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Les fondements juridiques des prestations de sécurité sociale en droit international, européen et national : utilité, solidité, limites

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Les fondements juridiques des prestations de sécurité sociale en droit international, européen et national : utilité, solidité, limites

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. Les fondements juridiques des prestations de sécurité sociale en droit international, européen et national : utilité, solidité, limites. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, 2004, no. 32, p. 77-110

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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43764

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE No 32-2004 AUTRES ÉTUDES

77 P.-Y. GREBER

LES FONDEMENTS JURIDIQUES DES PRESTATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE EN DROIT INTERNATIONAL, EUROPÉEN ET NATIONAL

Utilité, solidité, limites*

Pierre-Yves GREBER

Professeur de droit de la sécurité sociale Université de Genève

1. INTRODUCTION ... 1

2. ÉTABLIR DES DROITS À LA SÉCURITÉ SOCIALE DANS UN MONDE CARACTÉRISÉ PAR L'INSÉCURITÉ ... 4

2.1. Sécurité et insécurité ... 4

2.2. Le droit de la sécurité sociale : entre garanties de protection et changements ... 9

3. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DES PRESTATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE EN DROIT INTERNATIONAL ... 12

3.1 La perspective choisie ... 12

3.2 Les textes constitutifs ou de compétences ... 16

3.3 Les textes de principes ... 24

3.4 Les textes visant un rapprochement des systèmes ou des politiques de sécurité sociale ... 33

3.5 Les instruments de coordination ... 48

3.6 Brève conclusion intermédiaire ... 61

4. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DES PRESTATIONS DE

*

SÉCURITÉ SOCIALE DANS LES DROITS NATIONAUX ... 62

4.1 La perspective choisie ... 62

4.2 Des normes contenues dans la Constitution d'un Etat.. ... 63

4.3 Des normes contenues dans des lois ... 70

4.4 Brève conclusion ... 82

Rapport établi à la demande de l'Association internationale de la sécurité sociale. Pour son projet «L'Initiative de l' AISS. Thème 2 : Droit à la protection sociale. Secteur 1 : Droits sociaux fondamentaux et droits aux prestations de sécurité sociale». Juin 2003.

Publié dans les CGSS avec l'autorisation de l' AISS.

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1. INTRODUCTION

1. L'Association internationale de la sécurité sociale a lancé à Rome, en décembre 1999, «l'Initiative de l'AISS ».C'est un projet d'envergure mondiale, qui a vocation à contribuer aux débats sur la sécurité sociale en produisant des informations et des idées largement accessibles. Cinq thèmes ont été définis : évaluer l'exclusion, droits à la pro- tection sociale, évolution à long terme des droits à prestations, consensus sur un niveau convenable de sécurité sociale, garantie des droits offerts par les régimes privés de pro- tection sociale. La présente étude s'inscrit dans le thème 2-Droits à la protection so- ciale. Celui-ci a lui-même été découpé en cinq secteurs : comparaison des droits sociaux fondamentaux et des droits aux prestations de sécurité sociale, influence des normes internationales sur la sécurité individuelle, notion de droits acquis et son interprétation, recours judiciaires et extrajudiciaires, accès aux droits. C'est le premier secteur portant sur les droits sociaux fondamentaux et les droits aux prestations de sécurité sociale qui est abordé ici. Comme l'auteur n'est pas un spécialiste de droit constitutionnel, mais un généraliste en droit de la sécurité sociale, la problématique des droits sociaux fonda- mentaux ne sera pas approfondie pour elle-même. Il s'agira plutôt de tracer un fil rouge relatif au droit à la sécurité sociale, d'analyser les droits aux prestations.

2. La question étudiée dans le présent rapport sera celle de la valeur, de la solidi- té de différents types de normes de droit international et de droit national. La pro- tection garantie par les systèmes de sécurité sociale peut reposer sur un ensemble très diversifié de règles. Certaines sont très générales, voire symboliques; d'autres ont pour vocation de guider, d'inspirer les Etats; d'autres de relier des systèmes lorsque les si- tuations excèdent le territoire d'un pays- c'est le champ couvert par le droit internatio- nal et le droit européen. Sur le plan des Etats, la diversité n'est pas moindre : la sécurité sociale trouve un ancrage, plus ou moins explicite, dans les constitutions nationales ; la matière est réglée plus concrètement dans les lois, dans les actes pris par les gouverne- ments, les arrêts des tribunaux ; parfois, les institutions ont une certaine autonomie ; la protection peut trouver aussi sa base dans des conventions collectives, dans des régimes d'entreprises (au-delà se situent les protections individuelles). Se poser la question des droits à la protection sociale implique ainsi de considérer un vaste ensemble de nor- mes, dont le tout a certainement une cohérence, mais dont les différentes pièces sont conçues, façonnées par des acteurs qui ne sont pas les mêmes ; les qualités et les limites varient d'un type de norme à un autre.

3. Le présent rapport devrait permettre de s'interroger sur deux aspects, d'ailleurs liés:

cet ensemble normatif, international comme national a-t-il un sens, une uti- lité? Représente-t-il une base sérieuse permettant la garantie d'une sécurité ef- fective aux populations?

cet ensemble normatif est-il vraiment solide, ou au contraire fragile ?

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2. ÉTABLIR DES DROITS À LA SÉCURITÉ SOCIALE DANS UN MONDE CARACTÉRISÉ PAR L'INSÉCURITÉ

2.1 Sécurité et insécurité

4. Peut-être faut-il rappeler une évidence, une situation paradoxale ? Chaque être humain ressent un besoin de sécurité, pour lui-même et ses proches. Il sait que l'exis- tence comporte des risques (atteintes à la santé, invalidité, chômage, incapacité de tra- vailler due.à l'âge, décès du soutien de famille) et des situations positives mais qui né- cessitent un soutien (maternité, retraite, charges familiales). L'individu sait aussi que, par exemple, la technique de l'assurance permet de répartir ces risques sur une cer- taine population. Paul DURAND, dans son magistral ouvrage sur « la politique con- temporaine de sécurité sociale», observe que: «L'expérience a révélé l'étendue et la gravité des risques rencontrés par l'individu au cours de sa vie. Le progrès des techni- ques a permis d'allier l'acceptation des risques et la garantie d'une sécurité : bien rares sont devenus les risques insusceptibles d'assurance.» (DURAND 1953, p. 12).

5. Les attentes en matière de sécurité marquent, selon Paul DURAND, le xx_e siècle. Ceci à cause de plusieurs facteurs : le vieillissement de la population, les pertes dues aux deux Guerres mondiales, la grande crise économique de 1929 ; il « semble sur- tout que les membres des sociétés modernes soient moins aptes à supporter les risques de la vie sociale.» (DURAND 1953, p. 12). Le XXIe siècle se situe certainement dans la même perspective: la vie humaine continue de s'allonger (sauf dans certains Etats marqués par la misère, le sida ou une transition économique très difficile), la médecine est performante (son accès demeure cependant très inégal), les familles sont plus fragi- les, les familles monoparentales progressent1, le chômage et le sous-emploi sont impor- tants2, les travaux atypiques s'accroissene.

6. Beaucoup d'attentes en matière de sécurité ne sont pas du tout satisfaites:

«De nos jours, la sécurité sociale doit faire face, à l'échelle mondiale, à un problème- clé : plus de la moitié de la population mondiale (travailleurs et personnes à leur charge) n'a aucun accès à une quelconque forme de protection sociale. Elle n'est couverte ni par

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Le Conseil de l'Europe a adopté il y a quelques années un instrument à leur sujet, rele- vant un stress psychologique particulier et la nécessité d'une protection spécifique.

CONSEIL DE L'EUROPE, COMITÉ DES MINISTRES : Recommandation N° R (97) 4 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les moyens d'assurer et de promou- voir la santé de la famille monoparentale. Adoptée le 13 février 1997.

