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Article pp.289-306 du Vol.24 n°4 (2004)

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© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

ARTICLE ORIGINAL ORIGINAL PAPER

Une comparaison entre deux formes de l’épreuve par paire : la forme hédonique et la forme non hédonique

F. Sauvageot et G. Rabier

SUMMARY

A comparison between two forms of paired comparison test: the hedo- nic form and the non hedonic form.

Liking is a spontaneous and daily activity, so we could suspect assessors are more efficient when using a preference criterion rather than an intensity criterion. To valid this assumption, we compared a series of paired-preference tests with a series of paired-intensity tests. In the present experiment, two pairs of wines (Chardonnay vintage) have been smelled (orthonasal way) by three groups of assessors. The first group (24 assessors) performed 40 paired preference tests, the second one (24 assessors) performed 40 paired intensity tests and the third one (48 assessors) performed successively 20 paired preference tests and 20 paired intensity tests with each pair of wines. In each session, assessors evalu- ated only one pair of wines. Results showed a superiority of preference tests when we compared the first group with the second group, but not when we ana- lyzed the data of the third group. This disagreement might result from the instruc- tions given to the assessors. For paired intensity tests, assessors were asked to determine the sensory characteristic which possibly differentiated the two wines and to use it all along the session, thus they could follow the same strategy during the whole session and, perhaps also, guess that the two samples were always the same. On the other hand, for paired preference tests, the instructions did not indicate that the preference criterion had to be the same for all the pairs of wines and the assessors might have changed their strategy during the session.

Key-words

paired comparison test, preference test, intensity test.

RÉSUMÉ

Au cours des dernières années, quelques auteurs ont montré qu’une épreuve sensorielle impliquant la préférence des sujets pouvait se montrer extrêmement efficace pour mettre en évidence l’existence de différences sensorielles entre deux produits. La raison pourrait en être que la préférence correspond à une activité spontanée et quotidienne des sujets. Afin d’étu-

Ingénierie moléculaire et sensorielle de l’aliment – Ensbana–Université de Bourgogne – 1, esplanade Erasme – Campus universitaire, 21000 Dijon, France.

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dier la validité de cette hypothèse, nous avons mis en place une expérimen- tation permettant de comparer les résultats d’une épreuve de comparaison par paire mettant en jeu une préférence avec les résultats d’une épreuve de comparaison par paire mettant en jeu une évaluation d’intensité. Cette étude a été effectuée par flairage sur deux couples de vins (cépage Chardonnay) avec trois groupes de sujets. Le premier groupe (24 sujets) a réalisé unique- ment des épreuves de préférence (40 épreuves pour chaque couple de vins avec un seul couple de vins présenté au cours d’une séance) ; le second groupe (24 sujets) a réalisé uniquement des épreuves d’intensité (40 épreu- ves également pour chaque couple de vins) ; le troisième groupe (48 sujets) a réalisé les deux types d’épreuves : 20 épreuves de préférence puis 20 épreuves d’intensité pour chaque couple de vins. Les résultats montrent une supériorité de l’épreuve de préférence quand on compare les résultats des deux premiers groupes mais non quand on analyse les résultats obte- nus avec le troisième groupe. Il est possible que les instructions données aux sujets expliquent le désaccord partiel entre l’hypothèse initiale et les résultats obtenus. En effet, dans les épreuves d’intensité, les instructions demandaient aux sujets, au début de la séance, de choisir un critère d’éva- luation et de le conserver tout au long des épreuves ; ces instructions ont conduit probablement les sujets à adopter une stratégie identique pour tou- tes les épreuves et à suspecter que toutes les paires présentées étaient identiques, donc à les placer dans une position stable et confortable. En revanche, dans les épreuves de préférence, les instructions ne demandaient pas aux sujets, en début de séance, de choisir un critère de préférence, de sorte que les sujets ont pu changer de critère de préférence tout au long de la séance et qu’ils ont été ainsi placés, probablement, dans une situation moins confortable pour réaliser les épreuves.

Mots clés

comparaison par paire, préférence, intensité.

1 – INTRODUCTION

Pour déterminer s’il existe une différence sensorielle entre deux produits, l’approche préconisée par la très grande majorité des spécialistes de métrolo- gie sensorielle consiste à présenter à des sujets les deux produits et à leur demander d’effectuer une tâche de discrimination. Cette tâche varie avec la nature de l’épreuve. Par exemple, dans l’épreuve triangulaire, les sujets reçoi- vent trois échantillons, deux échantillons étant des répétitions du même produit ; la tâche consiste à identifier l’échantillon non répété. Dans l’épreuve duo-trio, les sujets reçoivent trois échantillons comme dans le cas de l’épreuve triangulaire, mais l’un des deux échantillons du produit répété est présenté en premier comme témoin ; la tâche consiste à identifier l’échantillon qui ne peut pas être apparié à l’échantillon présenté comme témoin. Dans l’épreuve dual standard, les sujets reçoivent d’abord deux échantillons présentés comme témoins ; les sujets doivent déterminer le critère qui différencie sensoriellement

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ces deux témoins ; ils reçoivent ensuite deux échantillons anonymes, identiques aux deux échantillons témoins et ils doivent apparier chaque échantillon ano- nyme avec chaque témoin. Dans l’épreuve 2 sur 5, les sujets reçoivent simulta- nément 5 échantillons et leur tâche est de former deux groupes d’échantillons, un groupe comportant 2 échantillons et l’autre 3 échantillons.

Toutes les épreuves précédentes présentent un point commun : aucune indi- cation n’est donnée aux sujets sur la caractéristique à l’origine de la différence sensorielle éventuellement perçue. Quand l’animateur suspecte la nature de cette caractéristique, il peut l’indiquer aux sujets. Dans ce cas, il semble que la straté- gie adoptée par les sujets soit profondément modifiée. Par exemple, dans le cas de l’épreuve triangulaire, les sujets suivraient une stratégie de comparaison de distances ; mais, dans le cas où l’épreuve est effectuée avec indication de la caractéristique sensorielle – l’épreuve prend alors le nom d’épreuve 3 AFC – ils suivraient une stratégie « d’écrémage » (O’MAHONY, 1995). Par ailleurs, lorsque l’animateur suspecte la nature de la caractéristique à l’origine de la différence sensorielle, une nouvelle épreuve est disponible : l’épreuve de comparaison par paire (ou épreuve 2 AFC). Dans cette épreuve, les sujets reçoivent deux échan- tillons et ils doivent déterminer l’échantillon développant, pour la caractéristique indiquée par l’animateur, l’intensité la plus élevée.

