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Conseil de l'Europe : 60 années pour la sécurité sociale

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Conseil de l'Europe : 60 années pour la sécurité sociale

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. Conseil de l'Europe : 60 années pour la sécurité sociale. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, 2010, no. 45, p. 9-45

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43797

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CONSEIL DE L’EUROPE : 60 ANNEES POUR LA SECURITE SOCIALE*

Pierre-Yves GREBER Professeur à l’Université de Genève

BIBLIOGRAPHIE SELECTIONNEE

1. INTRODUCTION ... 1

2. LA COMPETENCE DU CONSEIL DE L’EUROPE DANS LE DOMAINE DE LA SECURITE SOCIALE ... 7

2.1 La compétence ... 7

2.2 Points forts et limites ... 10

2.3 Comparaison avec les compétences de l’ONU, de l’OIT et de l’UE... 13

2.4 Première conclusion ... 16

3. LA FINALITE ET LES GRANDES PERSPECTIVES INDIQUEES PAR LES TEXTES DE PRINCIPES DU CONSEIL DE L’EUROPE ... 17

3.1 Finalité et grandes perspectives ... 17

3.1.1 Le cadre ... 17

3.1.2 L’apport commun des Chartes sociales... 21

3.1.3 Les développements de la Charte sociale révisée ... 24

3.1.4 L’apport de la CEDH ... 25

3.2 Points forts et limites ... 28

3.3 Compatibilité ou opposition avec les textes de principes de l’ONU, de l’OIT et de l’UE ? ... 34

3.4 Deuxième conclusion ... 37

4. LA CONTRIBUTION GENERALE DU CONSEIL DE L’EUROPE A L’HARMONISATION (AU SENS DE RAPPROCHEMENT) DES SYSTEMES DE SECURITE SOCIALE ... 38

4.1 L’utilité du concept d’harmonisation ... 38

4.2 Des normes relatives au champ d’application personnel (personnes protégées) ... 41

4.3 Des normes relatives au champ d’application matériel (éventualités couvertes) ... 46 ________

* Rapport présenté dans le cadre du 13e Colloque de droit européen de la sécurité sociale, GENEVE, 10 septembre 2010.

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4.4 L’apport relatif aux prestations ... 49

4.5 Une contribution limitée à l’organisation ... 56

4.6 Quels points forts et quelles limites ? ... 59

4.7 Compatibilité ou opposition avec les instruments de l’ONU, de l’OIT et de l’UE ? ... 64

4.8 Troisième conclusion ... 67

5. UNE CONTRIBUTION SPECIFIQUE A LA PROTECTION DE QUELQUES EVENTUALITES ... 68

5.1 Soins de santé ... 69

5.1.1 Approche centrée sur les soins ... 69

5.1.1.1 Le cadre ... 69

5.1.1.2 La bonne gouvernance ... 74

5.1.1.3 Technologies de l’information et soins de santé ... 76

5.1.1.4 Les soins palliatifs ... 78

5.1.2 Approche centrée sur des populations ... 79

5.1.2.1 Les services de santé dans une société multiculturelle... 79

5.1.2.2 La promotion de la santé de la famille monoparentale .... 80

5.1.2.3 La santé des personnes en situation marginale ... 81

5.2 Chômage / emploi ... 82

5.2.1 Approche globale ... 82

5.2.1.1 Le cadre classique ... 82

5.2.1.2 Une modernisation réussie de la protection ... 84

5.2.2 Approche centrée sur des populations ... 85

5.2.2.1 Les jeunes ... 85

5.2.2.2 Les migrants ... 87

5.3 Précarité / exclusion ... 89

5.3.1 Des interventions de la sécurité sociale ... 89

5.3.2 Le Conseil de l’Europe face à l’extrême précarité ... 91

5.3.3 La pauvreté touche davantage les femmes ... 95

5.4 Quatrième conclusion ... 96

6. LA CONTRIBUTION GENERALE DU CONSEIL DE L’EUROPE A LA COORDINATION DES SYSTEMES DE SECURITE SOCIALE ... 97

6.1 Des problèmes, des principes directeurs ... 97

6.2 La contribution du Conseil de l’Europe au domaine de la coordination . 98 6.3 Compatibilité ou opposition avec les instruments de l’ONU, de l’OIT et de l’UE ? ... 101

6.4 Cinquième conclusion ... 104

7. CONCLUSION GENERALE ... 105

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BIBLIOGRAPHIE SELECTIONNEE

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CONSEIL DE L’EUROPE : Rapport explicatif à la Charte sociale européenne révisée.

