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Effet des messages de sécurité routière sur la détection des cyclistes par les automobilistes dans un environnement dynamique : implication des processus attentionnels et émotionnels

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Academic year: 2021

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Submitted on 28 May 2021

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Effet des messages de sécurité routière sur la détection

des cyclistes par les automobilistes dans un

environnement dynamique : implication des processus

attentionnels et émotionnels

Alex Lafont

To cite this version:

Alex Lafont. Effet des messages de sécurité routière sur la détection des cyclistes par les automo-bilistes dans un environnement dynamique : implication des processus attentionnels et émotionnels. Psychologie. Université Bourgogne Franche-Comté, 2018. Français. �NNT : 2018UBFCH028�. �tel-03241103�

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THÈSE DE DOCTORAT DE L’ÉTABLISSEMENT UNIVERSITÉ BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ

PRÉPARÉE À L’INSTITUT FRANÇAIS DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DES TRANSPORTS, DE

L'AMÉNAGEMENT ET DES RÉSEAUX (IFSTTAR – TS2 – LESCOT)

École doctorale n°554

École Doctorale Environnements - Santé

Doctorat de Psychologie Cognitive

Par

Mr Lafont Alex

Effet des messages de sécurité routière sur la détection des cyclistes par les automobilistes

dans un environnement dynamique : Implication des processus attentionnels et émotionnels

Soutenance prévue à Lyon-Bron, le 30 Novembre 2018

Composition du Jury :

Mme, Blanc, Nathalie Professeure, Université Paul-Valéry-Montpellier Présidente du jury

Mr, Courbet, Didier Professeur, Université d’Aix-Marseille Rapporteur

Mr, Mars, Franck Chargé de recherche, LS2N – École Centrale de Nantes Rapporteur

Mme, Jóhannsdóttir, Kamilla Maître de conférences, Université de Reykjavik Examinatrice

Mr, Boucheix, Jean-Michel Professeur, Université de Bourgogne Directeur de thèse

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« Pour se mettre en marche, il suffit d’avoir 5% de réponses à ses questions ; les 95% restants viennent le long du chemin. Ceux qui veulent 100% des réponses avant de partir restent sur place. »

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Remerciements

Tout d’abord, il n’est pas de thèse sans jury. Je commencerais donc par remercier les deux rapporteurs Franck Mars et Didier Courbet ainsi que les examinatrices Nathalie Blanc et Kamilla Johannsdottir qui ont accepté de relire ce manuscrit.

Ayant réalisé ma thèse dans les locaux de l’IFSTTAR sur Lyon, mais étant également rattaché au LEAD sur Dijon, j’ai dû ponctuellement me rendre en Bourgogne pour échanger avec Jean-Michel Boucheix, mon directeur de thèse. Je tenais à remercier l’ensemble des personnes avec qui j’ai pu être en interaction à chacune de mes visites au LEAD. D’Aurélia Bugaiska à Stephane Argon en passant par certains doctorants comme Margaux, j’ai toujours été bien accueilli sur Dijon. Je souhaiterais aussi remercier plus particulièrement Jean-Michel Boucheix qui a toujours su être de bon conseil et avec qui les interactions ont toujours été très agréables. Investi et accomplissant son métier de chercheur avec passion, j’ai beaucoup appris de lui au cours de ces trois années.

Je profite également de ces quelques lignes pour remercier l’intégralité des membres de mon laboratoire d’accueil sur Lyon (LESCOT), dans lequel je me suis très rapidement senti « comme un poisson dans l’eau ». Merci à Hélène Tattegrain, Aline Alauzet et Nathalie Redoute pour leur gentillesse. Merci plus largement à tous les « lescotiens » de m’avoir permis d’évoluer dans une atmosphère propice à l’épanouissement professionnel et personnel. Je me considère comme chanceux d’avoir pu réaliser ma thèse dans un tel environnement et il est clair que ces trois années resteront dans ma mémoire comme expérience très positive.

Je souhaite aussi dédier, plus particulièrement, quelques lignes à Joceline Rogé qui m’a encadré au quotidien sur Lyon. Sans elle, je n’aurais certainement pas autant appris du métier de chercheur. En trois années, nous avons parfois eu des divergences sur certains points, mais cela s’est à chaque fois conclu par des réflexions bénéfiques pour la thèse. Joceline Rogé a su également être là dans des moments de doute et m’a toujours poussé à donner le meilleur de moi-même. Je tiens donc encore une fois à la remercier, elle, ainsi que Jean-Michel Boucheix de m’avoir donné l’opportunité de réaliser cette thèse qui représente pour moi un passeport pour le métier de chercheur auquel je souhaite prétendre.

A titre plus personnel, certaines amitiés nouées durant ces trois années m’ont aussi aidé à mener à bien ce travail de thèse. Je tenais donc à remercier les doctorants du LESCOT, qu’il s’agisse de ceux qui m’y ont accueilli comme Marion, Caroline ou encore Franck, mais aussi ceux que j’ai vus arriver comme Sébastien et Isabelle. Ils ont su m’apporter leur soutien dans certains moments

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difficiles. D’autres personnes ont également eu des rôles-clés dans cette aventure comme Christophe, Antonio, Alexandra, Myriam, Julien, Fabien, Daniel, Bertrand, Jonathan ou encore Lyess à qui je dis un grand merci. Par ailleurs, il est une personne avec qui j’ai lié une forte amitié au cours de ces trois ans. Guillaume et moi nous sommes rencontrés pour la première fois aux auditions de thèse à Paris. Nous sommes ensuite arrivés le même jour au LESCOT où nous avons, trois années durant, partagé le même bureau. Le hasard faisant bien les choses, il se trouve que nous avons tout de suite été très complices. Nous avons partagé beaucoup de moments au LESCOT et en dehors tout en donnant le meilleur de nous-mêmes chaque jour au laboratoire. Nous avons avancé ensemble au point de déposer nos manuscrits le même jour ; la boucle est bouclée. Cette rencontre restera importante dans ma vie personnelle. Je le remercie d’avoir été présent au quotidien, de m’avoir épaulé et soutenu à plusieurs reprises.

Je terminerais ces remerciements en évoquant ma famille qui m’a continuellement encouragé dans mes choix professionnels. Si je suis en mesure de proposer ce manuscrit aujourd’hui c’est aussi grâce à eux. Je tiens à remercier tout particulièrement ma sœur, ma mère, ma grand-mère, mon meilleur ami Thomas, mon père retrouvé, mon parrain, Antonio et ma belle-famille, notamment Marc, pour leur soutien sans faille.

Je dédie enfin les dernières lignes de ces remerciements à celle qui a le mérite de m’avoir attendu les soirs où je finissais tard, celle qui était là quand, bien que physiquement présent, j’étais à moitié absent, préoccupé par la thèse. Celle encore qui a su m’écouter et me réconforter. Bientôt onze ans à ses côtés, à nous battre parfois pour rester ensemble malgré les choix d’études et/ou professionnels. Il est important qu’elle sache à quel point elle a joué, et continue de jouer, un rôle déterminant dans ce projet et plus largement dans ma vie.