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : Rapport sur le travail dans le monde 2000. Sécurité du revenu et protection sociale dans un monde en mutation. BIT. Genève 2000.p.43.

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE: Sécurité sociale et mutations du monde du travail. Série européenne, N° 28. AISS. Genève 2002. -Mu- tations du marché du travail et protection sociale dans une perspective internationale.

Voies parallèles ou convergentes? Hedva Sarfati!Giuliano Bonoli (éds). Peter Lang.

Bem2002.

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un régime d'assurance sociale financé par des cotisations, ni par un système d'assistan- ce sociale financée par l'impôt »4Le Bureau international du Travail a souligné l'im- portance cruciale de ce problème5 et la Conférence internationale du Travail a conclu que: «Priorité absolue doit être donnée à la conception de politiques et d'initiatives propres à faire bénéficier de la sécurité sociale ceux qui ne sont pas couverts par les sys- tèmes en vigueur »6En parallèle, l'intérêt des pays émergents et en développement pour la sécurité sociale croît ; ils sont demandeurs d'expertises, d'échanges, de dialo- gues, de soutiens : pour 1' auteur de ces lignes, c'est un élément fort qui a caractérisé les trois dernières Assemblées générales de l' AISS, à Nusa Dua (1995), Marrakech (1998) et Stockholm (2001).

7. Il y a donc un besoin de sécurité, une capacité technique d'y répondre, des at- tentes qui caractérisent le xx:e siècle et ce début du XX:Ie siècle, une tâche immense d'extension de la protection aux exclus, ceci d'un côté et, de l'autre, le rappel «tout simple» que l'incertitude demeure la caractéristique fondamentale du futur. Dans quelle situation seront nos sociétés, nos économies dans dix, vingt ou cinquante ans ? Le problème peut être envisagé sous divers angles et avec la conjugaison des meilleures analyses, le paradoxe demeure : comment garantir la sécurité, sous certains aspects (cf.

les pensions) à long terme, dans un avenir par définition incertain (AISS 1995; GRE- BERIKAHIL-WOLFF 2003, p. 21)?

8. Ce paradoxe accompagne la sécurité sociale depuis son origine (DUPEY- ROUXIBORGETTO!LAFORE/RUELLAN, pp. 13 sv.). Les systèmes de protection ont toujours dû garantir la sécurité d'existence et 1' accès aux soins de santé face à un futur incertain ou ouvert; ils ont donc toujours dû s'adapter aux conditions économiques, sociales et politiques. Sheila KAMERMAN relève que cette capacité d'adaptation a été l'un des points forts de la sécurité sociale (in AISS 1995, p. 10). Pourtant, depuis quel- ques années, cette adaptation est plus problématique: l'environnement de la sécurité sociale connaît des mutations plus profondes (cf. notamment les évolutions démographi- ques, économiques et politiques). Les débats sont vifs, nettement plus intenses, même parfois marqués par l'hostilité à l'égard de la sécurité sociale (HOSKINS 2001, p. 3f.

Pourtant celle-ci est indispensable (A. EUZÉBY 1997).

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Wouter van GINNEKEN: Venir à bout de l'exclusion sociale. In: BUREAU INTER- NATIONAL DU TRAVAIL : Sécurité sociale pour la majorité exclue. Etudes de cas dans les pays en développement. BIT. Genève 2000, pp. 1 sv. (p. 1).

Sécurité sociale : Questions, défis et perspectives. Rapport VI à la Conférence interna- tionale du Travail (89e session, 2001). In: BUREAU INTERNATIONAL DU TRA- VAIL: Sécurité sociale: un nouveau consensus. BIT. Genève 2002, pp. 35 sv. {pp. 63 sv.)

Résolution et Conclusions concernant la sécurité sociale, Conférence internationale du Travail, 89e Session 2001. In: Sécurité sociale: un nouveau consensus, cité à la note 5, pp. 1 sv. {p. 2, point 5).

Certains auteurs, parfois depuis des décennies, emploient les termes de « crise de la sé- curité sociale». Cf. p. ex. : Guy PERRIN: L'avenir de la protection sociale dans les pays industriels. Crises, défis et mutations des valeurs. Futuribles, N° 92-93, 1985, pp.

28 sv. -François EWALD : L'Etat-providence. Grasset. Paris 1986, p. ex. pp. 546-549.

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2.2 Le droit de la sécurité sociale : entre garanties de protection et changements 9. Le droit de la sécurité sociale et les systèmes mis en œuvre pour son application doivent ainsi :

protéger les populations, notamment quant à 1' accès aux soins de santé, à un revenu social de remplacement, à des garanties minimales de ressources en cas de besoin, à des mesures d'insertion ou de réinsertion8Comme le souligne Bemd SCHULTE, c'est une protection de l'existant, le devoir de garantir aux personnes concernées qu'elles recevront les prestations promises, même dans des conditions modifiées et cela particulièrement si ces prestations sont liées à des contributions (SCHULTE 1988, p. 180) ;

s'adapter aux défiS économiques, sociaux, politiques, technologiques (SCHUL TE 1988, p. 180 ; DUPEYROUXIBORGETTOILAFORE/RUELLAN 2001, pp. 69-189), marcher de paire avec les changements de la société et de l'économie; Eberhard EICHENHOFER remarque que cela pose la question de la confiance à l'égard de la sécurité sociale, spécialement pour des dispositifs à long terme (EICHENHOFER 2000, p. 237).

10. Et la sécurité sociale n'a pas le choix: si elle réfutait toute adaptation à la réa- lité, elle ne manquerait pas de s'écrouler (PLOUG/KVIST 1996, pp. 7-8); dans le pas- sé, les adaptations ont apporté de nombreuses améliorations aux bénéficiaires et il n'est pas certain qu'à l'avenir les prestations perdront leur valeur (EICHENHOFER 2000, p.

249).

11. Tous les systèmes de sécurité sociale reposent sur le droit relève à juste titre EICHENHOFER. Donc les modifications seront aussi apportées par des normes juridi- ques, le droit devant assumer le double rôle de soutenir les changements tout en sauve- gardant les valeurs sociales lors de ce processus (EICHENHOFER 2000, p. 249). Cet auteur expose: que le droit interdit les approches simplistes, déséquilibrées; qu'il ne doit pas empêcher les réformes de la protection sociale; que la reconnaissance d'un droit individuel implique l'équité, l'honnêteté (faimess); qu'idéalement, le droit doit garantir que 1' équité prévale dans la répartition des charges et des prestations au sein d'un système de protection sociale (EICHENHOFER 2000, pp. 249-250).

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- PLOUG/K.VIST 1996, pp. 26 sv.- Pierre ROSANV ALLON : La crise de l'Etat-pro- vidence. Seuil. Paris 1992.

COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE. Recommandation du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale (92/442/CEE).

Journal officiel des Communautés européennes, 26 août 1992, N° L 245/49. C'est à mon avis le texte qui exprime le mieux les fonctions des systèmes contemporains de sé- curité sociale. Il trouve une inspiration dans la doctrine, chez Guy PERRIN : Rationali- sation et humanisation, deux objectifs prioritaires pour une réforme de la sécurité so- ciale. Travail et Société, vol. 6, N° 4, octobre-décembre 1981, pp. 409 sv. Publié égale- ment dans: Emploi et politique sociale. Réalités sociales. Lausanne 1982, pp. 255 sv.

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3. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DES PRESTATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE EN DROIT INTERNATIONAL

3.1 La perspective choisie

12. Nous aimerions évaluer la portée et la solidité des fondements juridiques des prestations de sécurité sociale. Il convient de commencer par le droit international, en y ajoutant des éléments de droit européen. Ce droit a-t-il un sens, une utilité? est-il solide ou fragile ?

