Enonc´e noG243 (Diophante) Par une apr`es-midi pluvieuse
Par une apr`es-midi pluvieuse, Zig et Puce s’adonnent `a des coloriages.
Chacun choisit un certain nombre de crayons, pas n´ecessairement le mˆeme, dans la boˆıte commune de 12 crayons de couleurs diff´erentes. Zig trace un dod´ecagone r´egulier de centre O et avec ses crayons colorie les 12 secteurs triangulaires de sommetO de telle sorte que deux triangles adjacents n’ont jamais la mˆeme couleur. Puce de son cˆot´e fait la mˆeme chose avec son poly- gone r´egulier pr´ef´er´e et ses crayons. Ils d´enombrent le nombre de coloriages distincts* qu’ils peuvent r´ealiser et constatent que l’un en a deux de plus que l’autre. D´eterminer le polygone pr´ef´er´e de Puce ainsi que le nombre de crayons de couleurs utilis´e par chacun des enfants.
* Nota : soientA1, A2, . . . , Ai, . . . , Anlesnsommets d’un polygone r´egulier de centreO. Lors duj-i`eme coloriage, lei-`eme secteurOAiAi+1a la couleur ci,j avec ci,j = 1,2, . . . , c nombre de couleurs utilis´ees. Le coloriage j est ainsi d´efini par la s´equence{c1,j, c2,j, . . . , ci,j, . . . , cn,j,} telle que
c1,j 6= c2,j 6= c3,j 6= . . . 6= cn−1,j 6= cn,j 6= c1,j. Il est distinct d’un autre coloriage ks’il existe au moins un secteur p tel quecp,j 6=cp,k.
Variante
Zig et Puce se remettent `a l’ouvrage avec la mˆeme boˆıte de crayons de couleurs. Zig garde son dod´ecagone r´egulier tandis que Puce trace un po- lygone r´egulier pas n´ecessairement identique au pr´ec´edent. Ils consid`erent cette fois-ci que deux coloriages ne sont pas distincts si on peut les super- poser par rotation de l’un d’eux. Ils constatent que l’un a 16 coloriages de plus que l’autre. D´eterminer le polygone trac´e par Puce ainsi que le nombre de crayons de couleurs utilis´e par chacun des enfants.
Solution de Jean Moreau de Saint-Martin
Vu le nombre d’inconnues, il faut commencer par ´etablir une formule g´en´erale du nombre de coloriages.
Ce nombreF(n, c) se d´eduit de la remarque suivante : ceux des coloriages o`u le secteur n est bord´e de deux couleurs diff´erentes peuvent ˆetre mis en correspondance avec lesF(n−1, c) obtenus en supprimant ce secteur ; on revient au polygone `a n cˆot´es en r´eintroduisant ce secteur, avec une couleur prise parmic−2 pour ˆetre diff´erente des deux couleurs qui bordent ce secteur. De mˆeme, ceux des coloriages o`u le secteur nest bord´e d’une mˆeme couleur des deux cˆot´es peuvent ˆetre mis en correspondance avec les F(n−2, c) obtenus en supprimant ce secteur et en fusionnant ses deux voisins, le secteur 1 absorbant le secteur n−1 ; on revient au polygone `a n cˆot´es en r´eintroduisant le secteur n−1 (avec la couleur du secteur 1), puis le secteurn, avec pour celui-ci une couleur prise parmic−1 pour ˆetre diff´erente de celle des secteurs contigus.
Il en r´esulte la relation de r´ecurrence
F(n, c) = (c−2)F(n−1, c) + (c−1)F(n−2, c)
L’´equation caract´eristiquex2−(c−2)x−(c−1) = 0 admet pour racines c−1 et−1.
La r´ecurrence a pour conditions initiales F(2, c) = 2Cc2, F(3, c) = 6Cc3. En effet, pour n = 2 ou 3, le coloriage prend autant de couleurs que de secteurs, et l’ordre dans lequel on les utilise est arbitraire. (La relation de r´ecurrence montre que l’on peut prendre F(1, c) = 0, puisF(0, c) =c.) La r´esolution de la r´ecurrence, classique, donne alors
F(n, c) = (c−1)n+ (−1)n(c−1)
avec pourc= 2 `a 10 (car chacun des enfants a deux crayons au moins) les valeurs deF(12, c)
2, 4098, 531444, 16777220, 244140630, 2176782342, 13841287208, 68719476744, 282429536490.
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Le tableau des valeurs de cette fonction pour n6= 12 montre la diff´erence 2 = 4100−4098 =F(6,5)−F(12,3).
Ainsi Zig a 3 crayons, et Puce en a 5, avec un hexagone comme polygone pr´ef´er´e.
Variante
Soit f(n, c) le nombre de coloriages distincts au sens de l’´enonc´e variante, pour un polygone `a ncˆot´es quand on dispose deccouleurs.
Parmi ce nombre, il peut y avoir des coloriages qui sont invariants par une rotation d’une fraction de tour. Cela peut se produire quandnn’est pas un nombre premier. Je d´efinis donc g(m, c) le nombre de coloriages pour un polygone `amcˆot´es, o`u on dispose deccouleurs, qui ne sont invariants par aucune rotation d’une fraction de tour. Le nombref(n, c) se d´ecompose en somme de nombresg(m, c) o`umestnou un de ses diviseurs : un coloriage inclus dans les g(m, c) est `a r´ep´eter n/m fois pour couvrir n secteurs et compter dans les f(n, c). On a donc 1
f(n, c) =X
m|n
g(m, c)
Examinons maintenant les nombres de coloriages quand deux coloriages superposables par rotation sont consid´er´es distincts. On a (netcd´esignant toujours le nombre de secteurs et le nombre de couleurs disponibles)
F(n, c) =X
m|n
mg(m, c)
car la rotation d’un coloriage parmi les g(m, c) fournit m coloriages dis- tincts selon cette nouvelle d´efinition.
L’inversion de cette derni`ere relation est classique, au moyen de la fonction de M¨obius
1Je d´esigne parm|nla condition “mest diviseur den”.
mg(m, c) =X
d|m
µ m
d
F(d, c) puis
f(n, c) =X
m|n
g(m, c) =X
m|n
1 m
X
d|m
µ m
d
F(d, c) = X
d|m|n
1 mµ
m d
F(d, c)
et apr`es sommation sur m, faisant appel `a l’indicatrice d’Euler f(n, c) =X
d|n
1 nϕ
n d
F(d, c) Finalement, avec le r´esultat de la premi`ere partie
f(n, c) =X
d|n
ϕ n
d
(c−1)d+ (−1)d(c−1) n
Les valeurs def(12, c) pourc= 2 `a 10 sont :
1, 352, 44368, 1398500, 20346485, 181402676, 1153450872, 5726645688, 23535840225.
Le tableau def(n, c) ´etabli pourc= 2 `a 10 etn= 3 `a 36 fait apparaˆıtre une seule diff´erence 16 = 352−336 =f(12,3)−f(4,7)
Ainsi, dans cette variante, Zig a `a nouveau 3 crayons, Puce en a 7 et a trac´e un carr´e.
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