L’épreuve de comparaison par paire est certainement l’épreuve de compa- raison la plus naturelle pour des sujets entraînés ou non : 1°) les deux produits sont classiquement présentés simultanément de sorte que la comparaison fait appel seulement à la mémoire à court terme ; 2°) l’univers produit est étroit : il porte seulement sur deux produits ; 3°) l’épreuve renvoie à une situation que les sujets peuvent rencontrer dans leur vie de tous les jours. Il est rare en effet que, dans leur expérience quotidienne, les sujets effectuent spontanément une épreuve triangulaire ou une épreuve duo-trio alors que la comparaison explicite entre deux objets ou deux situations est une opération habituelle. Par exemple, je peux goûter le café que je viens de préparer et auquel j’ai ajouté un peu de sucre parce que je le trouvais trop peu sucré : je compare alors la nouvelle pré- paration à l’ancienne préparation. Par exemple encore, je décide de diminuer la température de mon bain en ajoutant de l’eau froide parce que je la trouvais trop élevée.

Quand la caractéristique, à l’origine de la différence sensorielle éventuelle entre les deux produits, n’est pas connue par le praticien, celui-ci ne peut pas retenir l’épreuve par paire comme épreuve de discrimination, sauf s’il adopte l’une des deux techniques suivantes. La première, dite du warm-up et due à O’MAHONY (O’MAHONY et al., 1988), consiste à demander à chaque sujet de commencer par effectuer une série d’épreuves avec deux échantillons, la tâche du sujet étant, dans chaque épreuve élémentaire, de déterminer le critère qui lui permettra de différencier ultérieurement les deux échantillons. Ce critère doit être explicite, c’est-à-dire verbalisé. Les conditions de recherche sont standar- disées. Par exemple, le sujet doit effectuer au moins trois épreuves et il ne peut dépasser dix épreuves. La seconde technique consiste à demander aux sujets d’indiquer leur préférence. Dans ce cas, l’objectif du praticien change : il n’est plus de rechercher s’il existe des différences sensorielles entre les deux pro- duits, mais si ces différences sensorielles divisent, en termes d’acceptabilité, un échantillon de sujets en deux groupes de taille inégale. Cette seconde techni- que est, à première vue, dangereuse : il existe en effet un risque évident que le praticien, quand il n’observe pas de différence de préférence entre les deux

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produits, en déduise que les deux produits sont sensoriellement identiques. Or une telle conclusion peut être erronée : deux produits A et B, sensoriellement différents, peuvent être également aimés. C’est pourquoi, pour une comparai- son entre deux produits, la plupart des auteurs en méthodologie sensorielle préconisent une démarche en trois temps : 1°) déterminer par une approche non hédonique si les deux produits sont ou non sensoriellement différents ; 2°) en cas de réponse positive, rechercher les caractéristiques sur lesquelles ces produits diffèrent ; 3°) déterminer par une approche hédonique si ces différen- ces entraînent des préférences pour l’un ou l’autre produit.

Toutefois, deux arguments peuvent remettre en question cette démarche. Le premier repose sur l’idée, déjà évoquée dans un paragraphe précédent, selon laquelle l’épreuve par paire est une épreuve quotidienne, habituelle, pour les sujets ; or il est évident que cette double caractéristique (quotidienneté et habi- tude) s’applique encore davantage à une épreuve hédonique qu’à une épreuve non hédonique. Quand je décide, le matin, d’aller à mon laboratoire à pied plutôt qu’en voiture, il est probable que je n’analyse pas les avantages réciproques des deux modes de déplacement mais que je prends ma décision seulement sur le plaisir espéré de ces deux modes de déplacement : j’ai alors une approche holis- tique et non pas une approche analytique. Le deuxième argument repose sur trois études (NAIM et al., 1988, LÉVY et KÖSTER, 1999, WOLF FRANDSEN et al., 2003) montrant qu’une épreuve hédonique peut mettre en évidence des différences marquées dans les préférences entre échantillons, alors qu’une épreuve discrimi- native ou une épreuve descriptive montre seulement de faibles différences entre échantillons. Par exemple, LÉVY et KÖSTER ont étudié trois boissons : une boisson A qui est présente sur le marché français depuis plusieurs années et qui peut être considérée comme un authentique prototype et deux variantes B et C, la pre- mière se caractérisant (plutôt) par une modification de la saveur sucrée et la seconde (plutôt) par une modification de l’arôme, la viscosité en bouche des deux variantes étant la même que celle de A. Soixante-sept sujets ont effectué les trois épreuves triangulaires possibles (A ↔ B), (A ↔ C) et (B ↔ C). Au vu des résultats obtenus, les sujets ont été répartis en deux groupes : un groupe dit « correct » rassemblant les sujets ayant donné 2 ou 3 réponses correctes et un groupe dit

« incorrect » rassemblant les sujets ayant donné 0 ou 1 réponse correcte. La taille des deux groupes était très voisine (37 et 30 sujets, respectivement, pour les groupes « correct » et « incorrect »), suggérant de faibles différences entre bois- sons. Une semaine plus tard, les mêmes sujets ont été invités à effectuer deux épreuves de nature hédonique : une épreuve d’intensité sur une échelle à 9 points (1 : inacceptable, 9 : excellent) et une épreuve de choix formulée comme suit : À la fin de cette étude, nous vous offrirons un lot de boissons. Quelle est parmi ces trois boissons celle que vous choisirez d’emporter ? Les résultats ont montré un bon accord entre les deux groupes. Ainsi, les notes moyennes pour les boissons A, C et B étaient égales à 6,4, 5,6 et 4,9 pour le groupe « correct » et à 5,7, 5,6 et 4,3 pour le groupe « incorrect » ; pour l’épreuve de choix, les deux groupes plaçaient en tête la boisson A (57 % pour les sujets du groupe

« correct » comme pour les sujets du groupe « incorrect »), en seconde position la boisson C (27 % pour les sujets du groupe « correct » et 30 % pour les sujets du groupe « incorrect ») et en troisième position la boisson B (16 % pour les sujets du groupe « correct » et 13 % pour les sujets du groupe « incorrect »).