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TABLE DES MATIÈRES

▌Cadre théorique ___________________________________________________________ 1

■ Introduction __________________________________________________________________ 1 ■ Attention ____________________________________________________________________ 4

Modèles et théories de l’attention sélective __________________________________________________ 4 Conspicuité ____________________________________________________________________________ 8 Conspicuité sensorielle ________________________________________________________________ 8 Conspicuité cognitive __________________________________________________________________ 9 Ressources attentionnelles ______________________________________________________________ 11 Mesure de la dynamique attentionnelle en conduite __________________________________________ 14 Simulation de conduite et détection d’usagers vulnérables __________________________________ 15 Oculométrie et détection d’usagers vulnérables ___________________________________________ 16

■ Émotions ___________________________________________________________________ 18

Quelques théories et modèles de l’émotion _________________________________________________ 19 Théories évolutionnistes et émotions discrètes ____________________________________________ 19 Modèles dimensionnels _______________________________________________________________ 20 Théories de l’appraisal ________________________________________________________________ 22 Théorie de l’émotion construite ________________________________________________________ 24 Physiologie et émotion __________________________________________________________________ 26 Émotions négatives et conduite ___________________________________________________________ 29 Le cas particulier de la colère en conduite __________________________________________________ 30

■ Communication préventive_____________________________________________________ 34

Apport de la psychologie dans l’étude des communications persuasives __________________________ 34 Étude de la communication préventive _____________________________________________________ 38 Communication préventive et sécurité routière ______________________________________________ 42

■ Objectifs de la thèse __________________________________________________________ 46

▌Expérimentations _________________________________________________________ 49

■ Réponses cardiaques et subjectives lors de l’exposition à un matériel audiovisuel sans lien avec la sécurité routière générant différentes intensités de colère ___________________________ 49

Problématique, objectifs et justifications ___________________________________________________ 49 Méthode _____________________________________________________________________________ 50 Les extraits de films __________________________________________________________________ 50 Procédure et mesures ________________________________________________________________ 50 Synthèse et discussion des principaux résultats ______________________________________________ 53 Article 1 ______________________________________________________________________________ 54

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■ Effet de différentes intensités de colère générées à partir d’extraits de films sur la capacité de l’automobiliste à détecter des cyclistes _____________________________________________ 79

Problématique, objectifs et justifications ___________________________________________________ 79 Méthode _____________________________________________________________________________ 80 Scénario de conduite _________________________________________________________________ 80 Procédure et mesures ________________________________________________________________ 81 Synthèse et discussion des principaux résultats ______________________________________________ 83 Article 2 ______________________________________________________________________________ 84 Résultats complémentaires _____________________________________________________________ 109

■ Effet d’un message de sécurité routière générant différentes intensités émotionnelles sur la capacité de l’automobiliste à détecter des cyclistes __________________________________ 111

Problématique objectifs et justifications ___________________________________________________ 111 Méthode ____________________________________________________________________________ 112 Support de communication ___________________________________________________________ 112 Scénarios de conduite _______________________________________________________________ 112 Procédure et mesures _______________________________________________________________ 113 Synthèse et discussion des principaux résultats _____________________________________________ 116 Article 3 _____________________________________________________________________________ 118 Résultats complémentaires _____________________________________________________________ 144

▌Discussion générale ______________________________________________________ 145

■ Les émotions _______________________________________________________________ 146

Une nouvelle approche de l’émotion _____________________________________________________ 146 Émotions, communication préventive et détection d’usagers vulnérables ________________________ 149

■ Quid de la composante informationnelle _________________________________________ 150 ■ La détection d’usagers en simulation comme évaluation de l’efficacité d’un message préventif en sécurité routière ___________________________________________________________ 152

▌Perspectives ____________________________________________________________ 158

■ Évaluation émotionnelle ______________________________________________________ 158 ■ Évaluation de l’efficacité des communications préventives __________________________ 161

▌Bibliographie ___________________________________________________________ 164

▌Liste des figures _________________________________________________________ 177

▌Liste des tableaux _______________________________________________________ 179

▌Annexes _______________________________________________________________ 180

Annexe 1 _______________________________________________________________________ 180 Annexe 2 _______________________________________________________________________ 185 Annexe 3 _______________________________________________________________________ 187

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CADRE THÉORIQUE

■ Introduction

Savez-vous que si l’on considère uniquement la région d’Ile-de-France, environ 180 déplacements en voiture ont lieu chaque seconde, ce qui représente environ 15,5 millions de déplacements quotidiens (DRIEA, 2013) ? Une extrapolation de ces chiffres à tout le territoire français peut donc laisser songeur quant au nombre de déplacements quotidiens en France. Cependant, qu’il s’agisse des automobilistes franciliens ou plus largement des automobilistes français, chacun de ces déplacements implique de partager l’espace routier avec d’autres usagers, ces interactions menant parfois à des collisions. Ces dernières années, des progrès ont été faits dans les infrastructures, mais aussi dans la conception des voitures rendant les véhicules plus sûrs pour le conducteur en cas d’accident et moins dangereux pour les autres usagers en cas de collision. Malheureusement, la mortalité sur les routes reste une préoccupation sociétale comme en témoigne le rapport de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR) qui fait encore état de 3655 personnes tuées sur les routes de France en 2016 (ONISR, 2017).

Parmi tous les usagers présents sur l’espace routier, certains sont plus enclins à être blessés ou tués que d’autres. Cette catégorie d’usagers à risque regroupant piétons, cyclistes et deux-roues motorisés et se nomme communément usagers vulnérables (UV) (ONISR, 2016, 2017). Le dernier rapport de l’ONISR montre à ce sujet que le nombre d’accidents impliquant ces usagers sur les routes de France est encore élevé puisque les accidents de piétons, cyclistes et deux-roues motorisés représentent les deux tiers des personnes tuées en agglomération (ONISR, 2017). De surcroît, dans plus de 60 % des accidents impliquant un usager vulnérable, c’est un automobiliste qui en est la cause. L’augmentation du nombre de voitures sur les routes, mais aussi l’accroissement du nombre de vélos et autres modes de transports « doux » (e.g., trottinettes) dans les villes sont autant de paramètres qui, s’ils ne bénéficient pas d’une gestion adéquate, peuvent contribuer aux accidents.

Face à cela, quelles solutions avons-nous ? Selon Marshall et Garrick (2011), l’espace routier doit être conçu pour limiter le nombre d’accidents et permettre des interactions en toute sécurité entre les différents usagers. La modification des infrastructures routières (e.g., création de pistes cyclables séparées de la chaussée, modification de la taille des chaussées ou de la forme des intersections) peut donc constituer une première voie d’action. Concernant spécifiquement les

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CADRE THÉORIQUE : Introduction

cyclistes, certains pays comme les Pays-Bas, le Danemark et l’Allemagne montrent l’exemple depuis des années avec des infrastructures dédiées aux deux-roues (Pucher & Buehler, 2008). Cependant, repenser l’espace routier n’est pas suffisant pour limiter le nombre de victimes. Un autre moyen d’agir peut se faire par le biais de l’éducation et de la prévention afin de modifier les comportements de manière durable (Pucher & Buehler, 2008). Dans cette perspective, des dispositifs communicationnels existent et sont déployés depuis une quarantaine d’années en France dans le cadre de politiques publiques. Dans ce travail de thèse, nous nous sommes concentrés sur ce type de dispositifs communicationnels dont la vocation est de prévenir les usagers de la route des risques qu’ils encourent ou qu’ils font courir aux autres. L’accent a été mis sur les communications préventives portant sur la thématique des UV, et plus particulièrement sur les cyclistes pour lesquels il existe un réel enjeu de sécurité avec une évolution moyenne annuelle de + 1,6 % du nombre de tués depuis 2010 (ONISR, 2017).