13. Le parcours suivi va consister à examiner de manière succincte quatre sortes d'instruments de droit international et européen, dont les fonctions sont distinctes et complémentaires :

les textes constitutifs ou de compétence, les textes de principes,

les textes visant au rapprochement des politiques et des systèmes,

les textes visant à coordonner les systèmes parce qu'il y a présence d'éléments excédant le droit d'un Etaë.

14. Cette démarche suppose deux réserves, dont la première ne vise que le droit in- ternational, la seconde également le droit européen10Tout d'abord, le droit internatio- nal ne peut pas imposer des règles aux Etats. Il peut- doit- avoir l'ambition d'être une source de références, un guide. Mais il lui faut chercher à convaincre : le « maxi- mum» de normes qu'il puisse produire pourra l'être sous forme de conventions interna- tionales, lesquelles ne lieront juridiquement que les Etats qui les auront ratifiées. Sou- vent, les instruments n'ont pas d'effet obligatoire possible, étant adoptés sous forme de recommandations, de déclarations (V AL TI COS/von POTOBSKY 1995). Deuxième- ment, l'adoption de normes juridiques prend du temps. Or, les évolutions sur les ter- rains politique, économique ou social peuvent être rapides : il y a donc un risque inévi- table - qui évidemment ne concerne pas que la sécurité sociale -, celui que le droit soit en retard sur l'actualité.

15. A juste titre, Eberhard EICHENHOFER (2000, p. 38) s'interroge: dans quelle mesure le droit international peut-il sauvegarder une stabilité, des attentes, alors qu'il y a réforme de la sécurité sociale? Dans le prolongement de cette question, l'on

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L'ouvrage le plus magistral demeure celui de Guy PERRIN: Histoire du droit interna- tional de la sécurité sociale (1993), cité dans les références; étude à la fois historique et portant sur l'analyse de ce droit.

Dans cette étude, le droit européen est entendu au sens de droit communautaire. En effet, les instruments adoptés par le Conseil de 1 'Europe relèvent du droit international classique; le Conseil de l'Europe ne bénéficie pas des compétences de la Conununauté européenne, singulièrement de la possibilité d'adopter des instruments du type de la di- rective (art. 249 § 3 TCE) et du règlement (art. 249 § 2 TCE). Voir p. ex.: BURBAN (1996), ISAAC (1999), et RODIÈRE (2002), cités dans les références.

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peut risquer une deuxième: n'est-il pas utile, en matière de sécurité sociale, d'avoir un droit international qui ne se réforme que lentement, qui indique une série de finalités, de principes ? Un ensemble ;uridique qui gardera~t le cap surtout si « la sécurité so- ciale (est) dans la tempête »1 Jean-Pierre FRAGNIERE recommande de privilégier le sens de la durée, de se méfier de ceux qui tirent « les ficelles de la peur », de se garder des réductions trompeuses pour répondre à la complexité ; il suggère la transparence et la vision globale12Le droit international a certainement ~uelque chose à apporter, des garanties à fournir, dans un monde en mutations rapides1 Et comme il est par défini- tion plus abstrait ou théorique qu'un droit nationa11 , peut-il se permettre une évolution plus calme, dans la durée, distinguant le structurel du conjoncturel15 ?

3.2 Les textes constitutifs ou de compétences

16. L'Organisation des Nations Unies, l'Organisation internationale du Travail, le Conseil de l'Europe, la Communauté européenne ont adoRté et continuent d'adopter des instruments juridiques relatifs à la sécurité sociale 6Il leur faut pour cela une base, que l'on peut appeler texte constitutif ou de compétence. En effet, l'Organisation est créée par un texte fondateur, un acte constitutif, qui «organise ici la pérennité de la coopération. ( ... ) A raison de son objet, qui détermine évidemment son contenu, il est aussi un acte singulier, puisqu'il crée une institution dotée de permanence et de compé- tences propres». (DUPUY 2002, p. 148).

17. La Charte des Nations Unies, adoptée le 26 juin 194517, se réfère dans son pré- ambu1e au progrès social, au recours « aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples». Parmi les buts des Nations Unies, inscrits à l'art. 1 de la Charte, figure la réalisation d'une coopération internationale en résolvant des problèmes internationaux d'ordre social. Le chapitre IX de la Charte est consacré à la coopération économique et sociale internationale. L'art~ 62 donne compé- tence au Conseil économique et social de faire ou de demander des études sur des ques-

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Jean-Pierre FRAGNIÈRE: La sécurité sociale dans la tempête. In: La sécurité sociale en Europe et en Suisse. Réalités sociales. Lausanne 1996, pp. 113 sv.

Idem, pp. 133-134.

Pierre-Yves GREBER: Les principes fondamentaux de la sécurité sociale dans un envi- ronnement en mutations. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 29-2002, pp. 19 sv.

Il n'a pas la responsabilité directe de faire fonctionner un système concret de sécurité sociale.

Notre monde évolue rapidement, change profondément (mondialisation, technologies, etc.), certes, mais il y a toujours présence de personnes atteintes dans leur santé, qui créent une famille, qui perdent un soutien ou un emploi, qui arrivent à la retraite ...

Ou plus généraux, mais incluant la sécurité sociale - une voie typique pour les Nations Unies.

« Par sa souplesse et par ses virtualités, la Charte peut être considérée comme une bon- ne constitution». Michel VIRALLY: L'Organisation mondiale. Armand Collin. Paris 1972, pp. 49-50.

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tions sociales, avec possibilité de préparer des projets de conventions qui seront alors adoptés par l'Assemblée générale. L'ONU est ainsi dotée- parmi d'autres- d'une com- pétence sociale générale, qu'elle va exercer en tenant compte de l'action des institu- tions spécialisées, singulièrement l'Organisation internationale du Travail (OIT) et l'Or- ganisation mondiale de la Santé (OMS). Jusqu'à présent, l'on peut estimer qu'il y a

«une distribution raisonnable de leurs rôles18 et une coordination efficace de leurs acti- vités, en laissant à l'OIT une compétence prédominante pour la sécurité sociale».

(PERRIN 1974, p. 487)19

18. La Constitution de l'Organisation internationale du Travail, adoptée en 1919 et qui a reçu en annexe la Déclaration de Philadelphie en 1946, évoque une série de pro- blèmes sociaux importants dans son préambule, de même que le lien entre la paix uni- verselle et la justice sociale, l'importance que toutes les nations progressent ensemble.

L'art. 1 de la Constitution de l'OIT donne mandat à l'Organisation «de travailler à la réalisation du programme exposé dans le préambule de la présente Constitution et dans la Déclaration concernant les buts et objectifs de l'Organisation internationale du Tra- vail qui a été adoptée à Philadelphie le 10 mai 1944 et dont le texte figure en annexe à la présente Constitution». Depuis 1946, la compétence de l'OIT, tout en comprenant tou- jours le domaine du travail, s'étend à la protection de tous les êtres humains; l'on peut également parler d'une compétence sociale générale. Cet élargissement permettra à l'OIT d'œuvrer dans le domaine de la sécurité sociale, allant jusqu'à l'universalité (pro- tection de l'ensemble de la population) dans quelques textes (BARTOLOMEI DE LA CRUZIEUZÉBY, p. 17; PERRIN 1993, pp. 116 sv., 228 sv.; VALTICOS/von PO- TOBSKY 1995, pp. 46-4 7).

19. Le Statut du Conseil de l'Europe, adopté le 5 mai 1949, se réfère dans son pré- ambule au progrès social. L'art. 1 donne mission à l'Organisation de favoriser le pro- grès social. Le texte n'est guère plus explicite. TI demande de ne pas porter préjudice à la participation des Etats membres aux activités notamment des Nations Unies. La com- pétence sociale est aussi ici générale, ouvrant la possibilité d'un large spectre d'acti- vités que le Conseil de l'Europe a d'ailleurs entreprises (BURBAN 1996, pp. 18 sv.;

NAGEL 1994, p. 14).

