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Article pp.277-288 du Vol.9 n°2 (2011)

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Activités et responsabilités des tuteurs en ligne

Ouvrage collectif, dirigé par Christian Depover, Bruno De Lièvre, Daniel Peraya, Jean-Jacques Quintin et Alain Jaillet

Le tutorat en formation à distance

De Boeck, collection : Perspectives en éducation et formation, 2011

Introduction

Le tutorat en formation à distance est un ouvrage collectif, dirigé par Christian Depover, Bruno De Lièvre, Daniel Peraya, Jean-Jacques Quintin et Alain Jaillet, auteurs reconnus dans l’étude de la question tutorale et de la formation à distance. Dans sa préface, Georges-Louis Baron présente le livre comme la synthèse en langue française qui faisait défaut sur la question des activités et des responsabilités des tuteurs en ligne. Effectivement, les différentes contributions de l’ouvrage traitent une globalité de questions relatives au tutorat en ligne et à distance, et retracent les contours et les perspectives d’évolution d’un champ de recherche encore en partie en constitution.

L’ouvrage s’adresse, selon les vœux mêmes de ses auteurs, à la fois à un public de spécialistes et de non-spécialistes, et propose « une découverte progressive des principales problématiques qui traversent aujourd’hui le tutorat en formation à distance » (p. 11). Il présente une structure globale bien délimitée et visible, renforcée par des introductions et des conclusions intermédiaires qui permettent de se repérer facilement dans les textes, de guider la lecture au préalable et de faire le point sur les idées principales développées dans les chapitres concernés a posteriori.

Pour le lecteur spécialiste qui s’intéresse à des questions spécifiques, cela permet de se diriger rapidement vers les chapitres qui présentent le plus d’intérêt pour lui.

L’ouvrage présente aussi l’avantage d’illustrer les considérations théoriques qu’il développe par de nombreux exemples pratiques et par des résultats de recherches expérimentales.

Du fait de la structure de l’ouvrage et de la cohérence des parties, il nous a semblé pertinent d’organiser cette lecture critique en reprenant l’organisation du livre.

1re partie – « champ conceptuel »

La première partie « propose au lecteur une vision d’ensemble qui lui permettra de trouver ses repères parmi différents modèles de la formation à distance,

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d’appréhender un certain nombre de concepts qui lui seront utiles pour aborder les autres parties de l’ouvrage, mais aussi de découvrir les fondements sur lesquels repose la mise en œuvre du tutorat » (p. 11). Cette première partie met donc en perspective la question du tutorat dans un contexte plus large qui est celui de la formation à distance (désormais FAD), puisque le point de vue des auteurs, que nous partageons entièrement, est que le tutorat ne peut pas s’étudier seul, pour lui-même uniquement, mais doit être étudié en corrélation avec les types de FAD, les dispositifs dans lesquels il est mis en œuvre, les notions et concepts associés, et les interactions en jeu dans l’apprentissage : « nous pensons que la compréhension du tutorat est intimement liée au dispositif pédagogique auquel il est associé, mais aussi au cadre institutionnel dans lequel il est inscrit » (p. 17). Comme souligné par Georges-Louis Baron, ce livre met ainsi en relation l’évolution du rôle des différents acteurs de l’éducation et celle des conditions d’enseignement/apprentissage.

Le chapitre 1, Tutorat et modèles de formation à distance, par Christian Depover et Jean-Jacques Quintin, réaffirme la nécessité de prendre en compte le contexte du tutorat, et revient sur les modèles permettant de comprendre la FAD (modèles basés sur l’industrialisation, basé sur l’exploitation des médias de diffusion, basé sur l’interaction) et leur complémentarité. Il faut noter qu’ici les auteurs parlent du tutorat comme englobant à la fois le tutorat humain et le tutorat système, mais que de façon générale l’ouvrage nous semble s’attacher davantage à la dimension humaine du tutorat. La notion à retenir de ce premier chapitre nous semble être celle de distance transactionnelle, emprunté à Moore (1993), utilisée pour caractériser la distance pédagogique et psychologique qui sépare le formateur et l’apprenant. La question tutorale est ainsi vue comme le problème de trouver la distance transactionnelle optimale, en tenant compte à la fois des caractéristiques des apprenants et des ressources humaines et matérielles disponibles.

