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60 ans de sécurité sociale en Suisse

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60 ans de sécurité sociale en Suisse

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. 60 ans de sécurité sociale en Suisse. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, 2007, no. 38, p. 9-21

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43780

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60 ANS DE SECURITE SOCIALE EN SUISSE*

Prof. Pierre-Yves GREBER Université de Genève

1. INTRODUCTION ... 1

2. LE TEMPS DE LA CONSTRUCTION : 1945 – 1985 ... 6

2.1 La construction... 6

2.2 L’évaluation ... 13

3. LE TEMPS DE LA MATURITE ET DE LA CONSOLIDATION : 1986 – 2004 ? ... 26

3.1 L’évolution législative de 1986 à 2004 ... 26

3.2 L’évaluation ... 27

4. LE TEMPS DES QUESTIONS ET DES REMISES EN ... QUESTION : 2004- ? ... 30

4.1 Le temps des questions ... 30

4.2 Le temps des remises en question ? ... 32

5. BREVE CONCLUSION ... 36

__________

* Rapport présenté dans le cadre du 10e Colloque de droit européen de la sécurité sociale, GENEVE, 22 septembre 2006

(3)

1. INTRODUCTION

1. L’objectif de ce rapport consiste donc à présenter et évaluer 60 ans de sécurité sociale en Suisse. Compte tenu d'un espace limité, il faudra aller à l'essentiel, faire des choix, peut-être gommer des nuances.

2. Le plan proposé distingue :

 Le temps de la construction : 1945-1985;

 Le temps de la maturité et de la consolidation : 1986 – 2004 ?

 Le temps des questions et des remises en question : 2004 et suite ?

3. Ce n'est certainement pas la seule manière concevable de traiter le sujet.

Singulièrement, les dates attribuées aux trois étapes peuvent être discutées :

 en effet, la construction du système a continué et même récemment (cf. l'entrée en vigueur des allocations de maternité le 1er juillet 2005);

 techniquement parlant, le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (deuxième étage des pensions) n'est pas encore arrivé à maturité;

 la consolidation continue après 2004 et continuera, singulièrement sur le plan financier;

 les questions et remises en question ont accompagné toute l'évolution de la sécurité sociale en Suisse. L'on peut se limiter à rappeler que la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants avait fait l'objet d'une demande de référendum. Le vote référendaire avait alors abouti à un soutien exceptionnel pour cette législation (80% de oui, 80% de participation)1.

4. Le plan suivi a dès lors pour but d'indiquer des tendances majeures ou dominantes pour les trois époques indiquées. C'est aussi l'essai de présenter avec clarté et systématique une longue évolution complexe.

5. Dernière remarque introductive, la période étudiée - 1945 - 2005 - a grandement bénéficié des mesures prises par le gouvernement fédéral pendant la Seconde guerre mondiale. Le régime provisoire des allocations pour perte de gain aux personnes en service actif a apporté trois institutions à l'assurance-vieillesse et survivants : le caractère obligatoire, les cotisations prélevées sans plafond, les caisses dites de compensation2.

1 Alexandre BERENSTEIN: L'assurance-vieillesse suisse. Son élaboration et son évolution.

Réalités sociales. Lausanne 1986. -Peter BINSWANGER : Geschichte der AHV. Schweizerische Alters- und Hinterlassenenversicherung. Pro Senectute Verlag. Zürich 1986. -Philippe GNAEGI:

Histoire et structure des assurances sociales en Suisse. Avec la collaboration de P.-Y. CARNAL.

2e éd. Schulthess. Genève /Zürich/Basel 2004.

2 Voir les références indiquées à la note précédente. -Hans Peter TSCHUDI : Die Altersvorsorge auf der neuen Verfassungsgrundlage. Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung 1974, pp. 171 sv. (p 173).

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2. LE TEMPS DE LA CONSTRUCTION : 1945 - 1985 2.1 La construction

6. Ces deux dates limites ont été choisies pour la raison suivante :

 c'est le 16 mai 1945, que la Commission fédérale d'experts pour l'introduction de l'assurance-vieillesse et survivants dépose son rapport3, base du projet de loi qui lui fait suite4 et de la loi elle-même;

1985, c'est l'entrée en vigueur de l'importante loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse survivants et invalidité (deuxième étage des pensions)5.

