathologie etthérapeutique générales BOUCHARD.
Pathologie médicale
|
g^^lcHiNO.
Pathologiechirurgicale ,
,
j dÎjplÏy.
Anatomiepathologique , CORNIL.
Histologie ROBIN.
Opérations etappareils N.
Pharmacologie REGNAULD.
Thérapeutique et matièremédicale HAYEM.
Hygiène BOUCHARDAT.
Médecinelégale BROUARDEL.
Accouchements, maladies defemmesencoucheetdes
enfants nouveau-nés TARNIER.,
Histoire de lamédecine etde laciiirurgie LABOULBENE.
Pathologie comparée et expérimentale., VULPIAN.
SËE (G.).
Clinique médicale '>
haRDY^"
t potain".
Clinique des maladiesdes enfants N.
Clinique de pathologie mentale etdes maladies de
l'encéphale BALL.
Clinique des maladies syphilitiques FOURNIER.
Clinique des maladies nerveuses CHARCOT.
i RICHET.
. .. . , î LEFORT.
Clinique chirurgicale ,
^ VERNEUIL.
I TRÉLAT.
Clinique ophthalmologique PANAS.
Clinique d'accouchements PAJOT.
Doyen honoraire: M.VULPIAN.
MM.
BLANCHARD.
BOUILLY.
BUDIN.
CAMPENON.
DEBOVE.
FARABEUF.chef des travaux
anatomiques.
©UEBHARD.
Agrégés en MM.
HALLOPEAU.
HANOT. . HANRIOT.
HRNNINGER.
HUMBERT.
HUTINEL.
JOFFROY.
KIRMISSON.
LANDOUZY.
exercice.
MM.
PEYROT.
PINARD.
POUCHET.
QUINQUAUI).
RAYMOND.
RECLUS.
REMY.
RINDU.
REYNIER.
MM.
RIBEMONT.
RICHELOT.
RICHET.
ROBIN(Albert).
SEGOND.
STRA'-JS.
TERRILLON.
TROISIER.
Secrétairede laFaculté:Ch. PUPIN.
Pafdélibération en datedu 9 décembre 1789,l'Écolea arrêtéqueles oplniOTSérûise« .unslesdissertalicris qui lui seront présentées, doivent être considérées ronime propnsiileurs auteurs, et qu'ellen'entend leur donner aucune a|>[jrobation niimprobalioR.
A LA MÉMOIRE DE MON PÈRE
A LA MÉMOIRE DE MON FRÈRE
A LA
MÉMOIRE
DEMON
AMILE DOCTEUR W. GREGORY
A MA MÈRE
A MA FAMILLE
A MES
AMISLÉOPOLD AURILLON ET PAUL LEGRAND
A LA FAMILLE AURILLON
A LA FAMILLE LEGRAND
A MES
^MISLES D" NAUDET, BERGUIN
ktCH. LAURENT
A
MON
PRESIDENT DE THESEM.
LE PROFESSEUR DAMASCHINO
Professeurde pathologie médicale à laFaculté de médecine, Médecin des hôpitaux,
'""
G-hèvalierdelaLégiond'honneur.
A M. LE DOCTEUR CH. MONOD
Professeur agrégéà laFacultéde médecine, Chirurgien des hôpitaux.
QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LE TRAITEMENT
DU
GOITRE EXOPHTHALMIQUE
PAR L'IODE ET SES COMPOSÉS
Dès
laplushaute antiquité,on
s'est servi de l'iode et de sescomposés pour
traiter les g-oitres. D'après Dorvault(t), les Chinois en fontcouramment
usag-e depuisl'an 1567 avant Jésus-Christ sousforme
d'é- pong-e lorréfiée. C'estle docteur Coindet, deGenève,
qui eut lepremier
l'honneur d'employer l'iode aprèsla découverte de Courtois,
dans
le traitementdes goi- tresendémiques
(2).Les succès obtenus déterminèrent Stokes à
em-
ployer lamédication iodée contre le goitre exophthal-
(1) Dorvault. lodognosie, 1850.
(2) Mémoire lu à la Sociétédes sciences naturellesde Genève, le 25juillet 1820.
—
8—
mique
(1). Cetillustremédecin
semble, en effet, avoir song-é lepremier
à se servir de l'iode etde sescom-
posés
dans
le traitement de cette maladie. Il le con-seillait avec
un
rég-ime débilitant,pour
fairetomber
l'excitation cardio-vasculaire. Mais on ne tarda pasà reconnaître des inconvénients à l'emploide cette
mé-
dication, et
Trousseau
la déconseille presquecomplè- tement
(2).Cependant, des faits observés par
Trousseau
lui-même,
par Gros et quelques autres médecins, prou- ventque
l'emploi de l'iode et de ses composés, loin de nuire toujours au traitementdu
g-oître exophthal-mique,
lui aété quelquefois utile. C'est ceque nous nous
proposons dedémontrer
par trois observations personnelles.Mais avant
de
le faire, peut-être est-ilbon
de rap- peler brièvement lasymptomatolog-ie de la maladie de Graves.(1) Stokes. Traitédes maladies du cœur.
(2) Trousseau, Cliniquedel'Hôtel-Dieu,t. II.
CHAPITRE PRGMIER-
SYMPTOMATOLOGIB
Les malades,qui sont presquetoujoursdes
femmes, commencent
parmontrer une
certaine irritabilité de caractère; elles se plaig'nent de cong-estions passa- g-ères à la tête, de sensations de chaleur; puis lecœur commence
à battre avecune
certaine vitesse ; les battements sont quelquefois si précipitésque
l'on peutà peineles compter.Sous
l'influence de ces battements,un
certain de-g-ré d'hypertrophie peut se produire; quelquefois
on
a constatéune
lég-ère dilatation cardiaque, et aprèselle
une
insuffisance relative de l'orifice auriculo- ventriculaire gi-auche,qui disparaîtg'énéralement aveclamaladie.