Malheureusement dans cette étude, comme dans celle de NAIM et al. (1998) et de WOLF FRANDSEN et al. (2003), les épreuves non hédoniques et hédoniques

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étaient de structure différente. La plus grande efficacité des épreuves hédoni- ques par rapport aux épreuve non hédoniques pourrait alors s’expliquer, non pas par la nature (hédonique) de la question posée, mais par la structure diffé- rente des épreuves, conduisant les sujets à adopter une stratégie plus efficace dans l’épreuve présentée sous une forme hédonique. C’était, d’ailleurs, la conclusion de GEELHOED et al. (1994) dans une comparaison effectuée, à la suite d’une étude de MAC RAE et GEELHOED (1992), entre de l’eau du robinet et de l’eau distillée. GEELHOED et al. ont observé qu’une épreuve de préférence avec trois échantillons (dont deux répétés) était plus efficace qu’une épreuve triangulaire classique. Mais cette supériorité était due à la stratégie choisie par les sujets dans l’épreuve de préférence et non au fait que la situation créée par une épreuve de préférence aurait été plus confortable pour les sujets, ceux-ci

« ressentant » que, dans une telle épreuve, il n’y pas de bonne ou de mauvaise réponse et donc qu’ils ne peuvent pas être « jugés » à partir de leurs perfor- mances.

L’étude qui suit a été construite de manière à ce que les deux épreuves, hédonique et non hédonique, soient de structure identique : une comparaison par paire avec, comme hypothèse, que l’épreuve hédonique doit conduire à des différences déclarées plus élevées que l’épreuve non hédonique. Elle a été effectuée sur des vins obtenus dans des conditions classiques de fabrication et sans que les deux auteurs de l’étude aient cherché à en modifier les caractéris- tiques. De plus, bien que certaines études aient montré qu’il pouvait exister un bon accord sur le plan hédonique entre des sujets différents, le plan expérimen- tal adopté permet, dans un premier temps, une analyse sujet par sujet avant que, dans un second temps, les résultats de l’ensemble des sujets ne soient agrégés.

2 – MATÉRIEL ET MÉTHODES

2.1 Les sujets

Quatre-vingt-seize sujets (41 hommes et 55 femmes) âgés en moyenne de 22 ans (extrêmes : 18 - 42) ont participé à deux séances d’évaluation, chacune d’une durée voisine de 1 heure. Leur recrutement a été effectué à l’aide d’affi- ches placées dans différents endroits du campus universitaire dijonnais. Les sujets devaient satisfaire à deux conditions : aimer le vin et en boire au moins une fois par semaine. Ils ont été indemnisés financièrement pour leur participa- tion.

2.2 Les vins

L’étude a porté sur quatre vins blancs, cépage Chardonnay, provenant de l’étude « Chêne de Tonnellerie 2000 » (FEUILLAT et al., 1999) dont l’objectif était de déterminer l’influence de l’origine et de l’espèce du bois de chêne sur les caractéristiques physico-chimiques et sensorielles de vins élevés en fûts pen- dant 12 mois avant embouteillage. Trois des quatre vins ont été élevés dans

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des fûts de chêne sessile provenant de la forêt de Bitche (vin A), de la forêt de Saint-Palais (vin B) et de la forêt de Bertranges (vin C) ; le quatrième vin (vin D) était un vin élevé en fûts de chêne pédonculé provenant de la forêt du « Sud- Ouest ». La durée de conservation en bouteille était de 26 mois. Pour éviter des variations possibles lors des deux mois de l’étude, les bouteilles (16 bouteilles par vin) ont été entreposées à 4 °C au début de l’étude.

Avec les quatre vins, deux paires ont été formées d’après la note d’intensité boisée obtenue lors d’une dégustation réalisée par des professionnels du vin à l’Institut Technique du Vin de Beaune (6, rue du 16e-Chasseurs, 21 200). La paire CD a associé les deux vins présentant les notes les plus extrêmes ; la paire AB a associé les deux vins présentant les notes intermédiaires. Des étu- des préalables ayant montré que les différences entre les profils sensoriels des vins étaient faibles, cette procédure maximisait, à priori, la probabilité que l’une au moins des deux paires conduise à une réelle situation de discrimination, c’est-à-dire à des réponses se situant entre le hasard et une détection systéma- tique.

2.3 Le plan expérimental

Les sujets ont participé à deux séances à sept jours d’intervalle. Au cours d’une séance, chaque sujet a effectué, par flairage, 40 épreuves par paire, avec un repos de cinq minutes entre les paires 20 et 21. Dans une séance, les épreu- ves ont porté toujours sur la même paire de vin. La moitié des sujets a évalué la paire AB au cours de la séance 1 et la paire CD au cours de la séance 2 ; l’autre moitié a évalué CD au cours de la séance 1 et AB au cours de la séance 2. De plus, en début de séance, tous les sujets ont reçu l’information suivante : Au cours de cette séance, vous allez effectuer une série d’épreuves de comparaison par paire sur des vins de cépage Chardonnay. Tous les vins présentés dans cette séance sont très proches les uns des autres.

Chaque sujet a été affecté à l’une des trois conditions suivantes.

La condition P-P : au cours d’une séance les sujets ont effectué 40 épreuves de préférence, soit 20 épreuves de préférence avant la pause et 20 épreuves de préférence après la pause (d’où l’appellation P-P).

Après l’instruction initiale commune aux trois conditions, les sujets ont reçu l’instruction spécifique suivante : Nous vous demandons de sélec- tionner, dans chaque paire, le vin que vous aimez le plus. Cette instruction était accompagnée des indications suivantes :

1) Toutes les épreuves se font par flairage. Vous n’avez donc jamais à mettre en bouche les vins.

2) Vous commencez toujours par flairer le verre de gauche puis celui de droite. Vous pouvez flairer plusieurs fois le même verre mais vous ne pou- vez pas revenir sur le premier après avoir flairé le second.

3) Avant de flairer le vin, vous agitez le verre de façon à libérer les arômes du vin.