7. Pendant ces quarante années, une Suisse prudente, libérale6, apprivoise le concept de sécurité sociale, par étapes. Elle le fait presque exclusivement par le moyen des assurances sociales.

8. C'est un premier point fondamental à souligner. La création allemande, remarquable, de la fin du XIXe siècle7 trouve un excellent accueil en Suisse. Elle est associée à l'idée d'une protection solide sur le plan financier et capable de garantir des droits à la protection pour les populations intéressées.

9. On ne peut pas éviter l'énumération des événements principaux survenus entre 1945 et 1985, car ils montrent bien que c'est le temps de la construction :

 1945 : introduction d'un art. 34 quinquies dans l'ancienne Constitution fédérale, sur les allocations familiales et l'assurance-maternité;

 1946 : adoption de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants. Elle entre en vigueur le 1er janvier 1948;

 1951: adoption d'une loi fédérale sur l'assurance-chômage (facultative);

 1952 : adoption de la loi fédérale fixant le régime des allocations familiales aux travailleurs agricoles;

 1959 : adoption de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, en vigueur depuis le 1er janvier 1960;

3 Rapport de la Commission fédérale d'experts pour l'introduction de l'assurance-vieillesse et survivants, du 16 mars 1945. Berne.

4 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur l'assurance- vieillesse et survivants, du 24 mai 1946. Feuille fédérale 1946 II 353 sv.

5 Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP), du 25 juin 1982. Recueil systématique du droit fédéral (RS) 831.40.

6 Philippe BOIS : Spécificités de la politique sociale en Suisse. In : Droit et politique sociale.

Travaux réunis par P. de Laubier et J.-P. Fragnière. Delta. Vevey 1980, pp. 34-36.

7 Eberhard EICHENHOFER : Sozialrecht. 4e éd. Mohr Siebeck. Tübingen 2003, pp. 17 sv. -Guy PERRIN : L'assurance sociale- ses particularités-son rôle dans le passé, le présent et l'avenir. In : Beiträge zu Geschichte und aktueller Situation der Sozialversicherung. Max-Planck-Institut für ausländisches und internationales Sozialrecht. Duncker & Humblot. Berlin 1983, pp. 29 sv.

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 1995 : adoption de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (une protection sélective, du 1er étage ou pilier);

 1972 : révision de l'art. 34 quater de l'ancienne Constitution fédérale, avec adoption d'une architecture à trois niveaux (ou piliers) pour les pensions;

 1972 : entrée en vigueur de la 8e révision de la loi sur l'assurance-vieillesse et survivants;

 1976 : adoption d'un art 34 novies, inclus dans l'ancienne Constitution fédérale, base d'une assurance-chômage obligatoire et modernisée;

 1977 : 9e révision de l'assurance-vieillesse et survivants (c'est plutôt de la consolidation que de la construction);

 1981 : adoption d'une nouvelle loi fédérale sur l'assurance-accidents, en vigueur depuis le 1er janvier 1984;

 1982 : adoption d'une nouvelle loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, en vigueur depuis le 1er janvier 1984;

 1982 : adoption de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, en vigueur depuis le 1er janvier 19858 .

10. Et pendant cette période, il y a développement du droit international liant la Suisse :

 ratification des Conventions N° 102 et 128 de l'Organisation internationale du Travail, du Code européen de sécurité sociale du Conseil de l'Europe9;

 et conclusion d'une vingtaine de conventions de coordination, qui règlent avec les Etats contractants les questions d'égalité de traitement et de situations transfrontières10.

8 Alfred MAURER: Geschichte des schweizerischen Sozialversicherungsrechts. Schriftenreihe für Internationales und Vergleichendes Sozialrecht, Band 6c. Duncker & Humblot. Berlin 1981.- Jürg SOMMER: Das Ringen um soziale Sicherheit in der Schweiz. Rüegger, Diessenhofen 1978.

-Hans Peter TSCHUDI : Die Entwicklung der schweizerischen Sozialversicherung seit dem Zweiten Weltkrieg. Revue suisse d'économie politique et de statistique 1976, N° 3, pp. 311 sv.- Alexandre BERENSTEIN, Peter BINSWANGER, Philippe GNAEGI cités à la note 1. -Pierre- Yves GREBER: Droit suisse de la sécurité sociale. Avec un aperçu de théorie générale et de droit international. Réalités sociales. Lausanne 1982.