Les vaisseaux
du
cou ne tardent pas à se dilater, etun
bruitde souffle à se manifester à leur niveau.Lecorps thyroïde s'hypertrophie parsuite de la di- latation des vaisseaux qui le sillonnent
dans
tous les sens.Toutefois, riiypertrophie reste en g-énéral limitée
au
côté droit,qui présente presqueconstamment un
certain degré de réductibilité.
Quelquefois la trachée est
comprimée
àun
tel-
10—
point
que
l'on voit se produire des crises de sufFoca- tion.La
saillie des g-Iobes oculaires se manifeste enmê- me temps que
l'hypertrophiedu
corps thyroïde. Elle peutaller jusqu'à la luxation de l'œil. C'est elle quidonne aux
nsaladesun
aspect souvent étrang-e.A
l'examen ophthalmoscopique,
on ne
trouve presque jamais rien. Cependant, il n'est pas rare deconstater l'existence d'une injection choroïdiennc trèsmar-
quée.Pendant que
cesphénomènes
apparaissent, lesma-
lades deviennent de plus en plus irritables.
L*amé-
norrhée estfréquente, l'insomnie ordinaire. L'appétit estsouvent très aug-menté, etcependant
lesmalades
maigrissent et arrivent quelquefois jusqu'à la ca- chexie.Les
malades
se plaig'nent toujours de sensationsde chaleur.Le
début de l'afTection est habituellement lent et insidieux; son évolution est de longue durée; samarche
est caractérisée par des accès de suffocation,pendant
lesquels l'hypertrophiedu
corps thyroïde aug-mente ; à cemoment,
l'excitation cérébrale est toujours aug'mentée.La
maladiese terminerarement par
la mort.Ily a des formes frustes; quelquefois l'exophthal-
mie
arrive forttardou
faitmême complètement
dé- faut.Telle est la maladie contre laquelle
on
aemployé
l'iode et ses
composés
intusetextra, avec des alterna—
11—
tives de succès et de revers qui ont
en
définitiveamené Trousseau
à conclure à leur nocuité presque constante.Nous
avons personnellement observé trois malades, dontun homme,
traités par la médication iodée avec succès, contrairement à l'appréciation de 7^rousseau.Ces faits
nous
ont déterminé à faire des recherches ;nous
en avons recîueilli quelques autresque nous
allons exposer avant
ceux
quinous
sont person- nels.CHAPITRE
IID'après
Trousseau
(1) etM. Rendu
(2), Stokes lepremier s'est servi de l'iode
pour
soigrier le g-oîtreexophthalmique. Il ne paraît pas s'en être
mal
trouvé.
En
1861,Hawkes
(3) a publié le cas d'une jeunefille de seize
ans
atteinte de tous lessymptômes
de lamaladie de Graves. Traitée par la teinture d'iode in- tus et extra, elle a parfaitement g'uéri, sans acci- dents d'aucunesorte.
En
1862,Gros
a publié,dans
le-Bulletin thérapeu- tique,une
observation quinous
paraît d'autant plus importanteque
lamalade
qui en a été l'objetaélévue
plusieursfois par Trousseau.Ce
dernier a,du
reste,mentionné
le faitdans
sa belle leçon sur le g-oîtreexophthalmique.
Voici, résumée, l'observation de
Gros
(4) :« Saillie des globes oculaires, tuméfaction de la glande thyroïde, accélération de la circulation, voilà bien l'ensemble des
symptômes
constituantla cachexie(1) Trousseau. Loc. cit.
(2) Rendu, Art. Goitre exophthalmique, dans le Dictionnaire de Dechambre.
(3) Hawkes. The Lancet, août 1861.
(4) Gros, l]ull. gén. dethérap.,t. LXIII, p.108 etsuiv.
—
13—
exophthalmique. Je jug-eai qu'en présence de
sym- ptômes
graves occasionnés par le g-oître, l'importantpour
lemoment
était dediminuer
levolume
de la thyroïdCj etje prescrivis àM.
X... l"'iodure de potas-sium
intuset extra ; intusau moyen
des pilules sui- vantes,fréquemment employées
à Genève, savoir :chaque
soir,une
pilule contenant cinqmilligrammes
d'iodure de potassium ; extra, en faisant porter con-stamment
autourdu cou un
sachet de soie contenant environ 50grammes
de lapoudre
suivante :Eponge
torréfiée....
100g-rammes
lodure de potassium. . SOPoudre
de g-aïac. . . .200 —
Réduisez en
poudre
fine et tamisez exactement.«
Dès
la secondesemaine
de ce traitement, les troubles avaient cessé ;au
bout dedeux
mois, le goi- tre avaitcomplètement
disparu; ilne
restait plus qu'unpeu
de g-onflement de la partie latérale droite.Je cessai à ce
moment
tout traitement.«
Pendant
lesmois
de juillet et d'août,M.
X..., qui avait conservé sonembonpoint,
et dont l'appétit avait plutôtaug-men
téque
diminué, fitun
séjour en Alsace et en Suisse; àson retour, je constatai ce par- fait état de santé.«
En décembre
suivant, après être resté plusieurssemaines
sans revoirM.
X..., jele rencontraidans
la rue et fusalarmé
de l'amaig-rissementsurvenu
chez lui; il n'étaitplusque
l'ombre delui-même.
Ilme
dit
cependant que
sasanté étaittoujoursbonne, mais
qu'outreun
appétitde plus en plus prononcé, il res-—
14—
sentfiit parfois des faims canines, qu'il étaitforcé de satisfaire à l'instant, sous peine de
tomber
à l'instantdans un
état dedemi-
syncope.Le
g-oître n'a pas re- paru, la circulation restecalme, lesyeux ne
sontpas plus saillants qu'au printemps.Le
lendemain, j'exa-minai
le thorax, je fis analyser les urines,je ne con-statai
aucun
autresymptôme
morbide.« Cet état
dura
jusqu'au 28mars
1860; ce jour,M.