20. Le Traité instituant la Communauté européenne, adopté le 25 mars 1957, dans sa version en vigueur depuis le 1er février 2003 (modifié par le Traité de Nice), se réfère au progrès social dans son préambule, à un niveau de protection sociale élevé dans son article 2. L'action de la Communauté comprend une politique dans le domaine social (art. 3, lettre j). L'art. 4, qui porte sur l'union économique et monétaire, contient des principes directeurs et se réfère à une « économie de marché ouverte où la concur- rence est libre», sans faire aucune réserve pour la sécurité sociale (PINGEL-LENUZZA in LÉGER 2000, pp. 163 sv.). Et l'art. 5 § 2 pose le principe de subsidiarité, qui régule 1' exercice des compétences entre la Communauté et ses Etats membres (KAHIL 1996 ; LANGLOIS 1993; PINGEL-LENUZZA in LÉGER 2000, pp. 173 sv.; RODIÈRE

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19 Rôles de l'ONU, de l'OIT et de l'OMS.

L'observation de Guy PERRIN est toujours valable (2003).

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2002, pp. 45 sv.), dont l'interprétation n'est pas seulement juridique mais aussi politi- que. Au contraire des trois textes constitutifs précédents, il n'y a pas ici de compétence sociale générale au profit de la Communauté, mais des compétences délimitées. Deux articles jouent ici un rôle essentiel: l'art. 42 TCE, base de la coordination des systèmes de sécurité sociale (JÉSUS in LÉGER 2000, pp. 357 sv.); l'art. 137 TCE, rattaché à la politique sociale (JÉSUS in LÉGER 2000, p. 1166 - la disposition a été légèrement modifiée par le Traité de Nice, avec effet dès le 1er février 2003 ; RODIÈRE 2002, pp.

37-38), qui permet à la Communauté de soutenir et compléter l'action des Etats mem- bres, par exemple en matière de sécurité sociale.

21. Des quatre textes constitutifs examinés, la Constitution de l'OIT peut être consi- dérée comme la plus prometteuse pour la protection des populations, surtout si l'on rap- pelle deux de ses caractéristiques générales : le tripartisme (V AL TI COS/von PO- TOBSKY 1995, pp. 34 sv.) et l'art. 19 § 5, obligeant les Etats membres à soumettre- en principe dans un délai d'un an- toute convention adoptée par la Conférence à leur Parlement ~éventuellement à une autre autorité si les mesures à prendre ne sont pas lé- gislatives)2 . Mais, comme nous le verrons, les trois autres Organisations n'ont pas dé- mérité en matière de sécurité sociale. Toutes les quatre ont ~roduit du droit international ou européen qui améliore directemenr1 ou indirectement 2 la protection des popula- tions.

22. Il apparaît peu probable qu'un individu puisse tirer des droits - invocables de- vant une administration, une caisse ou un tribunal - directement des dispositions évo- quées23 de la Charte de l'ONU, de la Constitution de l'OIT ou du Statut du Conseil de 1 'Europe. La situation est en revanche différente à 1' égard de certaines dispositions du Traité instituant la Communauté européenne2\ qui ont une applicabilité directe (ISAAC 1999, pp. 171 sv.). Mais, même lorsque l'individu ne peut pas invoquer directement un article de ces différents traités, il en bénéficie indirectement : d'une part, l'Organisa- tion compétente produit des normes de sécurité sociale, qui vont inspirer, guider les Etats ou coordonner leurs systèmes ; d'autre part, les Etats membres vont, au moins partiellement25, faire évoluer le droit interne pour se conformer au droit international. A nouveau, la situation est différente dans la Communauté européenne, compte tenu des

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Cette disposition obligeant les gouvernements « constitue ( ... ) une innovation par rap- port aux règles du droit classique». Alexandre BERENSTEJN: Quelques aspects du droit international nouveau : les conventions internationales du travail. In : Mélanges Georges Sauser-Hall. Delachaux et Niestlé. Neuchâtel/Paris 1952, p. 53.

P. ex. les règlements communautaires N° 1408/71 et 574/72 en matière de coordination.

Parce que les législateurs nationaux ont concrétisé les règles internationales.

Voir ci-dessus les N° 17-19.

P. ex. le principe de la libre circulation des travailleurs (art. 39 § 2 TCE) est jugé par la Cour comme directement applicable ; les ressortissants des Etats membres peuvent le faire valoir devant les tribunaux (JÉSUS in LÉGER 2000, p. 332, avec références à la jurisprudence).

Ils peuvent être plus ou moins dynamiques en matière de ratifications de conventions, plus ou moins engagés dans l'application effective des conventions.

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effets obligatoires des règlements (véritables lois européennes) et des directives (buts à atteindre par les Etats, dans un délai prescrit).

23. Les textes constitutifs évoqués, qui créent des Organisations internationales (ONU, OIT, Conseil de l'Europe) et une Communauté européenne, qui leur confèrent certaines compétences en matière de sécurité sociale26, ne se modifient pas facilement, sur le plan juridique comme politique (nécessité d'un consensus). Ces textes peuvent donc être considérés comme solides.

3.3 Les textes de principes

24. Une fois qu'une Organisation a une compétence en matière de sécurité sociale, elle peut adopter un ou des textes de principes, pour reprendre la formulation de Guy PERRIN (PERRIN 1974). Appellation sous laquelle «sont réunis les chartes, déclara- tions, proclamations et pactes internationaux qui ont promu la sécurité sociale au rang d'un droit social fondamental». (PERRIN 1974, p. 479). Ces textes ne sont pas indis- pensables sur le plan juridique : une Organisation internationale, la Communauté eu- ropéenne, peuvent travailler sans eux (c'est le texte constitutif qui donne les compéten- ces) et il est rare qu'un individu puisse en tirer directement des droits à faire valoir devant une administration, une caisse ou un tribunal.

25. Est-ce à dire que ces textes de principes sont inutiles? Une telle conclusion serait à mon avis fausse. En effet, les textes de principes éclairent notre domaine d'étu- de : ils reconnaissent le droit à la sécurité sociale sans discrimination. Certes, ils le font sur un plan symbolique ou théorique. Mais cela a le mérite de guider l'activité des Organisations comme des Etats, de montrer le chemin à parcourir, d'inspirer les acteurs sociaux.

26. Prenons l'exemple le plus frappant: les Nations Unies, qui ont été le plus loin dans les textes de principes, reconnaissent le droit de chaque être humain à la sécuri- té sociale, en tant que membre de la société27, sans discrimination aucune (Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948, art. 22 et 25; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966, art. 9). Cette reconnaissance, fondée sur la dignité humaine, est-elle assurée dans les faits ? Dans son excellent Rapport VI à la Conférence internationale du Travail (89e session, 2001), intitulé «Sécurité sociale:

Questions, défis et perspectives »28, le Bureau international du Travail donne la ré- ponse : « L'un des plus grands problèmes en matière de sécurité sociale aujourd'hui est que plus de la moitié de la population mondiale (à savoir, des travailleurs et des person- nes à leur charge) n'a accès à aucune forme de protection sociale et ne bénéficie par conséquent ni d'un système de sécurité sociale fmancé par des cotisations, ni de presta-

26 27

28

Voir ci-dessus les N° 17-20.

Donc quel que soit son statut professionnel et également si l'individu n'exerce aucune activité rémunérée.

Voir la note 5.