9 Bettina KAHIL-WOLFF /Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen. Dossiers de droit européen, N° 14. Helbing & Lichtenhahn, Basel/Bruylant, Bruxelles / L.G.D.J, Paris 2006.

10 Alexandre BERENSTEIN : La Suisse et le développement international de la sécurité sociale.

Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung 1981, pp. 161 sv. -Christoforo MOTTA : Die Schweiz und die internationale Zusammenarbeit auf dem Gebiet der sozialen Sicherheit.

Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung 1977, pp. 233 sv. -Jean MEYER: Le statut des travailleurs immigrés dans la sécurité sociale suisse. Helbing & Lichtenhahn.

Basel/Frankfurt am Main 1990. -Pierre-Yves GREBER/Bettina KAHIL-WOLFF : Introduction au droit suisse de la sécurité sociale. 3e éd. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N°

37-2006, pp. 274 sv.

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11. A tout cela s'ajoute le développement des droits cantonaux, surtout en allocations familiales et aide sociale, sur des points spécifiques, en assurance-maladie (soins); le développement de la jurisprudence (juridictions fédérales et cantonales), celui de la pratique11.

12. Ainsi, pendant quarante ans, il y a édification régulière d'un système de sécurité sociale. Il n'y a pas de véritable plan d'ensemble, mais une approche pragmatique, législation par législation. Certains points font cependant l'objet de coordination et harmonisation internes, que ce soit sur le plan législatif, jurisprudentiel ou de la pratique12.

2.2. L'évaluation

13. Pour l'évaluer, on peut confronter cette grande construction à quelques principes ou critères, outre celui de l'assurance sociale déjà mentionné13.

14. Prenons d'abord le grand principe de l'universalité, c'est-à-dire la protection de l'ensemble de la population résidant dans un pays. Ce principe occupe une place centrale en droit international de la sécurité sociale14.

15. Dès son origine, l’assurance-vieillesse et survivants a protégé l’ensemble de la population en Suisse. La Commission d’experts de 1945 a exposé que chacun pouvait avoir besoin d’une protection pour ses vieux jours ou en cas de décès du soutien de famille15. Le concept a été repris sans grande difficulté par le gouvernement16 puis par le législatif17. Dès 1960, l’assurance-invalidité a emprunté la même voie18.

16. Pendant la période évoquée, la situation a été différente pour l’assurance- maladie/soins. La législation fédérale n’a prescrit aucune obligation d’assurance. Les Cantons pouvaient le faire et ils ont prévu différentes sortes d’affiliation obligatoire. La population a recouru, très majoritairement à titre volontaire, à l’affiliation à l’assurance- maladie soins, s’approchant d’une couverture complète19.

11 Jean-Louis DUC : Les assurances sociales en Suisse. Duc éditeur. Lausanne 1995.

12 Idem, pp. 647 sv. –Béatrice DESPLAND : La coordination des régimes de sécurité sociale.

Cahiers genevois de sécurité sociale, N° 7–1990, pp. 117 sv. –Alfred MAURER : Cumul et subrogation dans l’assurance sociale et privée. Traduction par B. Schatz. Stämpfli. Bern 1976.

13 Voir ci-dessus les N°s 7-8.

14 Bettina KAHIL-WOLFF/Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, cité à la note 9, pp. 10, 112 sv.

15 Rapport pour l’introduction de l’assurance-vieillesse et survivants, cité à la note 3, pp. 17-18.

16 Message relatif à un projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, cité à la note 4, pp 353 sv.

17 RO 8 451 ; RS 831.10.

18 RO 1959 857 ; RS 831.20.

19 Pierre-Yves GREBER : Droit suisse de la sécurité sociale, cité à la note 8, pp. 371 sv.

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17. Alors qu’en matière de pensions, le consensus était, dès l’origine large, la question a été très vivement débattue en assurance-maladie (en fait, pendant les trois premiers quarts au moins du XXe siècle). L’opposition venait des partis de tendance libérale et des médecins. Ils mettaient en avant la responsabilité individuelle et la valeur d’une solidarité choisie. Ce n’est qu’à la fin du XXe siècle qu’ils se sont ralliés à l’assurance-maladie obligatoire, lors de la préparation de la législation actuelle20. 18. Outre l’universalité, extension maximale, le champ d’application personnel de la sécurité sociale peut aussi se référer aux salariés. Il s’agit alors de couvrir l’ensemble de ceux-ci : une généralisation aux salariés.

