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Article pp.207-217 du Vol.9 n°2 (2011)

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Réflexions sur l’intégration sociale des NTIC et sur l’éducommunication

Rosa Maria Cardoso Dalla Costa

Universidade Federal do Paraná

Av. Prefeito Lothario Meissner, 632 - Jardim Botânico

Setor de Ciências Sociais Aplicadas – UFPR, Curitiba - PR Brésil rmdcosta@uol.com.br

RÉSUMÉ. Cet article propose une réflexion sur l’intégration sociale des nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) en Amérique latine et au Brésil, et sur la place de l’éducommunication dans cette intégration. Il part d’une analyse des rapports, dans le contexte latino-américain, entre nouvelles technologies d’information et de communication et diversité culturelle, essentiellement basée sur l’approche de Jesús Martín-Barbero. Loin du pessimisme et du manichéisme qui a toujours marqué la recherche sur les technologies, cette approche privilégie les processus et contextes culturels dans lesquels les technologies sont utilisées. Suivent une analyse des conditions d’accès aux TIC de la société brésilienne et un bref historique de leur insertion dans les écoles, l’étude des actions d’éducommunication, parmi lesquelles l’alphabétisation électronique, et enfin les stratégies de développement et de renforcement des instances démocratiques. Ce texte s’achève sur la caractérisation de l’école comme lieu privilégié pour la préparation des citoyens à la société technologique, à travers la prise en compte de la complexité.

ABSTRACT. This article reflects on the social integration of information and communication technology (ICT) in Latin America and in Brazil, and on the role played by “edu- communication” in this integration. It starts with an analysis of the relationship between ICT and cultural diversity, mainly relying on the work of Jesús Martín-Barbero. Far from the usual pessimism and Manichaeism associated with research on ICT, this approach enhances the processes and cultural environments within which the ICT are being used. Then the author studies the conditions according to which the Brazilian society accesses ICT and provides a short historical background of their introduction in schools, of the “edu- communication” carried on, among which digital literacy, and of the strategies for development and strengthening of democratic instances. Finally the article characterizes school as a privileged place for getting citizens ready for a technological society through by taking complexity into account.

MOTS-CLÉS : approche critique, développement local, éducommunication, industries culturelles, intégration sociale des TIC.

KEYWORDS: critical approach, local development, educommunication, cultural industies, social integration of ICT

DOI:10.3166/DS.9.207-217 © Cned/Lavoisier 2011

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Introduction

Pour aborder la question de l’intégration sociale des technologies d’information et de communication – TIC – au Brésil, il faut procéder à une rapide contextualisation du développement socio-économique-culturel brésilien et de son insertion dans le scénario latino-américain. Il faut, avant tout, comprendre que le processus d’introduction de ces TIC n’emprunte pas partout les mêmes voies. En l’occurrence, pour Martín-Barbero (2007), les années 1970 et 1980 se caractérisent au Brésil par la prédominance de la macro-économie sur la politique, comme en témoignent la démobilisation de la population, la délégitimation de l’institution et l’augmentation des inégalités sociales. A partir des années 1990, l’introduction de nouvelles technologies d’information et de communication se produit alors que les mouvements politiques et les organisations reprennent de la vigueur et tandis que le marché se présente comme le nouveau principe organisateur de la société. La politique, qui surgit ainsi avec ses lacunes et ses zones d’ombre, est aussi l’occasion d’introduire de nouvelles significations sociales. En Amérique latine, la révolution numérique et l’internet, sa partie la plus visible, connaissent une véritable intégration sociale, ce qui conduit à éviter de penser la technologie selon les a priori du déterminisme technologique et du pessimisme culturel. Plus exactement, la mondialisation nous semble devoir être entendue comme le vecteur de la domination du marché, de la standardisation de la pensée et de l’intensification des inégalités, mais aussi, et contradictoirement, comme l’ouverture à de nouvelles possibilités d’action et d’échanges culturels. Ainsi, l’étude des technologies d’information et de communication conduit-elle à mettre en question le paradigme présidant à l’analyse des phénomènes de communication forgé durant la période des gouvernements autoritaires dans toute l’Amérique latine et qui reste marqué par une forte idéologie et la méfiance à l’égard des moyens de communication de masse. Martin-Barbero (2007) indique à cet égard :

