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La symphonie du nom de famille commandée par la Cour européenne des droits de l'homme : quand le compositeur suisse rechigne à améliorer sa partition

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La symphonie du nom de famille commandée par la Cour européenne des droits de l'homme : quand le compositeur suisse

rechigne à améliorer sa partition

KRAEHENBUEHL, David

KRAEHENBUEHL, David. La symphonie du nom de famille commandée par la Cour européenne des droits de l'homme : quand le compositeur suisse rechigne à améliorer sa partition. In: Rashid Bahar et Rita Trigo Trindade. L'égalité de traitement dans l'ordre juridique : fondements et perspectives . Genève : Schulthess éditions romandes, 2013. p.

153-176

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:151044

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(2)

L

A SYMPHONIE DU NOM DE FAMILLE COMMANDEE PAR LA

C

OUR EUROPEENNE DES DROITS DE L

HOMME

QUAND LE COMPOSITEUR SUISSE RECHIGNE A AMELIORER SA PARTITION

Par

D

AVID

K

RÄHENBÜHL

Mlaw, avocat, assistant à l’Université de Genève

Introduction 154

I. Premier mouvement : la commande d’une nouvelle symphonie

(presto) 154

1. L’affaire Burghartz c. Suisse 154

a) Résumé des faits 154

b) L’arrêt de la Cour 156

2. Synthèse 157

II. Deuxième mouvement : l’obligation, les écueils et l’ingérence du

chef d’orchestre (adagio) 158

1. L’obligation d’exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de

l’homme 158

2. L’intervention du Conseil fédéral 159

3. Les errements de l’Assemblée fédérale 163

a) L’initiative parlementaire Suzette Sandoz 163

b) L’initiative parlementaire Suzanne Leutenegger Oberholzer 164

4. Synthèse 165

III. Troisième mouvement : les similitudes avec les problèmes

rencontrés par d’autres orchestres et l’évolution (moderato) 166

1. L’affaire Ünal Tekeli c. Turquie 166

2. Les origines suisses du Code civil turc 167

3. L’autorité erga omnes des arrêts de la Cour 168

4. Synthèse 169

IV. Quatrième mouvement : le réveil du compositeur (allegro molto) 170

1. L’affaire Losonci Rose et Rose c. Suisse 170

2. L’initiative parlementaire Suzanne Leutenegger Oberholzer (suite et fin) 171

3. Synthèse 172

Conclusion 173

Bibliographie 175

(3)

Introduction

Le 30 septembre 2011, l’Assemblée fédérale a ajouté la note finale à la composition, commandée plus de dix-sept ans plus tôt, par la Cour européenne des droits de l’homme lorsqu’elle se prononça dans l’affaire Burghartz c. Suisse.

En dépoussiérant le droit du nom de famille, le législateur fédéral ne s’est pas contenté d’une exécution extrêmement tardive d’un arrêt rendu en 1994 à l’encontre de la Suisse – établissant sans doute par là un nouveau (triste) record en la matière –, il a également pris le soin de mettre à jour ledit droit avec celui de la plupart des Etats qui nous entourent, provoquant par ricochet un considérable chambardement des principes qui, jusqu’alors, gouvernaient la matière.

La présente contribution invite donc à un voyage dans le temps, de la première note de la symphonie, jouée dans le cadre de l’affaire Burghartz, à aujourd’hui, en examinant les différentes altérations (au sens musical du terme) que la Suisse a eu à connaître devant la Cour européenne des droits de l’homme, ou qui ont eu une influence certaine sur notre ordre juridique. Cette étude sera menée à la lumière tant des obligations qui reviennent à la Suisse au titre de la Convention européenne des droits de l’homme que de l’intervention, postérieure bien souvent, des instruments étatiques concernés.

De manière plus générale, cet écrit tend à témoigner, de manière somme toute modeste, du potentiel dont dispose un Etat pour prendre à contre-pied ses engagements internationaux, alors même qu’ils confinent à l’évidence. Il vise également à démontrer comment certaines autorités étatiques peuvent construire ce qui ressemblerait à un radeau de la Méduse, dont le seul objectif se résume à éviter, par tous les moyens, d’engager la responsabilité de ce même Etat, exercice en l’espèce réussi.

I. Premier mouvement : la commande d’une nouvelle symphonie (presto)

1. L’affaire Burghartz c. Suisse

a) Résumé des faits1

A l’origine des premières notes de la symphonie se trouvent deux ressortissants suisses résidant à Bâle, Mme Susanna Maria Simone Burghartz, qui possède

1 Pour un résumé complet de l’affaire, voir HEINZ HAUSHEER, EuGRZ 1995, p. 579 s.

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également la nationalité allemande, et M. Albert Johann Schnyder, mariés en Allemagne en 1984.

Conformément au droit allemand, les époux ont adopté comme nom de famille celui de l’épouse, Burghartz, que le mari a décidé de faire précéder de son propre nom, s’appelant ainsi Schnyder Burghartz2. Appelé à reconnaître cette union, l’état civil compétent enregistra le nom de Schnyder comme patronyme commun des époux, au sens de l’article 161 CC d’alors, qui indiquait que « la femme porte le nom et acquiert le droit de cité de son mari »3. Un recours déposé contre cette décision auprès des autorités du canton de Bâle-Campagne demeura sans succès.

Peu après l’entrée en vigueur du nouveau droit matrimonial, le 1er janvier 1988, les époux sollicitèrent des autorités cantonales l’autorisation d’enregistrer le nom de Burghartz comme nom de famille et celui de Schnyder Burghartz comme nom du second requérant. L’article 160 alinéa 1 CC déclinait désormais que « le nom de famille des époux est le nom du mari », alors que le second alinéa de cette disposition permettait à la fiancée, par une déclaration à l’officier de l’état civil, de conserver le nom qu’elle portait jusqu’à son mariage, suivi du nom de famille4. La démarche des époux demeura une nouvelle fois sans succès. Par le jeu de l’article 8a du Titre final du Code civil, l’épouse obtint toutefois le droit de porter le nom de Burghartz Schnyder5.

Saisi d’un recours en réforme, le Tribunal fédéral réserva un accueil mitigé aux griefs soulevés par les époux. Il considéra, dans un premier temps, qu’il existait des raisons importantes, liées aux particularités temporelles et géographiques du cas d’espèce, pour autoriser les époux à s’appeler Burghartz et accéda, dès lors, à la demande en modification du nom de famille, au sens de l’article 30 alinéa 1 CC6, qu’ils avaient déposée. Dans un second temps, le Tribunal fédéral rejeta cependant la requête formée par M. Schnyder tendant à pouvoir porter le nom de Schnyder Burghartz, au motif qu’elle ne trouvait aucun appui dans les dispositions pertinentes. Selon les juges fédéraux, les travaux préparatoires relevaient en effet que si les Chambres fédérales avaient effectivement souhaité réaliser, dans le domaine du droit de la famille également, le principe de l’égalité entre homme et femme, elles s’étaient néanmoins montrées soucieuses de préserver avant tout le principe de l’unité de la famille – lequel exclut notamment que le mariage n’ait aucun effet sur le port du nom7 – et d’éviter une rupture avec la tradition8. Elles

2 § 1355 BGB (Bürgerliches Gesetzbuch, du 18 août 1896).