19. Ici aussi, la période 1945- 1985 est caractérisée par la diversité :

 l’on admet, dès l’origine, que l’assurance-accidents doit couvrir tous les salariés exerçant une activité à risque (secteur industriel) ;

 mais il faudra attendre 1984 pour obtenir une protection de l’ensemble des salariés (LAA)21 ;

 il n’y a pas d’accord politique pour rendre obligatoire sur le plan légal l’assurance-maladie/indemnités journalières22. La situation, génératrice d’inégalités, n’a d’ailleurs pas évolué depuis ;

 l’assurance-chômage est restée facultative jusqu’à ce que l’économie suisse soit fortement secouée par les deux « chocs pétroliers » de 1973 et 1975. Lors de l’arrivée du premier choc, à peine un salarié sur cinq était protégé ! La réaction a alors été très rapide : révision de la Constitution fédérale (1976), mise en place d’un régime transitoire (1977), adoption de la loi fédérale, toujours en vigueur (1982)23 ;

20 Alfred MAURER : Geschichte des schweizereischen Sozialversicherungsrechts, cité à la note 8.

Hans OTT : Affiliation obligatoire généralisée. Un moyen d’assainir l’assurance des soins médicaux et pharmaceutiques ? Bulletin des médecins suisses, 1977, pp. 999 sv. -Hans Peter TSCHUDI : Wie soll die Krankenversicherung revidiert werden ? Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung, 1975 pp. 89 sv. –Pierre-Yves GREBER : Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sécurité sociale. Réalités sociales. Lausanne 1984, pp.

325 sv.

21 Alexandre BERENSTEIN : De l’assurance sociale à la sécurité sociale : la réforme de l’assurance-accidents. Semaine judiciaire, 1979, N°7, pp. 105 sv. – Message à l’appui d’un projet de loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 18 août 1976. Feuille fédérale 1976, III, pp.

143 sv.

22 Voir les art. 67 sv. de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), du 18 mars 1994. RS 832.10. –Jean-Marie AGIER : L’assurance collective perte de gain en cas de maladie avant l’entrée en vigueur de la LAMal et après. In : LAMal-KVG. J.-L Duc (éditeur). IRAL. Lausanne 1997, pp. 567 sv.

23 Jean-Pierre BONNY : Zur Neukonzeption der Arbeitslosenversicherung. Gewerbliche Rundschau, 1976, pp. 2 sv. (traduite dans la RCC 1976, pp. 252 sv. –Philippe GNAEGI: Histoire et structure des assurances sociales en Suisse, cité à la note 1. –Fritz LEUTHY : Eine neue Arbeitslosenversicherung ist nötig. Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung, 1975, pp.

127 sv –Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant une modification de la constitution fédérale en vue d’aménager l’assurance-chômage selon une nouvelle conception, du 3 septembre 1975. Feuille fédérale 1975, II pp. 1573 sv. –Message concernant une nouvelle loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 2 juillet

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 enfin, la prévoyance professionnelle (deuxième étage des pensions) a attendu 1985 pour être rendue obligatoire à la majorité des salariés24.

20. En comparaison internationale, l’implantation d’une protection obligatoire a été lente et très débattue sur certains points. En revanche, elle va quasiment de soi en droit international dès 1944/195225. L’on peut rappeler que la sécurité sociale est fondée sur le principe de l’affiliation obligatoire, car celle-ci permet une protection effective, une meilleure répartition des coûts, également une solidarité qui peut être verticale (entre revenus) ou horizontale (singulièrement entre générations).

21. En Suisse, les indépendants ont souvent été opposés à être inclus dans une assurance sociale obligatoire. Ils lui ont préféré un accès facultatif. Ce n’est pas rare en Europe26.

22. Pour terminer cette évaluation de la période de construction (1945-1985), il faut encore mentionner le principe de la solidarité dans sa dimension verticale (entre revenus). Il s’agit donc de faire appel à la capacité contributive : plus une personne a de revenus, plus elle contribue. Cela peut s’effectuer par cotisations, impôts ou mixage des deux27.