En France, la communication préventive en sécurité routière est diffusée à travers différents médias (e.g., affiches, radio, télévision) et repose bien souvent sur une stratégie de communication axée sur la menace pour exacerber les conséquences des accidents de la route. À la composante informationnelle des messages préventifs délivrés pour faire prendre conscience des dangers peut donc aussi s’ajouter une composante émotionnelle regroupant l’ensemble des émotions pouvant émerger lors de l’exposition à ces mêmes messages. Dans une récente étude, il a été montré que des messages de prévention portant sur les UV pouvaient améliorer la capacité des automobilistes à détecter une partie de ces UV (i.e., piétons) (Rogé, El Zufari, Vienne, & Ndiaye, 2015). Par ailleurs, les auteurs ont également constaté que parmi toutes les émotions qui avaient émergé lors de l’exposition aux messages préventifs, seule l’intensité de colère corrélait avec l’amélioration des performances de détection des piétons. Par conséquent, les auteurs de cette étude n’ont pas pu déterminer si l’effet des messages observé sur les performances de détection s’expliquait par un rôle prépondérant de la composante informationnelle des messages préventifs, de la composante émotionnelle ou d’un effet combiné de ces deux composantes. Dès lors, la question se pose de déterminer qui de la composante informationnelle, émotionnelle ou de la combinaison de ces deux composantes serait susceptible d’expliquer une modification positive du comportement de conduite. L’objectif de ce travail de thèse s’est donc articulé autour de l’étude de ces deux composantes, le but étant de déterminer le rôle de chacune d’entre elles sur les capacités de l’automobiliste à détecter les cyclistes.

Dans l’optique de répondre à cette problématique de recherche, trois études ont été menées. Dans la première, nous nous sommes intéressés à composante émotionnelle des communications préventives. Pour cela, nous avons étudié les manifestations physiologiques sur l’activité cardiaque de certaines émotions négatives induites par un matériel ne faisant pas référence à la sécurité routière.

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Dans une deuxième étude, le même matériel fut conservé pour étudier son effet sur la capacité des automobilistes à détecter des cyclistes. Enfin, la dernière étude a consisté à utiliser un message préventif générant des émotions négatives pour évaluer son effet sur la capacité des automobilistes à détecter les cyclistes.

Afin de permettre aux lecteurs de mieux comprendre les enjeux de cette thèse et la logique qui structure ce projet, le manuscrit débutera par des considérations théoriques sur les concepts d’attention puis d’émotion, lesquels seront, à chaque fois, replacés dans le contexte de la conduite automobile. La communication préventive sera également abordée, elle aussi, en lien avec la conduite par le biais thématique de la sécurité routière. Ensuite, après un rappel des objectifs, le manuscrit détaillera les trois études qui ont permis d’apporter des éléments de réponses à la problématique de recherche générale. Les résultats obtenus dans les différentes expérimentations menées seront également discutés au regard des connaissances existantes en littérature. Enfin, les différentes perspectives et autres pistes de réflexion offertes par ce travail de thèse seront abordées.

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CADRE THÉORIQUE : Attention

■ Attention

Bien que la conduite puisse parfois sembler automatique et peu coûteuse cognitivement, elle n’en demeure pas moins une tâche complexe. Imaginons, par exemple, un automobiliste se déplaçant dans un espace urbain. Au cours de son trajet, sa perception sera fortement sollicitée puisque de nombreuses informations seront à traiter. Supposons maintenant qu’un cycliste apparaisse soudain au niveau d’une intersection. Dans cette situation-là, l’automobiliste va devoir engager une suite de processus en cascade afin de gérer la situation de la manière la plus sûre possible pour lui et pour les autres usagers éventuellement présents dans l’espace routier. Il devra par exemple évaluer sa priorité ou non au niveau de l’intersection en interprétant la signification des différentes signalisations (e.g., panneaux routiers, marquages au sol). Il devra également faire preuve d’anticipation en évaluant la vitesse du cycliste et son intention de s’arrêter (i.e., le cycliste m’a-t-il vu ? A-t-il traité le panneau Stop positionné sur sa voie ?). L’automobiliste devra aussi repérer les autres usagers présents dans l’environnement routier et anticiper leur comportement (e.g., un piéton prêt à traverser sur le trottoir opposé, un véhicule suivant l’automobiliste de près). Toutes ces évaluations devront avoir lieu dans un court laps de temps pour que la prise de décision et la réponse comportementale du conducteur puissent être initiées le plus rapidement possible assurant ainsi une sécurité maximale pour tous.

Dans ce type de situation, la notion de sélection des informations est donc cruciale. Celle-ci apparaît comme indissociable du concept d’attention. Dans cette partie, nous aborderons donc les premières recherches sur l’attention sélective, nous verrons également comment ces théories peuvent aider à mieux appréhender la dynamique attentionnelle dans le cadre de la conduite automobile. Enfin, nous nous intéresserons à la mesure de cette dynamique attentionnelle lors de situations où des usagers de la route doivent être détectés.

Modèles et théories de l’attention sélective

Parmi les premiers modèles théoriques qui ont tenté de formaliser l’attention sélective, l’un des plus connus est sans nul doute celui de Broadbent (1958). Comme illustré dans la Figure 1 ci-après, l’attention est considérée dans ce modèle comme une sorte de filtre permettant une sélection précoce de l’information. Celui-ci serait situé entre le registre sensoriel et la mémoire à court terme et opèrerait une sélection des informations sur la base des caractéristiques physiques générales. L’objectif de ce filtre serait avant tout d’éviter que le système de traitement ne soit surchargé. Le système aurait une

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capacité sensorielle limitée avec un seul canal en entonnoir, lequel ne permettrait pas la division de l’attention. Dans le cas d’une sélection simultanée de multiples informations, il y aurait alors une division forcée de l’attention entrainant un « coût », lequel se traduirait par un traitement moins efficace des informations. Bien que proposant une conceptualisation de l’attention sélective intéressante, les limites de ce modèle ont ensuite été très vite avancées.

Figure 1. Représentation du modèle de l'attention sélective de Broadbent (1958)

L’une des critiques pouvant être faites au modèle de Broadbent (1958) est notamment l’absence de traitement sémantique, c’est-à-dire de sens donné aux informations. Afin d’illustrer cette limite, nous pouvons évoquer ce que Cherry (1968) définit dans la seconde édition de son travail de 1957 comme le phénomène de « cocktail party ». Imaginez-vous lors d’une grande réception avec une multitude d’invités dont vous faites partie. Alors qu’un brouhaha règne dans la grande salle où est organisé le diner et que vous essayez tant bien que mal de poursuivre votre conversation avec votre interlocuteur, votre attention est soudain captée et redirigée vers une partie de la pièce où se trouve un autre groupe de personnes dont l’une d’entre elles vient de prononcer votre nom.

En 1960, Treisman propose une interprétation de ce type de phénomène avec un modèle postulant l’existence d’un filtre atténuateur comme illustré dans la Figure 2 ci-après (Treisman, 1960). Contrairement au filtre proposé par Broadbent (1958), celui-ci ne bloquerait pas complètement les

Mémoire

sensorielle

Traitement

cognitif de

haut niveau

FILTRE

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CADRE THÉORIQUE : Attention

informations. Il laisserait passer des stimuli attendus sur la base de leurs caractéristiques physiques (comme pour le modèle de Broadbent, 1958) et atténuerait les stimuli inattendus de sorte que ces derniers puissent éventuellement être traités ultérieurement. Ce sont donc principalement des processus top-down qui sont à l’origine de la réorientation de l’attention vers la (ou les) source(s) pertinente(s) pour l’individu dans le phénomène de « cocktail party » (Middlebrooks, Simon, Popper, & Fay, 2017).