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VILLARS, Charles : La Convention européenne de sécurité sociale et la Suisse. Georg.

Genève 1975.

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1. INTRODUCTION

1. Le Conseil de l’Europe a été créé en 1949. Dans une première période, ses Membres venaient exclusivement de l’ouest de notre continent. Dès 1989/19901, il a accueilli progressivement les pays de l’Europe centrale et de l’est. Il est ainsi devenu l’organisation de la Grande Europe, comprenant actuellement 47 Etats membres dont la Suisse.

Tableau 1 Les Etats membres du Conseil de l’Europe

Albanie, Allemagne, Andorre, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Bosnie- Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie. Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Malte, Moldova, Monaco, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Russie, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie, Ukraine, Royaume-Uni.

2. L’instrument le plus connu du Conseil de l’Europe est certainement la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Mais chacun a aussi entendu parler de la Charte sociale européenne, peut-être du Code européen de sécurité sociale.

Nous les retrouvons dans les développements ci-dessous.

3. Il n’est pas nécessaire de souligner que le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne sont des Organisations distinctes, tant juridiquement que politiquement. Les deux ont leurs propres textes fondateurs, leurs normes juridiques, leurs actions. Le premier a son siège à Strasbourg, la seconde a ses institutions établies à Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg.

4. Peut-être peut-on juste rappeler que le Conseil de l’Europe comporte un Comité des Ministres, une Assemblée parlementaire, une Cour des droits de l’homme, un Secrétariat général. Alors que l’Union Européenne comprend notamment un Conseil Européen, un Conseil de l’Union, un Parlement Européen, une Cour de justice, une Commission Européenne.

5. Le Conseil de l’Europe a donc 60 ans. Cette étude a pour objet d’évaluer son action normative2

1 Chute du Mur de Berlin, démolition du rideau de fer.

. Il s’agira d’abord de se poser la question de sa compétence. C’est un passage obligé : une Organisation internationale ne peut pas faire démarrer un projet, encore moins adopter un instrument juridique, si elle n’a pas reçu la compétence. Sur cette base, peut-on discerner des finalités, des grandes perspectives qui éclairent le social ? Ensuite le Conseil de l’Europe a-t-il contribué au développement des systèmes de sécurité sociale ? Nonobstant la diversité des situations nationales, est-il possible d’apporter aux Etats des éléments utiles pour légiférer sur les grandes questions que

2 Cette étude ne porte ainsi pas sur les nombreuses conférences organisées par le Conseil de l’Europe, ni sur les études qu’il a menées ou publiées. Il y aurait matière à un bel article (ou à un livre !), car l’Europe de Strasbourg joue le rôle d’un forum important, indispensable. Le site Internet permet d’accéder à ce type d’informations. Voir : http://www.coe.int

(7)

sont la détermination du champ d’application personnel (quelle population protéger ?), matériel (quelles situations de vie protéger ?), la fixation des prestations (quelles sortes et quel niveau ?) l’organisation ? Au-delà de cette approche générale, est-il possible d’apprécier des éléments plus concrets, par exemple concernant les soins de santé, le chômage, la précarité ? Et pour finir – sans entrer dans la technicité de cette matière- peut-on mettre en évidence quelques éléments relatifs à la coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale (quid des situations transfrontalières) ?