X... vintme demander
s'il devait reprendre son traitement, son g-oître lui paraissait aug-menter denouveau.
Je constatai,en
effet,que
la glande thy- roïdefaisaitune
saillie assezprononcée
au-dessusdu bord
libredu sternum;
le pouls est denouveau
pré- cipité.Du
reste, la santé se maintientbonne;
iln'existe ni essoufflement, ni oppression, ni affaiblisse-
ment
; j'aidonc
fait reprendre les pilules iodurées, avec l'intention decommencer,
dèsque
la saison ri- g-oureuse serait passée, l'hydrothérapie.« Cette seconde administration de l'iode
ne
fut sui- vie d'aucun accident.M.
X... neprit en toutque
cin-quante
pilules, soit25
centig-rammes d'iodure depo-
tassiumen
cinquante jours.Le
g-oîtreavait presque entièrement disparu, je cessai derecheftoutemédica-
tion;
pendant
l'été 1860,M.
X... pritun
g'randnom- bre
dé bains froids, passa plusieursmois
àlacampa-
g'neet n'accusa
aucun
malaise.«
Le
5 janvier 1861,M.
X... se plaint denouveau
de désordres variés, entre autres d'une sécheresseextrême
de labouche, d'unmanque
absolude salive,d'une iiTitabilité nerveuse excessive, de boulimie, de
—
15—
défaillances, dès
que
son repas se trouvée retardéde
quelquesminutes
senle'nent.Son sommeil
est ag-ité;il n'existe nt^anmoins ni oppression, ni anhélation.
La
maig-reur a acquis les dernières limitesdu
possi- ble, le pouls bat habituellement de 130 à 140 par minute.Le
g-oître est peu prononcé, l'ophthalmiemoindre
qu'il y aun
an,« Reconnaissant
que
le traitement iodé, touten
ayant diniinuémanifestement
le g'oître àdeux
repri-s'^s, n'avait
nullement
améliorél'étatg-énéral, et ren- contrantdans mon malade une grande
répulsionpour
le traitement hydrothérapiqueque
je lui con- seillais decommencer immédiatement,
jedemandai
l'avis et l'appui de
mon
excellent maîtreM.
Trous- seau.Nous
constatâmesensemble
lessymptômes
déjà
mentionnés;
nous constatâmeségalement
l'ab- sence de souffledans
la thyroïde, et la rapidité-ef-frayante des bc^ttements
du cœur. Le
traitement in- stitué consista enune douche
froide de troisminutes
et
demie
tous les jours, et l'usage journalier d'une infusion de 30centigrammes
de digitaledans un
li-tre d'eau.
«
Au
bout de peu de jours Lepouls étaitdescendu
à 100, puis à 90. L'étatnerveux
était considérablementamendé;
je baissai la dig-itale jusqu'à 20 centig'ram- mes. Le 5mars
le pouls ne battait plusque
76; ie.29 les pulsations étaientdescendues
à 70.La
digitale fut alorscomplètement supprimée
et,pendant
tout lecours de l'été, elle ne fut plus reprise
que pendant
huit jourschaque
mois. L'hydrothérapie fut conti-—
16—
nuée
sansun
jour d'interruption,du
21 janvierau
10novembre.
L'état g-énéral s'améliora rapiilement; en août, déjà, l'embonpoint avait reparu, et saufun
lég'er
néophthalmos
etune
saillie trèspeu marquée
de lag-lande thyroïdedu
côté droitdu
cou, la g"uéri- son pouvaitêtre considéréecomme
radicale.«
Le
15décembre,
cependant, sansaucune
cause appréciable, le g-oître pritrapidement un volume
considérable, et le 17, déjà, survenait de l'oppressionpendant
lamarche, une
g'êne trèsprononcée
de la respiration,une
raucitéremarquable
de la voix,de
latoux ; le pouls battait de
nouveau
J09 à la minute,le
sommeil
était ag-ité et pénible. Après avoir denouveau
pris l'avis deM.
Trousseau,nous
faisons re-prendre
ladig-itale d'unemanière
continueet laisons placer sur lecou
des compressesfroides d'alcool sa- turé de tannin.«
Le
15 janvier, le pouls avait acquisun rhythme normal, mais
il n'y avait encoreaucun changement dans
l'état de la g'iande thyroïde.En
mars,M.
X...cessa l'emploi de la dig-itale, continua ses
compres-
ses
au
tannin, et repritl'hydrothérapiequ'ilcontinua jusqu'en juillet dernier. J'aurais voulu reprendre l'usagede l'iodure de potassium,mais M.
Trousseau, consulté,m'en
détourna.« Aujourd'hui, 6 août, l'état estlesuivant :
exoph-
thalmiepeu marquée,
g-oître aussivolumineux
qu'en janvier, oppression nulle, voix normale, pouls à 80, état g'énéral excellent, appétit et fontions dig-estives normales,embonpoint modéré. On
le voit, de tous_
17—
les
symptômes,
le g-oître, qui avait séché avecunt
merveilleuse rapidité à l'iode, est aujourd'hui lesymptôme
le plus saillant et qui résiste à tous les au-tres
moyens employés pour
le combattre. »Nous
reviendrons surcette observationplus loin.Dans
lemême volume du
Bulletin général dethéra- peutique (1), on constateque
l'un deschirurg-iensde
Guy's hôpital,Thomas
Brajant, se sert avecbeaucoup
desuccès de l'iodured'ammonium pour
traiter l'hy• pertrophiedu
corps thyroïde.Mais
il n'est pas ex- pressément parlédu
goître exophthalmique.Toute-
fois, dar.s cette note,
on
faitremarquer que
le chi- rurg-ien ang-laisdonne
la préférence à l'iodure de fer lorsqu'il s'ag"it de soigner desmalades
faibles, débi-lités et nerveux.