Dans les second et troisième chapitres, Christian Depover et Jean-Jacques Quintin étudient les mises en œuvre du tutorat, après l’avoir mis en contexte par rapport aux modalités et formes de l’apprentissage à distance. Les auteurs retracent les évolutions à la fois qualitative et quantitative du tutorat, et donnent des critères utiles pour définir le tutorat, selon qu’il est réactif ou proactif, et selon le types d’interventions qu’il met en place : le tutorat peut être pédagogique, organisationnel ou socio-affectif. Ces critères et ces termes, ou des termes voisins, sont régulièrement utilisés par les auteurs des autres contributions. On voit aussi que l’ouvrage dessine une perspective partagée sur le tutorat dans les points de vue convergents des contributeurs à propos des compétences attendues et mobilisées par les tuteurs. Celles-ci sont ici initialement exposées par Christian Depover et Jean-Jacques Quintin (qui s’inscrivent dans la lignée de Bruner tout en citant des recherches récentes).

Les auteurs mettent en avant le fait que les interventions du tuteur sont informées par les paramètres du contexte dans lequel il intervient, et que le rôle dévolu au tuteur peut varier en fonction des dispositifs : « les attentes vis-à-vis des tuteurs peuvent fortement différer tout en se rejoignant sur la nécessité que certaines fonctions de suivi doivent être prises en charge pour assurer l’efficacité d’un

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dispositif d’apprentissage » (p. 41). Une notion importante dans ce cadre est la notion de scénario d’encadrement, dont les auteurs notent qu’il est apparu récemment dans le « jargon des concepteurs de dispositif de formation » ; le scénario d’encadrement complète les scénarios pédagogiques et « sert avant tout, au moment de la conception d’une formation à distance, à préciser les modalités d’intervention des différents agents qui contribueront à l’encadrement des apprenants » (p. 48).

Cependant, ce scénario est perçu comme un guide plus qu’une prescription, et les auteurs insistent sur la notion d’adaptation du tutorat humain.

Cette première partie pose donc, de façon très claire, les bases nécessaires à la perception de l’ensemble des questions sur le tutorat, en invitant à toujours replacer celui-ci dans son contexte global.

2e partie – « cadre de recherche »

Il s’agit dans cette partie de « fournir au lecteur une idée, à partir d’exemples concrets de recherches récentes menées dans le domaine, de la diversité du champ, mais aussi des problèmes concrets traités par les chercheurs à propos du tutorat » (p. 56). Elle est à la fois tournée vers la recherche et résolument pratique.

Dans le chapitre 4, Jean-Jacques Quintin s’intéresse à l’efficacité des modalités d’interventions tutorales et (à) leurs effets sur le climat socio-relationnel des groupes restreints. Les modalités d’interventions tutorales (désignées par le sigle MiT), sont définies comme « le relevé et la description des types d’interventions qui sont proposées aux tuteurs pour assurer le suivi des étudiants » (p. 61), ou « un descriptif des interventions tutorales qui seront privilégiées durant le suivi d’une formation et les conditions générales dans lesquelles elles seront déclenchées » (p. 61). Encore une fois, on retrouve la notion d’adaptabilité du tutorat, puisque les MiT ne sont pas perçues comme des contraintes mais comme des guides, et qu’elles n’ont « pas vocation à être appliquées rigidement ». Les MiT sont dans ce chapitre utilisées comme un descriptif préalable à l’action des tuteurs, mais il semble qu’elles peuvent aussi être utilisées comme un descriptif a posteriori des interventions. Sans être explicitée rapprochée de celle de scénario d’encadrement, cette notion nous en semble voisine. D’après ce que nous en comprenons, les MiT sont plus spécifiques que le scénario d’encadrement, qui se situe au niveau global du dispositif, alors que les MiT sont centrées sur les interventions du tuteur, à un niveau plus spécifique que le dispositif.