6. L’activité normative du Conseil de l’Europe réalisée pendant soixante ans dans le domaine de la sécurité sociale pourrait sans problème faire l’objet d’un livre ! Il s’agira dès lors dans cet article d’aller à l’essentiel : par domaine, quel est l’apport de l’Europe de Strasbourg, discerne-t-on des points forts et des limites, peut-on rapidement faire le lien avec les instruments des Nations Unies, de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’Union Européenne ? La sécurité sociale bénéficie en effet de quatre cadres de références. Au final, comment évaluer ces six décennies d’activité normative ?

2. LA COMPETENCE DU CONSEIL DE L’EUROPE DANS LE DOMAINE DE LA SECURITE SOCIALE

2.1 La compétence

7. Que peut faire le Conseil de l’Europe pour la sécurité sociale ? Il convient de se référer au texte qui l’a fondé, soit le Statut du Conseil de l’Europe du 5 mai 19493. 8. D’une manière générale, nous sommes en présence d’une organisation internationale classique. Les conventions adoptées, pour lier juridiquement les Etats, doivent être ratifiées par ceux-ci. Nul ne peut les obliger à procéder à une ratification.

9. Selon l’art. 1, lettre a, du Statut, le Conseil de l’Europe a pour but « de réaliser une union plus étroite entre ses Membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social ». La première finalité porte sur les droits de l’être humain et la démocratie4

3 Recueil systématique du droit fédéral (RS) : 0.192.030.

; c’est la véritable « carte de visite » de l’Organisation, avec au centre la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). La seconde finalité est relative au progrès économique et social, non défini par le Statut. Le Conseil de l’Europe bénéficie ainsi d’une compétence sociale générale. Comment la mettre en œuvre ? Selon l’art. 1, lettre b, du Statut, ce sera par l’action des organes du Conseil, par la conclusion d’accords, par l’adoption d’une action commune. Ainsi le Secrétariat va préparer, selon les lignes directrices qu’il reçoit, lesdits accords et actions. Il bénéficie des connaissances notamment juridiques et techniques nécessaires à l’exercice.

L’Assemblée parlementaire débat librement des projets, elle adopte des recommandations. Le Comité des Ministres est l’organe habilité à adopter des

4 Pierre DUCLOS : Le Conseil de l’Europe, p. 24.

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conventions et bien sûr il peut aussi adopter des instruments non obligatoires du type de la recommandation. Il convient encore de mentionner l’éclairage de la jurisprudence, de la Cour pour la CEDH5, des organes de contrôle pour les divers instruments.

2.2. Points forts et limites

10. Le fait de disposer d’une compétence sociale générale est un point fort très important. Le Conseil de l’Europe est ainsi habilité à prendre en considération l’ensemble de la sécurité sociale. Son action n’est pas « bridée » par des critères restrictifs. Elle n’est pas non plus subordonnée à d’autres objectifs ou politiques : singulièrement, le social n’est pas soumis à l’économie. Dit en d’autres termes les Etats fondateurs ont fait confiance à l’Organisation en lui laissant un large spectre d’activités possibles. Comme l’on verra dans la suite de cette étude, le Conseil de l’Europe a fait honneur à cette confiance ; il a très bien œuvré dans le domaine de la sécurité sociale.

11. Les limites sont celles d’une Organisation internationale classique : un Etat ne peut pas être contraint de ratifier une convention et celle-ci est le maximum, sur le plan juridique, que le Conseil de l’Europe peut adopter. En d’autres termes, l’Europe de Strasbourg n’a pas à sa disposition l’instrument de la directive, encore moins du règlement de l’Union Européenne.

12. Remarquons que points forts et limites ont liés : la compétence large est consentie parce que les moyens de mise en œuvre sont cadrés6. Aucun Etat membre n’est entraîné dans une action normative qu’il désapprouve ou pour laquelle il n’a pas d’intérêt.

2.3 Comparaison ave les compétences de l’ONU, de l’OIT et de l’UE

13. Les Nations Unies, sur la base de leur Charte du 26 juin 19457, et l’Organisation internationale du Travail, en vertu de sa Constitution de 1919 telle que révisée en 19468, sont dans la même position que le Conseil de l’Europe : une compétence sociale générale, dans le cadre d’une Organisation internationale classique avec les mêmes points forts et limites9.