Ne
s'ag-it-il pas là de la maladie deGraves? Nous
reconnaissonsque
le doute est per- mis.Trousseau,
dans
le secondvolume de
ses cliniques de l'Hôtel-Dieu, parle très long-uement (2)du
traite-ment du
g-oîtreexophthalmique. Le
preriiier, il s'est élevé contre la pratique de Stokesavecune
certaine énergie : « Il ne faut pas ignorer, dit-il,que
l'iode estun médicament
périlleuxdans
le g-oîtreexoph-
thalmique, et qu'il peutamener
leretour desparoxys- mes. Lorsque, chezun
goitreux, vous observezdes palpitations decœur,
et la saillie des g-Iobes oculaires(1) Bull. gén. dethérap.,t. LXIII, p.232.
(2) Trousseau. Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu, t. II, p.595 e
»uiv.
Galup. 2
—
18avec Tétrang'eté
du
reg-ard, nedonnez
point l'iode,vous
avez affaire àun
goitre exophlhalmique, et lemédicament
ne fera qu'aug-menter tous lessymptô- mes
de la maladie. »Trousseau cependant
reconnaît, quelques lignes plus loin, l'heureuse influence de lamédica-
tion iodée sur quelques
malades
atteints de lamala-
die de Graves. Il cite le cas d'une
dame
deParis à qui sonmédecin
ordinaire faisaitprendre
1gramme
par jour d'iodure de potassium avec des pilules ferrug-i- neuses; sous l'influence de cette médication le g-oîtrene tarda pas à diminuer.
Un peu
plus loin encore, Trousseau, en rapportantle fait
du malade
de Gros, reconnaîtque
quelquefois la médication iodéesemble
améliorer la condition desmalades.
Enfin, le clinicien de l'Hôtel-Dieu
donne
toutau
long" l'observation d'une
malade
soig-née par suite d'uneerreur avec de l'iodeetqui ne tardapas à guérir.Voicile fait :
€
Dans
lecoursdu mois
d'octobre 1863,une dame,
qui habite ordinairement Paris, vint
me
consulter.Elle était atteinted'un g-oître
exophthalmique
àforme
subaig-uë.La
bronchocèleétaitfortdéveloppée.Quand
je l'examinai
pour
la première lois, bienque
jel'eusse laissée long'temps se reposer, bienque
j'eusse répété l'examen à plusieurs reprisesetàdesintervalles assez éloig-néspour
êlre certainque
touteémotion
avait disparu, je trouvai toujours lecœur
battant de 140 à—
19—
150 foispar minute. J'écrivis
une
consultationdans
laquelle je conseillai l'hydrothérapie ; je voulais,en
même
temps, faire prendre de la dig"itale;mais
pré- occupédu
dang-er dedonner
de l'iode, lenom
de cemédicament
vintsousma plume,
et la malade,pen-
dant quinzejours, prit de quinze à ving't gouttes de teinture d'iodechaque
jour. Je m'aperçus, demon
erreur, je remplaçai la teinture d'iode par la teinture de dig-itale, et, quinze jours plus tard, je trouvai de
nouveau
lepoulsà 150. Jeredonnailateintured'iode. » Turg'isdans
saremarquable
thèse sur legoitre ex-ophthalmique
(1) rapporte cinq long'uesobservations.Voici le
résumé
de la première etde
ladeuxième
:Dans
cesdeux
cas l'iodure de potassium a étéem-
ployésansinconvénient.
Observation de Turgis.
« Il s'ag-it d'une
femme
de 41 ans, d'unebonne
santéhabituelle, d'un
tempérament nerveux
et d'une forte constitution. Mariée fortjeune, elle ahuiten-
fants, qui sont tous vivants. Depuis l'âge de 15 ans, ses règles, ordinairement
peu
abondantes, sont ré- gulièrement venueschaque
mois.Cette
femme
se nourrit bien, etsemble
placéedans
d'assezbonnes
conditions hygiéniques. Elle est blan- chisseuse etce métierne
lafatigue point.(1) Turgis. Recherches et observations pour servir à l'histoire du goitreexophthalmique. Th. de Paris, 1863.
—
20—
Environ deux mois
avant son entrée àl'hôpital, elle eutun
g"rosrhume accompagné
d'une touxquin-
leuse. Sa voix devint
rauque
et ensuite presque éteinte.Deux semaines
après, elle s'aperçutque
son cou gTossissaitchaque
jour. Ellene remarqua
pasque
sesyeux
fussent plus saillants qu'auparavant ;mais
elle avait depuis longtemps
des palpitations decœur,
qui sontdevenues
plus pénibles et plus fré- quentes. 11 y a septou
huit mois, elle a euun peu d'œdème
desmembres
inférieurs,mais
sans bouffis- suredu
visage.A
l'entréede lamalade
àl'hôpital, la thyroïde offreune
notableaugmentation
devolume;
lesdeux
lobes sont à peu près d'égalegrosseur et descendent assez prèsdu sternum. La tumeur
qu'ilsforment
est lisse,tendue, pulsatile; la
peau
qui la recouvreestnormale.
Les
veinesjugulaires intérieure? sont saillantes.La malade éprouve
parmoments
des accès de dyspnée,pendant
lesquels la face est cyanosée, et la thyroïde plus volumineuse. Cesparoxysmes
se terminent parune
toux pénible, sansexpectoration. Lorsqu'oncom- prime
latumeur
légèrement, lamalade
ressent aussi- tôtune
douleur assez vive à la racinedu
nez. Cette douleur s'irradie vers la basedu
crâne; puisappa-
raissent
immédiatement
dessymptômes
trèsmarqués
tie congestion versla tête. Les
yeux
deviennent plus saillants, plus brillants et injectés.La
face est légère-men
îcyanosée. I^amalade
voitdes étincelles; elle a des bourdoïîncments
d'oreille. Sion
la faitmai
cher,immédiatement
elle chancellecomme une
peisonne—
21—
ivre.