(12)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE N° 32-2004 AUTRES ÉTUDES

87 P.-Y. GREBER

tions sociales financées par l'impôt, tandis qu'une proportion non négligeable de ceux qui sont couverts ne sont protégés que contre quelques risques. En Afrique subsaharien- ne et en Asie du Sud, on estime que 5 à 10 pour cent seulement de la population active sont couverts par le régime légal de sécurité sociale et que dans certains cas ce taux est même en baisse. En Amérique latine, les taux s'étagent entre 1 0 et 80 pour cent et ne donnent dans la plupart des cas aucun signe d'évolution. En Asie du Sud-Est et de l'Est, les taux varient entre 10 et près de 100 pour cent et, jusqu'à une date récente, étaient dans de nombreux cas en hausse. Dans la plupart des pays industrialisés, le taux de cou- verture est proche de 100 pour cent, mais dans un certain nombre de pays, notamment parmi ceux en transition, 1' observation des obligations en matière de sécurité sociale a décliné ces dernières années» (p. 37). Est-il concevable de répondre a ce formidable défi des exclus de la protection sociale ? La Rapport mondial sur le développement hu- main de 1998 nous renseigne à son tour : « Les ressources mondiales sont plus que suf-R fisantes pour accélérer les progrès dans le développement humain pour tous et éradiquer de la planète les formes les plus extrêmes de la pauvreté. Progresser dans le développe- ment humain n'est pas hors de portée. On estime ainsi que l'investissement annuel total nécessaire pour garantir un accès universel aux services sociaux de base serait de l'ordre de 40 milliards de dollars, soit 0,1 % du revenu mondial : à peine plus qu'une erreur d'arrondi. Ce montant suffirait à financer l'éducation de base, la santé, la nutrition, les soins génésiques, le planning familial et l'accès à l'eau potable et à l'assainissement pour tous. ( ... ) Malgré les difficultés et les reculs, accélérer les progrès dans le déve- loppement humain et éradiquer les formes les plus extrêmes de la pauvreté humaine sont des défis à notre portée. Nous savons ce qu'il faut faire et le monde dispose des moyens pour y parvenir. Le succès dépend désormais de notre capacité à renforcer les partenariats, à susciter un élan politique en faveur des réformes, à prendre des engage- ments fermes, et à agir concrètement »29.

27. Le contraste entre le texte de principe et la réalité est saisissant. Les deux sont très généralement connus. Et l'on s'est mis au travail: tant l'Organisation internationale du Travaie0 que l'Association internationale de la sécurité sociale31 reconnaissent l'im- portance et l'urgence de la question. Les deux ont besoin du soutien ferme des acteurs sociaux car le défi est gigantesque.

28. C'est l'exemple le plus frappant qui montre la force essentiellement symboli- que - la Déclaration universelle des droits de 1 'homme n'a pas d'effet juridique obliga- toire; le Pacte est ouvert aux ratifications mais sa formulation de l'art. 9 est très géné- rale32 - des textes de principes et ce qui pourrait ou pourra en résulter pour la protection sociale des populations.

29

30 31 32

Rapport mondial sur le développement humain 1998. Publié pour le Programme des Na- tions Unies pour le développement (PNUD) par Economica. Paris 1998, p. 41.

Voir ci-dessus le N° 6.

Voir ci-dessus le N° 1 :le premier thème de l'Initiative AISS porte sur l'exclusion.

«Article 9. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales ».

(13)

29. Sous la dénomination de textes de principes toute une série d'autres textes pourraient être évoqués :

pour les Nations Unies: la Convention internationale relative aux droits de l'en- fant (1989), la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965), la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (1979);

pour l'Organisation internationale du Travail: la Déclaration concernant les buts et objectifs de l'Organisation internationale du Travail (1946) (incluse dans la Constitution depuis 1946i3 ;

pour le Conseil de l'Europe: la Charte sociale européenne (1961), la Charte so- ciale européenne révisée (1996); également, même si le texte est en général éloigné de la sécurité sociale : la Convention européenne des droits de l'homme (1950) et son Protocole N° 1 (1952) ;

pour l'Union européenne : la Charte communautaire des droits sociaux fonda- mentaux des travailleurs (1989), la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne(2000);

pour l'Organisation de l'Unité africaine, devenue l'Union africaine (en 2002): la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981);

pour l'Organisation des Etats américains: la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme (1948), le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant des droits économiques, sociaux et cultu- rels (1988).

30. Ces textes ne sont pas spécifiques à la sécurité sociale: leur portée est beau- coup plus large ; mais tous contiennent des normes concernant la sécurité sociale et jouent, pour celle-ci, le rôle de textes de principes.

31. Sans pouvoir se livrer ici à un tour d'horizon systématique de ces textes de prin- cipes, relevons quelques points significatifs :

a)

33

A propos de la Déclaration universelle des droits de l'homme, Alexandre BERENSTEIN relève ceci: «Les auteurs de la déclaration savaient bien qu'il n'était pas possible, par l'adoption de principes juridiques, de changer la situa- tion des déshérités de ce monde comme par un coup de baguette magique. Les différents Etats ne sont d'ailleurs pas en mesure, sans égard à leur situation éco- nomique respective, de créer du jour au lendemain une législation en matière de droit du travail, de sécurité sociale et d'institutions éducatives qui puisse répon- dre aux exigences modernes. C'est pourquoi la déclaration laisse entendre d'une part que des résultats concrets ne pourront intervenir, dans bien des pays, que grâce à la coopération internationale, et d'autre part que les mesures que l'on de- vra prendre dans les différents domaines mentionnés sont conditionnées par la situation économique de chaque pays, son organisation et ses ressources. » (BERENSTEIN 1982, p. 323);

Voir ci-dessus le N° 18.

(14)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE N° 32-2004 AUTRES ÉTUDES

89 P.-Y. GREBER

b)

c)

d)

34 35

36

Cet auteur remarque également que la Déclaration« n'a pas été incorporée à une constitution ou à un autre acte ayant une valeur juridique propre». (BEREN- STEIN 1982, p. 323 in fine);

La portée du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels va dépendre de la manière selon laquelle cet instrument est accueilli dans un Etat, singulièrement par les tribunaux de ce dernier. Une étude compara- tive serait intéressante à ce sujet. En ce qui concerne la Suisse, Michel HOTTE- LIER note que le Pacte n'occupe qu'une place très modeste: les autorités sont d'avis que la protection qu'il apporte est sensiblement inférieure à celle des ins- truments européens correspondants et le Tribunal fédéral refuse quasiment sys- tématiquement d'entrer en matière sur des recours alléguant sa vioîation, jugeant que les droits qu'il contient sont dépourvus d'effet direct, ceci valant pour l'art.

9 du Pacte sur la sécurité sociale. Cet auteur note que la position du Tribunal fé- déral est faiblement motivée, qu'elle est critiquée par la doctrine suisse et qu'elle fait totalement abstraction des observations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (HOTTELIER 2001, pp. 19-21);

La portée de la Charte sociale européenne est celle d'un engagement de carac- tère international pour les Etats qui l'ont ratifiée; ceux-ci doivent donc s'effor- cer d'en observer les dispositions qui les lien~4• Alexandre BERENSTEIN sou- ligne que: «La Charte sociale européenne n'impose pas aux Etats liés par elle l'obligation de la considérer comme étant directement applicable dans l'ordre ju- ridique interne. Certes, beaucoup de dispositions de la Charte appellent une légi- slation spéciale et ne peuvent dès lors pas être directement applicables. » (BERENSTEIN 1982, p. 432). Cette remarque vaut tout à fait pour l'art. 12 con- sacré à la sécurité sociale et dont la teneur est générale ;

La Cour européenne des droits de l'homme (arrêt Gaygusuz c/Autriche, 39/1995/545/631, 16 septembre 1996) a appliqué l'art. 14 de la Convention35 en combinaison avec 1' art. 1 du Protocole N° 136 à la sécurité sociale. Il s'agissait d'une allocation d'urgence accordée aux personnes ayant épuisé leurs droits aux allocations de chômage et satisfaisant à certaines conditions légales ; le paiement de cotisations à la caisse d'assurance-chômage représentait une condition préa- lable au versement des allocations. Le requérant satisfaisait à toutes les condi-

Une ratification partielle de la Charte est possible.