4) Entre chaque paire de vins présentée, vous flairez quelques instants le verre d’eau mis à votre disposition.

5) Vous donnez votre réponse en présentant à l’animateur le verre de vin que vous avez sélectionné.

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– La condition I-I : au cours d’une séance les sujets ont effectué 40 épreu- ves d’intensité. Après l’instruction initiale commune, les sujets ont reçu l’instruction suivante : Vous allez commencer par déterminer le critère de différenciation que vous utiliserez par la suite pour indiquer, dans chaque paire, l’échantillon présentant l’intensité la plus élevée. Cette instruction était accompagnée des mêmes indications que pour la condition 1. De plus, pour que chaque sujet puisse déterminer son propre critère de diffé- renciation, six verres codés de 1 à 6 avaient été préparés avec les consi- gnes suivantes : Pour déterminer le critère de différenciation que vous utiliserez par la suite, flairez les verres 1 et 2 plusieurs fois et répondez à la question suivante : quel est le critère qui, selon vous, différencie le mieux les vins ?

Réponse : ...

Recommencez la même opération avec les verres 3 et 4. Est-ce que le cri- tère que vous avez choisi vous semble encore pertinent ?

Si votre réponse est non, flairez les verres 5 et 6 et choisissez définitive- ment le critère que vous utiliserez. Mais si votre réponse est oui, commen- cez la première épreuve de travail en indiquant, parmi les deux échantillons, celui qui présente l’intensité la plus élevée pour le critère que vous avez mentionné précédemment.

Critère choisi définitivement : !... ! Après la pause de cinq minutes, les sujets ont continué les épreuves en conservant le même critère de différenciation. Ils ont, en effet, reçu l’ins- truction suivante : Comme les vins qui vont vous être présentés sont, sur le plan sensoriel, très proches de ceux de la première série, vous utiliserez le même critère de différenciation que celui choisi précédemment.

La décision de demander à chaque sujet de déterminer son propre critère de différenciation s’explique par le postulat selon lequel, lorsque les diffé- rences sont faibles, l’expérimentateur n’est jamais certain que la caracté- ristique sensorielle impliquée dans ces différences est valable pour tous les sujets et que, même s’il en était certain, il n’est jamais sûr que le des- cripteur qu’il utilise pour désigner cette caractéristique a le même sens pour tous les sujets.

– La condition P-I : les sujets ont effectué 20 épreuves de préférence avant la pause et 20 épreuves d’intensité après la pause. Les sujets ont reçu, en début de séance, les mêmes instructions que les sujets réalisant la condi- tion P-P et, après la pause, les mêmes instructions que celles données, en début de séance, aux sujets réalisant la condition I-I.

Avant de participer à leur première séance, les sujets ont été affectés à l’une des trois conditions précédentes : 24 sujets à la condition P-P, 24 sujets à la condition I-I et 48 sujets à la condition P-I. Cette affectation a été effectuée au hasard pour les 72 premiers sujets (voir § 2.4) ; les 24 derniers sujets ont été affectés systématiquement à la condition P-I.

Remarque : la condition I-P n’a pas été étudiée. L’explication en est donnée dans la discussion (§ 4.2.2).

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2.4 Les conditions pratiques

Les bouteilles de vin ont été sorties de la chambre froide la veille de leur uti- lisation et laissées à la température du laboratoire jusqu’au lendemain. Au cours d’une journée, trois séances avec deux sujets par séance ont été organisées ; l’heure des séances dépendait des disponibilités des sujets (mais, pour un sujet, elle était la même pour les deux séances espacées de 7 jours). Les bou- teilles étaient débouchées 1/2 heure avant le début de la première séance de la journée. Pour les 72 premiers sujets et pour tenir compte de l’effet éventuel bouteille, les trois conditions P-P, I-I et P-I étaient explorées au cours de la même journée sur les mêmes bouteilles (par exemple : condition I-I à 8 h, condition P-I à 10 h et condition P-P à 13 h, l’ordre des conditions dans une journée ayant varié aléatoirement). La durée entre les première et troisième séances de la journée a été au plus de six heures ; entre les séances, les bou- teilles étaient bouchées avec un bouchon capsule.

Les vins ont été servis dans des verres type AFNOR (« verres vigneron »).

Quatre couples de verres ont été préparés pour chaque série de 20 épreuves avant que le sujet entre dans la salle et chaque couple a été utilisé cinq fois au cours d’une série de 20 épreuves. Compte tenu des contraintes fixées (6 sujets par journée, 4 verres pour les épreuves avant la pause et 4 autres verres pour les épreuves après la pause), la quantité de vin versée par verre a été fixée à 15 mL. À noter que, pour les conditions I-I et P-I, la recherche du descripteur différenciant les échantillons a été effectuée sur trois des quatre paires prépa- rées comme indiqué, de sorte que chacune de ces trois paires a été flairée une fois de plus que celles de la condition P-P.

Pour chaque série de 20 épreuves, l’ordre de présentation à l’intérieur des couples a été équilibré pour que chaque sujet flaire chaque échantillon 10 fois en première position et 10 fois en deuxième position. L’ordre de présentation des 20 couples a été tiré au hasard ; il a été identique pour tous les sujets et pour les trois conditions ; mais il a été différent pour les paires AB et CD.

Les sujets ont effectué les évaluations dans une salle aérée, sous lumière artificielle, dans une ambiance détendue, avec un fond sonore de musique clas- sique. La salle avait été arrangée de manière à ce que deux sujets affectés à la même condition puissent effectuer les épreuves en même temps. Les deux sujets étaient isolés l’un de l’autre par une cloison ; ils étaient également isolés de l’animatrice (en l’occurrence G.R.) par une cloison dans laquelle deux passe plats avaient été aménagés. La hauteur des cloisons était suffisante pour que les sujets et l’animatrice ne puissent pas voir les visages.

Chaque verre était repéré à l’aide d’une étiquette de petite taille (7,5 mm * 7 mm) collée sur le pied du verre, à l’opposé du côté présenté au sujet. Pour indiquer sa réponse, le sujet montrait le verre qu’il avait choisi ; un code à cinq éléments permettait à l’animatrice de visualiser rapidement le numéro de la paire présentée et du vin choisi sans que le sujet puisse interpréter ce code.