En un
mot, ily a dessig*nes évidents de conges- tion cérébrale.Les
yeux
son! lesièg-ed'une exophthalmie très pro- noncée, la sclérotique apparaît foutautourdu
cercle cornéen.H
n'y a ni myopie, niaucun
troubledu
eôté de lavue.Cependant on
peut noterun
lég-er défautd'accommodation
danslavision distincte;nous
verrons plus loin à quoion
peut le rapporter.La
malade,quia une
souvenirfidèledu
débutetdu
prog-rès de son g-oître, ne peut indiquer à quelle
époque
précise sesyeux
sontdevenus
plussaillants.L'examen ophlhalmoscopique
de l'œil, fait parM.
Gusco pendant
le séjour de lamalade
à l'hôpital,n'amène aucune
découverteCependant
lesvaisseaux rétiniens sont légèrement cong-estionnés. Lorsqu'en faisant alternativement ouvriret fermer l'œil g-auche et l'œil droit à la malade, on cherche,pour chacun
lies
deux
yeux, la limite de la vision distincte,on
voit quelle estun peu
plusgrande pour
l'œil droit.Ce phénomène dépend
delàprojectiondifférente desdeux
g^lobes oculaires en dehors de l'orbite. C'est la
un phénomène
physique, et l'exophlbalmie,ne
s'accom-pagnant d'aucune
lésionappréciabledesmembraneset
des milieux de l'œil, est
donc
essentielle.Le cœur
a sonvolume normal;
il bat énerg-ique-ment; on
entendun
bruit de souffledoux
coïncidant avec le premier temps, ayant sonmaximum
d'inten- sité àlabase, etseprolong-eanldans
les vaisseauxdu
cou.
En remontant
vers la tumeur, ce bruit desouffle devient plus intense et s'accompag'ne d'un second—
22bruit plus doux, plus prolong-é et
répondant au deuxième
temps.Le
pouls est rég-ulier, normal, etdonne
de 85 à 90 pulsations par minute.Les org-anes respiratoiressont en
bon
état; les fonc- tionsdigestivesnormales. Lesrègles sontsupprimées
depuisdeux
mois.Nous devons
noterun
deg-ré d'irritabilitétrèsmar- quée dans
le caractère de la malade.Sous
l'influencedu
repos, de l'iodure de potassium administrédladosedei à 2grammes par
jour, etcomme
traitement local, d'un vésicatoire appliqué sur la tu-
meur
etpansé
avec l'ong^uent mercuriel, les palpita- tionset lesaccèsdedispnéeont diminué
de fréquenceet d'intensité; le goitre s'est affaissé et est
devenu moins
pulsatile. »Cette observation a été prise
dans
le service deM.
Moutard-Martin, à l'hôpital Beaujon. Cet observa- teur disting-uéen a fait le sujet d'une leçon clinique.
TI""^ OBSERVATION DE TURGIS.
«
Augustine
X...âgée
de25
ans,demeurant
à Cli- chy,a joui d'unebonne
santé jusqu'à l'âgede 17 ans.C'estalors
que
ses règles se sont établies,mais
diffi-cilement et
ne
revenant qu'à des intervalles très irré- g-uliers. Elleétait souventtourmentée
par dela cépha- lalgie. Les digestions étaient habituellement lentes, difficiles etaccompagnées
de douleurs épigastriques.—
23—
Il y avait
un peu
de leucorrhée et des palpitations decœur.
Plusieursmois s'écoulèrentainsi.
La malade
s'aper- çutun
jourque
soncou
aug-mentait devolume.
Les palpitations devinrent plus fréquentes et plus inten- ses. Lesyeux
présentèrent bientôtun
éclatquilasur- prit.Chaque époque
menstruelle semblait apporterun
peut d'ag-g-ravationdans
lessymptômes que nous venons
d'indiquer.Cependant
lamalade
pouvaiten-
core se livrer à son travail habituel ; elle était coutu- rière.Au
bout dequelque temps
survintune
ag-g-rava- tion notabledans
son état; son cou étaitdevenu
plus volumineux, sesyeux
plus sailllants, et les règ-les avaientétésupprimées. Les battementsdu cœur,
d'une très g'rande fréquence, se sont exag'érésau moindre
effort.
La
pluslég-èreémotion
la faisait setrouver mal.L'amaig-rissementj la faiblesse, l'inaptitude
au
travaiJ sontvenus
ensuite.Aujourd'hui la
malade
estsans forces.La peau
est pâle; lesmuqueuses
sont décolorées; Tamaig-risse-ment
est notable. Lesyeux
fontune
saillie considé- rable, et cettesaillieest tellequ'une bande
de lasclé- rotique n'est plus recouverte par la paupière. Les fonctions de l'œil n'ont éprouvéaucun
trouble.A
l'examen ophthalmoscopique,comme dans
le cas pré- cédent,M. Cusco ne
trouve riend'anormal dans
lesmilieux de cet org>ane.
Au cou
il existeune tumeur due
àune
aug-menlation devolume
delathyroïde; lesdeux
lobes sontég-alementvolumineux.