Figure 2. Représentation du modèle de Treisman (1960)

Plus tard, d’autres modèles de l’attention sélective se sont spécifiquement concentrés sur la modalité visuelle. Selon la théorie de l’intégration des traits de Treisman et Gelade (1980) illustrée dans la Figure 3 ci-après, l’environnement serait constitué d’objets pouvant être décomposés en une multitude de dimensions élémentaires ou traits (e.g., couleur, intensité, contraste, forme ou encore orientation). Les premières étapes de l’attention visuelle sélective consisteraient en des traitements rapides et involontaires d’extraction de ces dimensions élémentaires, lesquelles figureraient sur des plans distincts ou feature maps et seraient traités par des aires cérébrales spécifiques impliquées dans la vision (Keïta, 2007). Les feature maps seraient ensuite combinées pour former une seule carte de saillance ou saliency map (voir Figure 3) sur laquelle chaque trait serait encodé spatialement. L’attention serait ensuite orientée vers l’item (i.e., région de l’environnement) le plus saillant de la saliency map (Itti & Koch, 2001). Dans ce cas de figure, l’attention sélective serait plutôt dirigée par

Mémoire

sensorielle

Traitement

cognitif de

haut niveau

FILTRE

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des processus bottom-up1. Cependant, les mêmes auteurs indiquent que dans une tâche de détection d’objet, des processus top-down 2pourraient également entrer en jeu. Par exemple, si l’item le plus saillant sur la saliency map n’est pas la cible recherchée, un processus d’inhibition permettrait de déplacer l’attention sur le second item le plus saillant, puis le suivant, etc. jusqu’à détecter la cible recherchée. Ce processus d’inhibition reposant sur la comparaison de l’item en question avec la cible recherchée s’appuierait donc sur des processus top-down (Itti & Koch, 2001) qui se manifesteraient dans la détection d’usagers vulnérables au cours de la conduite (Rogé, Douissembekov, & Vienne, 2012).

Figure 3. Schéma simplifié de l’approche de l’attention sélective via les cartes de saillance (sur la base du travail de Itti et Koch, 2001 ; Treisman et Gelade, 1980)

Qu’il s’agisse des premiers modèles évoqués sur l’attention sélective (Broadbent, 1958; Treisman, 1960) ou bien des études plus axées sur la modalité visuelle et les cartes de saillance (Itti & Koch, 2001; Treisman & Gelade, 1980), la distinction entre les processus bottom-up et top-down dans l’attention sélective apparaît pertinente. Cela nous amène donc à évoquer le concept de conspicuité, lequel est souvent utilisé dans le cadre de l’étude de la dynamique attentionnelle au cours de la conduite.

1 Traitement de l’information procédant dans une seule direction allant de l’entrée sensorielle, à travers l’analyse perceptuelle, vers la sortie motrice, sans permettre de retours de l’information des centres « supérieurs » aux centres « inférieurs » (Corbetta & Shulman, 2002)

2 Flux d’informations allant des centres « supérieurs » aux centres « inférieurs », transmettant des connaissances dérivant de précédentes expériences et non de stimulations sensorielles (Corbetta & Shulman, 2002)

Couleur

Forme

Intensité

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CADRE THÉORIQUE : Attention

Conspicuité

La conspicuité est un terme emprunté de l’anglais conspicuity pouvant se définir comme la capacité d’un objet à attirer l’attention (Collins, n.d.). Selon de nombreux auteurs, deux types de conspicuité peuvent être distingués (Mitsopoulos-Rubens & Lenné, 2012; Rogé et al., 2017; Wulf, Hancock, & Rahimi, 1989). Il y aurait d’une part la conspicuité sensorielle qui reposerait sur les caractéristiques physiques du stimulus à attirer l’attention et d’autre part, un versant plus cognitif pour lequel ce seraient, avant tout, les attentes, les buts, mais aussi les connaissances de l’individu qui seraient déterminantes dans la capacité du stimulus à être détecté.

Conspicuité sensorielle

Reprenons l’exemple de la situation évoquée plus haut décrivant la rencontre entre un automobiliste et un cycliste au niveau d'une intersection. Dans ce contexte, plusieurs alternatives peuvent être envisagées pour expliquer comment la sélection des informations par l’automobiliste va s’opérer. Une première approche peut consister à considérer que ce sont les caractéristiques des stimuli présents dans l’environnement (e.g., la taille angulaire du cycliste et de son vélo, le contraste de couleur de ses vêtements par rapport au fond) qui seront déterminants dans la détection du cycliste par l’automobiliste. Dans ce cas de figure, nous parlerons donc de conspicuité sensorielle. En effet, celle-ci fait référence à la capacité d’un objet à se distinguer de son environnement en raison de ses caractéristiques physiques (Mitsopoulos-Rubens & Lenné, 2012; Rogé et al., 2017). En d’autres termes, c’est ce qui fera qu’un stimulus visuel avec une taille angulaire, une couleur, ou encore une luminosité qui contrastent vis-à-vis du reste de l’environnement sera plus facilement détectable qu’un stimulus possédant les mêmes caractéristiques physiques que son environnement. Ce concept repose notamment sur des théories de l'attention visuelle évoquées précédemment et fut largement étudié depuis plusieurs décennies (Cole & Jenkins, 1984; Engel, 1971; Wertheim, 2010; Wulf et al., 1989).

Dans le contexte spécifique de l’étude de la conduite, la conspicuité sensorielle est principalement abordée via des problématiques de détection de certains usagers de la route. Hole, Tyrrell et Langham (1996) ont par exemple montré que des motards proches de l’observateur (i.e., assimilable à un automobiliste) sont détectés plus rapidement que les motards situés au loin. Ces mêmes auteurs ont également montré que l’utilisation des phares pour les motards permettait de rendre les deux-roues motorisés plus facilement détectables à une grande distance de l’observateur. Dans la même veine, Roge, Ferretti et Devreux (2010) ont montré qu’un fort contraste de couleurs entre des deux-roues motorisés et le trafic avait un effet bénéfique sur la perception de ces mêmes usagers par l’automobiliste. Rogé et al. (2012) ont obtenu des résultats similaires dans des situations

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de détection de motards arrivant de face. Cependant dans cette même étude, les auteurs ont constaté que lorsque les automobilistes devaient détecter des deux-roues motorisés apparaissant derrière leur véhicule, un avantage significatif en termes de capacité de détection des motards se dégageait pour les participants automobilistes-motards comparativement aux automobilistes exclusifs. Alors que nous avons pu voir que la conspicuité sensorielle reposerait principalement sur des processus bottom-up, l’étude de Rogé et al. (2012) suggère que l’attention sélective pourrait également être influencée par des processus top-down. Dans ce cas, il est alors possible de parler de conspicuité cognitive.

Conspicuité cognitive

Faisons encore une fois référence à l’exemple du cycliste et de l’automobiliste à l’approche d’une intersection. Une alternative à l’interprétation en termes de conspicuité sensorielle peut consister à imaginer que ce ne sont pas les caractéristiques purement physiques du cycliste qui permettront à l’automobiliste de le détecter, mais plutôt les attentes et les buts que l’automobiliste aura vis-à-vis du cycliste (e.g., privilégier l’évitement du vélo vs éviter la collision avec le véhicule se trouvant juste derrière l’automobiliste en cas de freinage brutal) ainsi que les connaissances dont il dispose (e.g., les cyclistes sont des usagers particulièrement vulnérables vs ils ne sont pas vulnérables). Contrairement à la conspicuité sensorielle qui repose sur des processus bottom-up, la conspicuité cognitive, elle, est fortement dépendante des connaissances, des objectifs et des attentes de l’individu envers le stimulus (e.g., usager vulnérable à détecter). La conspicuité cognitive s’ancre donc dans une approche de la dynamique attentionnelle reposant sur des processus top-down (Itti & Koch, 2001; Theeuwes, 2010).

