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Article pp.289-291 du Vol.1 n°4 (2011)

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Texte intégral

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CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Tularémie oropharyngée : à propos d ’ un cas familial de sept personnes

Oropharyngeal tularemia: clustes of cases concerning 7 people

A. Lebourg · E. Dufresne · A. Youssef · N. Alazard

Reçu le 11 décembre 2010 ; accepté le 16 avril 2011

© SFMU et Springer-Verlag France 2011

Introduction

La tularémie est une maladie liée àFrancisella tularensis, à déclaration obligatoire, dont le nombre de cas se situe autour de 40 par an en France. Nous décrivons dans cet article un cas familial de tularémie oropharyngée concernant sept patients ayant partagé un lièvre insuffisamment cuit.

Description des cas

Il s’agit de sept patients dont six appartiennent à la même famille. Ces patients ont en commun d’avoir développé une symptomatologie proche quelques jours après avoir consommé un lièvre. Un huitième convive, présent à table mais n’ayant pas mangé de lièvre, n’a présenté aucun signe clinique. Ce lièvre aurait été rapporté « encore chaud », par le chien, de la campagne environnante. Après un examen rapide, il avait été jugé propre à la consommation et préparé selon une recette locale dite « au Saupiquet » ; c’est-à-dire servi saignant avec une sauce à base de sang et de foie de l’animal. Les patients sont âgés de 46 à 78 ans (Tableau 1).

Le premier patient consulte à j7 de la consommation du liè- vre, adressé par le médecin de garde, car il présente unœdème important de la langue dans un contexte fébrile. Devant la suspicion de tularémie, les autres convives malades sont convoqués aux urgences : un viendra le soir même, les cinq autres, le lendemain. Tous présentent des symptômes ayant débuté entre j3 et j6. Tous présentent un syndrome pseudo- grippal avec notion de fièvre. Six présentent une dysphagie.

Cinq ont consulté leur médecin traitant et sont traités par paracétamol. Une patiente est sous clarithromycine depuis 24 heures sans amélioration ressentie. Une autre est sous acétylleucine, car elle décrit des sensations vertigineuses

subjectives. Un patient, enfin, décrit des épisodes de selles diarrhéiques durant 48 heures. L’examen clinique à l’entrée révèle une fièvre supérieure à 37,8 °C chez cinq patients.

Tous présentent une pharyngite clinique. Quatre présentent par ailleurs des ulcérations au niveau pharyngé ; deux autres, simplement des dépôts blanchâtres amygdaliens. Il existe des adénopathies cervicales palpables sur cinq patients. Un bilan sanguin initial est systématiquement réalisé. Une discrète hyperleucocytose est découverte chez deux patients. Tous les dosages de protéine C réactive (CRP) sont augmentés.

Les transaminases sont également augmentées entre deux et quatre fois la normale sur six patients. Des hémocultures sont réalisées aux cinq patients fébriles. Des sérologies (par méthode de macroagglutination) sont demandées pour tous les patients ainsi que despolymerase chain reaction(PCR) [amplification génique in vitro] sur sérum, couche leuco- cytaire et prélèvements de gorge (sauf sur un patient chez qui un œdème de la langue ne permettait pas de faire le prélèvement). Ces examens sont envoyés au Centre national de référence des Francisella au centre hospitalier de Grenoble.

Un traitement par fluoroquinolone est démarré, per os pour trois patients et intraveineux pour quatre autres ayant des difficultés à déglutir. Cinq patients sont hospitalisés en méde- cine interne. La durée d’hospitalisation sera comprise entre quatre et sept jours (moyenne : 5,4 jours). Les deux autres sont traités en ambulatoire avec un rendez-vous de consulta- tion à distance avec un interniste. L’évolution est bonne pour tous les patients, tous seront guéris au terme de deux semaines d’antibiothérapie. Des bilans sanguins réalisés à distance (entre les 22eet 37ejours après la consommation du lièvre) montreront un retour à la normale des leucocytes, de la CRP et des transaminases. Les sérologies initiales faites aux urgences sont négatives (IgM < 20, IgG < 20) ainsi que toutes les PCR faites dans le sérum et sur couche leucocytaire. Par contre, cinq PCR sur six issues d’un prélèvement pharyngé sont positives à Francisella. Sur les quatre hémocultures à aérobie, une seule est positive à F. tularensis. Enfin, deux sérologies de contrôle réalisées à distance chez deux patients (aux 22eet 23ejours après la consommation du lièvre) revien- nent positives.