Elle présente—
2k—
à la palpation
un frémissement
particulier, elle est lisse, molle etdétermine quelques troubles fonction- nelsdu
côté de la trachée et de l'œsophag'e. Ainsi, ily a
un
léguersentiment de constriction.de la g*org-e ; la voie n'estpasnotablement altérée;cependant
lagêne
suffit pour
provoquer une
toux sèche presque conti- nuelle.Au moment
de ladég'lutition lamalade éprouve une
très lég-ère douleur sur le trajet de l'œsophage.Le cœur
estlég-èrement aug-menté de volume, il y aun peu
d'hypertrophie. Lesbattementssont fréquents, énergiques et soulèventleparoithoracique avecforce.L'auscultation
démontre
l'existence d'un bruit de souffleau premier temps
et à la base de l'org-ane.Le
souffle est
doux
et neparaît pas teniràune
lésionval- vulaire; il se prolong-edans
les vaisseauxdu
cou,mais
en aug-mentant de force.Son maximum
d'inten- sitéestau
niveaudu
creux sus-claviculaire.Lorsqu'on applique le stéthoscope sur la thyroïde,
on
y enterid ég-alementun
bruit de souffledoux
, eton
perçoit à la palpationun frémissement
anaiog-ue à celuide l'anévrysme artérioso-veiueux.Le
poulsest petit, rég-ulier, ég-al desdeux
côtés, et bal95
foisparminute.
Comme nous
l'avons dit, il y a de l'aménorrhée; les fonctions dig>estives sefontmal
;l'appétit est nul.Les douleurs g'a'itralgiques accorapag'nent souvent
les dig'cstions; la constipation est habituelle.
L'examen
attentif des org-anes respiratoiresne
dé-montre nullement
l'existence de tubercules.Très
fréquemment
il y a de la céphalalg-ie et,au
moindre
effort, des verlio-es, qui forcent lamalade au
repos. Ellea souvent de l'insomnie, est irritable et se querelle continuellement avec ses voisins.Cette
malade
a pris à lintérieur de Tiodure de potas- sium à ladose de l d 2grammes par
jour ; sur la tu-meur un
vésicatoirepansé
avec l'ong'uent mercuriel.Après un
séjour desixsemaines
à 1 hôpital, lama-
lade sort en présentant
une
am.élioration g-énérale.Quant aux symptômes
locaux, ils ont sensiblementdiminué
d'intensité. »Dans
sa thèse Turg-isdonne
trois autres observa- tions de g-oîtreexophthalmique
sansmentionner
letraitement.
Le
dernierfaitdeg"uérisonobtenue
par lamédica-
tion iodée aété publié
par
Guptill,dans
lenuméro de
janvier1874 du
«The
An.érican Journal ofmed.
Se. »
Le médecin
américain n'a pas fait usag-e de l'iode seul, il s'estservi de l'iodo-bromure de calcium.Enfin, en 1876, N.-B. Glieadle a publié (1) septcas de g-oitre
exophthalmique;
l'un d'eux a ététraité parlateinture d'iode à l'intérieur; c'est la seule
médica-
tion qui ait paru
amener un
certaine amélioration, qui fut, il est vrai, suivie d'une rechute sérieuse.Tels sont les faits
que nous avons
trouvés à l'appui de notre thèse.Certains
nous
ayantparu beaucoup
plus importants(1) Cheadle. Saint-Georgeshospital Reports, vol.VU, p.81.
—
26—
que
les autresnous
lesavons donnés
avec de plus long-sdéveloppements pour
lacommodité
de la dis- cussion,j
I" Observation personnelle.
M.
X... avait été toujours bien portantjusqu'àl'âg-ede 19 ans.
Cependant
il appartient àime
famille d'arthritiques.Son
père avait de l'eczémachronique;un
de ses frères,mort
d'une péritonite de nature in- déterminée, avait toute sa vie souffert d'un asthme.Au moment
de sa sortiedu
collègue,on remarqua un
certainchangement
danssamanière
d'être. II devint violent, irascible.La moindre
contrariété, la discus- sion la plusfutile l'exaspéraitbeaucoup.
Ilcommença
ses études en médecine.
Gomme
il voyageaitdans
les Pyrénées, sa familleremarqua
sa voracité;dans
les hôtels, il devint à cause de celaun
objet de curiosité. Il se plaig-nait souventde sensationsde
chaleur insupportable ; lemoindre
effort le fatig-uait et le déprimait. Il avait toujours l'air triste etennuyé. Quand
il faisaitun mouvement brusque
de la tête, ilvoyait desétincelles et les oreilles lui bourdonnaient.Une
foismême, en
se levant
un
matin, il eutune
syncope.An mois
de janvier de l'année 1876, il s'aperçutque
son cou g-rossissait, mais il n'ajouta pas d'impor- tance à cette constatation.Au
moisd'aoûtde lamême
année, il seprésenta devant
un médecin
militairepour—
27—
être
admis
à faire son volontariat d'un an.La
g-ros- seur de son cou attira l'attention duchirurg'iencharg'é de l'examiner, et il fut refusé.Fort préoccupé, il
demanda au médecin
ce qu'il devait faire; ce dernier lui conseilla de prendreun g-ramme
d'iodure de potassium parjour. Il suivit ce conseilpendant
quelques jours seulement, partitpour
Paris etne pensaplus àse soig-ner.Cependant
lesyeux commençaient
à devenir sail- lants ; le cou grossissait toujours, et il était sujet à de violentes palpitations decœur. La tumeur
qu'il portaitau
cou occ pait le lobe droitdu
corps thy- roïde; elle était lisse,animée
de battements, et sui- vait la trachéedans
sesmouvements
; il est probable qu'elle lacomprimait un
peu, car la respiration étaitpar
moments
assez difficile.M.
X...étantun
de nos meilleursamis,nous
l'avons assidûment observé.Son cœur
battait assezviolem- ment
et paraissaitun peu
hypertrophié ;on
n'enten- dait pasde bruitsanormaux.
Il parlaun
jour de sonmal au
docteur Ch.Monod,
chirurg-ien des hôpitaux, qui luiconseilla de prendre de l'iodure de potassium, sansfaireje crois le diagnosticexactde g'oitreexoph-
thàlmique,ne
l'ayantexaminé que
très superficielle- ment.Ce
diag-nostic, je crois, estabsolument
indiscu- table. X... suivit cette fois le conseil deM. Monod.