Dans le cadre de la conduite automobile, la conspicuité cognitive est elle aussi étudiée depuis quelques années afin de mieux comprendre les processus impliqués dans la détection d’usagers. Magazzu, Comelli et Marinoni (2006) ont par exemple montré que des automobilistes qui étaient également motards étaient impliqués dans moins de collisions voiture-moto que des automobilistes qui étaient des automobilistes exclusifs. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que les conducteurs ayant une expérience en tant que motard auraient une connaissance plus importante sur l’activité en question et seraient donc plus conscients des risques qu’elle implique. Ainsi, ces automobilistes-motards porteraient plus attention aux automobilistes-motards sur la route (voir Wulf et al., 1989). Da ns la même veine, Nagayama, Morita, Miura, Watanabem et Murakami (1979) ont montré que les stratégies d’exploration de la scène routière étaient différentes entre des motards et des automobilistes. Les motards regarderaient plus fréquemment la route et auraient un champ visuel plus étendu que les automobilistes, leur permettant ainsi de détecter des irrégularités, mais aussi des risques sur la chaussée. De surcroît, Rogé et al. (2012) ont mis en évidence que des automobilistes qui étaient

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CADRE THÉORIQUE : Attention

également motards réalisaient plus de saccades et capturaient plus rapidement les informations de la scène routière (au niveau des rétroviseurs et devant eux) que des automobilistes exclusifs lorsqu’ils devaient détecter des motards en conduisant.

Par ailleurs, dans l’étude de Rogé et al. (2015), les auteurs ont constaté que la conspicuité cognitive ne reposait pas uniquement sur les connaissances acquises par la pratique d’une activité (e.g., la conduite de moto dans l’étude de Magazzu et al., 2006). Des informations préventives délivrées à des automobilistes sur certains usagers de la route pourraient elles aussi affecter leur capacité à détecter certains usagers. En effet, deux groupes de participants devaient réaliser deux tâches de conduite successives dans un environnement urbain grâce à un simulateur de conduite automobile. Les participants avaient pour consigne de détecter le plus rapidement possible chaque usager vulnérable rencontré en faisant un appel de phare grâce au commodo prévu à cet effet. Entre les deux phases de conduite, les auteurs de cette étude ont manipulé la présentation du matériel expérimental pour chaque groupe. Dans le premier groupe, les participants étaient exposés à des messages préventifs (e.g., spots de prévention et statistiques routières) mettant en exergue la vulnérabilité de certains usagers de la route (e.g., piétons, cyclistes et motards). Dans le second groupe, les participants n’étaient pas exposés à ces messages et faisaient simplement une pause dans le décours de l’expérience. Les résultats de cette étude ont mis en évidence une amélioration de la capacité des automobilistes ayant reçu les messages préventifs à détecter les piétons soulignant ainsi l’importance des processus top-down dans les situations de détection d’usagers sur la route.

Toutefois, il est important de noter que dans la réalité, les situations sont complexes et les comportements sont influencés par de nombreuses variables. Dans l’étude de Rogé, Douissembekov et Vienne (2012), les auteurs ont mis en évidence que l’efficacité de la détection de motards dans l’espace routier dépendait à la fois de processus bottom-up et top-down. D’une part, le contraste de couleur entre les deux-roues motorisés et la route permettait de diriger plus facilement l’attention de l’automobiliste sur les motards arrivant de face (processus bottom-up). D’autre part, le fait d’être un automobiliste-motard amenait de meilleures performances de détection des deux-roues motorisés (processus top-down). Conspicuité sensorielle et conspicuité cognitive permettraient donc de mieux décrire les processus impliqués dans la détection d’usagers sur la route, mais aussi, par extrapolation, de mieux comprendre les erreurs de détection pouvant être la cause d’accident en cas de faible conspicuité de certains usagers sur la route.

Dans le cadre d’environnements complexes tels que l’environnement routier, différentes informations sont à traiter, parfois en même temps, par l’automobiliste (e.g., la vitesse du véhicule et les déplacements d’autres usagers). La question se pose donc de savoir si dans ce type de situation, la

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gestion de l’attention, qu’elle soit dirigée par des processus bottom-up ou top-down, sera toujours aussi efficiente. Une autre façon d’aborder cette problématique peut donc se faire en considérant l’attention d’un point de vue quantitatif à travers la notion de ressources attentionnelles.

Ressources attentionnelles

Afin de mieux comprendre les liens qui peuvent être faits entre l’attention et les performances dans une tâche de détection de certains usagers de la route, il peut être intéressant d’aborder à présent le concept de ressources attentionnelles. En effet, dans chacun des modèles ou théories évoquées dans la partie sur l’attention sélective (p.4-7), la question des ressources attentionnelles est souvent invoquée implicitement par les auteurs pour expliquer les performances attendues. Par exemple, dans le modèle de Broadbent (1958), lorsque plusieurs informations sont à traiter simultanément, la division de l’attention impliquera un « coût » qui se répercutera sur l’efficacité du traitement de chaque élément. Nous retrouvons également cette notion de « coût » dans la théorie de l’intégration des traits de Treisman et Gelade (1980) dans laquelle la mise en relation des traits, ce que Treisman (1998) nomme phénomène de binding, impliquerait des opérations coûteuses en temps et en énergie et donc des ressources attentionnelles (Treisman, 1988).

Dans la perspective d’unifier ces différentes approches des ressources attentionnelles et leur rôle dans la performance, Kahneman (1973) propose de concevoir l’attention comme un réservoir de ressources. Chaque individu possèderait en effet un stock de ressources attentionnelles qui serait limité et dans lequel l’individu puiserait pour réaliser des tâches cognitives. Les performances lors d’une tâche seraient donc tributaires : 1) du « coût » plus ou moins élevé en termes de ressources attentionnelles ; 2) de la quantité de ressources disponible à chaque moment de la tâche ; 3) de l’utilisation qui sera faite par l’individu des ressources disponibles. Ce modèle permet donc d’expliquer pour quelles raisons une baisse des performances peut être observée lorsqu’un individu traite plusieurs informations simultanément. Kahneman propose en effet que dans ce type de situation, les ressources disponibles ne seraient pas suffisantes pour permettre un traitement efficace de chaque information.

L’une des principales réserves pouvant néanmoins être faites au modèle de Kahneman (1973) est certainement la manière dont il définit les ressources attentionnelles. Selon lui, les ressources seraient universelles et pourraient être utilisées dans n’importe quel type de tâche. Cependant, cette conceptualisation ne permet pas de rendre compte de certaines situations particulières. Parkes et Coleman (1990) ont effectivement montré qu’un automobiliste devant réaliser une tâche de conduite combinée à une tâche de compréhension avait plus de chance d’être performant lorsque les

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CADRE THÉORIQUE : Attention

instructions délivrées étaient auditives plutôt qu’affichées visuellement. La conduite sollicitant grandement la modalité visuelle au même titre que la tâche visuelle, ces deux tâches interfèreraient plus fortement entre elles que la tâche de conduite avec la tâche auditive. Leurs résultats suggèrent donc plus largement que les performances en double tâche seraient meilleures si elles sollicitent des modalités sensorielles différentes (voir aussi Wickens, 1980). Ces conclusions laissent penser que l’audition et la vue pourraient reposer sur des structures de traitement différentes et donc des ressources différentes.