5 S. Günter NAGEL : Réflexions à propos d’un modèle social sur la base de la CEDH, pp. 24 sv.

6 Dans le même sens, Jean-Louis BURBAN : Le Conseil de l’Europe, p. 18.

7 RS 0.120.

8 RS 0.820.1.

9 Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp. 102-106.

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14. La situation de l’Union Européenne est en revanche très différente. Elle ne bénéficie ni d’une compétence générale dans le domaine social ni dans celui de la sécurité sociale. Il faut considérer plusieurs articles des textes fondateurs :

• Du Traité sur l’Union Européenne, l’on tire le principe d’attribution10, à l’art 4 § 1, ainsi que le principe de subsidiarité, à l’art 5 § 3 11

• Le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne contient une série de dispositions importantes pour la protection sociale : une compétence partagée pour les aspects définis par le Traité (art. 4 § 2, lettre b, TFUE), la lutte contre toute discrimination (art. 10 et 18 concernant la nationalité, TFUE), le droit de circulation et de séjour (art. 20 et 21 TFUE), la grande base de la coordination (art. 48 TFUE), celle relative à la politique sociale (art. 153 TFUE) (bridée au § 4 : ce sont les Etats qui définissent les principes fondamentaux de leur système de sécurité sociale), l’égalité entre travailleuses et travailleurs, trouvant application dans les régimes professionnels (art. 157 TFUE).

;

15. Les actions de l’Union Européenne dans le domaine de la sécurité sociale sont donc très encadrées. Par contre, lorsque l’UE est habilitée à agir, elle dispose de moyens incomparablement plus développés : ceux de la directive et du règlement, le droit qui est dit par la Cour de justice de l’UE.

2.4 Première conclusion

16. Le Conseil de l’Europe réunit, depuis la transition politique et économique (postcommuniste), la Grande Europe : 47 Etats en font partie. Pour pouvoir évaluer soixante années d’activité normative en sécurité sociale, il faut déterminer la compétence de l’Europe de Strasbourg en cette matière, c’est un passage obligé. Au vu du Statut du 5 mai 1949, l’on constate deux points essentiels : il y a présence d’une compétence sociale générale ; et ceci dans le cadre d’une Organisation internationale classique. Strasbourg est sur la même ligne que New York (ONU) et Genève (OIT) ! La situation de l’Union Européenne est différente : elle a des moyens juridiques plus puissants mais des domaines d’action plus restreints. Logiquement, il en découlera des normes bien distinctes.

3. LA FINALITE ET LES GRANDES PERSPECTIVES INDIQUEES PAR LES TEXTES DE PRINCIPES DU CONSEIL DE L’EUROPE

3.1. Finalité et grandes perspective

10 Les compétences non attribuées par le Traité à l’Union Européenne appartiennent aux Etats membres.

11 Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient si un objectif ne peut pas être atteint de manière suffisante par les Etats membres et si on peut l’atteindre au niveau de l’Union.

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3.1.1 Le cadre

17. Au cours des soixante années de son activité, le Conseil de l’Europe a toujours eu une finalité remarquable : celle d’inciter les Etats membres à développer un système de sécurité sociale, qui réponde aux besoins de protection des populations du Continent, en l’adaptant à l’évolution socio-économique. Ici, le cadre normatif est d’abord celui des textes de principes, lesquels sont ensuite concrétisés par les instruments d’harmonisation et de coordination.

Tableau 2 Les textes de principes du Conseil de l’Europe

• Charte sociale européenne (1961).

• Protocole additionnel (1988).

• Charte sociale européenne révisée (1996).