« En Amérique latine, nous sommes en présence d’une société structurellement fragilisée, mais dont en même temps les communautés culturelles – depuis les indigènes jusqu’à la jeunesse urbaine, en passant par certaines petites et moyennes industries culturelles – retrouvent le sens des collectivités, réinventent leurs identités, renouvellent usages et patrimoines, procèdent à l’articulation productive du local et du global. »

Ainsi, les processus actuels de communication menacent les cultures locales mais offrent aussi la possibilité de rompre avec l’exclusion, de promouvoir l’intégration et d’ouvrir des nouvelles voies vers l’avenir. La révolution technologique a pour particularité de ne pas seulement introduire un ensemble de machines dans la société, mais de configurer un nouvel écosystème communicationnel, caractérisé par une nouvelle façon d’habiter le monde et d’y tisser des liens sociaux. Pour un continent qui a intégré les moyens électroniques de communication de masse sans être passé – dans sa majeure partie – par le langage écrit, l’expérience audiovisuelle, intensifiée par la révolution numérique, marque la fin de ce langage des lettrés qui, pendant plus d’un

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siècle et demi, a méprisé l’altérité et nié la richesse des oralités et formes visuelles de la culture. Les nouvelles technologies en Amérique latine, au-delà de l’impression de nouveauté technique qu’elles donnent, nous incitent donc à rendre compte d’une nouvelle manière de parler, de percevoir et de sentir.

Ici intervient la question de l’interface entre communication et éducation, c’est-à- dire la question de ce que l’on appelle « éducommunication ». Baccega (2009, p. 20) constate que les moyens de communication représentent un nouveau mode de socialisation, s’ajoutant à l’école et à la famille et qu’ils contribuent à la construction de nouvelles significations sociales. Or, ces nouvelles significations déterminent les options que la société se donne pour ses évolutions, ce qui justifie que l’on en fasse le cœur de l’analyse. Telle est la perspective dans laquelle nous nous proposons d’étudier l’enjeu des technologies sur la société latino-américaine et brésilienne en particulier à partir du défi de l’éducommunication.

L’impact des technologies sur les situations d’inégalité sociale

Les données sur le parc des outils numériques montrent que le Brésil est de plus en plus connecté, en dépit des différences selon les classes et les localisations géographiques. L’enquête réalisée par le Cetic1 indique que la possession d’un ordinateur a augmenté de 29 % en 2009 et l’accès à internet de 35 % par rapport à l’année précédente. La même enquête montre que 47 % des individus ont utilisé l’ordinateur à leur domicile au cours des trois derniers mois, tandis que 43 % ont utilisé l’internet. L’on observe également une augmentation significative de 62 % des télécentres des zones rurales. Quant au téléphone portable, le parc a crû de 63 % en 2009, 90 % de ces utilisateurs se servant de cartes prépayées.

La dernière enquête réalisée par le Cetic montre que la télévision est présente dans 98 % des foyers brésiliens, suivie de la radio qui l’est à 86 %, et du téléphone portable à 78 %. La technologie la moins présente au sein de la population est l’ordinateur portable, seulement présent dans 5 % des foyers, précédé de la télévision par abonnement, dans 9 %, et de la console de jeu vidéo, dans 16 %.

L’ordinateur de table est présent dans 30 % des domiciles et le téléphone portable avec accès à internet atteint 21 % de la population (Source : NIC.br sept/nov/2009).

En zone rurale la possession d’ordinateurs de table au domicile tombe à 11 %, et le téléphone portable avec accès à internet se trouve au même niveau. En ce qui concerne l’accès à la télévision et à la radio, les scores sont proches en zone urbaine et en zone rurale, 96 % et 83 % respectivement. Du point de vue des différences régionales, le Nord-est est la région qui présente le plus faible taux d’équipement :

1. Cetic – Centre d’études sur les technologies de l’information et de la communication, responsable de la coordination et publication d’enquêtes sur la disponibilité et l’utilisation d’internet au Brésil. Ces études servent de référence pour la formulation de politiques publiques qui assurent l’accès de la population aux TIC.

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20 % pour le téléphone fixe, 10 % pour le téléphone portable avec accès à internet, 13 % pour l’ordinateur de table et seulement 2 % pour l’ordinateur portable, tandis que l’accès à la télévision et à la radio est exactement le même que celui des régions les plus développées du pays, celles du sud-est et du sud.