A. Lebourg (*) · E. Dufresne · A. Youssef · N. Alazard Service des urgences, centre hospitalier de Millau, boulevard A.-Souques, F-12100 Millau, France e-mail : alain.lebourg@ch-millau.fr

Ann. Fr. Med. Urgence (2011) 1:289-291 DOI 10.1007/s13341-011-0068-6

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

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Discussion

F. tularensisest un petit coccobacille aérobie Gram négatif, non mobile.

Le biovar tularensis (sérotype A) est le plus virulent. Il est retrouvé essentiellement en Amérique et n’a jamais été iden- tifié en France. Le biovar holarctica (sérotype B) est présent en Amérique, en Europe et en Asie [1–3].F. tularensisa été isolé chez de nombreuses espèces animales. Le réservoir est principalement les rongeurs sauvages (mulots, écureuils, lièvres) et les tiques [1]. La maladie sévit l’hiver dans la faune sauvage, car le germe survit mieux sur les cadavres d’animaux à une température négative [2]. La contamination se fait par contact direct des animaux infestés, ingestion ou inhalation d’éléments contaminés et touche principalement les chasseurs, les forestiers [4]…La contamination par de la viande cuisinée est plutôt rare, carF. tularensisest détruit en dix minutes à des températures de 55 à 60 °C [5]. Le cas exposé ici ne s’explique que par l’utilisation de viscères crus ou très peu cuits. Le nombre de cas annuel rapporté en France est faible : environ 42 cas entre 2004 et 2009, avec des extrêmes allant de 21 en 2004 à 108 en 2008 [4].

L’incubation dure généralement de trois à cinq jours (extrê- mes : 1 à 25 jours). Le sujet atteint présente alors une fièvre ondulante importante avec frissons, des céphalées, des nausées ou des vomissements, des douleurs articulaires ou musculaires [1–3]. Les formes oropharyngées représentent 25 % des cas : c’est la forme rencontrée dans notre cas [6].

Une étude portant sur 145 cas a montré au point de vue clinique : fièvre (90 %), pharyngoamygdalite et lympha- dénopathie (70 %) [7]. L’hémogramme peut montrer une leucocytose normale ou élevée [8]. Une prépondérance lym- phocytaire est parfois décrite [9]. La vitesse de sédimentation et la CRP sont habituellement élevées. Les transaminases peuvent être légèrement augmentées [8]. La culture bactério- logique est difficile et nécessite une orientation bioclinique [10]. La sérologie (macroagglutination sur lame pour le dépistage ou en tube pour le titrage) se positive entre les huitième et dixième jours, mais l’apparition peut être plus tardive. Un titre supérieur à 160 est considéré comme signi- ficatif. Il est utile de prélever deux sérums à, au moins, deux semaines d’intervalle pour mettre en évidence une sérocon- version ou une multiplication par 4, au moins, des titres séro- logiques [11]. La méthode par PCR permet un diagnostic plus rapide. Elle peut être réalisée sur du sang ou des ulcérations.

Le prélèvement sur une lésion locale permet un diagnostic précoce [3,12,13] comme le montre notre cas. Une étude a comparé les aminosides, les tétracyclines et les quinolones.

Le groupe quinolone s’est avéré aussi efficace thérapeutique- ment que le groupe aminoside [7]. L’Agence française de la sécurité sanitaire des produits de santé préconise la cipro- floxacine, l’ofloxacine ou la lévofloxacine comme traitement de première intention [14]. Par ailleurs, il est recommandé de débuter le traitement dès que la tularémie est soupçonnée, et les prélèvements réalisés [7]. Dans des formes graves, on peut préconiser une association fluoroquinolone et aminosides Tableau 1 Tableau récapitulatif des principales caractéristiques cliniques et biologiques

Patient I II III IV V VI VII

Âge (ans) 46 76 78 78 72 70 68

Délai début des symptômes (jours) 4 6 3 3 4 3 3

Examen clinique à lentrée

Température (°C) 38,6 37,5 39,0 38,0 38,1 37,5 37,8

Pharyngite Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Ulcération niveau pharynx Oui Oui Oui Non Non Oui Non