IIprit
un gramme
d'iodure de potassium par jourpen-
dant trois mois.Le
g'oitre ne tarda parà diminuer, la respiration à devenir plus facile, les palpitations à se calmer:Son
—
28—
pouls, qui battait 120 fois par
minute
avant le traite-ment, était
tombé
à 80.Son humeur
devint plussup-
portable et il est aujourd'hui fort bien portantdans une
villedu
Midioù
il se propose d'exercer laméde-
cine.
En
1879, il eut à Parisune
attaque derhuma
-tisme articulaire aig-u g"énéralisé avec
un commen- cement
d'endocardite;mais
il n'a plus souffertde son premiermal
et la grosseur de son coune
présente plus rien d'anormal. Gejiendantlelobe droitdu
corps thyroïde est encoreun peu volumineux,
II* Observation personnelle.
Cette observation et la suivante sont dues à la pra- tique
du
jeunehomme
qui a fait le sujet dela précé- dente.Ayant remplacé
[ilusieurs fois desmédecins
à Paris il a eu l'occasion de traiterdeux malades
at- teintes de g-oîlre exophthalmi{|ue. Ilme montra
ces malades, sachantque
la questiondu
traitement parl'iode m'intéressait
beaucoup
depuis sa g-uérison.En
dépit des
recommandations
de Trousseau, cesdeux
njalades furent traitées par l'iodure de potassium etavec succès.
La malade
qui fait le sujet tie la2* observation était âg-ée de 46 ans. Elle avait eu la fièvre typhoïde à l'âge de 18 ans, à son arrivée àPaiis.Dans
sa familleil y avait des rhumatisants. Elle avait toujours été bien régdée;
cependant
elle souffrait quelquefois derr.ig'raines assez vives
au moment
de lamenstrua-
tion.
— 29 —
Elle était orig'inaire
du département
de l'Aisne, s'était mariée à Paris et n'avaitpaseu
d'enfant; elle polissaitdes verres de lunettes.Depuis quelque temps,
quand
je la vispour
lapremière fois, elle se plaig-nait de palpitations de
cœur;
elle étaitdevenue
inquiète, facilement irrita-ble.
A
lasuite de chag-rins de famille, ses palpitations decœur
ontaugmenté
et elle s'aperçutun
jour de lagrosseur
inaccoutumée
de ses yeux. Elle vintdeman-
der des conseils àmon
ami, quidiagnostiquaun
g-oî- tre exophthalmique.Elle avait
en
effet des palpitations decœur
très violentes,un
bruil de souffle à la basedu cœur,
qui se continuedans
lesvaisseaux oarotidiens.Le
corpsthyroïde était aug-mentéde volume,
sur- toutdu
côté droit.Les
yeux
étaient saillantsau
dehors de l'orbite, lavue
intacte.La
malade,soumise au
traitement par l'iodure depotassium
à ladose de 1 g-ramrne par jour, ne tarda pas àsemieux
pot ter. Toutefois les palpitations aug"- mentèrent; alorson
lui prescrivitde l'iodure de po- tassiummêlé
debromure
de sodium, selon la prati-que
de Gubler, et elle se trouva très bien de ce trai-tement.
Nous
l'avons revue long'temps après, environun
an, et elle ne soulfruit plus de rien.111* Observation i'krsonnri.le.
Marg-uerite H..., àg^ée de 32 ans, estorig-inaire
du
^
30—
département
d'Indre-et-Loire, elle habiteParis depuis troisans
et fait le métier de blanchisseuse. Elle n'a- vait jamais étémalade
jusqu'aumoment où nous
l'avons vue. Ses règ-les avaient disparu depuis troismois,
quand
elle vit son couaugmenter
peu àpou
devolume
et sesyeux
sortirde l'orbite.Dans
sa famille,personne
n'a jamaisétécomme
elle, et
dans
sonpayselle n'ajamaisvu
pareille nhose.Son
état g-énéral était bon. Elle avaitbonne mine
et pouvait facilement travailler;
mais
lorsqu'elle fai- saitun
violent effort, elle avait des palpitations decœur
fort g-ênantes.Le cœur
n'était pas aug-menté devolume;
les vaisseauxdu
coubattaientavec violence; le pouls n'était pas très accéléré, 90 foispar minute.Le
lobe droitdu
corps thyroïde, étaitvolumineux
et pulsatile.
Soumise au
traitement ioduré, cettemalade
avu peu
àpeu diminuer
son corps thyroïde : aprèsun mois
de traitement, lesdeux
côtésdelag-lande étaientégaux,
et lamalade ne
souffrait pas plus de palpita- tions qu'avant,bon embonpoint
et sabonne mine
n'avaient pas chang-é.CHAPITRE
III.Après
avoir rig-oureusementexaminé
les observa- tions précédentes, nenous
est-il paspermis
de con- clure en faveur de la niédication iodéedans
le trai- tementdu
g-oîtreexophlhalmique?
Peut-êtreque
la conclusion seraitaussi excessiveque
celles de Rilliet,de Genève,
dans
son article sur l'iodisme constitu- tionnel.Nous pouvons au moins
affirmer que,dans
certains cas, l'iodenon seulement
n'a pas été nuisible,mais
encore a été utileet aamené une
rapide cessation desphénomènes.
C'est ce
que nous montrent
les faits de Stokes et de Hawk.es, celui de Gros.Dans
l'observationque nous
avonsdonnée
plus haut,ne
voit-on pas le vo-lume du
g-oîtrediminuer chaque
foisque
lamalade prend
de l'iodurede potassium?