1980. Feuille fédérale 1980, III pp. 485 sv. Hans-Ulrich STAUFFER : Der Begriff der Arbeitslosenversicherung und der Arbeitslosenfürsorge nach Artikel 34 novies BV. Thèse de Bâle. Econom-Druck. Basel 1979. –Pierre-Yves GREBER: Droit suisse de la sécurité sociale, cité à la note 8, pp. 427 sv.

24 Message du Conseil fédéral à l’appui d’un projet de loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 19 décembre 1975. Feuille fédérale 1976, I, pp. 117 sv. – Hans PFITZMANN : Le futur régime obligatoire de la prévoyance professionnelle. Du projet du Conseil fédéral à la procédure d’élimination des divergences. Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung, 1981, pp. 81 sv. -Jacques-André SCHNEIDER : Les régimes complémentaires de retraite en Europe. Libre circulation et participation. Etude de droit suisse et comparé. Faculté de Droit de Genève. Helbing & Lichtenhahn. Basel/Frankfurt am Main 1994. – Bernard VIRET : Vers la prévoyance professionnelle obligatoire en Suisse. In : Séminaire pluridisciplinaire 1976. Faculté de Droit de l’Université de Lausanne 1976. -Zur Verwircklichung der 2 Säule : Auftrag, Probleme, Perspektiven. IVW. Hochschule St.Gallen 1981. -Pierre-Yves GREBER : Droit suisse de la sécurité sociale, cité à la note 8, pp. 159 sv.

25 Paul DURAND : La politique contemporaine de sécurité sociale. Dalloz. Paris 1953, pp. 63 sv. – OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (34e session, 1951) : Rapport IV (1) : Objectif et normes minima de la sécurité sociale. BIT. Genève 1950, pp. 14-15. Rapport IV (2) : Idem.1951, pp. 190-192. -Pierre-Yves GREBER : Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sécurité sociale, cité à la note 20, pp. 319 sv.

26 Marie-France LAROQUE : La protection sociale des travailleurs indépendants en Europe.

Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 20-1998, pp. 47 sv.

27 Paul DURAND : Les équivoques de la redistribution du revenu par la sécurité sociale. Droit social 1953, pp. 292 sv. -Ernst KAISER : Les possibilités et les limites d’une solidarité conçue dans le cadre des générations et des revenus. RCC 1971, pp. 217 sv.

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23. Deux régimes fondamentaux sont ici conçus de manière radicalement différente :

L’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (régime de base de pensions) applique depuis son origine la solidarité verticale ou entre revenus : pour les salariés et les indépendants, les cotisations ne sont pas plafonnées alors que les prestations connaissent des montants maximaux ;

L’assurance-maladie/soins n’applique pas cette solidarité, sous réserve de correctifs limités, mais elle prélève des cotisations personnelles (« par tête ») indépendantes des conditions économiques des assurés. Depuis 1970 au moins cette question est régulièrement débattue et la majorité de la population est demeurée attachée jusqu’à présent à cette forme originale de financement d’une assurance-maladie sociale.

24. Il serait tout à fait possible de continuer l’exposé en recourant à d’autres critères ou principes : répartition des responsabilités entre l’Etat, les partenaires sociaux et les individus ; modes de financement ; principe de la prévention de la réadaptation (ou réinsertion), climat politique à l’égard de la sécurité sociale.

25. Il faudra se limiter ici à constater que la période 1945-1985 est une période riche, passionnante, qui a permis la construction d’un système de sécurité sociale de qualité, ce qui ne veut pas dire sans défauts.

3. LE TEMPS DE LA MATURITE ET DE LA CONSOLIDATION : 1986- 2004 ?

3.1 L’évolution législative de 1986 à 2004

26. Gardons les bornes 1986-2004, même s’il faut les relativiser comme cela a été indiqué28. Pendant la période sous revue, il convient de signaler les événements principaux suivants :

 1986 : adoption de la 2ème révision de l’assurance invalidité ;

 1991 : adoption de la 3ème révision de l’assurance-invalidité ;

 1993 : adoption de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle (RS 831.42) ;

 1994 : adoption de la loi fédérale sur l’assurance–maladie (LAMal), en vigueur depuis 1996 (RS 832.10) ;

 1994 : 10ème révision de l’assurance-vieillesse et survivants ;