3 FF 1907 VI 429, 468.

4 FF 1984 20.

5 La teneur de cette disposition est : « Dans le délai d’une année à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, la femme qui s’est mariée sous l’ancien droit peut déclarer à l’officier de l’état civil vouloir faire précéder le nom de famille du nom qu’elle portait avant le mariage.

6 ATF 115 II 193, consid. 5.

7 HENRI DESCHENAUX/PAUL-HENRI STEINAUER/MARGARETA BADDELEY, Les effets du mariage, Berne 2009, p. 89 s. ; CAROLINE KLEINER, « Le dialogue entre le droit civil et le droit international privé en matière de nom », RSDIE 2010, p. 43 s.

8 ATF 115 II 193, consid. 6c.

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n’ont donc jamais consenti à introduire l’égalité absolue entre les époux dans le choix du nom et ont ainsi délibérément limité à la femme seule le droit d’accoler son nom à celui de son mari9. Une telle réglementation n’est, en effet, « pas le fruit du hasard […] mais ressort également de l’histoire de sa création »10.

b) L’arrêt de la Cour

Guère satisfaits de cette issue, les époux Burghartz ont adressé une requête à l’ancienne Commission européenne des droits de l’homme, invoquant en particulier la violation des articles 8 et 14 CEDH11 du fait de l’impossibilité pour le mari de conserver le nom de Schnyder et de le faire suivre de son nom de famille, à l’instar de ce que permet l’article 160 alinéa 2 CC pour les femmes.

Alors que l’article 8 CEDH garantit notamment le droit au respect de la vie privée et familiale, l’article 14 CEDH tend, lui, à prévenir que la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention n’est entravée en raison de distinctions fondées, en particulier, sur le sexe, la race ou la couleur.

La Commission, d’abord12, puis la Cour européenne des droits de l’homme, ensuite, ont successivement donné raison aux requérants13.

Dans un arrêt remarquablement concis et lapidaire, la Cour a, à titre liminaire, mentionné que la progression vers l’égalité des sexes était un but important des Etats membres du Conseil de l’Europe et que, dès lors, seules des considérations très fortes étaient susceptibles de rendre compatible avec la Convention une différence de traitement fondée exclusivement sur le sexe14.

Démontant tour à tour les arguments soulevés par l’agent du gouvernement suisse afin de justifier le régime en vigueur, la Cour a d’abord rejeté l’explication selon laquelle l’unité de la famille se manifeste à travers celle du nom au motif – fort logique – que la solution offerte à la femme par le droit fédéral porterait alors également atteinte auxdites unités15. Une quelconque tradition ne saurait par ailleurs être invoquée puisque le droit revendiqué par le requérant était relativement récent, dans la mesure où il n’existait que depuis le 1er janvier 198816. Enfin, dès lors que « la Convention doit s’interpréter à la lumière des conditions d’aujourd’hui et en particulier de l’importance attachée au principe de

9 ATF 115 II 193, consid. 6c.

10 ATF 115 II 193, consid. 6b.

11 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 (RS 0.101).

12 ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, 16213/90, § 15.

13 ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, 16213/90, § 29.

14 ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, 16213/90, § 27.

15 ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, 16213/90, § 28.

16 ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, 16213/90, § 28.

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non-discrimination », il ne se justifiait pas d’assortir le choix du nom de famille, parmi l’un des patronymes des époux, de conséquences variables17.

En dépit de plusieurs opinions dissidentes tendant à relever tant le manque de gravité du préjudice subi par le requérant et donc l’inapplicabilité de l’article 8 CEDH au cas d’espèce18, que l’extension insatisfaisante du champ d’application de cette même disposition19, la Cour a – à une infime majorité il est vrai – constaté la violation par la Suisse de ses obligations découlant de l’article 8 CEDH en combinaison avec l’article 14 CEDH20.

2. Synthèse

Si cette percée jurisprudentielle est évidemment à saluer, il n’en demeure pas moins regrettable que l’arrêt de la Cour n’ait pu s’appuyer sur un plus grand soutien. La frilosité exprimée par les juges dissidents ne trouve en effet aucun fondement dans la jurisprudence de la Cour. Celle-ci ne manque d’ailleurs pas de relever qu’elle ne saurait dégager de la Convention et de ses Protocoles, au moyen d’une interprétation évolutive, un droit qui n’y a pas été inséré au départ21.

Malgré cette fausse note, la Cour a su éviter le piège de la cacophonie en se montrant particulièrement claire quant à ses attentes et, partant, aux exigences posées par la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a ainsi développé les bases d’une jurisprudence harmonieuse, appelée à progresser au gré des situations traitées et de l’évolution de la société.

17 ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, 16213/90, § 28.

18 ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, 16213/90, opinion dissidente de M. le Juge Thòr Vilhálmsson.

19 ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, 16213/90, opinion dissidente de MM. les Juges Pettiti et Valticos.

20 ACEDH Burghartz c. Suisse, du 22 février 1994, 16213/90, § 29.

21 ACEDH Johnston et autres c. Irlande, du 18 décembre 1986, 9697/82, § 53.

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II. Deuxième mouvement : l’obligation, les écueils et l’ingérence du chef d’orchestre (adagio)

1. L’obligation d’exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme

Bien que dépourvu de tout effet cassatoire22, un arrêt rendu par la Cour ne saurait dispenser l’Etat partie, à tout le moins23, d’adopter des mesures d’exécution. La Convention elle-même prévoit en effet à son article 46, paragraphe 1, que « les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ». Cette disposition implique ainsi, pour l’Etat défendeur, d’être appelé « non seulement à verser aux intéressés les sommes allouées à titre de satisfaction équitable, mais aussi à prendre des mesures individuelles et/ou, le cas échéant, générales dans son ordre juridique interne, afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d’en effacer les conséquences, l’objectif étant de placer le requérant, autant que possible, dans une situation équivalente à celle dans laquelle il se trouverait s’il n’y avait pas eu manquement aux exigences de la Convention »24. L’Etat demeure en principe libre de choisir les moyens de s’acquitter de cette obligation juridique, pour autant qu’ils soient compatibles avec les conclusions contenues dans l’arrêt de la Cour25. Si la nature des mesures appropriées à adopter dépend largement des particularités du système juridique propre à chaque Etat ainsi que du type d’acte à l’origine de la violation26, il va sans dire que, dans la mesure où les obligations susmentionnées font écho à la responsabilité étatique internationale27, elles s’adressent à

22 MARK. E. VILLIGER, « Die Wirkungen der Entscheide der EMRK-Organe im innerstaatlichen Recht, namentlich in der Schweiz », RDS, 104/1985, pp. 469-516, p. 476 ; DAVID KRÄHENBÜHL, « La réouverture de la procédure judiciaire nationale à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme : balade sur l’arête de la restitutio in integrum », in : MEIER/PAPAUX (édit.), Risque(s) et droit, Genève/Zurich/Bâle 2010, p.