Même si la tendance est à la hausse, l’on assiste à une mobilisation intense de la société civile en faveur de la communication considérée comme droit de l’homme et garantie démocratique. A la première Conférence nationale de communication, qui s’est tenue en décembre 2009 à Brasília, l’Intervozes2 – Collectif brésilien de communication sociale – a soutenu une série de mesures demandant à l’État non seulement de veiller au respect du droit d’expression et d’accès à l’information de toute la société brésilienne mais encore d’en favoriser le développement et l’extension. Dans le document issu des travaux de cette Conférence, quelques axes essentiels pour la garantie du droit à la communication sont tracés. Le premier d’entre eux concerne le contenu et la Conférence demande à l’État d’exiger des prestataires de services audiovisuels la prise en compte des finalités éducatives, culturelles et artistiques prévues par la Constitution fédérale, en assurant un minimum de 10 % des heures diffusées hebdomadairement à chacune de ces trois finalités. Le document défend aussi le principe de la création d’un Fond national afin de garantir la qualité de la production des chaînes publiques, l’adoption de nouveaux critères pour la concession et le renouvellement des concessions et la création d’un service large bande, destiné à être exploité sous régime public afin d’assurer l’accès universel à différents médias.

Les principales revendications de l’Intervozes portent sur le durcissement du contrôle sur les stations privées de radio et télévision, revendication ancienne de la société brésilienne. La revendication qui a provoqué et provoque toujours de grands débats a trait à la création d’un Conseil national de la communication, ouvert à la représentation populaire dans ses diverses instances et soumis à des exigences rigoureuses de transparence. À la fin du document, la Conférence invite l’État à garantir les droits des citoyens sur les réseaux numériques, sans considération de classe sociale, niveau scolaire ou toute autre caractéristique socioéconomique et culturelle.

Évidemment cette revendication en faveur de l’égalité d’accès aux nouvelles technologies est très présente dans les recherches brésiliennes, l’idée étant d’identifier les modes d’accès à la communication, lorsqu’ils existent, où ils se trouvent, comment ils se pratiquent et ce qu’ils représentent pour la participation démocratique.

Les significations sociales de l’utilisation des nouvelles technologies

Dans les années 1960 et 1970, en Amérique latine, les processus de communication en général étaient appréhendés comme des menaces pour la survie

2. Propositions centrales pour la première conférence nationale de communication.

http://intervozes.org.br/publicações/documentos

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des cultures locales et comme des manières d’imposer les valeurs culturelles des quelques pays du « Premier Monde », en particulier des Etats-Unis, d’où était importée la majeure partie de la production audiovisuelle (Dalla Costa, 2006). C’est seulement à partir des années 1980 que les études de la Théorie de la Communication menées sur le continent commencent à rendre compte des possibilités de réinterprétation des messages médiatiques et des espaces de contre- hégémonie propres aux processus de communication.

Il est certain, comme l’affirme Orofino (2005, p. 48) que « nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, à travers la radio, le téléphone, la TV ou l’internet,

‘branchés sur le monde’, tout comme le sont les enfants et les adolescents ». L’auteur reconnaît également qu’il y a des régions entières du monde qui ne partagent pas cette situation et ne disposent pas de l’accès aux moyens dont jouit le Brésil. Mais le fait est que la communication produit la culture dominante de notre époque, une culture où les médias jouent un rôle fondamental dans la structuration d’une nouvelle forme de mondialisation.

Des auteurs comme Martin-Barbero (1997) et Canclini (2003) reconnaissent que dans ces phénomènes de communication, l’on peut observer des contradictions, des conflits et des brèches. Fortes sont les variations en fonction du sexe, de l’âge, de l’appartenance ethnique et sociale, de la religion, entre autres. D’après Martin- Barbero (Orofino, 2005, p. 58), « il s’agit de comprendre comment nous comprenons la production sociale de la signification à partir d’une analyse intégrale de la consommation, elle-même comprise comme l’ensemble des processus sociaux d’appropriation des produits » (Martin-Barbero, 1997, p. 290). Ainsi, selon les auteurs latino-américains, les scénarios socioculturels agissent comme des médiateurs au service de la réception, étant donné que le téléspectateur (ou l’usager des TIC) « ne naît pas prêt, mais se construit, au cours de son expérience de vie ».

Reconnaître que la réception et les utilisations que nous faisons des moyens de communication produisent « des significations sociales » très souvent différentes de celles que leurs producteurs et concepteurs ont imaginées ne signifie pas que les médiations sont données ni que le public profite facilement des possibilités offertes.