Jean-Jacques Quintin s’interroge sur les bénéfices comparés des différents types d’interventions tutorales, et sur l’efficacité des « styles d’encadrement » (la mise en œuvre par les tuteurs des MiT proposées ou demandées). Les résultats semblent indiquer une efficacité plus grande de la modalité pro-active par rapport à la modalité réactive, et la modalité socio-affective amènerait les étudiants à de meilleurs résultats. L’auteur identifie un « cercle vertueux » entre les relations interpersonnelles positives et le fait que les buts soient atteints, et montre l’importance du tutorat dans l’amélioration du climat socio-relationnel. Ceci nous

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semble le concept à retenir de ce chapitre 4 : il s’agit de l’ « état, perçu par les acteurs ou observé par un chercheur extérieur, de la qualité des relations entre les membres d’un groupe » (p. 75). Ainsi, ce chapitre 4 met l’accent sur la dimension socio-affective du tutorat et sur l’importance des relations humaines dans la réussite de la formation à distance et dans l’efficacité des pratiques tutorales. Jean-Jacques Quintin conclut sur l’intérêt d’une modalité d’intervention socio-affective, à la fois moins coûteuse pour le tuteur (préparation moins exigeante et moindres coûts de communication) et donnant « des bénéfices appréciables en termes de dynamique interactionnelle, de climat socio-relationnel et de résultats d’apprentissage » (p. 86).

Dans le chapitre 5, Bruno De Lievre et Gaëtan Temperman étudient l’usage des outils d’aide à l’apprentissage et au tutorat. Ces outils d’aide sont caractérisés selon trois éléments :

– le degré de contrôle de l’utilisateur (aides initiées par le système, initiées par l’apprenant, ou déclenchées selon une initiative mixte : contrôlées soit par l’apprenant soit par le tuteur) ;

– la fonction des aides, ce sur quoi elles sont centrées : on peut alors avoir des outils conceptuels (des explications pour découvrir les domaines nouveaux : explications, illustrations, etc.), des outils d’auto-régulation (espace vierge, liste de bonnes pratiques, étapes de parcours, etc.), des outils de navigation ou des outils de communication ;

– le destinataire des outils : (destinés à l’apprenant ou au tuteur).

En parcourant cette caractérisation des outils, on ne sait pas toujours très bien si l’on se situe dans du contenu de la formation ou dans des outils ; il nous semble que cette frontière parfois floue gagnerait à être reliée à la question de la médiation des contenus de formation, question qui n’apparaît jamais explicitement dans l’ouvrage (le terme de médiation n’apparaît d’ailleurs pas dans l’index).

Ce cinquième chapitre fait une synthèse de recherches étudiant comment les différents types de tutorat influencent l’utilisation des différents types d’aide. Les résultats indiquent qu’une modalité pro-active du tutorat a bien un effet sur l’utilisation des outils d’aide, mais que cet effet est un effet d’amplification par rapport aux qualités intrinsèques de l’outil d’aide. Ces caractéristiques sont la pertinence de l’outil (l’outil est pertinent s’il répond à un besoin), son accessibilité (la manière d’obtenir de l’information et la façon dont elle est présentée) et la contextualisation des informations (l’aide est centrée ou non sur le problème qui se pose à l’apprenant). Si un outil est un « bon » outil dans la situation, des interventions pro-actives du tuteur amèneront une meilleure/plus grande utilisation de celui-ci. Il apparaît aussi que les apprenants semblent plus sensibles aux suggestions d’un tuteur humain qu’à celles fournies par un système informatique.