282 s. ; ACEDH Belilos c. Suisse, du 29 avril 1988, 10328/83, § 76 ; ACEDH Remli c.

France, du 23 avril 1996, 16389/90, § 53 s. ; ACEDH F. c. Suisse, du 18 décembre 1987, 11329/85, § 43.

23 Voir ch. III.3 de la présente contribution.

24 ACEDH Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (n° 2), du 30 juin 2009, 32772/02, § 85 ; ACEDH Scozzari et Giunta c. Italie, du 13 juillet 2000, 39221/98 et 41963/98, § 249 ; ACEDH Assanidzé c. Georgie, du 8 avril 2004, 71503/01, § 198.

25 ACEDH Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (n° 2), du 30 juin 2009, 32772/02, § 88 ; ACEDH Scozzari et Giunta c. Italie, du 13 juillet 2000, 39221/98 et 41963/98, § 249 ; DCEDH Lyons c. Royaume-Uni, du 8 juillet 2003, 15227/03.

26 JOHAN CALLEWAERT, « L’art. 53 », in : PETTITI/DECAUX/IMBERT (édit.), La Convention européenne des droits de l’homme : commentaire article par article, Paris 1999, p. 848.

27 ACEDH Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (n° 2), du 30 juin 2009, 32772/02, § 86.

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l’ensemble des autorités du pays concerné28. Cela est d’autant plus vrai qu’on ne saurait imaginer que les compétences d’une seule et unique autorité suffisent à prendre l’intégralité des mesures requises. Si le Parlement apparaît comme l’organe le plus apte à réagir, pour autant bien entendu que la violation constatée repose sur une norme qu’il a adoptée29, son intervention ne manquera cependant pas d’en appeler à la patience de la Cour, et plus spécialement du Comité des Ministres, organe chargé de la surveillance des arrêts prononcés par la Cour30, en raison de la durée de la procédure législative. La collaboration des organes judiciaires et administratifs est ainsi sinon souvent souhaitée, du moins particulièrement souhaitable31. Dans un arrêt de principe, la Cour n’avait d’ailleurs pas manqué de relever qu’« un remaniement global, destiné à modifier en profondeur et de manière cohérente l’ensemble du droit de la filiation et des successions, ne s’imposait nullement comme préalable indispensable au respect de la Convention »32.

2. L’intervention du Conseil fédéral

Plutôt que de soumettre à l’Assemblée fédérale un projet de modification du Code civil visant à assurer l’égalité entre homme et femme dans le domaine du nom de famille, le Conseil fédéral, ressentant sans doute l’animosité du Parlement à l’égard d’un tel projet, a préféré amender l’ordonnance sur l’état civil, acte qui ne requiert pas l’assentiment des Chambres fédérales.

Le 1er juillet 1994, soit quelques mois à peine après la publication de l’arrêt Burghartz, les articles 177a et 188i aOEC33 sont ainsi entrés en vigueur. Le premier disposait que « la fiancée peut déclarer à l’officier de l’état civil vouloir conserver, après le mariage, le nom qu’elle portait jusqu’alors, suivi du nom de famille (article 160, 2e et 3e alinéas du Code civil) » et que « le fiancé a la même possibilité lorsque les fiancés font la demande de pouvoir porter, dès la célébration du mariage, le nom de la femme comme nom de famille (article 30, 2e alinéa du

28 SAMANTHA BESSON, « Les effets et l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme : le cas de la Suisse », in : BREITENMOSER/EHRENZELLER (édit.), EMRK und die Schweiz, La CEDH et la Suisse, Saint-Gall 2010, p. 138 s. ; JÖRG POLAKIEWICZ, « Die innerstaatliche Durchsetzung der Urteile des Europäischen Gerichtshofs für Menschenrechte », ZaöRV 52 (1992) p. 175 s.

29 Bien souvent, cependant, la Cour renonce à pointer du doigt la source de la violation, en laissant à l’Etat le soin d’examiner la conformité de son ordre interne avec le droit de la Convention. Voir par exemple ACEDH Imret c. Turquie, du 10 janvier 2006, 42572/98, § 36 ; ACEDH F. c. Suisse, du 18 décembre 1987, 11329/85, § 31.

30 Art. 46 § 2 CEDH.

31 Pour des exemples, voir DAVID KRÄHENBÜHL, L’autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment en Suisse et en Allemagne : de Lausanne à Karlsruhe, entre paradigmes et révoltes, Berne 2007, p. 99 s.

32 ACEDH Vermeire c. Belgique, du 29 novembre 1991, 12849/87, § 26.

33 Ordonnance sur l’état civil, du 1er juin 1953, RO 1953 815, abrogée le 1er juillet 2004.

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Code civil) »34. Le second constituait une disposition transitoire précisant que « si les fiancés ont été autorisés, avant le 1er juillet 1994, à porter dès la célébration du mariage le nom de la femme comme nom de famille (article 30, alinéa 2, du Code civil dans sa version du 5 octobre 1984), l’homme peut, jusqu’au 30 juin 1995, déclarer à l’officier de l’état civil vouloir faire précéder le nom de famille du nom qu’il portait avant le mariage. L’homme domicilié en Suisse, qui porte le nom de famille de son épouse en application du droit étranger, peut également faire une telle déclaration ».

La dernière phrase de ces dispositions ne laisse planer aucun doute sur les intentions du Conseil fédéral. Il convenait alors d’adopter, selon l’expression requise, une véritable lex Burghartz, afin de permettre non seulement au requérant, donc sur le plan des mesures individuelles, d’obtenir satisfaction – lui qui avait ouvert une procédure en révision devant le Tribunal fédéral35 – mais également de prendre les mesures générales requises pour éviter que de nouvelles violations se produisent. M. Schnyder ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour utiliser cette option et sa requête tendant à faire précéder du nom de famille commun le patronyme de son épouse fût acceptée36.

Si la rapidité de la réaction du Conseil fédéral est, à bien des égards, à saluer, elle ne demeure cependant pas exempte de tout reproche, considérée tantôt comme engendrant une conséquence « pour le moins inattendue »37 ou, en d’autres termes,

« une violation de l’ordre juridique suisse, lequel respecte le principe de la hiérarchie des normes »38. Ces critiques, aux assises légitimes, apparaissent rapidement édulcorées lorsque l’on examine l’action du Conseil fédéral au regard des principes fondamentaux de l’Etat de droit tels qu’ancrés dans la Constitution fédérale.