• Convention européenne des droits de l’homme (1950).12

18. La notion de texte de principes a été explicitée par Guy PERRIN : ici « sont réunis les chartes, déclarations, proclamations et pactes internationaux qui ont promu la sécurité sociale au rang d’un droit social fondamental ».13 Ce n’est pas leur portée juridique qui les distingue -ces instruments peuvent être de nature conventionnelle ou déclarative14- mais leur côté symbolique, destiné à éclairer le domaine social, à inspirer les Organisations internationales, les Etats, la société civile. Le fil conducteur est celui de la reconnaissance du droit à la sécurité sociale, un objectif ambitieux qui implique un parcours, du temps pour la réalisation effective. Au stade des textes de principes, le droit à la sécurité sociale est donc théorique, symbolique. Pour reprendre une formulation à la mode, on pourrait dire qu’il s’agit d’une « feuille de route ». Peu de chance d’y trouver des droits subjectifs (cela n’est pas exclu) ; ces instruments donnent des impulsions, « dessinent la maison à construire », la réalisation incombant aux Etats.

19. Les trois premiers textes de principes sont spécifiques aux droits sociaux et économiques ; la CEDH porte, elle, sur les droits civils et politiques. Pourtant la Cour européenne des droits de l’homme, dans sa jurisprudence, met en évidence des éléments intéressant directement la sécurité sociale. Ainsi, la CEDH peut également être considérée comme un texte de principes pour la protection sociale.

20. La finalité est donc le développement et l’adaptation d’un système de sécurité sociale dans tous les Etats du Continent. Les textes de principes contiennent des grandes perspectives utiles à cette finalité. Nous allons ainsi voir les éléments communs aux Chartes sociales de 1961 et de 1996, puis l’apport spécifique de l’instrument de 1996, enfin celui de la CEDH.

12 La Suisse n’a pas ratifié les trois premiers instruments ; elle a ratifié la CEDH : RS 0.101.

13 Guy PERRIN : Les fondements du droit international de la sécurité sociale, p. 479.

14 Les quatre instruments indiqués dans le tableau 2 sont tous de nature conventionnelle (ce sont des traités internationaux).

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3.1.2 L’apport commun des Chartes sociales

21. Le § 12 des Chartes sociales européennes de 1961 et de 1996 a la même teneur : « Tous les travailleurs et leurs ayants droit ont droit à la sécurité sociale ».

L’art. 12 des deux Chartes est presque identique et donne de la substance à la première disposition :

a) Les Etats doivent établir ou maintenir un système de sécurité sociale ;

b) Ledit système doit avoir un niveau au moins égal à celui nécessaire pour la ratification de la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (Charte de 1961) ou pour celle du Code européen de sécurité sociale (Charte de 1996)15. Cela donne , relève Guy PERRIN, un début de contenu : « un cadre international à la notion de sécurité sociale ainsi que l’expression juridique d’un droit minimal susceptible de s’adapter aux différentes conceptions nationales, notamment en ce qui concerne les éventualités à couvrir, les catégories de personnes à protéger, les conditions d’attribution des prestations, leur calcul et leur montant, la durée de leur service et les modalités générales de l’organisation administrative, financière et contentieuse »16

c) Les Etats sont incités à développer leur système, sans que l’obligation soit illimitée ;

;

d) Enfin des règles se rapportent à la coordination : égalité de traitement entre nationaux et étrangers des Parties contractantes, maintien des droits en cours d’acquisition (totalisation), maintien des droits acquis (en cas de déplacement sur le territoire des Parties).

22. Autour de ce droit à la sécurité sociale stricto sensu les deux Chartes contiennent :

a) Un droit de toute personne à la protection de la santé : les Etats doivent prévoir des services de santé et des hôpitaux, offrir des services de consultation et d’éducation, prendre des mesures de prévention (§ 11 et art. 11 des deux instruments) ;

b) Un droit de toute personne à l’assistance sociale et médicale : les Etats doivent prévoir des ressources suffisantes pour ceux qui en sont démunis, des soins en cas de maladie, des conseils et une aide personnelle pour prévenir, alléger ou mettre fin à l’état de besoin, avec ici un droit subjectif à cette forme de protection, reconnu par la jurisprudence du Comité européen des droits sociaux17

15 En 1961, le Conseil de l’Europe n’avait pas encore adopté son Code européen de sécurité sociale, d’où la référence à un instrument de l’Organisation internationale du Travail. En revanche, il y a avait bien en 1996, un instrument « maison », justement le Code. Les deux textes sont très proches. Cf. Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp. 147 sv. et 170 sv.