 1999 : nouvelle Constitution fédérale (en vigueur depuis 2000) (RS 101) ;

 1999 : conclusion de l’Accord Communauté européenne-Suisse sur la libre circulation des personnes (en vigueur depuis le 1er juin 2002) (RS 0.142.112.681) ;

28 Voir ci-dessus le N° 3.

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 2000 : adoption de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (en vigueur depuis 2003) (RS 830.1) ;

 2003 : adoption de la 1ère révision de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (plusieurs entrées en vigueur) ;

 2003 : adoption de la 4e révision de l’assurance-invalidité (en vigueur depuis 2004) ;

 2004 : adoption des allocations de maternité (en vigueur depuis le 1er juillet 2005) (RS 834.1) ;

 2004 : rejet, en votation référendaire, de la 11e révision de l’assurance-vieillesse et survivants ;

 2004 : extension de l’Accord Communauté européenne-Suisse sur la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats membres de l’UE (en vigueur depuis le 1er avril 2006) (RS 0.142.112.681).

3.2 L’évaluation

27. Comment évaluer très rapidement les événements mentionnés ? (en laissant de côté la 11e révision AVS rejetée) :

 tous me semblent relever de la maturité et de la consolidation. Cela parait clair pour les révisions de l’assurance-invalidité, qui ont porté sur les prestations (développement de l’adaptation et de la réadaptation ; affinement de l’échelonnement des rentes), l’organisation, la procédure et le financement. La 10e révision de l’AVS a notamment réalisé (presque complètement) l’égalité entre femmes et hommes, elle a élevé de deux ans l’âge d’ouverture à pensions pour les femmes et elle a introduit un début de flexibilité pour le début du droit aux pensions de vieillesse ;

 Les dispositions légales relatives à la prévoyance professionnelle n’ont pas modifié fondamentalement le régime29 : elles ont facilité le passage d’une caisse à une autre, retouché les prestations parfois en faveur parfois en défaveur des assurés sociaux ; elles ont essayé de consolider l’organisation en la rendant plus sûre et plus transparente30 ;

 des textes nouveaux comme la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) et la Constitution fédérale de 1999 n’ont pas constitué de rupture par rapport à l’ancien droit. L’assurance-maladie a été améliorée pour la partie soins, elle est restée en « stand by » pour les indemnités journalières. La Constitution a vu sa

29 C’est-à-dire que la « 1ère révision LPP », qui est la plus importante, n’a pas remis en question les grandes structures (personnes protégées, protection générale) ; mais il n’en demeure pas moins qu’elle a changé de manière non négligeable des dizaines de dispositions et qu’elle en a apporté de nouvelles. D’une vue d’ensemble, c’est une consolidation ; vu du terrain, cela a représenté un grand défi d’adaptation pour les caisses de pensions.

30 Erika SCHNYDER : La première révision de la LPP. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 33-2004, pp. 61 sv.

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rédaction modifiée, mais elle a gardé sa substance, précieuse, en matière de sécurité sociale31 ;

 la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales a certes changé des règles de fond et de procédure, mais sans bouleverser le système. Après un démarrage peu lisible, elle semble avoir trouvé sa place32 ;

 les Accords conclus avec la Communauté européenne sont limités à la coordination. Ils l’ont indiscutablement développée au bénéfice des assurés sociaux, même si la voie avait été préparée de longue date par une série de conventions bilatérales (plus limitées)33.

28. Un régime n’a pas été évoqué à propos de cette période, c’est celui de l’assurance-chômage. La révision principale du 23 juin 1995 relève certainement de la consolidation. Comment apprécier la révision principale du 22 mars 2002, qui a durci les conditions d’octroi et réduit la durée d’indemnisation pour certains assurés sociaux ? Consolidation ou début d’un recul ? L’image est ici moins claire !

29. Dans l’ensemble, la période 1986-2004 apparaît bien comme une période de maturité et de consolidation de la sécurité sociale en Suisse.

4. LE TEMPS DES QUESTIONS ET DES REMISES EN QUESTION : 2004- ?

4.1 Le temps des questions

30. En Suisse, comme en Europe et au-delà, les questions de sécurité sociale sont régulièrement à l’agenda politique. Nous en sommes tous, dans la recherche comme dans la pratique, témoins. Chaque citoyenne, citoyen, résident, de même. On pourrait dire que chaque lecteur pourrait continuer de son côté l’appréciation. Ou alors, nous pourrions ouvrir un nouveau Colloque !