La modification introduite par le Conseil fédéral ne se contente pas, en effet, de porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Car lorsqu’une autorité courbe le processus législatif en adoptant une ordonnance, pour ne pas devoir passer par une loi formelle, elle manque également de respect au principe de la légalité. La mouture de l’époque de l’ordonnance sur l’état civil se fondait, selon son préambule, sur les articles 39 et 119 du Code civil alors en vigueur. Ces dispositions attribuaient au Conseil fédéral la compétence de rendre les ordonnances nécessaires concernant la tenue des registres et les déclarations prévues par la loi (art. 39 aCC) comme celles concernant la publication et la célébration du mariage (art. 119 aCC)39. Il ne fait aucun doute qu’au vu de la teneur de ces dispositions, l’Assemblée fédérale a voulu transmettre au Conseil

34 RO 1994 1384.

35 Arrêt du Tribunal fédéral du 5 août 1994, 5C.100/1994.

36 Annexe à la Résolution DH(94)61, du 21 septembre 1994, Affaire Burghartz c. Suisse.

37 BERNARD DUTOIT, « Jusqu’où le délitement du nom de famille ? Les exemples suisses et français », in : PIOTET/TAPPY(édit.), L’arbre de la méthode et ses fruits civils : recueil de travaux en l’honneur du Professeur Suzette Sandoz, Genève/Zurich/Bâle 2006, p. 243.

38 BOCN 1995 2182.

39 RO 24 245, FF 1907 VI 430.

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fédéral la compétence d’adopter des ordonnances d’exécution40. Or, une telle ordonnance doit se contenter d’énumérer des normes secondaires, c’est-à-dire des règles complémentaires qui fixent la procédure, précisent et détaillent certaines dispositions de la loi ainsi que, éventuellement, comblent de véritables lacunes41. A moins de reposer sur une délégation expresse, elle ne saurait abroger, ni modifier la loi qu’elle exécute, par exemple en restreignant les droits des administrés ou en leur imposant des obligations42. En l’espèce, l’on ne saurait parler de véritable lacune puisque le législateur a, en toute connaissance de cause43, d’abord adopté, puis maintenu en l’état les articles 30 alinéa 2 et 160 CC.

A ce constat d’atteinte aux principes de la séparation des pouvoirs et de la légalité s’ajoute une violation de la Constitution fédérale du 18 décembre 1999, survenue quelques années plus tard lors de la révision complète de l’ordonnance sur l’état civil44. Ce nouvel acte, adopté le 28 avril 2004 par le Conseil fédéral, entré en vigueur le 1er juillet 200445, reprend en effet à son article 12, alinéa premier, l’ancien article 177a. Le Conseil fédéral ne fait ainsi pas que confirmer les violations susmentionnées, mais les complète même par une violation de l’article 164 alinéa 1 lettres b et c Cst., entré en vigueur le 1er janvier 2000. Aux termes de cette norme, toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d’une loi fédérale, en particulier les dispositions fondamentales relatives à la restriction des droits constitutionnels (lettre b) et aux droits et aux obligations des personnes (lettre c). Selon les travaux préparatoires, ces conditions ne sont pas exclusives et un cumul est possible46. Pour être qualifiée d’importante, une disposition doit premièrement s’adresser à un grand nombre de personnes et de situations ou trancher des questions controversées47, ce qui ne manque pas d’être le cas en l’espèce. Elle doit, ensuite,

40 La note marginale de l’article 119 CC, intitulée « Ordonnances d’exécution », ne peut d’ailleurs que nous renforcer dans cette conviction.

41 Arrêt du Tribunal fédéral du 28 avril 2010, 2C_763/2009, consid. 5.5.1 ; ATF 134 I 269, consid. 4.2 ; ANDREAS AUER/GIORGIO MALINVERNI/MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Volume I, Berne 2006, p. 545.

42 Arrêt du Tribunal fédéral du 28 avril 2010, 2C_763/2009, consid. 5.5.1 ; ATF 103 IV 192, consid. 2a ; ATF 99 Ib 159, consid. 1a ; ANDREAS AUER/GIORGIO MALINVERNI/MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Volume I, Berne 2006, p. 545 s.

43 Voir notamment BOCN 1995 2181, le Message concernant la révision du code civil suisse (Effets généraux du mariage, régimes matrimoniaux et successions), du 11 juillet 1979, FF 1979 III 1227 ss, le Message relatif à la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, du 23 août 1995, FF 1995 IV 943 ss et le Message relatif à l’approbation des Protocoles nos 6, 7 et 8 à la Convention européenne des droits de l’homme, du 7 mai 1986, FF 1986 II 622. Voir également BOCN 1983 III 624 ss, BOCN 1983 III 634 ss ; BOCE 1979 I 69 s., BOCE 1979 I 76 s.

44 RS 211.112.2.

45 RO 2004 2915.

46 BOCN 1998 113.

47 ANDREAS AUER/GIORGIO MALINVERNI/MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Volume I, Berne 2006, p. 522 ; PIERRE TSCHANNEN, Staatsrecht der schweizerischen Eidgenossenschaft, Berne 2009, p. 570 s.

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toucher aux droits et aux obligations des personnes, à l’instar de celles qui se situent dans le Code civil ou le Code des obligations48. Une simple ordonnance ne suffit dès lors pas à régler ces questions, dont la solution doit reposer sur une loi fédérale formelle49.

Fondamentale à bien des égards, la règle selon laquelle le fiancé peut déclarer à l’officier de l’état civil vouloir conserver, après le mariage, le nom qu’il portait jusqu’alors, suivi du nom de famille, ne peut valablement se satisfaire d’une introduction par la petite porte, la voie de l’ordonnance, aussi honorable que soit l’objectif poursuivi.

Se pose ainsi la question de savoir si, pour mettre en œuvre un arrêt de la Cour, il peut être exigé d’un Etat qu’il adopte des mesures illégales sur le plan de son ordre juridique interne. A notre sens, cette interrogation appelle une réponse négative. La Convention européenne des droits de l’homme, en son article 41, prévoit en effet expressément une soupape de sécurité à l’encontre du droit interne : « si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation », une satisfaction équitable peut être accordée à la partie lésée50. Cela ne saurait toutefois signifier que, sous le prétexte de l’incompatibilité de son ordre interne avec le droit de la Convention, un Etat se verrait justifié à maintenir des dispositions ou pratiques incompatibles avec la Convention et ainsi dispensé d’adopter les mesures générales requises. Ce serait alors oublier que l’article 41 CEDH possède une vocation purement temporaire51, soit celle d’assurer la transition avec les mesures à venir en fournissant au requérant, dans l’intervalle, une réparation équitable à défaut d’être idéale.

L’adoption par le Conseil fédéral des articles 177a aOEC et 12 OEC est d’autant plus regrettable que celui-ci dispose, parmi ses nombreux moyens d’action, de la possibilité de prendre les mesures nécessaires pour protéger les intérêts de la Suisse en matière de relations internationales52. Sur cette base, le Conseil fédéral est notamment habilité à adopter des ordonnances indépendantes afin de parer aux manquements du droit international dont la Suisse est responsable, en particulier en adoptant des dispositions provisoires lorsqu’un tribunal international déclare

48 GIOVANNI BIAGGINI, BV : Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft und Auszüge aus der EMRK, den UNO-Pakten sowie dem BGG, Zurich 2007, p. 730.