(§ 13 et art. 13 des deux Chartes) ;

16 Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, p. 352.

17 Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, p. 124.

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c) Un droit de toute personne au bénéfice des services sociaux : il est important qu’une population ait accès non seulement aux prestations de soins et en espèces, mais également à des services d’orientation, de conseil, d’accompagnement (§ 14 art. 14 des deux instruments) ;

d) Un droit de toute personne vivant avec un handicap (physique ou mental) à la formation et à la réadaptation professionnelle (§ 15 art. et art. 15 deux Chartes, mais celle de 1996 a une vision plus large comme exposé ci-dessous) ; e) Un droit de toute famille à une protection sociale juridique et économique,

couvrant notamment des prestations sociales et familiales, des mesures fiscales et de logement (§ 16 art. et art. 16 des deux instruments).

23. Le Protocole additionnel à la Charte de 1961, dont le contenu est repris aux § 23 et art. 23 de la Charte de 1996, garantit à toute personne âgée le droit à une protection sociale, comprenant :

a) Des ressources suffisantes pour mener une vie décente et participer activement à la vie publique, sociale et culturelle ;

b) Un accès à l’information sur les services et facilités destinés aux âgés ;

c) Le choix du mode et du lieu de vie : la possibilité de vivre indépendant dans son environnement habituel aussi longtemps que l’âgé le souhaite et que cela est possible ;

d) Le respect de la vie privée et la participation à la détermination des conditions de vie pour les personnes âgées vivant en institution.

3.1.3 Les développements de la Charte sociale révisée

24. La Charte sociale européenne révisée, du 3 mai 1996, a été adoptée par le Conseil de l’Europe pour tenir compte de l’évolution du droit international et des législations nationales, des problèmes sociaux18

a) Le droit à la protection des personnes vivant avec un handicap est considérablement élargi : il comprend toujours l’orientation et la formation professionnelle, mais il s’ouvre également à la « pleine intégration et participation la vie sociale » (art. 15 § 3 Charte 1996), ce qui implique de surmonter les obstacles à la communication et à la mobilité, l’accès aux transports, au logement, aux activités culturelles et aux loisirs (idem). Le rapport explicatif précise que cette disposition demande une politique active de la part des Etats

. D’une part, elle reprend des normes de l’instrument de 1961 -elles ont été mentionnées ci-dessus-, d’autre part elle apporte justement une contribution supplémentaire qui peut être synthétisée ici :

19

b) Les travailleurs ont droit à la protection de leurs créances en cas d’insolvabilité de leur employeur. Ces créances fondées sur un contrat de

. A noter aussi une volonté de normaliser les parcours des intéressés : la priorité doit être donnée aux règles communes, au milieu ordinaire de travail à adapter ; les dispositifs spécialisés, les emplois protégés interviennent si nécessaire en second ;

18 Idem, pp. 126 sv. –CONSEIL DE L’EUROPE : Rapport explicatif à la Charte sociale européenne révisée, N° 7.

19 CONSEIL DE L’EUROPE : Rapport explicatif à la Charte sociale européenne révisée, N° 64.

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travail peuvent être prises en charge par une institution de garantie subrogée dans les droits des salariés et/ou d’autres formes de protection (privilèges) (§ 25 et art. 25). Le rapport explicatif relève judicieusement que l’insolvabilité, à définir par les législations et pratiques nationales, comprend à la fois des situations dans les quelles une procédure est engagée contre l’employeur et des cas où, l’insuffisance des actifs ne justifie pas l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité20

c) Les travailleuses et travailleurs ayant des responsabilités familiales ont droit à l’égalité des chances et de traitement. Les mesures à prendre par les Etats doivent permettre aux intéressés d’entrer, de rester et de retourner dans la vie professionnelle ; elles doivent prendre en compte les besoins des parents en matière de conditions de travail et de sécurité sociale ; elles doivent inclure des services, publics ou privés, de garde d’enfants. L’objectif général est d’éviter qu’il y ait conflit entre l’emploi et les responsabilités familiales (§ 27 et art. 27) ;