À la fin de la deuxième séance, tous les sujets ont été invités à remplir un questionnaire portant sur leur consommation de vin (par semaine) et sur leurs préférences en matière de vin.

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2.5 Le traitement des données

Pour chaque condition et pour chaque paire (par exemple la paire AB), nous avons calculé pour chaque sujet :

1) le nombre de fois où l’échantillon A, d’une part, et l’échantillon B, d’autre part, ont été choisis. Ces scores permettent de déterminer si le sujet est discriminant, c’est-à-dire s’il a significativement perçu une différence entre les deux échantillons. L’un des deux échantillons doit avoir obtenu un score au moins égal à 27 pour que le sujet puisse être déclaré discri- minant (α = 0.05, hypothèse bilatérale).

2) la différence absolue |A-B| entre le score de A et le score de B. Cette différence est un indice de l’amplitude de la différence perçue, quel que soit le sens du choix.

Pour les conditions I-I et P-P, les deux indices précédents ont été calculés sur 40 épreuves. Pour la condition P-I, ils ont été calculés séparément sur les 20 premières épreuves et sur les 20 dernières épreuves.

Nous avons également, pour chaque numéro de passation, calculé le nom- bre de sujets qui ont choisi A et B ainsi que la différence absolue entre ces deux scores. L’étude de l’évolution de cette différence en fonction du numéro de passation permet de déterminer, au moyen d’une régression des moindres carrés, s’il existe ou non une évolution des réponses au cours du temps : une pente négative traduit une « fatigue », une pente positive un « apprentissage ».

3 – LES RÉSULTATS

3.1 L’efficacité comparée entre les deux conditions P-P et I-I

Pour chaque paire de vins étudiée, l’efficacité peut être appréciée par deux indices : le nombre de sujets discriminants et l’amplitude moyenne de la diffé- rence absolue perçue. Plus la valeur de ces indices est élevée, plus la condition est efficace.

Pour les deux paires AB et CD, le nombre de sujets discriminants est plus élevé dans la condition P-P que dans la condition I-I (tableau 1). De plus, le test de Kolmogorov-Smirnov appliqué à chacune des quatre distributions confirme cette conclusion. En effet, dans l’hypothèse où les sujets ont répondu au hasard, la distribution des scores obtenus par un échantillon pour l’ensemble des sujets suit une distribution théorique de fréquence égale à 0,50. La diffé- rence entre la distribution observée et la distribution théorique est donc éga- lement un indice de la différence perçue ; elle peut être éprouvée par un test de Kolmogorov-Smirnov (SPRENT, 1992). La probabilité attachée à cette diffé- rence est plus faible pour la condition P-P que pour la condition I-I. Ainsi, pour la paire AB, la différence entre la distribution observée et la distribution théori- que est significative (P = 0,05) pour la condition P-P et non significative pour la condition I-I. Pour la paire CD, la différence est significative pour les deux conditions mais le risque α est plus faible pour la condition P-P (α = 0,01) que pour la condition I-I (α = 0,05).

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Tableau 1

Nombre de sujets discriminants et différences absolues moyennes pour les conditions P-P et I-I et les paires de vins AB et CD

(24 sujets par condition et 40 épreuves par sujet).

Entre parenthèses : Probabilité calculée dans l’hypothèse où le facteur étudié n’a pas d’effet.

Table 1

Number of discriminant assessors and mean absolute differences for both P-P and I-I conditions and both pairs of wines. In brackets: P value.

Les indices d’amplitude des différences d’intensité sont également plus éle- vées dans la condition P-P que dans la condition I-I (tableau 1). En effet, l’ANOVA effectuée selon le modèle : différence = condition + sujets (condition), le facteur condition étant fixe et le facteur sujet aléatoire, montre que le facteur condition est significatif (P = 0,026) pour la paire AB. La différence n’est pas significative pour la paire CD (P = 0,38), mais la tendance observée est la même que pour AB.

3.2 L’efficacité comparée entre les deux épreuves P et I pour la condition P-I

Les résultats sont donnés dans le tableau 2. Les valeurs critiques pour qu’un sujet soit discriminant sont égales à 5 et 15 pour un nombre d’épreuves égal à 20 (pour α = 0,05). Pour la paire CD, le nombre de sujets discriminants est le même pour les deux épreuves ; pour la paire AB, il est inférieur d’une unité pour l’épreuve de préférence, comparée à l’épreuve d’intensité. Pour ce groupe de sujets, il n’existe donc pas de différence d’efficacité entre les deux épreuves. Le test de Kolmogorov-Smirnov confirme cette conclusion : les différences entre la distribution observée et la distribution théorique sont significatives pour la même valeur de α pour chacune des deux épreuves, à savoir α = 0,05 pour la paire AB et α = 0,01 pour la paire CD.

L’indice d’amplitude des différences (tableau 2) est plus élevé pour les épreu- ves de préférence que pour les épreuves d’intensité. Mais une ANOVA effectuée selon le modèle : différence absolue = type d’épreuve + sujet + type d’épreuve ∗ sujet montre que la probabilité attachée au facteur type d’épreuve est très supérieure à la valeur 0,05 (P = 0,61 pour la paire AB et 0,34 pour la paire CD), confirmant que, pour les sujets de la condition P-I, les deux épreuves sont également efficaces.

Condition P-P Condition I-I

Paire AB Nombre de sujets discriminants 12 8

Amplitude moyenne des différences absolues 8,66 6,00 (P = 0,026)

Paire CD Nombre de sujets discriminants 13 10

Amplitude moyenne des différences absolues 9,83 8,25 (P = 0,38)

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Tableau 2

Nombre de sujets discriminants et différences absolues moyennes pour les épreuves de préférence et d’intensité dans la condition P-I

(48 sujets et 20 épreuves par sujet).

Entre parenthèses : Probabilité calculée dans l’hypothèse où le facteur étudié n’a pas d’effet.

Table 2

Number of discriminant assessors and mean absolute differences for both the preference and the intensity pairs tests in the P-I condition.

In the P-I condition, each assessor performed 20 preference tests and 20 intensity tests. In brackets: P value.