49 GIOVANNI BIAGGINI, BV : Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft und Auszüge aus der EMRK, den UNO-Pakten sowie dem BGG, Zurich 2007, p. 728.

50 Sur la satisfaction équitable, voir JEAN-FRANÇOIS FLAUSS/ELISABETH LAMBERT ABDELGAWAD (édit.), La pratique d’indemnisation par la Cour européenne des droits de l’homme, Bruxelles 2011. Voir également JEAN-FRANÇOIS FLAUSS, « La banalisation du contentieux indemnitaire devant la Cour européenne des droits de l’homme », RTDH 1996, p. 91 ss.

51 GEORG RESS, « Wirkung und Beachtung der Urteile und Entscheidungen der Strassburger Konventionsorgane », EuGRZ 1996, p. 352.

52 Art. 184 al. 3 Cst.

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une norme de droit suisse non conforme au droit international53. Sous l’empire de l’ancienne Constitution fédérale, en vigueur jusqu’au 1er janvier 200054, le Conseil fédéral possédait les mêmes droits55. Il aurait alors pu se passer de prendre des mesures illégales et, dans l’attente que le Parlement ne légifère, adopter une ordonnance indépendante afin d’empêcher que la violation constatée dans l’arrêt Burghartz c. Suisse ne cause d’autres dommages.

3. Les errements de l’Assemblée fédérale

a) L’initiative parlementaire Suzette Sandoz

Alors que l’intervention du Conseil fédéral aurait uniquement dû, dans l’idéal, servir de solution provisoire à l’inégalité inhérente au droit du nom de famille, elle ne put malheureusement prendre fin de sitôt. En effet, l’Assemblée fédérale elle- même rechigna, à de multiples reprises, à revoir sa partition.

Dans un premier temps pourtant, le Conseil national décida de donner suite à l’initiative parlementaire déposée par Suzette Sandoz le 14 décembre 199456. Celle-ci visait à modifier les dispositions du Code civil concernant le nom de famille des époux de manière à assurer l’égalité entre hommes et femmes, afin de respecter les exigences des articles 8 et 14 CEDH57. Au vu des intérêts en jeu, il était également exigé un choix politique de la part du Parlement et « une solution juridique plus élaborée que celle adoptée hâtivement par le Conseil fédéral dans l’ordonnance sur l’état civil »58. En conséquence, la Commission des affaires juridiques mit sur pied un projet de modification du Code civil et pria le Conseil fédéral d’engager une procédure de consultation, « compte tenu […] de la portée de l’affaire, qui intéresse la population dans son ensemble »59. Pour ce faire, une prolongation du délai ordinaire, de deux ans, de traitement d’une initiative parlementaire, fut accordée jusqu’à la fin de l’année 199860.

La proposition de la Commission consacrait, en substance, le droit pour les fiancés de choisir, par une déclaration à l’officier de l’état civil, un nom de famille commun qui devait être soit le nom de célibataire du fiancé soit celui de la fiancée,

53 ANDREAS AUER/GIORGIO MALINVERNI/MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Volume I, Berne 2006, p. 555.

54 RO 1999 2555 ; FF 1999 7145.

55 DIETRICH SCHINDLER, ad art. 102 ch. 8, in : AUBERT/EICHENBERGER/ MULLER/RHINOW/SCHINDLER (édit.), Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874, Berne 1996, § 119.

56 BOCN 1995 2181.

57 BOCN 1995 2182.

58 BOCN 1995 2182.

59 BOCN 1997 2629.

60 Actuellement art. 113 al. 1 LParl, auparavant art. 21quater al. 5 LREC (RO 1984 768, FF 1984 I 903 s.). BOCN 1997 2629.

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ou de renoncer à un tel choix et de déclarer vouloir garder leurs noms actuels61. A défaut de déclaration expresse, les époux conservaient leurs noms d’alors. A la suite d’une brève procédure d’élimination des divergences62, insérant la possibilité pour les époux de porter un double nom63, le projet façonné par les Chambres fédérales semblait mûr et susceptible d’emporter une majorité des voix, au sein des deux Chambres, lors du vote final. Il n’en fut cependant malheureusement pas ainsi.

Avant l’échéance, plusieurs conseillers nationaux montèrent à la tribune pour inciter leurs pairs à rejeter le projet, considérant que « dans ce cas-là l’égalité a des effets pervers pour la société » ou encore que « le texte qu’on nous demande de voter n’est pas une loi », mais « un véritable labyrinthe dont le seul mérite consiste à montrer […] l’absurdité à laquelle on parvient lorsque le ‹ politiquement correct › est à ce point déconnecté des réalités humaines et pratiques »64. Cette offensive ne manqua pas d’être couronnée de succès puisque le Conseil national rejeta le projet le 22 juin 2001, plus de cinq ans après le dépôt de l’initiative parlementaire de Suzette Sandoz65. Dans la foulée, sans autre débat, la Chambre des cantons lui emboîta le pas66.

b) L’initiative parlementaire Suzanne Leutenegger Oberholzer Le 19 juin 2003, une initiative parlementaire déposée par Suzanne Leutenegger Oberholzer invita le Conseil national à remettre l’ouvrage sur le métier67. Elle posait notamment le constat que la réglementation du nom de famille se révélait toujours contraire à l’égalité des sexes et non conforme au principe de la préséance de la loi sur l’ordonnance. Dès lors, une nouvelle réglementation devait être mise sur pied, à la lettre de laquelle, en cas de mariage, les époux disposeraient des mêmes droits quant à leur nom.

61 Avis du Conseil fédéral du 19 avril 1999 relatif au Rapport du 31 août 1998 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national concernant l’initiative parlementaire Sandoz, Nom de famille et droit de cité des époux et des enfants, FF 1999 4896.

62 BOCE 2000 554 s., BOCE 2001 264 s. ; BOCN 2001 269 s.

63 BOCE 2000 556.

64 BOCN 2001 950. Il est intéressant de relever que la levée de boucliers fut bien moindre lorsqu’il s’est agi de supprimer, au début des années nonante, l’acquisition automatique de la nationalité par l’étrangère qui épousait un ressortissant suisse, ceci « afin de concrétiser l’égalité des droits entre hommes et femmes » (FF 1987 III 293), RO 1991 1034. Voir à cet effet le Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur la nationalité (égalité des droits entre hommes et femmes, nationalité des conjoints lorsque l’un des époux est ressortissant d’un autre Etat, adaptation d’autres dispositions à l’évolution du droit), du 26 août 1987, FF 1987 III 287, 293 s.

65 BOCN 2001 951.

66 BOCE 2001 951.

67 Initiative parlementaire Suzanne Leutenegger Oberholzer, Nom et droit de cité des époux.

Egalité, du 19 juin 2003, 03.428.