. En effet, les besoins des travailleurs sont, dans les deux hypothèses, les mêmes. A noter que l’insolvabilité de l’employeur est une éventualité proche mais cependant distincte de celle du chômage : il y a un droit au salaire pour un travail effectué (d’où la subrogation de l’institution de garantie, qui peut agir contre l’employeur) ;

d) Enfin, la Charte sociale européenne révisée contient un droit de toute personne à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale (§ 30 et art. 30). Ici, les Etats s’engagent « à prendre des mesures dans le cadre d’une approche globale et coordonnée pour promouvoir l’accès effectif notamment à l’emploi, au logement, à la formation, à l’enseignement, à la culture, à l’assistance sociale et médicale des personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation d’exclusion sociale ou de pauvreté, et de leur famille » (art. 30, lettre a).

3.1.4 L’apport de la CEDH

25. La Convention européenne des droits de l’homme ne contient formellement aucune référence à la sécurité sociale ; cet instrument est consacré aux droits civils et politiques. S.G. NAGEL relève qu’il « ressort cependant de la jurisprudence des organes de la CEDH que si cette dernière « énonce pour l’essentiel des droits civils et politiques, nombre d’entre eux ont des prolongements d’ordre économique ou social », ce qui veut dire que « nulle cloison étanche ne sépare [les droits sociaux] du domaine de la Convention » (arrêt Airey c/Irlande du 9 septembre 1979). (…). De plus, la CEDH offre un certain nombre de garanties procédurales, qui protègent contre l’arbitraire de l’Etat dans l’octroi de prestations sociales ».21

26. De la belle étude de S.G. NAGEL, l’on se bornera ici à énumérer les éléments suivants, qui font de la CEDH un texte de références ou de principes :

a) L’accès à un tribunal indépendant et impartial pour faire valoir un droit à des prestations sociales22

b) L’égalité entre veuves et veufs en ce qui concerne les prestations sociales ;

23

20 Idem N° 94.

;

21 S. Günter NAGEL : Réflexions à propos d’un modèle social sur la base de la CEDH, pp. 26 et27.

22 Idem, p. 28.

(14)

c) L’interdiction des discriminations fondées sur la nationalité : une prestation sociale, dont toutes les conditions d’octroi étaient remplies, a été refusée, à tort, du seul fait que l’intéressé était étranger24

d) L’interdiction d’une évaluation de l’invalidité qui serait spécifique aux femmes mariées.

;

25

27. L’étude citée montre que les Etats mis en cause ont pris les mesures correctrices nécessaires pour donner suite aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

3.2 Points forts et limites

28. Le premier point fort est la place faite à la sécurité sociale : chaque Etat en Europe a pour mission d’instituer puis de piloter un système de sécurité sociale. Il n’y a pas de subordination de ce système à l’économie. Comme le Conseil de l’Europe soutient le développement économique et social, selon son Statut26, les deux sont mis au même niveau.

29. Les Chartes sociales européennes de 1961 et 1996 donnent un contenu substantiel à cette sécurité sociale. Il est composé d’un « noyau dur » ou centre (§ 12 art. 12) et d’une série de droits qui le développent.

30. Au-delà du champ classique de l’institution (cf. les références à la Convention OIT N° 102 et au Code européen de sécurité sociale), les développements (Protocole de 1988, Charte révisée de 1996) se positionnent sur des grandes questions essentiellement structurelles même si la conjoncture joue aussi un rôle : la possibilité pour l’âgé de choisir son mode et lieu de vie ; la protection et la recherche de l’autonomie, la participation à la vie pour celui qui vit avec un handicap ; à côté de la protection à l’égard du chômage, la nécessité de prévoir celle en cas d’insolvabilité de l’employeur ; un appui pour concilier les responsabilités familiales et un parcours professionnel ; une vision globale de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. La jurisprudence de la Cour des droits de l’homme permet à la CEDH, a priori en marge du débat, de rentrer dans la protection sociale et d’y contribuer concrètement.