31. Nous sommes arrivés au temps des questions parce que l’environnement de la sécurité sociale change en Suisse comme ailleurs. Les éléments généraux sont connus :

évolution des besoins de protection dus notamment à la fragilisation des emplois, à un chômage qui ne disparaît pas, à la fragilisation des familles, aux migrants venant de régions défavorisées ou en guerre, à l’allongement de la vie, au risque de dépendance, aux progrès de la médecine ;

31 Jean-François AUBERT/Pascal MAHON : Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999. Schulthess. Zürich/Basel/Genève 2003, pp. 863-924.

32 La partie générale du droit des assurances sociales. Colloque de Lausanne 2002. B. Kahil-Wolff (éditrice). IRAL. Lausanne 2003. -Ueli KIESER : ATSG-Kommentar. Kommentar zum Bundesgesetz über den allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000.

Schulthess. Zürich 2003.

33 Bettina KAHIL-WOLFF /Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen cité à la note 9, pp. 280 sv. ,359 sv.

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discussion sur les valeurs qui portent la sécurité sociale : sécurité d’existence, égalité (entre femmes et hommes, entre nationaux et étrangers, entre catégories professionnelles), solidarité (entre revenus, entre générations, entre personnes plus ou moins exposées à un risque) ;

discussion sur les capacités et les limites de l’économie, dans des sociétés de longue vie : quel niveau de sécurité sociale peut-on financer, y compris sur le moyen et long terme ?

discussions politiques : quel niveau de sécurité sociale voulons-nous ? est-elle ou non une pièce centrale de nos sociétés ?34

4.2 Le temps des remises en question ?

32. Sommes-nous arrivés en Suisse au temps des remises en question ? Une contestation frontale remonte à 1996, au rapport de Pury « Ayons le courage d’un nouveau départ »35. Actuellement, l’image est quelque peu trouble : régulièrement, pour ne pas dire presque quotidiennement, des autorités, des acteurs sociaux, des médias présentent la sécurité sociale comme un vaste ensemble de charges, de problèmes, d’impasses prévisibles.

33. Ainsi, l’assurance-maladie sociale serait trop « généreuse » pour certains, trop coûteuse. L’assurance obligatoire des soins36 est une protection développée et non une

« assurance de base »37 : faut-il la redimensionner à la baisse et transférer certaines prestations du catalogue légal actuel aux protections complémentaires, de droit privé et lucratives ? La question n’est pas sans importance : les soins octroyés en vertu de la loi fédérale sur l’assurance-maladie sont garantis à l’ensemble des résidents (égalité de traitement) ; ceux qui seraient transférés aux protections privées seraient limités aux bénéficiaires de protections complémentaires38. Faut-il limiter le libre choix des fournisseurs de soins, singulièrement le libre choix du médecin ? Faut-il permettre aux assureurs-maladie de choisir les médecins dont ils prendraient en charge les factures ? Faut-il donner davantage de poids à ces assureurs dans la gestion financière du régime ?

34 AISS : Social Security at the Dawn of the 21st Century. D. Hoskins/D. Dobbernack/C. Kuptsch (editors). Transaction Publishers. New Brunswick/London 2001. –AISS : Mutations du marché du travail et protection sociale dans une perspective internationale. H. Sarfati/ G. Bonoli (éditeurs). Peter Lang. Bern 2002. -AISS : La sécurité sociale dans le village global. R. Sigg/C.

Behrendt (éditeurs). Peter Lang. Bern 2004. -Bettina KAHIL-WOLFF/Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, cité à la note 9, pp. 63 sv.

35 Ayons le courage d’un nouveau départ. Un programme pour la relance de la politique économique de la Suisse D. de Pury/H. Hauser/B. Schmid (éditeurs). Orell Füssli. Zürich 1996.

Il s’agissait d’une remise en question fondamentale de l’universalité et de la protection développée par le moyen des assurances sociales, à remplacer par des prestations sélectives (centrées sur les plus défavorisés).

36 Art. 3 sv. LAMal. RS 832.10.

37 Comme elle est souvent, à tort, qualifiée.

38 Il faut avoir la capacité financière de payer des primes supplémentaires. L’assureur privé n’est pas obligé d’accepter un candidat, il peut adopter des réserves d’assurance (pas de protection) non limitées dans le temps.