Et, peut-on song-er à attribuer à l'emploi de cemédicament
les accidents consécutifspour
lesquelsTrousseau
aemployé
la di- gitaleetl'hydrothérapie?La malade
avait pris75cen-
tig-rammes d'iodure de potassiumen
vingt jours.Le
fait deTrousseau
est peut-être le plus probant de tousceux que nous avons
rappelésou
publiés.La
malade
présentait de tels troubles cardio-vasculaires qu'il voulaitabsolument
laisserde côté la médication—
32—
iodée,
pensant
que, nuisible d'habitude, elle le serait encore plusdans
ce cas particulier; le pouls battait jusqu'à 150 fois par minute.Préoccupé
de l'idée dene
point prescrire de l'iode,Trousseau
se trompe, ildonne
de la teinture d'iode à la place de la teinture dedig-itale; samalade en
prendpendant
quinzejours,au
bout desquels le pouls ne battait plusque 75
foispar minute. S'étant aperçu de son erreur,
Trousseau donne
de la dig^itale, et les battementsdu cœur aug- mentent
d'intensitéetde vitesse,ilredonna
la teinture d'iode. Il est vraique
samalade
faisait de l'hydro- thérapie;mais
aussi bien sous l'influence de la dig*!- taleque
souscelle de l'iode.Dans
lesdeux
observations de Turg-is dont le dia- g-nostic ne peut pas êtremis
en doute,non seulement on
nementionne
pas d'accidents après l'emploi de l'iodure de potassium,mais
encoreon
constateune
g-rande amélioration.
Les trois
malades que nous avons
vusnous-même
ont été exclusivement soig-nés par l'iodure de potas-sium
et ils s'en sont bien trouvés.Une
desmalades
prit
du bromure
desodium
à cause de son état ner- veux;nous
pensonsque
l'on fera toujours bien dedonner
lesdeux
métlicaiiienlsensemble dans
descas pareils. C'est,du
reste, la pratique constante desmé-
decinsang-lais, c'était aussi celle
du
regretté profes- seur Gubler.Il faut
cependant
reconnaître que,dans
certaines circonstances, la faiblesse desmalades
est telle, leur excitatiof\ si considérable, qu'il y aurait périldans
l'administration de l'iodure de potassium. C'est alors
qit'il faut
employer
la dig-itale et lebromure
de potas-sium
avec l'hydrothérapie.On
devra surtout se servir de l'ioduredepotassium dans
les casoù
l'hypertrophiedu
corps thyroïde est considérable,chaque
foisque
la respiration estgênée,difficile par suite de cette hypertrophie. Si les sujets sonten
même temps anémiques, on pourra employer Wodure
de fer. Gros ( 1 ) se trouvaittrès bien decette pratique, quiestaussicelle deM,
Jaccoud.Pour
éviter les accidents reprochés à l'iodure de potassium,on pourra
faireceque recommande M.
Séedans
le traitement désaffections aortiques, ajouter de l'opium,ou
biendonner en même temps du bromure,
comme on
l'a faitpour
l'une desmalades
dontnous
avons rapporté l'observation.Trousseau, si peu partisan de la médication iodée, a écrit
dans
ses cliniques : « Si,dans
la presqueg-éné- ralitédes cas, l'iode exerceune
influence pernicieuse sur la névroseexophthaimique,
quelquefois ilsemble
améliorermomentanément
la condition desma-
lades » (2).
D'un
autre côté,M. Rendu, dans
l'article « Goîtreexophtalmique
»du
DictionnairedeDechambre,
après avoir rapporté les conchisions deTrousseau
contre lamédication iodée, ajoute: « Ces conclusions sont-elles
absolument
justes; et de ceque
l'iodedans
certains cas estmanifestement
inefficace, est-on en droit de(1) Gros. Loc. cit.
(2) Trousseau. Clin. méd. del'Hôtel-Dieu, t. II.
Galup. 3
^!34 -
(^ire qu'il est nuisible?C'est là
une
questionqu'ilnous
paraît difficile de trancher. Il existe, en effet, des ob- servations contradictoires,dans
lesquellesTiodurede
potassium a éténon seulement
toléré sans inconvé- nient, rpais s'estmontré
incontestablement utile. »Nous
fippuyant sur les faitsque nous
avons rap- portés, et aussi surlesremarques
deTrousseau
et deM. Rendu que nous venons
de reproduire,nous
for- iRulons les conclusions suivantes: •CONCLUSIONS.
l'*
On
peut traiter le g-oîtreexophthaimique
sans dang-er par l'ioduredepotassiumà ladose de 1 gr.par jour,dans
tous les cas oiilesphénomènes nerveux
et cardio-vasculaires ne sont pas trop accusés.2°
On
devra le faire toutes les foisque
l'hypertro- phiedu
corps thyorïde seraun
dang-er.3"
Quand
l'hypertrophiedu
corps thyroïde sera re- doutable etque
lesphénomènes nerveux
et cardio- vasculaires seront aussi très accusés,on devra em-
ployer en
même temps
l'opiumou
lebromure.
QUESTIONS
SUR LES DIVERSES BRANCHES DES SCIENCES MÉDICALES.
Anatomieet
physiologie normales.— Du
bassin.Physiologie.
— Du
rôle des diverses partiesdu
cer- veau.Physique.
— Delà mesure
des températures, applica- tion à la physiologieet à la pathologie.Chimie.
— Des
alcools les plusemployés dans lecom- merce
; leur influence sur l'organisme.Histoire naturelle.
— Des
taenias.Pathologieinterne.
— Des
débuts de lasyphilis.Pathologie externe.
— Des tumeurs du
sein.Pathologie générale.
— Des
principes infectieux en médecine.Anatomie
ethistologie pathologiques.— De
l'altérationdu
sang.Médecineopératoire.
— De
l'opérationdu
strabisme.Pharmacologie.
— Des composés
ferrugineux.Vupar le présidentdelathèse, Vu,bon etpermis d'imprimer,
DAMASGHINO. Levice-recteur de l'Académie deParis,
GRÉARD.