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Par vote du 7 octobre 2004, le Conseil national donna à nouveau suite, une nouvelle fois, à l’initiative68, puis prorogea jusqu’à la session parlementaire d’automne 2008 le délai accordé à la Commission des affaires juridiques pour rendre un projet69. Dans les grandes lignes, ce projet s’appuyait sur le principe de l’immutabilité du nom de famille, lequel garantit l’égalité entre hommes et femmes70. Il prévoyait notamment le principe selon lequel chaque conjoint conserve son nom lors du mariage. De manière exceptionnelle, toutefois, les fiancés pouvaient déclarer à l’officier de l’état civil vouloir porter un nom de famille commun71. Dans ce cas, leur choix se restreignait au seul nom de célibataire du fiancé ou de la fiancée.

Appelé à se prononcer sur ce projet en date du 11 mars 2009, le Conseil national renvoya sans autre politesse le projet en commission, avec le mandat de « se limiter aux seules modifications rendues absolument nécessaires par l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 22 février 1994 dans la cause Burghartz contre Suisse »72. Lors des débats, certains parlementaires ne manquèrent d’ailleurs pas de préciser que, par cet arrêt, « la Cour européenne des droits de l’homme avait relevé une petite erreur de symétrie dans notre droit » et que « ceci a été corrigé par une ordonnance qui a permis de vivre parfaitement en paix jusqu’à aujourd’hui »73. Tout au plus pouvait-il être question de « faire passer [l’art. 12 OEC] du rang de l’ordonnance […] à un rang supérieur qui est celui de la loi »74.

4. Synthèse

Lorsque le chef d’orchestre corrige la partition sans l’avis du compositeur, que ce dernier refuse, par manque d’intérêt et autres raisons dénuées de fondement objectif, de remettre l’ouvrage sur le métier, les retouches apportées au crayon sur la partition trahissent le peu de considération dont font preuve les Chambres à l’égard de la Convention européenne des droits de l’homme et des principes y relatifs développés par la Cour. Car entre-temps, la jurisprudence de la Cour n’est pas restée figée sur le papier, mais a continué de s’étoffer, notamment à l’égard du nom de famille des époux en relation avec le principe d’égalité de traitement.

68 BOCN 2004 1729.

69 BOCN 2006 1569.

70 Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, du 22 août 2008, relatif à l’initiative parlementaire Nom et droit de cité des époux. Egalité, FF 2008 372.

71 FF 2008 385.

72 BOCN 2009 275, BOCN 2009 284.

73 BOCN 2009 282.

74 BOCN 2009 282.

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III. Troisième mouvement : les similitudes avec les problèmes rencontrés par d’autres orchestres et l’évolution (moderato)

1. L’affaire Ünal Tekeli c. Turquie

L’affaire Ünal Tekeli c. Turquie concerne une ressortissante turque, Ayten Ünal Tekeli, qui avait acquis le nom de son mari suite à son mariage, en application de l’article 153 du Code civil turc. Quelques années plus tard, la susnommée formula une demande pour pouvoir porter uniquement son nom de jeune fille, Ünal, au motif qu’elle était connue dans son milieu professionnel sous ce nom75. Les autorités turques rejetèrent successivement cette requête, relevant qu’en vertu du droit turc, la femme mariée doit porter le nom de son mari tout au long de sa vie d’épouse76.

Saisie d’une requête par Mme Tekeli, la Cour européenne des droits de l’homme rappela d’abord que seules des considérations très fortes pouvaient amener à estimer compatible avec la Convention une différence de traitement fondée exclusivement sur le sexe77. Examinant ensuite le droit interne en profondeur, la Cour observa que si les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation en ce qui concerne les mesures à prendre afin de manifester l’unité de la famille, l’article 14 exige que toute mesure de ce type s’applique en principe dans les mêmes conditions aux hommes et aux femmes, sauf à produire des raisons impérieuses justifiant une différence de traitement78. Enfin, après avoir rappelé que la progression vers l’égalité des sexes est désormais un but important des Etats membres du Conseil de l’Europe79, la Cour constata qu’un consensus se dessinait au sein des Etats contractants quant au choix égalitaire du nom de famille des époux80. Elle estima, en conséquence, que les importantes répercussions du passage d’un système traditionnel de nom de famille basé sur le patronyme de l’époux à d’autres systèmes, permettant soit à chacun des époux de conserver son nom, soit au couple de choisir librement un nom de famille commun, auraient certes inévitablement d’importantes répercussions sur la tenue des registres d’état

75 ACEDH Ünal Tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, 29865/96, § 10.

76 ACEDH Ünal Tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, 29865/96, § 11 s.

77 ACEDH Ünal Tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, 29865/96, § 53. Voir également ACEDH Schuler-Zraggen c. Suisse, du 24 juin 1993, 14518/89, § 67.

78 ACEDH Ünal Tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, 29865/96, § 58.

79 ACEDH Ünal Tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, 29865/96, § 59.

80 ACEDH Ünal Tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, 29865/96, § 61. Pour un bref panorama, voir notamment ISABELLE VEILLARD, « La dévolution du nom de famille : aspects de droit comparé », in : Etudes suisses de droit comparé, 2006-1, p. 2 s. ; PASCALINE GEORGIN, « Observations relatives à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 22 février 1994 : la liberté de choix du nom de famille de deux époux », RTDH 1995, pp. 57 ss.

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civil ; il paraissait cependant raisonnable d’exiger de la société qu’elle acceptât certains inconvénients afin de permettre à des personnes de vivre dans la dignité et le respect, conformément au nom qu’elles auraient choisi81.

L’objectif de traduire l’unité de la famille par un nom de famille commun ne saurait ainsi justifier la différence de traitement fondée sur le sexe82, car si la première peut être manifestée par le choix du patronyme de l’époux comme nom de famille, « elle peut aussi bien être manifestée par le choix de celui de l’épouse, ou par un nom commun choisi par le couple »83.

2. Les origines suisses du Code civil turc

Cet arrêt, publié à la fin de l’année 2004, ne pouvait rester sans suite pour notre pays, en particulier en raison de la proximité des Codes civils suisse et turc et des liens étroits que ces deux ordres juridiques entretiennent.

Au sortir de la guerre d’indépendance, en effet, la nouvellement nommée République de Turquie adopta « presque tels quels » les Code civil et Code des obligations suisses84. Quand bien même le législateur turc s’efforça d’adapter certaines dispositions du Code civil suisse aux particularités sociales du pays85, il renonça à toucher, au fil des révisions, aux « principes révolutionnaires » abrités par le Code civil suisse86. Ce qui ne se fit pas sans provoquer quelques heurts, sous l’angle du droit du mariage en particulier, puisque l’union entre deux époux était jusqu’alors considérée comme un simple engagement contractuel, à l’instar de tout autre contrat, dénonçable de manière unilatérale, sans aborder les problèmes liés à la polygamie, tolérée, voire même encouragée dans certaines circonstances87.