4 – DISCUSSION

Elle sera organisée autour de deux points. Le premier concerne les vins pré- sentés en rapport avec les choix des sujets, indépendamment de l’épreuve qui leur a été présentée. Le second concerne les résultats obtenus en rapport avec l’hypothèse initiale posée, à savoir qu’une épreuve par paire hédonique devrait être plus efficace qu’une épreuve par paire d’intensité.

4.1 Les vins présentés et les différences observées

4.1.1 Les différences entre les deux paires CD et AB

Les différences étaient attendues être plus élevées pour la paire CD que pour la paire AB (voir § 2.2). Les résultats obtenus sont en accord avec cette attente : les valeurs présentées dans les tableaux 1 et 2 sont toujours plus éle- vées pour la paire CD que pour la paire AB ; le phénomène est observé pour chacune des 4 comparaisons, aussi bien pour le nombre de sujets discrimi- nants que pour la valeur de la différence absolue.

4.1.2 Les différences d’intensité entre vins d’une même paire

Les différences étaient attendues être faibles au sein des deux couples ; là aussi, les résultats obtenus sont en accord ave cette attente. Ainsi, le pour- centage de sujets discriminants calculé sur les deux paires AB et CD est infé- rieur à 50 % : il est égal à 38 % pour les sujets de la condition I-I et à 34 %

Ep. de préférence Ep. d’intensité

Paire AB Nombre de sujets discriminants 12 13

Amplitude moyenne des différences absolues 7,25 6,79 (P = 0,61)

Paire CD Nombre de sujets discriminants 20 20

Amplitude moyenne des différences absolues 8,50 7,58 (P = 0,34)

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pour les sujets de la condition P-I. L’examen des résultats, passation par pas- sation, confirme la difficulté des deux comparaisons. En effet, trois passations seulement conduisent à des différences significatives et elles affectent seule- ment la paire CD : 2 dans la condition I-I (les passations 7 et 19) et 1 dans la condition P-I (la passation 29), alors que le nombre de réponses est cepen- dant 2 fois plus élevé dans la condition P-I que dans la condition I-I (48 au lieu de 24).

Quand on examine les résultats sur l’ensemble des réponses, sans tenir compte du facteur sujet, on s’aperçoit également que les différences perçues d’intensité sont faibles. Pour la paire AB, le vin B est perçu comme sensible- ment plus intense que le vin A, aussi bien pour le groupe I-I (A : 469 réponses, B : 491 réponses) que pour le groupe P-I (A : 461, B : 499) ; mais les différences sont cependant trop faibles pour devenir significatives au niveau de la somme (A : 930, B : 990, P = 0,17). Cette conclusion est confortée par l’examen des réponses des seuls sujets discriminants : pour les huit sujets discriminants du groupe I-I, quatre estiment A plus intense que B et quatre B plus intense que A ; de même pour le groupe P-I : six sujets estiment A plus intense et sept B plus intense. À la différence de la paire AB, on observe pour la paire CD une opposi- tion significative (P < 0,0000) entre les deux groupes I-I et P-I : le groupe I-I estime D plus intense que C (C : 425, D : 535) et le groupe P-I estime C plus intense que D (C : 530, D : 430), de sorte que les deux sommes sont pratique- ment identiques (C : 955, D : 965), masquant des comportements opposés.

Cette conclusion est retrouvée au niveau des sujets discriminants : sur les dix sujets discriminants du groupe I-I, deux estiment A plus intense que B et huit B plus intense que A alors que, sur les 20 sujets discriminants du groupe P-I, 15 estiment C plus intense et 5 D plus intense.

Cette opposition entre les groupes ou, à l’intérieur d’un groupe, entre sujets n’est pas surprenante : les sujets n’ont pas choisi le même critère d’intensité.

Par exemple, pour la paire CD, aucun sujet du groupe I-I n’a choisi le critère sucré pour différencier les vins alors que sept sujets l’ont choisi pour le groupe P-I. De plus, même quand le critère choisi est apparemment le même puisqu’il porte le même nom, il peut arriver que le concept sous-jacent soit différent.

Les praticiens qui travaillent dans le domaine du profil sensoriel connaissent bien ce phénomène qu’ils repèrent, au niveau d’une Analyse de la Variance, par une interaction produit*sujet significative. Dans notre étude, cette ambi- guïté des termes n’a pas été levée puisque chaque sujet pouvait définir comme il l’entendait le descripteur choisi. De plus, les sujets ont eu, logique- ment, tendance à choisir des termes au sens multiple comme fruité, fort en arôme, doux, herbacé. Mais, même quand le terme semble a priori non ambigu, des oppositions sont possibles. Ainsi pour la paire AB et le groupe I-I, un sujet perçoit A significativement plus sucré que B et un autre sujet perçoit B significativement plus sucré que A.

Concernant le choix des critères d’intensité, on aurait pu penser que les sujets reprendraient, lors de la séance 2, le même critère que celui utilisé lors de la séance 1. Mais l’examen des réponses montre que seulement quatre sujets (sur 24) du groupe I-I et douze sujets (sur 48) du groupe P-I ont utilisé le même critère lors des 2 séances. Cette observation peut être interprétée comme un indice que les sujets ont évité la facilité et ont recherché le critère le plus pertinent à leurs yeux permettant de différencier les vins.

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4.1.3 Les différences de préférence entre vins d’une même paire

Le pourcentage de sujets discriminants calculé sur les deux paires AB et CD est à peine supérieur à 50 % pour la condition P-P (52 %) et très inférieur à 50 % pour la condition P-I (33 %), la valeur plus faible pour cette condition s’expliquant probablement par un nombre plus faible d’épreuves effectuées (20 au lieu de 40), donc à une valeur critique plus difficile à atteindre, même si les performances des sujets sont identiques dans les trois conditions. Ces résultats sont confirmés lorsque l’on compare, comme suggéré par KÖSTER et al., 2002, les sujets qui donnent les mêmes préférences lors des première et dernière passations. Pour la condition P-P, 13 sujets (sur 24) préfèrent le même échantillon lors des passations 1 et 40, aussi bien pour la paire AB que pour la paire CD. Pour la condition P-I, 26 sujets (sur 48) préfèrent le même échantillon lors des passations 1 et 20 pour la paire AB et 23 pour la paire CD. Globale- ment donc à peine plus d’un sujet sur deux est constant sur ce critère. À signa- ler que les valeurs n’auraient guère été plus élevées si le même critère avait été utilisé pour les épreuves d’intensité : pour la condition I-I, 11 et 9 sujets (sur 24) sont constants pour les paires AB et CD et, pour la condition P-I, ils sont 27 et 24 (sur 48).