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la ( ... ) Convention doit être assu- rée, sans distinction aucune, fondée notamment sur ( ... ) l'origine nationale ( ... ) » (ces coupures sont opérées dans 1' arrêt même).

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi ou les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes».

(15)

ti ons, mais il n'avait pas la nationalité de 1 'Etat compétent. La Cour a jugé que

«la différence de traitement entre Autrichiens et étrangers quant à l'attribution de l'allocation d'urgence, dont a été victime M. Gaygusuz, ne repose sur aucune justification objective et raisonnable. ( ... ) Partant, il y a eu méconnaissance de 1' art. 14 de la Convention combiné avec 1' art. 1 du Protocole N° 1. » Ainsi, comme le relève Eberhard EICHENHOFER (200 1, p. 242), une prestation sous condition de ressources, versée par une institution d'assurance sociale et finan- cée par des cotisations d'assurance sociale a la qualité de propriété protégée par le Protocole N° 1 et ne peut pas faire l'objet de discrimination fondée sur la na- tionalité.

32. Ces éléments montrent que les textes de principes ne sont pas dénués d'im- portance pour la protection des populations. Ils « agissent » en général indirectement pour celle-ci, puisque les résultats viendront par d'autres textes, produits par les Organi- sations internationales ou (et surtout) par les Etats. Ceux-ci sont incités à légiférer:

peut-être ne le feraient-ils pas, ou différemment, en l'absence de textes de principes. De plus, des cas d'applicabilité directe existent. A leur manière, ces textes présentent une certaine solidité, d'autant que leur caractère solennel devrait les mettre à l'abri de révi- sions réductrices ou hâtives.

3.4 Les textes visant un rapprochement des systèmes ou des politiques de sécu- rité sociale

33. Ce domaine est encore plus vaste que le précédant et ne pourra faire l'objet que de brefs rappels et de quelques observations. L'Organisation internationale du Tra- vail et le Conseil de l'Europe déploient depuis des décennies une activité normative tendant au rapprochement des systèmes nationaux. A l'origine, l'OIT a tout d'abord participé à la naissance, à l'émergence même de la sécurité sociale, en adoptant trois textes remarquables et bien connus :

la Recommandation OIT N° 67 concernant la garantie des moyens d'existence (1944),

la Recommandation OIT N° 69 concernant les soins médicaux (1944),

la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952).

34. Sur la base de la Convention OIT N° 102, la Conférence internationale du Tra- vail a adopté, de 1952 à 2000, une série de conventions qui ont amélioré la norme mi- nimum; ce deuxième étage normatif est lui-même complété, de façon parallèle, par une série de recommandations, ces dernières précisant certains points, parfois amélio- rant la protection. C'est une manière souple de procéder, qui tient compte de la situation économique et sociale des Etats. Ainsi, la ratification - même partielle - de la Conven- tion OIT N° 102 représente un objectif exigeant pour un pays en développement, alors que les pays ayant des ressources plus développées peuvent s'intéresser aux normes su- périeures.

(16)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE No 32-2004 AUTRES ÉTUDES

91 P.-Y. GREBER

35. La Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité socia- le couvre les neuf éventualités (devenues «classiques» grâce à cet instrument) soins médicaux, indemnités de maladie, maternité, accidents du travail et maladies profes- sionnelles, vieillesse, survivants, invalidité, chômage, charges familiales.

36. L'amélioration de la norme minimum est effectuée par éventualité ou groupe d'éventualités, par:

la Convention OIT N° 130 concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie (1969) et la Recommandation OIT N° 134 (même titre, même date d'adoption),

la Convention OIT N° 183 sur la protection de la maternité (2000) et la Recom- mandation OIT N° 191,

la Convention OIT N° 121 concernant les prestations en cas d'accidents du tra- vail et de maladies professionnelles (1964) et la Recommandation OIT N° 121, la Convention OIT N° 128 concernant les prestations d'invalidité, de vieillesse et de survivants (1967) et la Recommandation OIT N° 131,

la Convention OIT N° 168 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (1988) et la Recommandation OIT N° 176.

3 7. Ces textes sont intéressants et utiles. Pour guider les Etats, les inciter à dévelop- per progressivement leurs systèmes de sécurité sociale, ils se concentrent sur des points essentiels37 :

37

la Convention OIT N° 102 décrit le champ de la sécurité sociale d'une manière globale (neuf éventualités) alors que les instruments d'avant 1939 procédaient de manière sectorielle (par risque ou par groupe de population). Elle définit une norme minimale, but ou départ selon la situation socio-économique des Etats ; le champ d'application personnel est défini par rapport aux salariés, à la popu- lation économiquement active ou aux résidents, cela pour tenir compte de la di- versité des systèmes et régimes nationaux. Dans les différentes variantes, les ins- truments fixent des pourcentages minima à atteindre par les Etats ;

le champ d'application matériel, soit la définition des éventualités, est décrit de manière large ;

les prestations en nature font l'objet d'un descriptif;

les prestations en espèces sont exprimées en pourcentage du revenu antérieur du bénéficiaire (un plafond de rémunération pouvant être fixé par l'Etat), du mi- nimum vital (la référence est alors le salaire du manœuvre ordinaire adulte mas- culin) ou du minimum vital en tenant compte des ressources du bénéficiaire.

L'utilité de ces trois variantes est de permettre une application respectivement à des régimes d'assurance sociale, à des régimes à prestations uniformes, à des ré- gimes sous conditions de ressources (telle l'assistance sociale);

Ce sont les lignes générales qui sont rappelées ici, elles peuvent être modifiées par les instruments mentionnés sur certains points, mais la conception demeure la même.

(17)

l'organisation administrative, financière et contentieuse est largement laissée à la compétence des Etats membres. Cependant, une responsabilité de l'Etat est prévue, de même qu'une répartition des contributions, lesquelles ne sauraient être mises à la charge exclusive des personnes protégées (BARTOLOMEI DE LA CRUZ/EUZÉBY 1997, BERENSTEIN 1989, BONVIN 1998, GREBER 1984, G. et A. LYON-CAEN 1993, NAGEL/THALAMY 1994, PERRIN 1993, VOIRIN 1995).

38. Le Conseil de l'Europe procède de manière analogue au moyen de trois ins- truments:

le Code européen de sécurité sociale (1964),

le Protocole au Code européen de sécurité sociale (1964), le Code européen de sécurité sociale révisé (1990).

Le premier texte est établi à un niveau légèrement supérieur à la norme minimale de l'OIT, le Protocole lui apporte certaines améliorations; le Code révisé contient des standards plus exigeants (BERENSTEIN 1989, BURBAN 1996, GREBER 1984, G. et A. LYON-CAEN 1993, NAGEL 1994, NAGEL/THALAMY 1994, PERRIN 1993).

39. A côté de ces ensembles normatifs, les deux Organisations mentionnées ont adopté d'autres instruments qui, au moins partiellement, sont consacrés à la sécurité sociale, avec le même objectif de guider les Etats. Pour l'Organisation internationale du Travaill' on peut citer :

la Recommandation OIT N° 162 concernant les travailleurs âgés (1980),

la Recommandation OIT N° 99 concernant l'adaptation et la réadaptation pro- fessionnelles des invalides (1955),

la Convention OIT N° 159 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées (1983), complétée par la Recommandation OIT N°

168,

la Convention OIT N° 175 concernant le travail à temps partiel (1994), complé- tée par la Recommandation OIT N° 182,

la Convention OIT N° 177 concernant le travail à domicile (1996), complétée par la Recommandation OIT N° 184.