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Ou faut-il partir dans la direction opposée et les remplacer par une caisse-maladie unique, compétente pour toute la protection légale (LAMal) ?39

34. L’assurance-invalidité a aussi fait l’objet de vives critiques ; elle serait également trop « généreuse » et trop coûteuse. Ici, le contexte financier est très tendu puisque cette assurance sociale est dans les chiffres rouges (déficits annuels, dette importante au lieu d’un fonds de réserve) depuis de nombreuses années. Le contexte politique est lui aussi très tendu parce que de 1980 à 2005 le nombre de bénéficiaires de rentes d’invalidité par rapport à l’ensemble de la population a presque doublé. Cette évolution est évidemment préoccupante. Plusieurs explications sont avancées : vieillissement de la population, chômage, élargissement de la notion de maladie (troubles psychiques), volonté moins marquée des entreprises d’intégrer les personnes handicapées. Des débats parfois très vifs portent sur les points suivants ; la législation actuelle est-elle trop favorable aux assurés sociaux, l’ouverture du droit aux prestations est-elle trop rapide, les organes de l’AI ont-ils trop d’autonomie, les recours sont-ils trop nombreux, les abus sont-ils nombreux, le régime est-il correctement piloté ?40 Inutile de dire que les réponses données à ces questions ne sont pas uniformes. Les autorités entendent réduire fortement et rapidement le nombre des rentes servies par l’assurance- invalidité. La solution serait un accent beaucoup plus fort sur la réinsertion, effectuée le plus tôt possible. L’entreprise est louable, mais la situation de l’emploi est défavorable pour les salariés : les jeunes ont de la peine à accéder à des emplois, les seniors en ont à garder le leur ou à en retrouver un en cas de licenciement ; les personnes vivant avec un handicap auront-elles leur chance ?

35. Le tour d’horizon pourrait être continué, pour l’assurance-vieillesse (élévation projetée de l’âge de la retraite, retardement possible de l’indexation des rentes), pour la prévoyance professionnelle (ajustement à la baisse d’éléments de calcul des prestations), pour l’assurance-chômage (faut-il réduire la durée d’indemnisation ?) Sommes-nous dans l’adaptation de la protection sociale ou dans sa remise en question ?

5. BREVE CONCLUSION

36. De 1945 à 1985, la Suisse a construit un système de sécurité sociale. Malgré des défauts, il peut être considéré de bonne qualité. A suivi le temps de la maturité et de la consolidation, temps qui n’est probablement pas terminé. Mais nous vivons aussi dans le temps, certainement intéressant mais très inconfortable, des questions voire des remises en question.

39 Caroline FILLIETTAZ CURTET : Les soins de santé dans l’assurance-maladie sociale suisse : point de vue historique. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 33-2004, pp. 127 sv.

40 Voir p. ex. : Augmentation du nombre de rentes versées par l’assurance-invalidité : vue d’ensemble des facteurs conduisant à l’augmentation du nombre de rentes et rôle joué par la Confédération. Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats, du 19 août 2005.

Feuille fédérale 2006, pp. 2195 sv.

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37. La Suisse bénéficie d’un atout particulier : grâce à la démocratie directe, les citoyennes et citoyens peuvent influencer l’évolution de ce pays. Ils pourront décider s’ils veulent une protection améliorée, égale ou réduite, ce qui est évidemment lié au financement.

38. Finalement, en Suisse comme dans les autres pays, il convient de « cultiver la sécurité sociale ». C’est une chance de pouvoir faire ensemble un bout de chemin face aux risques de la vie.

Références

Documents relatifs

Kuptsch (editors). New Brunswick/London 2001. Fondements et défis. Les tendances de long terme. Mutations, nouvelles voies, réformes du finan- cement. Helbing & Lichtenhahn.

38 A noter que cette recommandation invite les Etats membres du Conseil de l'Europe à reconnaître aux personnes concernées un droit invocable directement devant

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cadre international et communautaire, thématiques actuelles. Presses universitaires d'Aix-Marseille. La sécurité sociale en Europe à ! 'aube du XXI' siècle. Helbing &

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115 Voir ci-dessus les N os 46-48. 116 Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp.. Si celle-ci est

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