Quand on examine les préférences sur l’ensemble des réponses, les résul- tats conduisent, pour la paire AB, à une légère préférence en faveur de A aussi bien pour le groupe I-I (A : 495, B : 465) que pour le groupe P-I (A : 516, B : 444), de sorte que la préférence en faveur de A est significative au niveau de la somme (A : 1001, B : 909, P < 0,02). Pour la paire CD, on retrouve l’opposi- tion entre les deux groupes observée pour les réponses de l’intensité, mais cette opposition n’est pas significative (P = 0,21) : le groupe I-I préfère C (C : 506, D : 454) et le groupe P-I n’a pas de préférence (C : 478, D : 482).

Par ailleurs, il semble que, dans la présente expérience, la préférence pour un vin ait été guidée par l’intensité perçue. C’est ce que suggèrent les coeffi- cients de corrélation calculés, dans le cas du groupe P-I, entre les réponses de préférence et les réponses d’intensité. Les deux coefficients sont positifs et significatifs (paire AB, r = 0,38 ; paire CD, r = 0,54 ; valeur critique : 0,29 pour P = 0,05 et 48 points). Cette observation est en accord avec l’hypothèse selon laquelle, dans un univers connu, les sujets tendent à rechercher le maximum d’activation (DEMBER, 1964).

4.2 La comparaison entre les épreuves

Les résultats obtenus présentent la direction attendue pour la comparaison des conditions P-P et I-I, mais non pour la comparaison à l’intérieur de la condi- tion P-I. En effet, pour cette condition P-I, les résultats montrent seulement que les épreuves de préférence sont aussi efficaces que les épreuves d’intensité.

4.2.1 Une instabilité des résultats provenant de la taille des groupes de sujets Une première explication peut être recherchée dans les différences entre groupes de sujets. Dans les résultats présentés tableau 1, les deux séries d’épreuves de préférence et d’intensité ont été effectuées par des sujets dif- férents alors que, dans ceux présentés tableau 2, les deux séries d’épreuves ont été effectuées par les mêmes sujets. L’efficacité plus élevée de l’épreuve

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de préférence observée dans le tableau 1 serait due simplement au fait que les deux épreuves ont été effectuées par deux groupes de sujets, de taille trop faible pour annuler les variations aléatoires observées naturellement entre deux groupes provenant de la même population. Cette remarque s’applique tout spécialement aux épreuves de préférence pour lesquelles la norme AFNOR (2000) impose un nombre minimum de 60 sujets, quels que soient les produits comparés.

Cette objection peut être discutée à la lumière des résultats obtenus à la fois dans les conditions P-P et P-I. En effet, avant la pause, les 24 premiers sujets de la condition P-I étaient strictement dans les mêmes conditions expérimenta- les que les sujets de la condition P-P ; en particulier, les vins évalués prove- naient des mêmes bouteilles. Si un nombre de 24 sujets est suffisant, les résultats obtenus par ces deux groupes devraient être peu différents. Le même raisonnement peut être appliqué aux résultats d’intensité obtenus après la pause entre les sujets de la condition I-I et les sujets de la condition P-I, sous réserve d’admettre que l’effet des 20 épreuves effectuées avant la pause sur les 20 épreuves d’intensité effectuées après la pause est le même.

Les résultats obtenus sont donnés dans le tableau 3. Aucune des 4 compa- raisons n’est significative pour P = 0,05. Toutefois, pour la paire CD et l’épreuve de préférence, la valeur obtenue est proche de la valeur significative. De plus, un examen des dispersions à l’intérieur des deux échantillons montre une différence significative entre les deux groupes : l’écart type du groupe P-P est près de deux fois plus élevé que celui du groupe P-I (6,72 contre 3,95 ; P = 0,02). L’objection d’une instabilité de nos résultats ne peut donc pas être totalement repoussée.

Tableau 3

Amplitude moyenne des différences absolues entre les vins pour 2 groupes de 24 sujets effectuant les mêmes épreuves.

Le tableau du dessus donne les résultats des épreuves de préférence ; celui du dessous les résultats des épreuves d’intensité.

Table 3

Mean absolute differences for 2 groups of 24 subjects performing the same test.

The top table gives the results of preference tests;

the bottom table gives those of intensity tests.

Les sujets effectuent les épreuves de préférence dans la condition

P-P P-I Probabilitéa

a. Calculée à partir du t de l’épreuve de Student (échantillons indépendants).

Paire comparée

AB 8,67 7,75 0,55

CD 9,83 6,83 0,07

Les sujets effectuent les épreuves d’intensité dans la condition

I-I P-I Probabilitéa

Paire comparée

AB 6,00 7,50 0,19

CD 8,25 6,58 0,27

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4.2.2 La validité de la condition P-I

Si la validité de la comparaison des groupes PP et I-I peut être discutée, celle de la comparaison des deux épreuves de la condition P-I peut également l’être. L’intérêt de cette condition est d’utiliser, pour comparer les deux épreu- ves, le sujet comme son propre témoin. Il repose sur l’hypothèse que la série d’épreuves effectuée avant la pause n’a pas d’effet sur la série effectuée après la pause. Cette hypothèse n’aurait pas été recevable dans le cas d’une condi- tion appelée I-P consistant à effectuer d’abord 20 épreuves d’intensité, puis 20 épreuves de préférence. En effet, un essai préliminaire effectué selon cette condition I-P a montré que le critère d’intensité choisi en début de séance

« occupait l’esprit » du sujet quand il effectuait les épreuves de préférence.

Ainsi, deux sujets sur les quatre étudiés dans cet essai préliminaire ont sponta- nément déclaré avoir été influencés par le critère d’intensité choisi et avoir, en quelque sorte, essayé de calquer leur préférence sur le descripteur de différen- ciation utilisé dans la première partie de la séance.