Orofino (2005, p. 50) confirme ce point en disant qu’en Amérique latine et au Brésil en particulier, les structures économiques, politiques et de production sont encore rigides et défaillantes :

« Les médiations ne sont pas données. Elles se constituent en tant qu’actions réflexives et ont besoin d’être potentialisées, développées et travaillées. Et c’est là que l’école entre en jeu: l’école peut et doit être articulée avec les autres sphères de la société civile dans la construction d’alliance de transformation, dans la mesure où elle s’inclue, dans cette lutte de conquête de pouvoir, auprès des couches sociales exclues et marginalisées, en matière d’accès aux médias contemporains. »

Pour Barbero (2008, p. 11) nous sommes en présence d’un « désordonnancement culturel » observable par deux biais : par celui du déphasage de l’école par rapport au

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modèle social de communication qui a été introduit par les moyens audiovisuels et les

« nouvelles » technologies ; et par le biais de l’émergence de nouvelles sensibilités dans lesquelles s’incarnent, de façon « précipitée » et déconcertante, certains des traits les plus marquants du changement d’époque. Par conséquent nous sommes devant

« une jeunesse qui possède le plus d’occasions d’accéder à l’éducation et à l’information, mais qui, par contre, a beaucoup moins d’accès à l’emploi et au pouvoir ; qui est dotée d’une plus grande aptitude aux changements productifs mais qui finit par être, cependant, la plus exclue de ces changements ; qui est le plus portée à la consommation symbolique, mais est le plus privée de la consommation matérielle ; qui a le plus grand sens de l’autodétermination, mais dont la se développe majoritairement dans la précarité et la démobilisation... une jeunesse qui est davantage l’objet de politiques que le sujet-acteur des changements politiques. »

Selon cet auteur, cela ne signifie pas qu’il faut dévaloriser la place occupée par les cultures audiovisuelles et les technologies numériques, autant dans la vie quotidienne des jeunes que dans la configuration des imaginaires à partir desquels ces jeunes se voient eux-mêmes et pensent la transformation de leurs manières d’être ensemble. Il est important de souligner cependant que le clivage est toujours énorme entre ceux pour lesquels la technologie numérique fait partie de l’environnement familial et quotidien et ceux qui ne peuvent y avoir accès qu’occasionnellement (Martín-Barbero, 2008, p. 15).

Selon l’analyse de Martín-Barbero, les nouvelles générations perçoivent et assument la relation sociale comme une expérience qui passe beaucoup par la sensibilité et elles l’expriment à travers des idiomes tels que les rituels concernant l’habillement, le tatouage, les bijoux et ces objets qui cristallisent beaucoup d’imaginaire et d’émotion. L’école, de son côté, reste attachée au modèle rationnel et expulse le sujet, sinon le principe du plaisir du moins la sensibilité. Martin-Barbero (2008, p. 22) écrit à ce propos :

« C’est de cet endroit qu’ils nous regardent et écoutent ces sujets intimement et structurellement liés par leurs interactions à la technologie. C’est dans la trame des interactions entre sujets qu’aujourd’hui, les médiations technologiques révèlent leur potentiel alternatif : non, comme le pensent les observateurs apocalyptiques, que les médiations technologiques poussent les adolescents au retour sur eux-mêmes, l’ordinateur les rendant agoraphobes, les rendant « addicts » en les isolant et en les coupant de la réalité. »

Les recherches montrent, en effet, que la dépendance, l’isolement et la perte du sens de la réalité ne sont pas les tendances les plus visibles de l’usage des technologies par les jeunes, lesquels, même grands utilisateurs, continuent à fréquenter la rue, à faire la fête et à préférer la compagnie à l’isolement. Il faut alors analyser de quelle façon l’école prend en compte ces nouvelles sensibilités et quelle est la relation qu’elle établit avec les nouvelles technologies.

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Les nouvelles technologies à l’école et leur trame culturelle

Braga et Calazans (2001, p. 10) affirment qu’ « à chaque nouvelle invention technologique, la société associe aux processus communicationnels développés autour de cette invention une attente en matière d’éducation ». Au Brésil, cette attente est apparue de manière significative lorsque la radio a été inventée et que le chef d’entreprise Roquete Pinto a marqué, à partir de 1922, son intérêt pour son utilisation à des fins culturelles et éducatives et sa mise à disposition dans tous les foyers brésiliens (Soares, 1999, p. 20). Quant à l’usage de l’ordinateur à l’école, il a commencé, selon Brito et Purificação (2003, p. 47), au cours des années 1970, dans les universités, puis dans les écoles primaires et secondaires (années 1990).