Les auteurs évoquent ensuite une étude sur l’utilisation d’un outil d’awareness (permettant aux acteurs d’avoir des informations sur les activités des autres). Cette recherche montre que l’utilisation d’un tel outil dépend de la tâche et du scénario

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proposés. Cela constitue un exemple supplémentaire de la nécessité d’une approche systémique du tutorat : les effets de celui-ci diffèrent selon les qualités des outils et les caractéristiques des activités demandées aux apprenants. Il faut aussi noter que le tutorat (quel qu’il soit) ne peut pas compenser la qualité intrinsèque des outils. Dans la lignée des idées développées dans la première partie, la relation entre tutorat et aides est à prendre en considération dans le système global.

Le chapitre 6, rédigé par Sandrine Decamps et Christian Depover, étudie la perception du tutorat par les acteurs de la formation à distance. Ces acteurs appartiennent à trois catégories d’intervenants : les concepteurs de cours ou de formation, les tuteurs, les apprenants. On peut remarquer que les « enseignants » ne sont pas ici évoqués comme tels. Il semble que le développement de la FAD, et dans ce cas la focalisation sur les tuteurs, induisent des changements de perception des rôles traditionnels de l’enseignement/apprentissage qui se traduisent dans l’ « abandon » de certains termes ne semblant plus correspondre à une réalité. Ce chapitre porte attention aux relations qui se tissent entre les tuteurs et les apprenants, les auteurs s’inscrivant dans une conception empathique de la relation maître-élève (d’après Jacquinot, Delaunay et Fichez, 2008) et s’appuyant sur la notion de congruence cognitive développée par Baudrit : la « capacité chez les tuteurs de s’exprimer dans le langage des étudiants en utilisation des notions ou des concepts qui leur sont familiers » (p. 112). Le terrain d’étude pour cette recherche est un ensemble de formations soutenues par l’Agence Universitaire de la Francophonie.

Du point de vue de la perception des tuteurs par les apprenants, ceux-ci souhaitent un tuteur présent et disponible, sans pour autant le solliciter fréquemment : il semble que la disponibilité du tuteur soit plus importante que l’usage effectif qui est fait de cette personne-ressource. Le tuteur apparaît à la lecture de ce chapitre comme le « filet de sécurité » de l’apprenant dans le dispositif. Est aussi soulignée par les apprenants des formations de l’AUF l’importance de la capacité du tuteur à comprendre les difficultés et la charge de travail des apprenants.

On est bien là dans le souhait d’une relation empathique.

Le « sentiment d’efficacité personnelle » (emprunté à Bandura, 2003) sert d’indicateur pour la perception des tuteurs par eux-mêmes, pour différentes fonctions tutorales (rappelant encore une fois les bases posées dans la première partie) : organisationnelle, socio-affective, évaluative et métacognitive. Les résultats montrent que les fonctions perçues comme les plus importantes par les tuteurs ne sont pas forcément celles auxquelles ils consacrent le plus de temps (comme la fonction pédagogique) et que les tuteurs ont un fort sentiment d’efficacité personnelle pour les fonctions organisationnelle et socio-affective.

En comparant les résultats de l’étude chez les trois catégories d’acteurs, identifient des rôles mis en avant par les trois catégories. L’accompagnement pédagogique d’abord : « le tuteur est avant tout une personne ressource qui guide les apprenants dans leur apprentissage » (p. 123), il travaille pour la maîtrise des contenus et leur transposition dans la pratique. Un rôle socio-affectif ensuite, le

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tuteur étant généralement perçu comme « une personne qui soutient la motivation et la persévérance » (p. 123). Est aussi perçu comme relevant de la responsabilité du tuteur l’animation et la modération des activités collectives. Enfin, un quatrième rôle est celui de correcteur et évaluateur des travaux réalisés par les étudiants.

L’idée de variation et d’adaptation est encore une fois mise en avant, les auteurs concluant que « s’il y a une convergence à propos des rôles que doit jouer en priorité un tuteur au sein d’une formation à distance, leur mise en œuvre reste perçue de manière très variable ». Ces variations interviennent à la fois d’une formation à l’autre, mais aussi d’un tuteur à l’autre, au sein d’une même formation. En outre, il faut noter une remarque de Sandrine Decamps et Christian Depover, qui anticipe sur les questions traitées dans le chapitre 7 : « la reconnaissance du tutorat comme une profession à part entière est une revendication qui émane aussi bien de tuteurs que des apprenants » (p. 123). Les apprenants perçoivent donc bien les tuteurs comme une part importante du dispositif dans lequel ils sont formés.