40. Le Conseil de l'Europe a, quant à lui, adopté une série de recommandations, concernant également au moins partiellement la sécurité sociale et avec le même objec- tif de guide. Par exemple, 1' on peut citer :

(18)

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93 P.-Y. GREBER

la Recommandation N° R (2000) 3 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le droit à la satisfaction des besoins matériels élémentaires des personnes en situation d'extrême précaritë8,

la Recommandation (86) 5 sur la généralisation des soins médicaux (1986), la Recommandation N° R (97) 17 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le développement et la mise en œuvre des systèmes d'amélioration de la qua- lité dans les soins de santé (1997),

la Recommandation N° R (97) 4 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les moyens d'assurer et de promouvoir la santé de la famille monoparentale (1997),

la Recommandation N° R (82) 8 du Comité des Ministres aux Etats membres concernant la politique de 1' emploi et la protection des travailleurs contre les ef- fets du chômage (1982).

41. La Communauté européenne s'est profilée sur deux dossiers. Tout d'abord ce- lui de l'égalité entre femmes et hommes dans le domaine de la sécurité sociale, objet de règles dans le Traité (art. 2, 13, 141 TCE), dans la jurisprudence de la Cour et dans trois directives 79/7/CEE (régimes légaux), 86/378/CEE et 96/97/CE (régimes profession- nels) (FUCHS 2002, G. et A. LYON-CAEN 1993, PENNINGS 2001, RODIÈRE 2002).

Ensuite celui de la santé et de la sécurité des travailleurs, objet également de règles dans le Traité (art. 137 TCE), dans une directive-cadre (89/391/CEE) et des directives parti- culières (BLANP AIN/ JA VILLIER 1995).

42. La Communauté européenne a également à son actif une intéressante stratégie de convergence des objectifs et politiques de protection sociale, fondée sur une recomman- dation de 1992 (92/442/CEE). Cette « stratégie de convergence se veut souple, progres- sive et non contraignante, basée sur une démarche volontaire des Etats membres, qui re- connaissent ensemble la nécessité de maintenir, d'adapter et dans certains cas de déve- lopper leur système de protection sociale et qui se fixent en commun des objectifs précis pour y parvenir». (CHASSARD 1992, p. 19). Faible quant à la forme (de l'échange d'informations et de discussion à la recommandation), elle est forte quant au fond: la Recommandation 92/442/CEE propose aux Etats membres de réaliser l'universalité pour l'accès aux systèmes de protection de la santé, pour l'intégration sociale et profes- sionnelle, pour la garantie de ressources dites conformes à la dignité humaine et la géné- ralisation aux salariés de la préservation du niveau de vie en cas d'interruption (p. ex.

maladie, chômage) ou de fin de carrière, tout en appelant au développement d'une pro- tection des travailleurs non salariés. En fait, c'est la promotion- ou la défense- d'un modèle européen de sécurité sociale (DUPEYROUXIBORGETTO/LAFORE/ RUEL- LAN 2001, pp. 54 sv.)

38 A noter que cette recommandation invite les Etats membres du Conseil de l'Europe à reconnaître aux personnes concernées un droit invocable directement devant les autori- tés et les tribunaux (Annexe, principe 3).

(19)

43. Sous réserve d'exceptions, les individus bénéficient indirectement de ces nor- mes : elles sont en effet adressées aux Etats, pour les guider dans le développement et le pilotage de leurs systèmes de sécurité sociale.

44. Ces normes sont renforcées par les mécanismes de contrôle de leur applica- tion: sous forme de rapports et d'examens de ceux-ci à l'OIT et au Conseil de l'Europe, sous le contrôle de la Cour de justice dans la Communauté européenne. Dans les deux cas, il y a présence d'une jurisprudence qui éclaire les textes. La présence d'organes in- dépendants des gouvernements- organes de contrôle tripartites à l'OIT et Cour de jus- tice de la Communauté - est évidemment un avantage certain. Nicolas V AL TI COS sou- ligne que: «Dans l'ensemble ( ... ), il y a eu un nombre fort élevé de cas dans lesquels les Etats auxquels les organes de contrôle de l'OIT ont signalé qu'ils ne respectaient pas, sur l'un ou l'autre point, des conventions qu'ils avaient ratifiées ont pris les mesu- res nécessaires pour supprimer ces divergences». (VALTICOS 1998, p. 162). Le même auteur relève qu'il y a« aussi un certain esprit qui consiste à procéder à un examen ob- jectif des situations et à rechercher des solutions possibles dans le cadre de principes de liberté et de progrès de l'Organisation (internationale du Travail)». (V ALTICOS 1998, p. 161). A cela s'ajoutent les mises en accord avec le droit international effectuées par les Etats avant même de procéder à une ratification (V ALTICOS 1998, p. 162). Sur le plan communautaire, l'indépendance de la Cour de justice est bien connue, elle est la gardienne des Traités, elle recourt à une méthode systématique et téléologique39

45. L'Organisation internationale du Travail, le Conseil de l'Europe et la Commu- nauté européenne ont produit un ensemble de normes qui peut être qualifié d'im- pressionnant, destiné au rapprochement des systèmes et des politiques de sécurité so- ciale. Cet ensemble bénéficie d'une cohérence et en principe d'une solidité, car il n'est pas facile ni rapide de modifier l'un des textes évoqués. Les populations en bénéficient par la concrétisation des normes internationales et européennes par les autorités natio- nales. Aussi longtemps que les Etats observent les instruments qui les lient, ils peuvent modifier leurs systèmes de sécurité sociale, y compris en abaissant la protection qu'ils garantissent. Le droit international comme européen ne garantit en effet pas un niveau figé de protection, qui serait soustrait aux modifications législatives (EICHENHOFER 2000, p. 240)40

46. Un éminent spécialiste du droit international de la sécurité sociale, Michel VOIRIN, évalue cet ensemble normatif: «Mises en chantier à une époque de recons-

39

40

«Méthode systématique. C'est l'interprétation des normes dans le cadre de leur rapport systématique avec d'autres normes et avec l'ensemble de la réglementation, en tenant compte de leur place et de leur fonction dans un ensemble organisé. ( ... ) Méthode té- léologique: ( ... )les buts et les objectifs servent de guide à l'interprétation qui doit ten- dre à leur réalisation». (ISAAC 1999, pp. 156 et 157).

Faut-il suivre Eberhard EICHENHOFER, lorsqu'il poursuit: «A transformation from public law to private law arrangements is also in line with the conventions, as long as private law solution safeguards a mandatory protection and a fair and socially balanced distribution ofburdens and benefits »? (EICHENHOFER 2000, pp. 240-241).

(20)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE No 32-2004 AUTRES ÉTUDES

95 P.-Y. GREBER

truction41, complétées dans les années de prospérité, puis de crise, les normes internatio- nales de sécurité sociale n'ont rien perdu de leur actualité, bien au contraire, dans lapé- riode présente de remise en question. Face aux séductions mais aussi devant les dégâts d'un néo-libéralisme économique, elles sont un gage indispensable du maintien d'une solidarité à laquelle l'OIT, de par sa mission spécifique, doit se faire une obligation de veiller.» (VOIRIN 1995, p. 91). Pour l'avenir, cet auteur propose des compléments nor- matifs qui pourraient concerner 1' abolition des discriminations entre femmes et hom- mes, les places respectives des protections obligatoires et complémentaires, les métho- des de financement, la prévention et la réinsertion (VOIRIN 1995, pp. 92-93).