Cet usage, cependant, est marqué par toute une série de problèmes qui peuvent se résumer de la manière suivante : disparité de moyens entre écoles publiques et écoles privées ; manque de préparation des professeurs et des fonctionnaires pour utiliser les TIC à l’école ; incapacité des politiques publiques à articuler cet usage aux directives liées aux programmes et enfin, représentations erronées que les élèves et leurs parents se font du rôle de l’école et des TIC dans la société.

Souza (Soares, 2008, p. 10) signale trois directions à travers lesquelles apparaît la difficulté de l’école à utiliser les nouvelles technologies. La première, selon lui, est la crise du modèle de société dérivé de l’organisation capitaliste qui caractérisait la société jusqu’à la moitié du XXe siècle. La deuxième direction est justement la crise des nouvelles relations que la société établit avec la technologie, qui se traduit par l’hégémonie du divertissement sur le savoir, de l’image et du son sur l’écrit et la façon dont les nouveaux supports façonnent des nouvelles manières de voir le monde. Enfin la troisième direction est la crise de la transformation des relations entre l’école et la communication, se traduisant par des pratiques pédagogiques souvent complexes et conflictuelles.

En ce qui concerne la disparité entre les écoles publiques et privées, Brito et Purificação (2003, p. 48) indiquent que

« les écoles privées font la preuve d’un niveau significatif d’informatisation, très souvent en choisissant des modèles de dispositifs pratiques et rapides : après l’investissement en équipement, elles engagent des spécialistes pour s’occuper du dispositifs et l’on n’y pense plus. »

En revanche, dans les écoles publiques, l’informatisation est plus lente, très souvent réalisée avec des moyens dus à la population organisée en « associations de parents et de maîtres » ou à des partenariats avec des entreprises et autres secteurs de la société. Or, les initiatives des gouvernements fédéraux, d’États et municipaux répondent plus, dans la majorité des cas, aux intérêts des entreprises qui fournissent des produits qu’aux écoles proprement dites (Oliveira, 2001). Quant aux professeurs, déjà surchargés par de longues journées de travail pour de bas salaires, ils ont de surcroît la responsabilité d’avoir à apprendre à se servir des nouvelles technologies, soit pour répondre aux consignes de l’État, soit pour s’adapter aux nouveaux

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langages et comportements de leurs élèves. Leur formation reste basée sur des discours abstraits et elle ne les prépare pas aux défis que l’école leur impose. Les élèves et leurs parents, quant à eux, bien que de plus en plus insérés dans la société technologique, se représentent encore l’école comme un lieu d’apprentissage rigoureux et structuré, aux antipodes des caractéristiques dynamiques et de divertissement attribuées aux moyens de communication et aux nouvelles technologies d’information et de communication.

Concernant les contenus, ils sont, dans la majorité des cas, conçus selon les modèles qui dominent dans la production didactique professionnelle. Selon Brito et Purificação (2003, p. 56), le marché brésilien possède en effet un nombre important de logiciels dénommés « éducatifs », mais dont peu correspondent réellement aux objectifs d’un véritable processus d’enseignement/apprentissage, visant à faire en sorte que l’élève apprenne à chercher des informations et sache s’en servir au lieu de les recevoir et de les retenir par coeur, en les oubliant rapidement peu après. Ces auteurs proposent une typologie des logiciels utilisés dans l’éducation : exercices pratiques, tutorats plus ou moins intelligents, simulateurs et jeux éducatifs. Ils notent que ces différents logiciels peuvent être utilisés de façon simultanée à partir du moment où leurs utilisations sont planifiées.