3e partie – « cadre applicatif »

Cette partie présente des recherches actuelles menées dans le domaine du tutorat à distance, explorant à la fois des pistes de recherche et des exemples de pratiques intégrant les résultats des recherches menées jusqu’à présent. Elle est à la fois la plus dense et la moins homogène, puisqu’elle traite de recherches spécifiques, par rapport à la perspective plus globale adoptée dans les deux premières parties. La variété des contributions est une illustration de la variété des pratiques tutorales que les deux premières parties se sont attachées à la fois à exprimer et à justifier par l’intégration systémique du tutorat à des contextes eux-mêmes variés et par la nature humaine (donc variable) du tutorat. Cette troisième partie illustre aussi la complexité et l’amplitude des questionnements relatifs au tutorat à distance. Elle bénéficie d’une présentation exhaustive par Daniel Peraya, qui permet de se repérer dans les spécificités des différents chapitres.

Le chapitre 7 adopte un point de vue non seulement pédagogique mais aussi sociologique ou psychosociologique sur le tutorat en posant la question suivante : Tuteur à distance : une fonction, un métier, une identité ? Viviane Glikman, dans cette contribution, rapporte les recherches menées dans le cadre du projet ATLASS (Supporting adult learners to achieve success), et utilise la situation des tuteurs au Québec comme point de comparaison.

Elle croise des grands types d’acteurs définis par la recherche ATLASS et les différentes dimensions de la fonction tutorale pour définir 4 modèles de l’exercice de la fonction tutorale. A l’instar des autres contributeurs, elle insiste sur le fait que les tuteurs doivent être compétents à plusieurs niveaux (disciplinaire, pédagogique, technologique, psychologique, communication, rédactionnel, etc.) et elle met en avant dans le rôle du tuteur la double dimension du tutorat, à la fois relatif aux apprentissages et au lien social dans la formation : « en tout état de cause, les

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différentes dimensions de la fonction tutorale à distance englobent donc non seulement l’organisation et la facilitation des apprentissages proprement dits, mais aussi tout ce qui peut activer un lien social, au sens de l’image de soi dans le rapport à un groupe de référence » (p. 146). Les modèles de l’exercice de la fonction tutorale sont : 1) un modèle fonctionnel (centré sur le soutien didactique et méthodologique, plutôt réactif), 2) un modèle affectif (centré sur le soutien psychologique et motivationnel), 3) un modèle pédagogique (centré sur le soutien méthodologique et métacognitif) et 4) un modèle holistique, « qui s’intéresse à la personne dans sa globalité et prend en compte l’ensemble des difficultés rencontrées par les apprenants » (p. 148).

Après une analyse qui croise ces modèles avec les types d’apprenants auxquels ils conviennent le mieux, l’auteur remet en cause l’idée d’un certain modèle (par exemple holistique) souhaitable pour tous. Au contraire, elle réfute l’idée d’un « bon modèle », unique et normalisable, et rappelle que « les seules bonnes pratiques sont celles qui adaptent l’offre tutorale à l’hétérogénéité des besoins des apprenants » (p. 149). Une fois encore, cette contribution insiste donc sur la nécessaire adaptation et adaptabilité du tutorat.

Viviane Glikman souligne ensuite la diversité des statuts existants pour les tuteurs, et utilise les différences avec la situation au Québec pour montrer que la formation et la professionnalisation en France sont encore à l’état d’ébauche à l’heure actuelle et que contrairement à ce qui se passe au Québec, la situation des tuteurs dans le système français ne réunit pas les critères qui permettent de parler d’un « métier » en tant que tel.