Dépôt amygdalien Non Non Non Oui Non Non Oui

Adénopathies cervicales Oui Oui Oui Oui Non Non Oui

Bilan sanguin à lentrée

Leucocytes (/mm3) 7 800 9 800 10 400 8 000 9 200 12 400 5 000

CRP (mg/l) 280 190 204 135 210 129 47

TGO/TGP (UI/l) 86/42 42/45 49/45 102/103 56/84 42/50 27/16

Hémocultures Positives ND Négatives Négatives Négatives ND Négatives

Sérologie : taux IgM (g/l) < 20 < 20 < 20 < 20 < 20 < 20 < 20 PCR sur sérum Négative Négative Négative Négative Négative Négative Négative PCR sur prélèvement pharyngé ND Négative Positive Positive Positive Positive Positive Bilan sanguin à distance

Contrôle sérologie : taux IgM (g/l) ND ND ND ND ND 2 560 320

CRP : protéine C réactive ; TGO : glutamopyruvate transférase ; TGP : glutamo-oxaloacétate transférase ; IgM : immunoglobulines de type M ; PCR :polymerase chain reaction; ND : non disponible.

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[6,14,15]. Aucune mesure d’isolement particulière n’est à envisager, quelle que soit la forme clinique [15].

Conclusion

La tularémie est une maladie qui n’est pas toujours facile à diagnostiquer. Dans notre cas, le contexte familial et le partage d’un même repas permettaient d’avoir un faisceau d’arguments suffisants pour l’évoquer. Ailleurs, l’échec des bêtalactamines, une CRP élevée, des transaminases légère- ment élevées dans un contexte particulier (chasse, manipu- lation de gibier…) peuvent orienter vers la tularémie.

Conflit d’intérêt : les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

Références

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guides_biotox/guide_tularemie.pdf (accès le 18 février 2011) 2. Vaissaire J, Mendy C, Le Doujet C, Le Coustumier A (2005) La

tularémie : la maladie et son épidémiologie en France. Med Mal Infect 35:273–80

3. Vaissaire J, Le Coustumier A (2007) Francisella tularensis et tularémie. In: Cahier de formation biologie médicale 40 : des

agents très spéciaux en bactériologie. Editions Bioforma, Paris, pp 12–55

4. Institut de veille sanitaire (2010) Tularémie : aide-mémoire.

http://www.invs.sante.fr/surveillance/tularemie/default.htm (accès le 18 février 2011)

5. Dumas PH (2005) La tularémie. http://www.revmedvet.com/art- des-fr.php?id=1296 (accès le 18 février 2011)

6. Bossi P, Tegnell A, Baka A, et al (2004) Bichat guidelines for the clinical management of tularemia and bioterrorism-related tula- raemia. http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?Arti- cleId=503 (accès le 18 février 2011)

7. Meric M, Willke A, Finke EJ, et al (2008) Evaluation of clinical, laboratory and therapeutic features of 145 tularemia cases: the role of quinolones in oropharyngeal tularemia. APMIS 116:66–73 8. Tarnvik A, Chu MC (2007) New approaches to diagnosis and

therapy of tularemia. Ann N Y Acad Sci 1105:378404 9. Tarnvik A, Berglund L (2003) Tularaemia. Eur Resp J 21:36173 10. Lepilleur B, Schoeny M, Melin P, Bineau P (2002) À propos d’un cas de tularémie pharyngoganglionnaire après plumage dun canard. Ann Biol Clin 60:21720

11. Centre national de référence des Francisella (2010) www.chu-gre- noble.fr/doc/Documents/CNR/index.htm (accès le 18 février 2011) 12. Haristoy X, Loznizwski A, Tram C, et al (2003)Francisella tula-

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13. Kantardjiev T, Padeshki P, Ivanov IN (2007) Diagnostic approa- ches for oculoglandular tumaremia: advantages of PCT. Br J Ophtalmol 91:12068

14. Afssaps (2008) Tularémie : fiche thérapeutique. http://afssaps.fr (accès le 18 février 2011)

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Ann. Fr. Med. Urgence (2011) 1:289-291 291

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