Reste la question culturelle : de quelle manière les TIC modifient-elles la trame culturelle des écoles brésiliennes, déjà largement diversifiée par l’immensité territoriale du pays et toutes les variables qui en découlent ? Pour Jacquinot- Delaunay (2008), la tradition pédagogique (au moins en Occident) repose sur une conception de la connaissance vue comme une accumulation ou une addition de savoirs, « sur l’idée de construire un édifice en partant du sol, en partant de zéro et de commencer à assembler morceau par morceau pour construire ». Or, les technologies d’information et de communication nous obligent à changer de perspective, à ne plus limiter notre regard à l’apparence du monde, et à éviter de confondre connaissance et information : de nouvelles manières de voir et de penser le réel et de nouvelles modalités de communication font leur apparition et avec elles, surgissent de nouveaux modes d’accès et d’appropriation des savoirs. L’élaboration des logiciels éducatifs doit donc prendre en considération ce nouveau processus de communication, tant du point de vue de la forme que de celui du contenu et de la culture. Comme cela s’est passé dans l’histoire du livre imprimé, puis dans celles de la radio et de la télévision, la société a mis du temps à apprendre le nouveau langage et les spécificités de chaque nouveau moyen de communication. Le défi, du point de vue des contenus, consiste donc à éviter que les logiciels éducatifs soient « de l’ancien déguisé en nouveau ». Du point de vue culturel, il faut par conséquent remettre en question les représentations selon lesquelles la culture de l’école et celle des médias s’inscrivent dans des univers parallèles qui ne peuvent s’articuler l’un à l’autre. En effet, bien que l’école soit l’un des espaces privilégiés pour accéder aux nouvelles technologies, elle ne s’est pas encore montrée capable de transformer l’enseignement en l’adaptant aux nouveaux langages et aux nouveaux processus de communication qui caractérisent ces nouvelles technologies.

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Devant la complexité de la situation, nous renvoyons à Baccega (2009, p. 21) qui mentionne dix défis ou pistes pour l’action dans le champ de la communication/éducation. Le premier de ces défis est de contribuer, dans toute sa complexité, à la construction du champ communication/éducation en tant que nouvel espace théorique capable de fonder les pratiques de formation. Mais, ajoute-t-elle, le deuxième défi est que ce champ communication/éducation intègre des thèmes larges, tels que l’analyse des médiations, des conditions du développement de l’esprit critique, l’étude des relations entre information et connaissance, de la circulation des formes symboliques, de la transformation des représentations de l’école et du professeur, des conditions de la réception, de la contextualisation socioculturelle de la réalité, entre autres. Le troisième défi est d’avancer dans l’élaboration de ce champ en montrant que l’articulation communication/éducation est le lieu où les significations sociales se forment, émergent, se différencient et s’imposent ; le quatrième défi est de reconnaître l’importance de penser ce champ dans la multi, l’inter et la transdisciplinarité qu’il requiert. Le cinquième et le sixième défi tiennent à la dimension critique qu’il faut projeter sur la compréhension d’une réalité qui est toujours médiée par les médias et dont rend compte la notion de « champ culturel ».

Le septième défi est de comprendre quelles sont les nouvelles conceptions du temps et de l’espace véhiculées par les médias. Et, ajoute-t-elle pour le huitième défi, il ne faut pas oublier que l’observateur est partie prenante des réalités qu’il observe. Le neuvième défi nous conduit à élargir le champ des savoirs et le dixième à « amener le sujet à prendre conscience de la construction de la culture dans laquelle nous vivons, de l’importance de la communication dans la trame de la culture et, surtout, à l’inciter à réfléchir sur les médiations qui donnent forme à nos actions ».

Conclusions

Dans cet article nous avons voulu montrer que la recherche sur l’intégration sociale des nouvelles technologies d’information et de communication et les moyens numériques, dans le contexte latino-américain, exige de prendre la mesure de la complexité des relations et des significations liées à leur introduction dans la réalité.

Étudier l’impact des TIC sur les milieux urbain et rural du continent, en particulier du Brésil, implique d’analyser le réaménagement économique, politique et social déterminé par ces TIC. Ainsi parler d’intégration sociale, des technologies et du numérique conduit-il à traiter de différences d’accès et de mouvements au sein de la société civile en faveur d’une réglementation assurant l’universalisation de l’accès à ces TIC. Si l’analyse des TIC dans la société latino-américaine a donc une dimension technique et économique fondamentale, elle implique aussi une dimension sociale s’attachant aux significations produites par ces technologies, appropriées par la population et induisant des répercussions sociales, politiques et culturelles. La reconfiguration des espaces et des temps va de pair avec celle des identités et ses subjectivités. De toutes les contributions théoriques à solliciter dans cette perspective, celle de Martín-Barbero nous paraît la plus pertinente.

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