Cette contribution explicite donc la situation paradoxale des tuteurs en France actuellement : alors même que leur rôle dans les dispositifs de formation est reconnu, et leur importance pour la réussite des apprentissages proclamée, leur situation institutionnelle est loin d’être établie, et leur identité professionnelle reste à définir puisque pour le moment, celle-ci, « indépendamment de leur investissement dans cette fonction, est actuellement davantage liée à leur emploi principal (enseignant, formateur, chercheur, spécialiste d’une discipline) ou à leur communauté scientifique de référence qu’à l’exercice du tutorat » (p. 158).

Le chapitre 8, rédigé par Jacques Rodet, se penche sur les Formes et modalités de l’aide apportée par le tuteur. Ce chapitre est centré sur la relation d’aide, et est inspiré des travaux de Carl Rogers. Cette relation d’aide se fonde sur trois attitudes non directives : l’empathie, l’écoute active et le non-jugement. Jacques Rodet rappelle que voir le tutorat comme une relation d’aide implique de considérer que cette aide est temporellement située, et que l’un de ses critères de validité est le succès des apprenants qui en bénéficient. Il souligne lui aussi à son tour que le tuteur intervient sur différents champs d’action, pas uniquement au niveau disciplinaire.

Ce chapitre est résolument orienté vers la pratique. Il met aussi l’accent sur le fait que la relation d’aide tutorale est une relation personnelle avec l’apprenant, dans une perspective de centration sur l’individu. L’auteur souligne l’importance du premier

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contact entre le tuteur et l’apprenant, et propose des actions et une ligne de conduite à tenir lors de ce premier contact. Il explore ensuite de façon très concrète les différentes façons dont le tuteur peut aider l’apprenant à demander de l’aide, à déterminer des objectifs d’apprentissage, à planifier son apprentissage et à tenir les échéances de la formation. Il propose aussi des pistes pratiques pour que le tuteur puisse amener les apprenants à collaborer.

Le chapitre 9 est une proposition de Pierre Dillenbourg pour une conception intégrée du tutorat de groupe. Ce chapitre présente une particularité par rapport aux autres chapitres, puisqu’il traite du tutorat lorsque les apprenants sont présents simultanément dans un même lieu physique. Pour autant, les questions qu’il aborde sont transposables au tutorat à distance, puisque le point de focalisation n’est pas la situation dans laquelle les activités ont lieu, mais leur dimension collective.

L’auteur commence par rappeler les processus de construction de connaissances dans la collaboration (élaboration d’explication, élaboration d’une compréhension partagée, et intériorisation des dialogues) et rappelle que dans ce cadre, le rôle du tuteur est d’intervenir pour d’une part favoriser les interactions riches, et d’autre part éviter l’émergence d’interactions « nuisibles ». Prenant en compte « l’importance du suivi des interactions dans le groupe comme outil de diagnostic ou d’intervention » (p. 174), ce chapitre considère comment on peut traiter (qualitativement) les traces (quantitatives) laissées par les participants pendant l’interaction pour optimiser les interventions du tuteur.

Pierre Dillenbourg s’appuie sur l’exemple du système Lanterne, un système technique qui permet de transcrire visuellement (par une lumière) au tuteur l’activité du groupe. Il montre qu’un tel système technique permet de trouver un équilibre dans l’intervention du tuteur, l’aidant à « intervenir sans briser la dynamique naturelle qui peut s’établir dans une équipe » et à « n’intervenir que lorsque c’est indispensable et fournir le minimum d’informations nécessaires pour débloquer la situation » (p. 182). Sans oublier l’importance de la qualité du scénario pédagogique pour déterminer le rôle du tuteur, il met en avant les avantages des représentations graphiques et médiatisées comme moyen de médiation des interactions par des outils symboliques. Ses considérations sur la communication médiatisée peuvent s’appliquer aussi bien à son contexte en présentiel qu’à un contexte de formation à distance, dans lequel la médiatisation est, par défaut, primordiale.