4 7. Dans cette ligne, je proposerais les conclusions suivantes :

le maintien de ces ensembles normatifs, visant à guider les Etats et qui garan.!

tissent indirectement une protection sociale non négligeable ;

l'examen de certaines dispositions des instruments évoqués qui mériteraient d'être révisées (p. ex. lorsque les conventions se réfèrent à un bénéficiaire-type qui est systématiquement un homme). La révision devrait être menée avec une grande prudence, le climat politique et économique étant défavorable à la sécuri- té sociale;

l'amélioration de l'information sur ces normes: est-on sûr qu'elles sont géné- ralement connues dans les ministères, les institutions sociales, chez les partenai- res sociaux et les autres milieux intéressés (défense des patients, des chômeurs, des pensionnés p. ex.)?

compte tenu du nombre de textes, l'adjonction de nouvelles normes devrait être réalisée avec retenue. Il y a cependant des sujets actuels et« chauds» qui ne sont que peu traités :

0 les exclus de la protection sociale,

0 le risque de pauvreté sans qu'il puisse être rattaché à une éventualité dé-

0

0 0

jà définie;

la nécessité d'une bonne organisation de la sécurité sociale, honnête et transparente, en coopération avec tous les acteurs concernés ;

la nécessité d'un financement solide et équitable.

l'opportunité d'associer tous les acteurs concernés aux révisions des lé- gislations.

3.5 Les instruments de coordination

48. Les instruments de coordination ont pour but de répondre à deux types de pro- blèmes:

41

celui de 1' existence possible, dans certains régimes, de règles plus sévères à remplir par les non-nationaux (les étrangers)- en d'autres termes, pour ces der- niers, 1' existence de discriminations ;

Cet auteur se réfère à la fin de la deuxième guerre mondiale.

(21)

celui des situations qui excèdent le territoire d'un Etat, qui sont transfrontières (p. ex. une personne réside dans un Etat A et travaille dans un Etat B ; à la re- traite, elle part s'établir dans un Etat C) (BIT 1974).

49. Le premier problème peut être résolu unilatéralement par un Etat, en procédant à un examen fin de sa législation et de sa pratique. Il n'est pourtant pas sûr que cette opé- ration le mette à l'abri des discriminations indirectes42. Le second problème peut partiel- lement être résolu par un Etat, lequel intègre dans sa législation des règles de coordina- tion43 (EICHENHOFER 1994, p. 8). Mais très vite, il nécessite une solution internatio- nale pour relier deux ou plusieurs systèmes de sécurité sociale différents, qui n'appli- quent, par définition, pas les mêmes règles.

50. La résolution de ces problèmes peut être effectuée par voie de conventions bi- latérales, de conventions multilatérales (conclues directement entre Etats ou dans le cadre d'une Organisation internationale), de règlements communautaires.

51. Les conventions bilatérales de sécurité sociale représentent la solution la plus ancienne, la plus simple et souple. En effet, deux Etats choisissent de négocier, de con- clure un accord. Ils s'entendent sur les régimes qui seront inclus, sur l'importance des principes qui seront appliqués, sur les modalités pratiques. Ils ne doivent relier que deux législations et, en général, ils ne le feront qu'au bénéfice des ressortissants des deux pays. Mais évidemment, la coordination ne sera que bilatérale, or souvent les migra- tions, les déplacements, ne concernent pas que deux mais plusieurs pays (BIT 1974, pp.

7 sv.)

52. Les conventions multilatérales de sécurité sociale constituent une solution plus élaborée. Compte tenu de la complexité des questions de coordination, ces conven- tions sont généralement conçues et suivies dans le cadre d'une Organisation internatio- nale. Ici, les Etats qui ratifient acceptent de se connecter à un système international sus- ceptible de s'étendre au gré des ratifications. Les principes de la coordination sont géné- ralement plus développés, le champ d'application matériel a tendance à être plus étendu et le champ d'application personnel couvre les ressortissants des Etats parties. Une auto- rité pourra probablement se prononcer sur l'application du droit. Les migrations, les dé- placements, seront envisagés entre tous les Etats parties au système. L'Organisation internationale du Travail - de la Convention OIT N° 19 concernant 1' égalité de traite- ment des travailleurs étrangers et nationaux en matière de réparation des accidents du travail (1925) à la Convention OIT N° 157 concernant l'établissement d'un système international de conservation des droits en matière de sécurité sociale (1982)44 - et le Conseil de l'Europe- des Accords intérimaires européens de sécurité sociale (1953) à

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Une même règle vaut pour les nationaux et les non-nationaux, pourtant elle frappe, dans la réalité, avant tout les seconds (p. ex. le droit aux prestations familiales n'est ouvert que si les enfants d'un travailleur résident dans le même pays que celui-ci).

P. ex. le droit interne maintient l'assujettissement d'un travailleur détaché sur le terri- toire d'un autre Etat; ou il exempte de l'assujettissement une personne qui ne remplit une condition d'assujettissement (emploi, résidence) que pour une période courte.

Complétée par la Recommandation OIT N° 167 (même titre, 1983).

(22)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE N° 32-2004 AUTRES ÉTUDES

97 P.-Y. GREBER

la Convention européenne de sécurité sociale (1972)45 - peuvent se prévaloir d'une ac- tivité normative importante en la matière. Celle-ci est très complexe et les instruments les plus sophistiqués (et les plus récents) ne parviennent qu'en partie à coordonner les systèmes et invitent les Etats parties à compléter les textes par d'autres accords bi- ou multilatéraux (PERRIN 1991).

53. Dans ce domaine, c'est la Communauté européenne qui a poussé le plus loin la coordination, étant consciente que cette dernière est le parallèle obligé de la libre circu- lation des travailleurs et de leurs familles, comme de la libre circulation des personnes en général. Dès 1' origine, le Traité instituant la Communauté européenné6 a compris des dispositions spécifiques à la libre circulation et à la coordination (dans sa teneur ac- tuelle: art. 18, 39-42 TCE; non-salariés: art. 43 sv. TCE). Et le droit dérivé relève de l'instrument le plus développé, soit le règlement. Ainsi, la coordination communautaire est fondée sur le Règlement (CEE) N° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Commu- nauté7. C'est ici que l'on trouve l'état le plus élaboré de la coordination des systèmes de sécurité sociale: par voie de règlements communautaires (c'est-à-dire de véritables lois européennes, applicables telles quelles dans les Etats membres) et avec une nom- breuse jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, gardienne des Traités et seule compétente pour interpréter les règlements N° 1408/71 et 574/72 (DUPEYROUXIBORGETTOILAFORE/RUELLAN 2001, FUCHS 2002, GREBERJ KAHIL-WOLFF 2003, LÉGER 2000, G. et A. LYON-CAEN 1993, PENNINGS 2001, PERRIN 1993, PERRIN 1991, RODIÈRE 2002).

54. Le droit international et le droit européen de la coordination reposent sur des principes : égalité de traitement, désignation du droit applicable, maintien des droits en cours d'acquisition, maintien des droits acquis, coopération administrative.

55. Le principe de l'égalité de traitement entre nationaux et non nationaux vise à neutraliser les discriminations touchant les non-nationaux. Il est d'ailleurs dans la li- gne des textes de principes48, qui reconnaissent le droit à la sécurité sociale à chaque être humain, sans discrimination. Il convient cependant de relever que ce principe est à

« géométrie variable » : il va de 1' égalité partielle, négociée à propos de régimes dans des conventions bilatérales jusqu'à l'égalité complète. C'est l'examen d'un instrument de coordination qui permet d'en apprécier l'ampleur et, le cas échéant, les limites.

L'égalité recherchée peut être formelle : les normes de coordination empêchent alors qu'un droit traite différemment les nationaux et les étrangers ; elle peut aussi être plus large et interdire aussi les discriminations indirectes49, ce qui nécessite l'intervention

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46 47 48 49

Et son Accord complémentaire pour l'application de la Convention européenne de sécu- rité sociale (1972).

A l'origine, en 1957: Traité instituant la Communauté économique européenne.

Et son Règlement d'application N° 574/72.

Voir ci-dessus les N° 24 sv.

Voir ci-dessus les N° 48-49.

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