C’est sur la base de ce raisonnement que Wickens (2002) proposa un modèle des ressources attentionnelles composé, pour reprendre l’analogie du modèle de Kahneman (1973), de multiples « réservoirs ». Dans celui-ci, il ne serait pas simplement question de ressources spécifiques à chaque modalité sensorielle (i.e., auditive, visuelle), mais plutôt d’un modèle global intégrant également les différents stades (i.e., encodage, traitement de l’information, réponse) et codes (i.e., spatial, verbal) de traitement de l’information ainsi que les différents types de réponses possibles (i.e., manuelle, verbale) lors d’une tâche donnée. La logique sous-tendant ce modèle réside dans le fait que la performance dépendra de la quantité globale de ressources disponibles, mais aussi du type de ressource spécifiquement sollicité par la tâche. Par conséquent, une tâche secondaire sollicitant des ressources différentes de la tâche principale interfèrera moins (i.e., dégradera moins les performances) que lorsque ces deux tâches puiseront dans le même type de ressource. Une illustration de ce modèle est proposée dans la Figure 4 ci-après. Dans ce modèle, le volume formé par l’ensemble des cubes représente toutes les ressources disponibles d’un individu. Les cubes (ou réservoirs) représentent les quantités de ressources disponibles sur les différentes dimensions d’une tâche (e.g., modalité sensorielle, type de réponse, etc.). Plus les tâches recruteront les ressources d’un ou plusieurs mêmes cubes, plus les performances seront dégradées.

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Figure 4. Illustration du modèle des ressources multiples adapté de Wickens (2002)

Selon certains auteurs, le stock de ressources attentionnelles pourrait être variable en fonction de la nature, et donc des exigences, de la tâche. Selon Young et Stanton (2002), les ressources attentionnelles seraient en quelque sorte malléables, c’est-à-dire qu’elles s’adapteraient aux demandes de la tâche. Par analogie avec le volume formé par l’ensemble des cubes du modèle de Wickens (2002) représentant la quantité de ressources disponibles à un instant précis, cela revient à considérer que le volume total pour une tâche A peu complexe sera moins important que pour une tâche B complexe comme illustré dans la Figure 5 ci-après. Néanmoins, comme pour les modèles évoqués précédemment une tâche puisant plus de ressources que celles disponibles chez l’individu conduira inévitablement à une baisse des performances.

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CADRE THÉORIQUE : Attention

Figure 5. Illustration de la quantité de ressources attentionnelles allouées dans une tâche complexe par rapport à une tâche simple

Considérer l’attention de manière quantitative s’avère être une approche intéressante de la dynamique attentionnelle mais c’est avant tout l’utilisation qui sera faite des ressources attentionnelles, elles-mêmes guidées par des processus bottom-up et top-down, qui sera réellement déterminante dans les performances observées. Qu’il s’agisse des modèles abordés sur l’attention sélective ou ceux en lien avec les ressources attentionnelles, il pourrait être intéressant d’étudier si ces derniers permettent de décrire des situations écologiques comme la détection d’usagers au cours de la conduite automobile. Pour cela, la question de l’évaluation de la dynamique attentionnelle en conduite doit être posée.

Mesure de la dynamique attentionnelle en conduite

Comme développé dans l’étude de Mitsopoulos-Rubens et Lenné (2012) dans la partie relative à la conspicuité sensorielle (p.8-9), la plupart des travaux de recherche sur la détection d’UV se concentrent principalement sur des processus bottom-up (i.e., conspicuité sensorielle) pour expliquer l’efficacité la détection de ces mêmes usagers. Pourtant, comme nous l’avons vu précédemment, l’attention est également modulée par des processus top-down (i.e., conspicuité cognitive) et est aussi dépendante des ressources attentionnelles. Il apparait donc important d’utiliser les bons outils de mesures qui permettront de rendre compte le plus fidèlement possible de la dynamique attentionnelle

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dans le cadre de l’étude de la détection d’usagers au cours de la conduite automobile. Dans ce contexte, le développement de nouvelles technologies a sensiblement contribué à améliorer la quantité et la qualité des mesures collectées.

Simulation de conduite et détection d’usagers vulnérables

L’utilisation de la simulation dans le cadre de la recherche sur la conduite automobile a tout d’abord permis de proposer des environnements virtuels expérimentaux rendant possible l’évaluation de la perception au cours de la conduite tout en assurant la sécurité des participants. Cela a également permis de contrôler de nombreuses variables qui ne pourraient l’être dans des conditions de conduite réelles comme le comportement d’autres usagers de la route (e.g., Johannsdottir & Herdman, 2010), ou encore les conditions climatiques (e.g., Chakrabarty & Gupta, 2013). De plus, les simulateurs de conduite permettent de collecter une grande quantité de données. Qu’il s’agisse d’informations sur la vitesse, le freinage ou encore l’accélération du véhicule piloté par le participant, ces mesures sont utiles à l’évaluation du comportement global de conduite. Certaines études utilisent aussi ces mesures pour étudier le comportement des automobilistes dans des zones spécifiques de l’environnement routier (e.g., arrêts de bus, passages piétons) pour lesquelles il existe une forte probabilité de rencontrer des usagers vulnérables (UV). Dans l’étude de Rogé et al. (2015), les auteurs ont par exemple observé une baisse de la vitesse aux abords des passages piétons et des abris bus pour des participants exposés à des messages préventifs sur les UV.

Par ailleurs, grâce à la position du véhicule sur la route ainsi que celle des autres usagers, des indices plus complexes peuvent aussi être calculés comme le nombre de collisions entre le véhicule piloté par le participant et certains usagers, ou encore la distance de visibilité (i.e., distance entre l’automobiliste et l’usager au moment où l’automobiliste le détecte ; voir par exemple Rogé et al., 2015; Roge et al., 2010). Ces indices permettent notamment d’inférer si la dynamique attentionnelle a été suffisamment efficiente pour permettre une détection efficace de certains usagers de la route. Cependant, ces mesures, à elles seules, ne sont pas toujours suffisantes pour comprendre la situation dans son entièreté. Il se peut par exemple qu’un automobiliste détecte un usager de manière assez précoce, mais ne freine pas à temps pour éviter la collision, car son attention était dirigée ailleurs dans l’espace routier. Dans ce type de situation, des mesures oculométriques peuvent alors s’avérer utiles en apportant des informations sur la position du regard de l’automobiliste, position qui permettra ensuite d’inférer vers quelle région de l’environnement l’attention du conducteur était spécifiquement orientée.

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CADRE THÉORIQUE : Attention

Oculométrie et détection d’usagers vulnérables

L’oculométrie (ou eye-tracking) regroupe un ensemble de techniques permettant l’étude des mouvements des yeux. Étant donné le fort lien existant entre attention et mesures oculométriques (Henderson, 1993), l’oculométrie s’avère très utile pour appréhender la dynamique attentionnelle. Plusieurs champs de recherche se sont ainsi ressaisis de ces techniques afin d’évaluer comment l’individu gérait son attention lors de tâches complexes. À titre d’illustration, dans le domaine de la conduite automobile, certains auteurs se sont intéressés aux stratégies visuelles lorsque le conducteur évolue dans une courbe (e.g., Mars & Navarro, 2012). D’autres études ont également utilisé ce type de mesure pour évaluer l’altération de la taille du champ visuel fonctionnel au cours de la réalisation d’une tâche secondaire pendant la conduite (e.g., Recarte & Nunes, 2000). Dans un autre registre, Stephens, Trawley, Madigan et Groeger (2013) se sont spécifiquement intéressés à la proportion de temps passé dans différentes régions d’intérêt définies comme trois zones de l’environnement routier (i.e., une zone centrale et deux zones latérales englobant les trottoirs notamment). Grâce à cela, les auteurs ont pu évaluer vers quelle(s) région(s) le regard du conducteur, et donc potentiellement son attention, était principalement orienté et ainsi mieux comprendre les stratégies d’exploration visuelle adoptées en présence d’autres usagers de la route. Dans le cadre de l’étude de la détection d’usagers en conduite, cette logique de zones ou régions d’intérêt peut aussi être utile. Rogé et al. (2012) ont par exemple mis en évidence que des automobilistes-motards regardaient moins longtemps les rétroviseurs que des automobilistes exclusifs lorsque chacun d’entre eux devait détecter des motards dans l’environnement routier. Ils ont par ailleurs constaté que ces mêmes automobilistes-motards réalisaient plus de saccades et avaient des durées de fixations moyennes plus faibles que des automobilistes exclusifs. Ces différents résultats concernant l’oculométrie nous amènent à conclure que les mesures obtenues avec ces techniques permettent d’apporter des informations pertinentes pour l’étude de la détection d’usagers au cours de la conduite. Toutefois, celles-ci ne sont pas toujours suffisantes à elles seules pour appréhender la dynamique attentionnelle et donner du sens aux comportements observés.