81 ACEDH Ünal Tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, 29865/96, § 67.

82 ACEDH Ünal Tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, 29865/96, § 68.

83 ACEDH Ünal Tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, 29865/96, § 64.

84 NORMAN J. SINGER/CHARLES O. STOKES, « The Reception of the Swiss Civil Code in Modern Turkey », in : TERCIER (édit.), Gauchs Welt : Recht, Vertragsrecht und Baurecht : Festschrift für Peter Gauch zum 65. Geburtstag, Zurich 2004, p. 264 ; ERHAN ADAL, Fundamentals of Turkish Private Law, Istanbul 1998, pp. 40 ss ; HALID KEMAL ELBIR, « La réforme d’un code civil adopté de l’étranger », in : Revue internationale de droit comparé, 1956, n° 1, p. 54.

85 HALID KEMAL ELBIR, « La réforme d’un code civil adopté de l’étranger », in : Revue internationale de droit comparé, 1956, n° 1, p. 58.

86 HALID KEMAL ELBIR, « La réforme d’un code civil adopté de l’étranger », in : Revue internationale de droit comparé, 1956, n° 1, p. 62.

87 NORMAN J. SINGER/CHARLES O. STOKES, « The Reception of the Swiss Civil Code in Modern Turkey », in : TERCIER (édit.), Gauchs Welt : Recht, Vertragsrecht und Baurecht : Festschrift für Peter Gauch zum 65. Geburtstag, Zurich 2004, pp. 268 ss.

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C’est ainsi que l’article 153 du Code civil turc, dans sa version en vigueur au moment de l’affaire Tekeli88, possédait la même teneur que l’article 160 alinéa 1 CC. Par une modification du 14 mars 1997, le législateur turc décida même de conférer à la femme mariée le droit de garder son nom de jeune fille, qui sera alors placé avant son nom de famille. Ce faisant, il n’a fait que traduire en droit turc l’alinéa 2 de l’article 160 CC. La similitude des réglementations suisses et turques relatives au nom de la famille n’avait d’ailleurs pas échappé à la Conseillère fédérale en charge du dossier, qui la pointa du doigt lors des débats parlementaires89.

3. L’autorité erga omnes des arrêts de la Cour

En sus de la proximité de l’ordre juridique d’un Etat avec celui d’un autre, venant de subir une défaite devant la Cour européenne des droits de l’homme, d’autres raisons peuvent inciter un Etat à mettre en œuvre, par anticipation, un arrêt de la Cour susceptible de le toucher si son propre pays devait être dénoncé, à son tour, auprès des instances de Strasbourg. Il en va ainsi, principalement, de l’autorité erga omnes reconnue aux arrêts de la Cour.

De l’opinion de cette dernière, les arrêts qu’elle rend « servent non seulement à trancher les cas dont elle est saisie, mais plus largement à clarifier, sauvegarder et développer les normes de la Convention et à contribuer de la sorte au respect, par les États, des engagements qu’ils ont assumés en leur qualité́ de Parties contractantes »90. Ce faisant, la Cour accorde à ses décisions des effets dépassant le simple cas d’espèce, pour potentiellement rayonner sur les ordres de l’ensemble des Etats membres, d’autant plus lorsque les violations relevées ont leur source immédiate dans des actes normatifs et non dans des mesures individuelles d’exécution91.

Soutenu par un large panel doctrinal92, pareil effet trouve son plein fondement dans le principe de subsidiarité qui anime la Convention européenne des droits de

88 Cette disposition a été modifiée par l’entrée en vigueur, le 22 novembre 2001, du nouveau Code civil turc, mais sa teneur est demeurée inchangée. Elle figure désormais à l’art. 187 du Code civil.

89 BOCN 2009 2284. Voir également BOCN 2011 1758.

90 ACEDH Irlande c. Royaume-Uni, du 18 janvier 1978, 5310/71, § 154.

91 ACEDH Marckx c. Belgique, du 13 juin 1979, 6833/74, § 58. Pour d’autres exemples, voir notamment ACEDH Modinos c. Chypre, du 22 avril 1993, 15070/89 ; ACEDH Vallée c.

France, du 26 avril 1994, 22121/93.

92 FRÉDÉRIC SUDRE, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris 2011, pp. 820 ss ; SAMANTHA BESSON, « Les effets et l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme : le cas de la Suisse », in : BREITENMOSER/EHRENZELLER (édit.), EMRK und die Schweiz, La CEDH et la Suisse, Saint-Gall 2010, p. 139 s. ; FEYAZ GÖLCÜKLÜ,

« Exécution des décisions des organes de contrôle de la Convention des Droits de l’Homme », in : MAHONEY/MATSCHER/PETZOLD/WILDHABER, Protection des droits de l’homme : la perspective européenne : mélanges à la mémoire de Rolv Ryssdal, Cologne

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l’homme93. Il appartient en premier lieu aux autorités nationales de faire respecter les droits et libertés garantis par la Convention94. Ce n’est que dans un second temps, lorsque l’ensemble des moyens internes ont été épuisés, que la Cour peut être saisie et appelée à jouer son rôle de gardien de la Convention. On ne saurait, en effet, exiger de la Cour, déjà au bord de la rupture95, qu’elle se prononce sur l’ensemble des affaires où des garanties sont violées. Lorsqu’elle interprète la Convention et la confronte à un cas concret, la Cour règle non seulement l’issue d’un litige déterminé, mais précise également la teneur des droits et obligations contenus dans ladite Convention96. Il ressort ainsi de la Convention une obligation inhérente à chaque Etat de régulièrement passer en revue son ordre juridique à la lumière des évolutions et précisions apportées par la Cour.

Cette obligation peut également se déduire de l’article 1 CEDH97. Selon la Cour,

« en substituant le mot ‹ reconnaissent › à ‹ s’engagent à reconnaître › dans le libellé de l’article 1 [...], les rédacteurs de la Convention ont voulu indiquer de surcroît que les droits et libertés du Titre I seraient directement reconnus à quiconque relèverait de la juridiction des Etats contractants »98.

4. Synthèse

Pour ces raisons, déjà, la Suisse ne pouvait se résoudre à restreindre sa réforme du droit du nom au mandat de « se limiter aux seules modifications rendues absolument nécessaires par l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 22 février 1994 dans la cause Burghartz contre Suisse »99. Elle se serait alors

Berlin 2000, pp. 557 ss ; ARTHUR HAEFLIGER/FRANK SCHÜRMANN, Die Europäische Menschenrechtskonvention und die Schweiz, Berne 1999, p. 428 ; GÉRARD COHEN- JONATHAN, « Quelques considérations sur l’autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », in : Liber amicorum Marc-André Eissen, Bruxelles 1995, p. 53.

Contra : voir notamment XAVIER-BAPTISTE RUEDIN, Exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, Bâle 2009, p. 110.