Dans le cas de la condition P-I, il nous avait semblé que le critère de préfé- rence ne pouvait pas influencer le critère de différenciation utilisé dans la seconde partie de la séance. En effet, les instructions données au début des épreuves de préférence ne pouvaient pas conduire les sujets à suspecter que les paires de vins étaient identiques et donc que le critère de préférence devait être le même pour toutes les paires. Toutefois, on ne peut pas exclure totale- ment un effet des épreuves de préférence : certains sujets ont pu, dans la condition P-I, garder une idée de préférence au cours de la seconde partie de la séance, de sorte que le descripteur utilisé a été un mélange d’intensité et de préférence, mélange sans doute plus difficile à gérer qu’un simple concept d’intensité. Cette explication n’est cependant pas en accord avec les résultats obtenus pour la paire AB. En effet, pour cette paire, l’efficacité de la préférence est significative quand la comparaison porte entre les conditions P-P et I-I et non significative quand la comparaison porte au sein de la condition P-I. Or l’explication avancée aurait dû pénaliser I dans la condition P-I, donc augmen- ter les différences entre P et I.

4.2.3 La multiplicité des répétitions

Le fait de souhaiter analyser les données sujet par sujet a entraîné une contrainte évidente : un nombre élevé de répétitions par sujet. Cette contrainte n’a certaine- ment pas eu de conséquences néfastes pour les épreuves d‘intensité. En effet une régression linéaire par la méthode des « moindres carrés effectuée sur les résultats obtenus pour les 40 passations de la condition I-I ne montre aucun effet du temps : la pente de la droite est positive pour la paire AB et négative pour la paire CD mais avec des valeurs tellement faibles que les deux coefficients de corrélation attachés à ces valeurs (– 0,04 et + 0,10) sont très éloignés de la valeur critique égale à 0,31 (pour α = 0,05). Ces résultats sont en cohérence avec des résultats expérimentaux rappelés dans SAUVAGEOT (1993) et montrant que, lorsque l’attention du sujet est continuellement sollicitée, comme dans un quasi face à face sujet-animateur, il n’y pas de détérioration des performances au cours d’une session.

En revanche, la contrainte des répétitions a pu faire perdre aux épreuves de préférence la caractéristique qui faisait leur supériorité, à savoir la spontanéité. La comparaison, dans la condition P-P, entre les préférences observées sur les cinq

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premières épreuves (épreuves 1-5) et les préférences observées sur les cinq der- nières (épreuves 36-40) ne montre toutefois pas d’évolution dans les réponses.

Ainsi, pour la paire AB, 69 des 120 premières réponses (5*24) indiquent une pré- férence pour A contre 64 des 120 dernières réponses, soit une diminution de 5 points ; pour la paire CD, la variation est encore plus faible : le score de D passe de 61 à 64, soit une augmentation de 3 points. Ces résultats permettent donc de rejeter notre objection, à moins de les refuser sous la raison que, les scores obtenus montrant peu de préférence au sein d’une paire, il n’est pas sur- prenant qu’il n’y ait pas d’évolution de la préférence au cours du temps.

Si les sujets avaient ingéré les échantillons, il est probable que notre objec- tion aurait été davantage recevable. On sait, en effet, depuis longtemps que le plaisir diminue avec l’ingestion. Ce phénomène a même reçu un nom particulier : celui d’alliesthésie négative (CABANAC, 1971). Mais, dans la présente étude, les sujets n’ingéraient pas les échantillons : ils les flairaient seulement. Or le flairage n’entraîne pas de modification du milieu interne comme l’implique l’alliesthésie.

5 – CONCLUSION

L’expérimentation rapportée invite à poursuivre les recherches dans la mesure où elle ne permet pas de confirmer l’hypothèse intiale, selon laquelle une approche hédonique serait plus efficace qu’une approche d’intensité pour mettre en évidence des différences entre produits quand celles-ci sont faibles.

Or cette hypothèse est intéressante dans la mesure où elle permettrait d’expli- quer des échecs de commercialisation de variantes de produits que les épreu- ves discriminatives classiques n’avaient pas, au niveau du laboratoire d’évaluation sensorielle, montré être différentes du produit initial.

Dans cette exploration, il importera d’apporter une grande attention aux ins- tructions données aux sujets, dont l’effet sur les réponses est à la fois indiscu- table et mal connu. Ainsi MOJET et KÖSTER (1986) ont observé que des consommateurs de bière ne retrouvaient pas la bière qu’ils avaient l’habitude de consommer quand on leur demandait un jugement d’acceptabilité, mais que leurs performances s’amélioraient considérablement quand, après les avoir pla- cés dans un état émotionnel plus impliquant, on leur demandait un jugement d’authenticité. Dans notre expérience, il n’est pas impossible que le désaccord entre l’hypothèse initiale et les résultats s’explique par les instructions (ou l’absence d’instructions) données aux sujets, qui auraient conduit ceux-ci à tra- vailler dans de meilleures conditions psychologiques (cognitives ?) dans le cas des épreuves d’intensité que dans le cas des épreuves de préférence. Si, dans l’expérimentation rapportée dans cet article, la présentation des vins était iden- tique pour les deux épreuves : tous les vins présentés dans cette séance sont très proches les uns des autres, les instructions pour les épreuves d’intensité stipulaient que les sujets devaient (conditions I-I et P-I) commencer par déter- miner le critère de différenciation à utiliser par la suite pour indiquer, dans cha- que paire, l’échantillon présentant l’intensité la plus élevée ; après la pause (condition I-I), les instructions indiquaient également aux sujets qu’ils avaient à

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utiliser le même critère de différenciation que précédemment. Ces instructions ont pu amener les sujets à en déduire que les deux vins proposés étaient les mêmes durant toute la séance (condition I-I) ou la demi-séance (condition P-I).

En revanche, pour les épreuves de préférence, aucune instruction supplémen- taire n’était ajoutée après la phrase de présentation des vins. Les sujets ont alors pu (légitimement) penser que les couples présentés étaient tous différents, ce qui a pu les amener à changer de critère au cours de la séance, phénomène favorisé encore par la tendance naturelle des sujets à créer de la variété là où la monotonie s’installe (DEMBER, 1964).

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient vivement Catherine DACREMONT et Bernard COLAS

(équipe IMSA, ENSBANA) qui ont annoté les différents versions précédentes de ce texte.

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Références

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