La conclusion de Pierre Dillenbourg à sa contribution nous semble un rappel important et tout à fait pertinent du fait que les contextes de formation et les outils utilisés modifient les réponses que l’on apporte à des questions qui, elles, restent les mêmes : le tutorat à distance est une réponse nouvelle à des questions à la fois anciennes et fondamentales. « On est confronté à ce dilemme aussi vieux que l’éducation : trop de structure prive l’apprenant de l’opportunité d’apprendre, pas assez de structure nuit à son apprentissage. Il ne s’agit pas seulement de la quantité d’assistance, mais surtout de son timing, c’est-à-dire de l’importance d’imposer la structure au moment où elle fait sens pour les apprenants » (p. 192).

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Dans le chapitre 10, Viviane Guéraud, Anne Lejeune et Jean-Michel Adam s’intéressent aux outils logiciels permettant d’encadrer et de soutenir le travail du tuteur. Là encore, l’ouvrage s’intéresse davantage au tutorat humain qu’au tutorat système, et les auteurs commencent par rappeler la diversité des besoins et des situations en termes de supervision.

Ils se penchent surtout sur la façon d’obtenir et d’exploiter les traces d’activités des apprenants. Dans cette perspective, ils prennent en compte les outils de communication, synchrones et asynchrones, les outils de supervision, de partage de données, des outils de perception des apprenants (comme des outils statistiques), et rappellent que, pour pouvoir faire une interprétation correcte des traces, le tuteur doit savoir comment elles sont obtenues. Cet article donne des exemples d’outils de gestion et de suivi pour les tuteurs. Sont particulièrement intéressantes les illustrations de la façon dont les tuteurs peuvent visualiser les activités des apprenants dans différents environnements, qu’il s’agisse de percevoir la progression dans le système ou les communications entre les apprenants. Ils terminent par la présentation d’un exemple d’outil issu de la recherche, Formid-suivi. Cet outil permet trois niveaux de visualisation : 1) une vision synthétique de l’ensemble des apprenants, pour repérer l’activité moyenne de la classe et identifier les écarts de progression, 2) une vue des apprenants sur une étape donnée (qui permet d’identifier les erreurs typiques ou récurrentes pour un apprenant ou un groupe d’apprenants) et 3) la vue de la progression d’un apprenant dans une étape.

On peut cependant remarquer que l’utilisation de cet outil de supervision de la progression implique une conception de la progression comme « visualisable », c’est-à-dire une vision où la réalisation d’une activité signifie effectivement une progression dans l’apprentissage. La conception de telles activités, parcours ou scénarios pédagogiques, à l’issue desquels on connaît exactement les bénéfices en terme d’apprentissage, n’est pas forcément aisée pour toutes les disciplines.

La question des spécificités disciplinaires est illustrée dans le chapitre 11, dans lequel François Mangenot évoque les spécificités du tutorat en langues. Il commence par évoquer les spécificités des langues comme objet d’apprentissage, en mettant en avant que celles-ci sont à la fois objets d’apprentissage et outils de communication. Il se situe dans une approche par les tâches de l’apprentissage des langues. Dans ce cadre, le tuteur est partie prenante à la fois de la communication et de la correction en langue étrangère.

François Mangenot donne des exemples précis, tirés du projet Le français en première ligne, du travail tutoral dans l’accompagnement à la réalisation de tâches, et envisage les problèmes liés à la correction en ligne des langues pour chaque compétence linguistique. L’habituelle répartition compréhension orale/écrite, production orale/écrite est d’ailleurs ici « redécoupée » en compréhension orale ou écrite/production écrite/production orale synchrone/production orale asynchrone. Il traite aussi la question de la correction par les pairs. Comme nombre des contributeurs, l’auteur souligne (dans sa conclusion) la variété des compétences

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nécessaires à l’exercice du tutorat, ajoutant aux « compétences générales » trois compétences spécifiques au tutorat en langues : « conception ou aménagement de tâches amenant les apprenants à interagir le plus possible, tout en tenant compte de leurs possibilités langagières, de leur disponibilité et de leurs centres d’intérêt »,

« animation des échanges, articulation entre le statut de pair et celui de tuteur », et

« correction des productions, appuyée sur une bonne connaissance des outils disponibles et des spécificités de la correction en langue à distance » (p. 224).