Prenons par exemple le phénomène de look-but-fail-to-see. Celui-ci fait référence, dans le cadre de la conduite automobile, à des situations où un conducteur ayant porté son regard sur une zone de l’environnement routier dans laquelle se trouvait un usager (e.g. un cycliste) ne met pourtant pas en place une série de réponses lui permettant d’éviter la collision (voir Herslund & Jørgensen, 2003 pour un exemple d'étude à ce sujet). Dans ce type de situation, l’automobiliste ne prend donc pas réellement conscience de la présence de l’autre usager alors que l’analyse de la position du regard indique que son regard s’est porté sur cet usager. Cela laisse donc penser que la gestion de l’attention,

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et probablement de manière sous-jacente celle des ressources attentionnelles, n’était pas optimale dans cette situation. C’est donc par la combinaison des données oculométriques avec celles collectées par les simulateurs de conduite que nous nous sommes intéressés, dans le cadre de cette thèse, à la dynamique attentionnelle des automobilistes lors de situations de détection d’UV (cyclistes). L’analyse de ces différents indices pourrait effectivement permettre d’obtenir des performances de détection précises des cyclistes par l’automobiliste et ainsi mieux comprendre comment celui-ci gère son attention lorsqu’il doit détecter ces usagers.

C

e qu’il faut retenir !

 La conduite est une tâche riche et complexe qui nécessite une gestion de l’attention s’opérant d’une part par la sélection d’informations, mais également par une gestion adéquate des ressources attentionnelles.

 L’attention peut être dirigée par des processus bottom-up et top-down qui peuvent être respectivement abordés via les concepts de conspicuité sensorielle et conspicuité cognitive dans le cadre de la détection d’usagers vulnérables au cours de la conduite.

 Les ressources attentionnelles ont un rôle important dans la dynamique attentionnelle et peuvent expliquer les performances observées lors d’une tâche. Qu’il s’agisse de conceptions reposant sur un seul réservoir de ressources (Kahneman, 1973) ou plusieurs (Wickens, 2002), ces modèles peuvent trouver écho dans l’étude de la détection des usagers de la route.  La combinaison de données oculométriques avec celles collectées grâce aux simulateurs de

conduite apparaît être une option intéressante que nous avons utilisée dans cette thèse pour aborder la capacité de l’automobiliste à détecter des cyclistes.

Dans le cadre de ce travail de thèse, nous avons cherché à identifier les rôles respectifs de l’information délivrée et des émotions générées par un message préventif en sécurité routière sur la capacité de l’automobiliste à détecter des cyclistes. Après avoir abordé le concept d’attention qui apparait comme central dans ce travail, nous allons à présent nous concentrer sur le concept d’émotion qui apparaît tout aussi important au regard de la problématique investie.

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CADRE THÉORIQUE : Émotions

■ Émotions

Au cours de l’activité de conduite, devant un film, mais également dans de nombreuses autres situations de la vie quotidienne, l’Homme est soumis à certaines sensations qu’il peut qualifier de plus ou moins plaisantes. Ces sensations, se manifestant bien souvent à un niveau somatique et psychologique, sont qualifiées par l’individu comme étant des émotions ou parfois plus largement comme la manifestation de l’émotion. Dans la suite de ce manuscrit, nous utiliserons d’ailleurs les termes « l’émotion » et « les émotions » pour faire respectivement référence au phénomène dans sa globalité et aux différentes instances qu’il peut intégrer en fonction des modèles présentés. Notons toutefois que « l’émotion » pourra aussi être utilisée pour désigner une émotion spécifique (e.g., colère). Néanmoins, peut-on définir clairement ce qu’est l’émotion ?

Sur la base de l’étude d’une centaine de définitions existantes dans la littérature sur les émotions, Kleinginna et Kleinginna (1981) ont tenté de proposer une définition la plus consensuelle possible de ce phénomène. Leur travail a permis d’établir que l’émotion serait un ensemble d’interactions complexes entre des facteurs subjectifs et objectifs qui seraient contrôlés par des systèmes neuronaux et hormonaux. Cet ensemble d’interactions ferait émerger 1) des expériences affectives telles que les sentiments, le plaisir/déplaisir, l’arousal (concept que nous aborderons plus en détail par la suite) ; 2) ferait intervenir des processus cognitifs tels que des effets de saillance perceptive émotionnelle, l’évaluation de la stimulation ou encore des processus de labélisation de la sensation ressentie ; 3) activerait des ajustements physiologiques généralisés ; 4) mènerait à un comportement qui souvent, mais pas toujours, serait expressif, dirigé par les buts et adaptatif.

Un aspect important qui peut être retenu de cette définition est le caractère multi componentiel de l’émotion, idée que l’on retrouve également dans l’ouvrage de Niedenthal, Krauth-Gruber et Ric (2006, p.7-10). Cela pose néanmoins la question du rôle et de l’organisation de chacune des composantes au sein même du processus émotionnel. Afin de mieux cerner le phénomène dans sa globalité, plusieurs théories de l’émotion ont été développées par différents chercheurs. Dans la partie présentée ci-après, nous aborderons de manière non exhaustive quelques-unes d’entre elles sur lesquelles s’appuie ce travail de thèse.

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Quelques théories et modèles de l’émotion

Théories évolutionnistes et émotions discrètes

L’esprit humain a besoin de catégoriser. Prenons l’exemple des couleurs. Dans la vie de tous les jours, il est rare d’entendre « regarde comme ce ciel est d’une longueur d’onde d’environ 465 nm aujourd’hui ». Pourtant, ce que nous appelons couleur n’est autre qu’une catégorisation du spectre de la lumière visible qui est en réalité un continuum. Nous attribuons en effet des « étiquettes » différentes à des intervalles de longueur d’onde différents afin de pouvoir parler d’une même chose et être compris. Cette analogie aux couleurs peut aider à comprendre l’approche des émotions basiques ou discrètes. Les émotions sont en effet un phénomène complexe pour lequel les frontières d’une émotion à une autre sont parfois minces. Nous utilisons donc des mots pour catégoriser et décrire nos sensations. Selon plusieurs auteurs, il existerait un nombre fini d’émotions, lesquelles seraient innées et constitueraient en quelque sorte les composantes élémentaires de la vie émotionnelle (e.g., Ekman, 1984; Tooby & Cosmides, 1990). Elles trouveraient leurs fondements dans la biologie avec des manifestations spécifiques au niveau moteur et physiologique (Ekman, 1984, 1992; Levenson, Ekman, & Friesen, 1990). En d’autres termes, une stimulation spécifique entrainerait une réponse (i.e., une émotion) spécifique.

