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La technique d’électrocardiographie qui peut se définir comme l’enregistrement de l’activité électrique du cœur est relativement ancienne puisque le premier électrocardiogramme (ECG) à avoir été enregistré sur un humain remonte à l’année 1887 et fut réalisé par un certain Augustus Desiré Waller (Lüderitz, 2003). Alors que les premiers électrocardiographes pouvaient être assez volumineux (voir Figure 25 pour une illustration des premiers dispositifs commerciaux), ils ont ensuite progressivement diminué en taille. Dans le domaine de la recherche scientifique, ils sont ainsi devenus très petits, parfois sans fil, et permettent des mesures de qualité tout en étant non invasifs.

Figure 25. Illustration de l'un des premiers ECG commercialisé, construit en 1911 par The Cambridge Scientific Instrument Company (tiré de Barron (1950))

Quel que soit le type d’électrocardiographe utilisé, les indices permettant d’analyser l’activité du cœur se basent généralement sur un ECG (voir Figure 26. A pour une illustration) à partir duquel il

est possible d’extraire différentes composantes du signal, telles que les ondes P, Q, R, S ou T comme illustré dans la Figure 26.B. Ces ondes correspondent à la manifestation électrique de l’activité physique du cœur et décrivent les différentes étapes d’un cycle (ou révolution) cardiaque. Alors que l’onde P décrit la contraction (ou dépolarisation) auriculaire, le complexe formé par les ondes QRS décrit la dépolarisation ventriculaire. L’onde T, quant à elle, décrit la repolarisation ventriculaire (Luna, 1998).

Figure 26. Illustration d'un électrocardiogramme (A) et tracé prototypique d'un cycle cardiaque (B)

Parmi les indices qui sont fréquemment calculés à partir de l’ECG, la fréquence cardiaque (FC) est la mesure la plus utilisée pour s’intéresser aux émotions (Kreibig, 2010). Celle-ci peut se définir comme le nombre de cycles cardiaques par minute. Bien souvent, ce sont les pics R, facilement discernables dans le signal cardiaque, qui servent de repère et qui sont comptés sur une minute. Une autre façon de s’intéresser à l’activité cardiaque dans le cadre de l’étude des émotions peut aussi se faire via l’analyse de la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC). Selon la Task Force of The European Society of Cardiology and The North American Society of Pacing and Electrophysiology (1996), l’analyse de la VFC s’intéresse aux variations de la taille des intervalles RR (i.e., intervalle de temps entre deux pics R successifs) au cours du temps. Pour cela, différents niveaux d’analyses sont possibles.

Le premier niveau, probablement le plus simple à appréhender, est l’analyse temporelle de la VFC. Ce type d’analyse permet en effet de calculer des indices simples à partir de la taille ou de la différence entre des intervalles RR. À titre d’exemple, SDNN représente l’écart-type des intervalles RR (indice calculé à partir d’une mesure directe des intervalles RR) et pNN50 représente la proportion d’intervalles successifs différant de plus de 50 ms (indices dérivés des différences entre des intervalles RR). Notons qu’il existe également une approche géométrique de l’analyse temporelle de la VFC permettant d’analyser la forme de la représentation graphique de la distribution des intervalles RR grâce à des patterns géométriques. Ce travail de thèse n’aborde cependant pas ce dernier aspect.

Onde R

Onde P Onde T

Onde Q Onde S

Le deuxième niveau d’analyse de la VFC repose sur des méthodes dites fréquentielles. Ce type d’analyse cherche à décomposer le signal en différentes gammes de fréquences afin de déterminer laquelle concentre le plus de densité spectrale. Cette méthode apporte un éclairage tout particulier sur la nature rythmique de la fluctuation des intervalles RR au cours du temps, information qui ne peut être accessible avec l’analyse temporelle de la VFC. Pour cela, l’analyse fréquentielle de la VFC consiste, à partir du tachogramme (i.e., courbe obtenue grâce à l’interpolation de la durée des intervalles RR présentés sous la forme d’une série d’évènements discrets), à réaliser une transformée de Fourier qui est une opération mathématique permettant de décomposer une fonction selon ses fréquences (voir Figure 27). Quatre composantes spectrales sont communément étudiées (Berntson et al., 1997) : 1) les hautes fréquences (HF) pour des oscillations de la FC comprises entre .15 et .4 Hz. Ces dernières sont principalement représentatives de l’activité parasympathique ; 2) les basses fréquences (BF) pour des oscillations comprises entre .04 et .15 Hz, lesquelles traduiraient principalement l’activité sympathique, bien que certains travaux prétendent qu’il s’agirait plutôt d’un amalgame d’activités sympathique et parasympathique (Pomeranz et al., 1985) ; 3) les très basses fréquences (TBF) pour des oscillations comprises entre .0033 et .04 Hz qui traduisent des mécanismes de régulation à long terme (e.g., thermorégulation), mais pour lesquelles il n’existe pas encore de consensus ; 4) les ultras basses fréquences (UBF) pour des oscillations comprises entre 0 et .0033 Hz. L’analyse de cette gamme de fréquences nécessite des enregistrements longs (24 heures) et est plutôt réservée à des diagnostics cliniques. Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéresserons uniquement aux HF et aux BF.