Dans le douzième et dernier chapitre, Richard Hotte se penche sur un modèle d’appropriation de la fonction tutorale, et envisage comment les tuteurs peuvent mettre en œuvre le tutorat alors qu’ils agissent le plus souvent « au moment de l’utilisation de l’environnement pédagogique en ligne par les apprenants, c’est-à-dire une fois sa conception terminée » (p. 229). Hotte envisage donc les besoins qu’ont les tuteurs afin de pouvoir exercer au mieux leurs fonctions. Ces besoins sont des besoin de formation (au préalable), d’assistance (pendant l’exercice de leurs fonctions) et de reconnaissance. L’auteur explique plus en détail ces différents besoins, avant de proposer un modèle de scénario d’intervention. Dans ce chapitre supplémentaire résolument orienté vers la pratique, Richard Hotte décrit des étapes qui peuvent permettre aux tuteurs de mettre en place le tutorat. Il donne des pistes pour que les tuteurs parcourent différentes étapes : « se préparer » (se familiariser avec le scénario et les conditions), « établir les bases de la collaboration entre tuteur et apprenant »,

« organiser un cadre de collaboration », et « évaluer la collaboration entre tuteur et apprenant », chaque étape pouvant elle-même être composée de sous-étapes.

Dans sa présentation de ce modèle d’appropriation de la fonction tutorale, et notamment à propos de la dernière étape, l’auteur insiste sur le fait que le tuteur doit avoir un retour réflexif sur son parcours de tutorat, et que le tutorat implique une activité métacognitive du tuteur.

Conclusions de l’ouvrage et de cette lecture critique

La conclusion de l’ouvrage revient à Christian Depover, Bruno De Lievre et Jean-Jacques Quintin. Comme toutes les parties introductives des parties, ces

« conclusion et perspectives » sont tout à fait fidèles au contenu de l’ouvrage, et en dessinent les lignes de force. Elles évoquent notamment la variation du tutorat selon les contextes et le regard du chercheur, le rôle de la recherche-développement dans la production d’outils, ainsi que des pistes d’évolution pour le tutorat en ligne et la formation des tuteurs. Les trois auteurs indiquent aussi une limite relative du livre : par rapport à la diversité des situations évoquées dans la première partie, les contextes de tutorat les plus souvent évoqués et utilisés dans les contributions sont les contextes de l’enseignement supérieur d’adultes en formation initiale ou continue, et des groupes restreints.

Hormis cette limite relative de l’ouvrage (qui correspond aussi à une limite de l’ensemble des publications sur le tutorat, et qu’on ne peut donc réellement

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reprocher à une synthèse de celles-ci), Le tutorat en formation à distance tient les promesses qualitatives soulevées chez le lecteur par le nom des éditeurs et des contributeurs. Il donne les éléments théoriques nécessaires à la compréhension des paramètres influençant le tutorat et des enjeux de celui-ci ; en même temps, il inscrit le tutorat dans la réalité des processus d’apprentissage, et reflète des pratiques actuelles, montrant aussi comment celles-ci sont parfois informées par la recherche.

La prise en compte des pratiques tutorales et des réalités « du terrain » sont présentes dès la première partie et sont une constante de l’ouvrage. Bien que les recherches et pratiques rapportées correspondent toujours à des contextes particuliers, et que de ce fait les résultats ne puissent pas être immédiatement transposables, les pistes de réflexion soulevées sont toujours pertinentes.

Enfin, on peut noter la cohérence de l’ensemble de l’ouvrage, due non pas seulement à l’existence d’un projet et d’un thème commun, mais aussi au fait que les différentes contributions se font écho les unes aux autres, et que la perspective d’ensemble sur le tutorat semble partagée par les différents auteurs.

SANDRINE AGUERRE Open University sandrineaguerre@yahoo.fr

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