93 Voir ACEDH Handyside c. Royaume-Uni, du 7 décembre 1976, 5493/72, § 48 ; FRÉDÉRIC SUDRE, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris 2011, p. 209.

94 ACEDH Handyside c. Royaume-Uni, du 7 décembre 1976, 5493/72, § 48.

95 Selon le rapport annuel 2010 rédigé par le Greffe de la Cour européenne des droits de l’homme, celle-ci connaissait au 31 décembre 2010 139’650 requêtes pendantes. Voir Rapport annuel 2010 de la Cour européenne des droits de l’homme, Conseil de l’Europe, p.

146.

96 GÉRARD COHEN-JONATHAN, « Quelques considérations sur l’autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », in : Liber amicorum Marc-André Eissen, Bruxelles 1995, p. 53.

97 SAMANTHA BESSON, « Les effets et l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme : le cas de la Suisse », in : BREITENMOSER/EHRENZELLER (édit.), EMRK und die Schweiz, La CEDH et la Suisse, Saint-Gall 2010, p. 140.

98 ACEDH Irlande c. Royaume-Uni, du 18 janvier 1978, 5310/71, § 238.

99 BOCN 2009 275.

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érigée en bien mauvais élève, détonnant au sein du grand concert voué à la protection des droits de l’homme.

A cet égard, on ne peut qu’être en accord avec les critiques qui ont qualifié de mystérieuse la fixation faite par l’Assemblée fédérale concernant l’arrêt Burghartz100. Alors que le droit est en constante évolution, la volonté de rejeter toute modification imposée par le commanditaire de la partition et, avec elle, l’obstination de se rattacher à des circonstances désormais obsolètes demeurent absolument incompréhensibles.

IV. Quatrième mouvement : le réveil du compositeur (allegro molto)

1. L’affaire Losonci Rose et Rose c. Suisse

Dans un arrêt du 9 novembre 2010, la Cour a relevé, une nouvelle fois, le caractère discriminatoire du droit suisse du nom de famille101. Elle a notamment considéré que, dans le cas de figure d’un homme suisse et d’une femme d’origine étrangère, la femme peut choisir de soumettre son nom à son droit national selon l’article 37, alinéa 2, de la loi fédérale sur le droit international privé, alors qu’un tel choix n’est pas possible dans le cas d’une femme suisse qui épouse un homme d’origine étrangère si le couple opte pour le nom de la femme comme nom de famille102. Les autorités considéraient en effet qu’il ne pouvait y avoir de cumul entre le choix de soumettre son nom au droit national et la demande de porter le nom de la femme comme nom de famille103.

Si la Cour n’a pas manqué de rappeler que le Tribunal fédéral avait expressément constaté que les dispositions litigieuses étaient contraires au principe de l’égalité de traitement entre les sexes, elle n’a accordé que peu de considération aux explications avancées par celui-ci selon lesquelles le Parlement fédéral avait rejeté, le 22 juin 2001, une révision qui avait pour but de rendre le droit du nom conforme à la Constitution et que cette dernière l’empêchait d’introduire, à teneur de son l’article 191, des modifications du droit du nom qui avaient été refusées par le législateur104. Cela étant, la Cour a considéré que ces événements n’excluaient

100 CYRIL HEGNAUER, in : Neue Zürcher Zeitung, édition du 14 avril 2009, p. 11.

101 ACEDH Losonci Rose et Rose c. Suisse, du 9 novembre 2010, 664/06. Pour un commentaire de cet arrêt, voir CARINE BRIÈRE, « Les couples binationaux et le choix du nom de famille », in : Recueil Dalloz, 17 mars 2011, p. 804 ss.

102 ACEDH Losonci Rose et Rose c. Suisse, du 9 novembre 2010, 664/06, § 43.

103 Arrêt du Tribunal fédéral du 25 mai 2005, 5A.4/2005, consid. 2.1, 3.2.1 ; ACEDH Losonci Rose et Rose c. Suisse, du 9 novembre 2010, 664/06, § 43.

104 ACEDH Losonci Rose et Rose c. Suisse, du 9 novembre 2010, 664/06, § 50.

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pas la responsabilité internationale de la Suisse au titre de la Convention et a, dès lors, conclu que le régime en vigueur, relatif au nom de famille, engendrait une discrimination entre les couples binationaux, selon que c’était l’homme ou la femme qui possédait la nationalité suisse105.

La Cour n’hésita d’ailleurs pas à rappeler ce qu’elle avait déjà exposé dans l’arrêt Tekeli, soit qu’un consensus se dessinait au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe quant au choix du nom de famille des époux sur un pied égalité et que, à l’échelle internationale, les développements au sein des Nations Unies quant à l’égalité des sexes se dirigeaient dans ce domaine spécifique vers la reconnaissance du droit pour chaque conjoint de conserver l’usage de son nom de famille original ou de participer sur un pied d’égalité au choix d’un nouveau nom de famille106.

2. L’initiative parlementaire Suzanne Leutenegger Oberholzer (suite et fin)

Conformément au mandat qui lui avait été attribué, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a rendu, le 27 août 2009, un projet de nouvelle réglementation qui, selon la décision du Conseil national du 11 mars 2009, contient « les modifications rendues absolument nécessaires par l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 22 février 1994 dans la cause Burghartz contre Suisse »107. Puisque ce projet « ne fait que reprendre dans le Code civil (art. 160, al. 2) la règle se trouvant actuellement à l’art. 12, al. 1, 2e phrase, OEC »108, il ne garantit pas une égalité complète entre époux109.

Si le Conseil fédéral a renoncé à prendre position sur ce projet110, se contentant de renvoyer à son avis du 12 décembre 2008111, il n’a pas manqué de rappeler lors des premiers débats devant le Conseil national, se référant à l’arrêt Tekeli c.

Turquie, que la jurisprudence de la Cour n’admet pas que le principe de l’unité de la famille implique un nom de famille commun. Il a par ailleurs précisé que, si la

105 ACEDH Losonci Rose et Rose c. Suisse, du 9 novembre 2010, 664/06, § 50, 53.

106 ACEDH Losonci Rose et Rose c. Suisse, du 9 novembre 2010, 664/06, § 47.

107 Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, du 27 août 2009, relatif à l’initiative parlementaire Nom et droit de cité des époux. Egalité, FF 2009 6848.

108 Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, du 27 août 2009, relatif à l’initiative parlementaire Nom et droit de cité des époux. Egalité, FF 2009 6847.

109 Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, du 27 août 2009, relatif à l’initiative parlementaire Nom et droit de cité des époux. Egalité, FF 2009 6848.

110 Avis du Conseil fédéral du 14 octobre 2009 relatif au Rapport du 27 août 2009 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national concernant l’initiative parlementaire Nom et droit de cité des époux. Egalité, FF 2009 6843.

111 Avis du Conseil fédéral du 12 décembre 2008 relatif au Rapport du 22 août 2008 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national concernant l’initiative parlementaire Nom et droit de cité des époux. Egalité, FF 2008 390.

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