Bien que le nombre exact d’émotions basiques dépende assez sensiblement de la conceptualisation de chaque auteur (e.g., onze pour Izard, 1977 ; six pour Ekman, 1992 ; ou encore huit pour Plutchik, 1980), il y aurait tout de même un consensus autour de cinq émotions communément admises : la joie, la tristesse, la colère le dégoût et la peur (Niedenthal et al., 2006, p. 43). Cependant, selon Oatley et Johnson-Laird (1996, p. 365), ce qui compte réellement, ce n’est pas tant le nombre d’émotions, mais plus leur fonction. L’approche discrète des émotions reposerait en effet sur des théories évolutionnistes comme celle de Charles Darwin. L’idée serait que les émotions auraient conservé les reliquats de comportements adaptatifs. Par exemple, selon Darwin, le dégoût serait associé à une gestuelle qui représenterait l’expulsion de la nourriture par la bouche et une augmentation de la taille des narines afin de mieux capter les odeurs, car la fonction du dégoût dans le passé servait à l’individu à éviter d’ingérer des substances dangereuses (Niedenthal et al., 2006, p. 12).

Cependant, la force de cette approche suggérant que les émotions seraient des sortes de briques élémentaires distinctes constitue également sa plus grande faiblesse. Alors qu’il peut être confortable de coller des « étiquettes » sur certaines émotions, il est parfois difficile de trancher entre deux émotions proches (e.g., colère et frustration). Il peut donc s’avérer parfois plus aisé de catégoriser

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CADRE THÉORIQUE : Émotions

des émotions selon des critères plus génériques (e.g., l’aspect plaisant ou déplaisant). Dans cette perspective, plusieurs modèles tentent de formaliser ces différentes méta-catégories, lesquelles constituent autant de dimensions des émotions.

Modèles dimensionnels

Parmi les modèles dimensionnels de l’émotion, les modèles à deux dimensions représentent une grande partie de la littérature (Niedenthal et al., 2006, p. 53). Ils se composent généralement d’une première dimension sur laquelle l’émotion ressentie est qualifiée de plaisante ou de déplaisante. Dans ce cas, il est courant d’utiliser la terminologie de « valence » positive lorsque l’émotion ressentie sera plaisante ou négative pour une émotion déplaisante. Le deuxième axe de ce type de modèle est quant à lui souvent lié au degré d’activation (fort vs faible) de l’émotion ressentie et est parfois appelé « activité » ou « arousal » (Niedenthal et al., 2006, p. 53). Dans le cadre de cette thèse, nous définirons l’arousal comme l’activation physiologique et psychologique de l’individu. Ces modèles bidimensionnels supposent que, quelle que soit l’émotion ressentie, celle-ci peut se réduire à une certaine valence et un certain niveau d’activation ou arousal.

L’un des modèles bidimensionnels les plus connus est sans nul doute le modèle circumplex de Russell (1980) dont une illustration est proposée dans la Figure 6 ci-après. Dans son étude, l’auteur suggère que la vision des émotions selon des éléments distincts s’explique en partie par l’utilisation d’outils de mesure étayant cette approche théorique. En d’autres termes, les questionnaires utilisés dans certaines études prônant une approche discrètes des émotions permettent seulement aux participants de déclarer quelles émotions spécifiques ils ressentent. En 1980, Russell propose donc un modèle construit sur la base d’un repère orthogonal avec une dimension horizontale de valence (plaisant — déplaisant) et une dimension verticale d’arousal (excitant — apaisant). Après avoir interrogé une série de participants pour que ces derniers positionnent des émotions discrètes (e.g., colère, tristesse) sur son repère, Russell a pu mettre en évidence que les émotions ne seraient pas indépendantes les unes des autres, mais seraient, au contraire, plutôt liées sémantiquement. Ces résultats lui ont permis de ne plus se limiter uniquement à un repère orthogonal à deux axes, mais d’enrichir celui-ci en lui donnant un aspect circulaire sur lequel des déplacements antihoraires successifs de 45° permettent de passer d’une émotion plaisante à une émotion enthousiasmante, à une émotion excitante, etc. (voir Figure 6). Ainsi, si l’on prend l’exemple des émotions de colère et de tristesse, nous pouvons constater que, bien que situées du côté déplaisant du repère, ces dernières sont respectivement positionnées dans la partie haute (arousal élevé) et la partie basse (arousal faible) du modèle car elles se distinguent au niveau de leur arousal.

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Figure 6. Illustration du modèle circumplex de Russell (1980) et positionnement de deux émotions (colère et tristesse) sur celui-ci

Il existe également d’autres modèles qui proposent plus de deux dimensions. Par exemple, Plutchik conçut en 1980 un modèle sur la base de celui de Russell (1980) en intégrant, entre autres, la notion de dyades. Son modèle propose en effet huit émotions de base pouvant être combinées deux à deux (i.e., dyades) pour en former de nouvelles comme illustré dans la Figure 7.A ci-après. Son modèle fonctionne également sur différentes strates, lesquelles s’empilent selon une dimension verticale représentant l’intensité comme illustré dans la Figure 7.B. Dans ce modèle, plus l’intensité augmente, plus l’émotion est intense (e.g., la contrariété devient colère et peut ensuite se transformer en rage). Notons toutefois que contrairement à Russell (1980), Plutchik, lui, considère les émotions comme des éléments combinables et se range donc dans une approche discrète des émotions (Niedenthal et al., 2006, p. 43).

EXCITANT

APAISANT

PLAISANT

Enthousiasmant

Relaxant

Epuisant

Stressant

DEPLAISANT

Colère

Tristesse

.

.

45°

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CADRE THÉORIQUE : Émotions

Figure 7. Illustrations du modèle multidimensionnel de Plutchik (1980) (A et B), la représentation des émotions primaires et leurs dyades (A) ainsi que les différentes strates

du modèle (B) (tiré de Belzung, 2007)

Bien que pratiques pour décrire l’organisation des émotions ainsi que leurs relations, ni l’approche discrète des émotions que nous avons vue précédemment, ni les modèles dimensionnels, qu’ils reposent sur des théories évolutionnistes ou non, ne permettent d’expliquer pourquoi deux personnes exposées à une même situation n’expérimentent pas forcément les mêmes émotions. La réponse se trouve peut-être dans les théories dites de l’appraisal.

Théories de l’appraisal

Contrairement aux approches évolutionnistes qui attribueraient à chaque stimulus une émotion spécifique, les théories de l’appraisal s’intéressent à la cause de l’émotion en allant à l’encontre d’une simple relation stimulus  réponse. En effet, dans ces théories, la cognition joue un rôle central. Elle servirait à évaluer le sens et les liens causaux entre les différents stimuli ainsi que la capacité de l’individu à gérer la situation (Niedenthal et al., 2006, p. 13). En somme, l’individu réaliserait une série d’évaluations qui lui permettraient de faire le point sur la situation et de pouvoir ainsi qualifier ce qu’il ressent pour ensuite agir. L’une des plus célèbres études s’inscrivant dans cette approche est celle de Schachter et Singer (1962). Dans cette recherche, les auteurs ont injecté de l’adrénaline à des participants afin que la substance agisse comme un stimulant en faisant augmenter leur arousal. Parmi ces participants, une partie était informée de l’effet de l’injection et l’autre non. Ensuite, ces deux groupes étaient invités à échanger avec des complices des expérimentateurs qui dans un cas agissaient de manière joyeuse, dans l’autre cas agissait de manière agressive. Les résultats de

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