Figure 27. Exemples d’un tachogramme (A) et d’une transformée de Fourier (B) (traduit de la Task Force of The European Society of Cardiology and The North American Society of

Pacing and Electrophysiology (1996)) Tachogramme Fréquence (Hz) BF HF TBF D ens it é spe ct ra le ( s² /H z) # Intervalle R R ( s) Moy. TBF BF HF

B

A

Fréquence (Hz) Puissance (ms²)

Le troisième niveau d’analyse part du postulat que la VFC repose sur des phénomènes non linéaires. La VFC serait en effet déterminée par de complexes interactions entre des variables hémodynamiques, électrophysiologiques et des régulations des systèmes nerveux centraux et autonomes (Task Force of The European Society of Cardiology and The North American Society of Pacing and Electrophysiology, 1996). Par conséquent, une analyse reposant sur des méthodes non linéaires pourrait permettre de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents impliqués dans la VFC. Pour cela, l’analyse non linéaire de la VFC regroupe un ensemble d’indices prometteurs pour lesquels il n’existe pas encore de standards bien établis. Néanmoins, à titre d’exemple nous pouvons évoquer le Poincaré Plot qui est l’un des indices non linéaires les plus faciles à appréhender (voir Figure 28 pour une illustration). Celui-ci, propose une représentation graphique de la corrélation entre des intervalles RR successifs. Deux indices peuvent ensuite être calculés afin de décrire la forme du nuage de points formé. Le premier indice nommé SD1 permet de rendre compte de la variabilité à court terme, tandis que le deuxième indice SD2 permet plutôt de renseigner sur la variabilité à long terme de la FC (Tarvainen, 2014).

Figure 28. Illustration d'un Poincaré Plot (tiré de Tarvainen (2014))

Pour rappel, le cœur est soumis à l’influence des branches sympathique et parasympathique du SNA (Figure 10 p.28). Alors qu’une augmentation de la FC traduira une dominance du SNS, une

diminution de celle-ci traduira plutôt une dominance du SNP (Kahle et al., 1981). Concernant la VFC, nombreux sont les indices qui peuvent renseigner sur la dominance de l’un ou l’autre des sous-systèmes du SNA en fonction de la méthode d’analyse utilisée (temporelle, fréquentielle ou non linéaire). Cela est notamment possible grâce à un raisonnement en termes de variabilité à court ou à long terme. En effet, la variabilité à court terme de la FC serait reliée à une dominance de la branche parasympathique tandis que la variabilité à long terme serait plutôt reliée à la dominance du SNS, bien qu’il n’existe pas de consensus clair pour le SNS (Berntson et al., 1997; Task Force of The European Society of Cardiology and The North American Society of Pacing and Electrophysiology, 1996). Par exemple, les valeurs obtenues pour HF ou SD1 suite à l’analyse fréquentielle et non linéaire de VFC nous renseigneront plutôt sur une variabilité à court terme de la FC, tandis que les valeurs de BF nous renseigneront sur la dominance du SNS. À partir de ces informations, il est alors possible d’inférer l’activité du SNA et de faire des liens avec certaines théories sur les émotions. In fine, cela permet de poser en quelque sorte un diagnostic sur le type d’émotion ressentie par l’individu. Certains auteurs comme Kreibig (2010) vont même plus loin. Dans une revue de littérature sur les manifestations physiologiques des émotions, cette auteure a dressé un tableau des variations de la FC et de différents indices de la VFC observées pour une liste d’émotions communément étudiées. Ses résultats ont montré que les patterns physiologiques pouvaient être différents d’une émotion à une autre permettant ainsi d’affiner l’identification de l’état émotionnel d’un individu sur la base de ses variations physiologiques.

Annexe 2