31. Deux limites sont à mentionner : le § 12 et l’art. 12 des deux Chartes ne sont pas fondés sur l’universalité, alors que toute personne peut avoir besoin de la sécurité sociale. Elles restent au stade professionnel, même très élargi (les salariés, les indépendants et leurs familles à charge). Une limite heureusement corrigée par tous les droits qui gravitent autour, garantis à toute personne, et qui ne vaut pas dans la CEDH.

23 Idem, p. 29.

24 Idem, p. 29.

25 Idem, p. 30.

26 Voir ci-dessus le N° 9.

(15)

32. Les Chartes sociales s’adressent aux Etats, leurs normes sont trop générales pour être self-executing27 : un individu doit se baser sur une législation nationale pour obtenir une prestation. En revanche, une personne peut invoquer la CEDH.

33. Il apparait que les points forts dépassent largement les limites. Avec ses textes de principes, le Conseil de l’Europe contribue au modèle européen de sécurité sociale, et ceci depuis une soixantaine d’années. Espérons, pour la qualité de vie sur le Continent, qu’il pourra continuer de le faire dans un contexte politique, démographique et économique moins favorable.

3.3 Compatibilité ou opposition avec les textes de principes de l’ONU, de l’OIT et de l’UE ?

34. Les Nations Unies sont l’Organisation leader pour les textes de principes. Dans ce domaine, l’ONU a adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels28, la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (1989), la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979)29. Le fil conducteur de ces instruments est aussi clair qu’exigeant : chaque être humain doit avoir droit à la sécurité sociale, ceci sans aucune discrimination. C’est donc la pleine affirmation du grand principe de l’universalité. Et cela permet aussi de marquer le chemin à parcourir de la réalité à l’application effective de l’universalité30. Il n’y a aucun problème de compatibilité pour les textes de principes du Conseil de l’Europe : le message général a la même orientation.

Cependant, l’Europe de Strasbourg est en retard par rapport à l’ONU pour l’affirmation du droit à la sécurité sociale : comme exposé ci-dessus31, les § 12 et art. 12 des Chartes sociales européennes de 1961 et 1996 sont restés à un stade professionnel bien que très élargi.32

35. Vu l’ampleur des instruments de l’ONU, l’OIT n’avait pas à déployer des efforts particuliers au niveau des textes de principes ; on l’attend plutôt pour la concrétisation ! Ainsi, l’OIT apporte un texte de principes : la Déclaration concernant les buts et objectifs de l’Organisation internationale du Travail (1944), connue sous le nom de Déclaration de Philadelphie. Un seul texte certes, mais dont la contribution n’est pas négligeable33

27 La présente contribution se situe dans le domaine de la sécurité sociale.

. L’OIT souligne que la pauvreté constitue un danger pour la prospérité de

28 Giorgio MALINVERNI : Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, pp. 87 sv.

29 La Suisse a ratifié le Pacte et les Conventions : RS 0.103.1, RS 0.107, RS 0.104, RS 0.108.

30 Pierre-Yves GREBER : Le 60e anniversaire des Nations Unies et la sécurité sociale. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 35-2005, pp. 71 sv. (pp. 74-76).

31 Voir les Nos 21 et 31.

32 Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, p. 351.

33 Hector BARTOLOMEI DE LA CRUZ / Alain EUZEBY : L’Organisation internationale du Travail. Presses universitaires de France. Paris 1997, p. 15. –Jean-Michel BONVIN :

(16)

tous, que la lutte contre le besoin doit être menée au plan national et international, associant les efforts des travailleurs, des employeurs et des gouvernements. L’OIT plaide pour un droit à des chances égales dans le progrès et le développement et elle affirme la primauté des aspects humains et sociaux sur les considérations économiques.

Un texte donc ancien, mais qui nous interpelle en ce XXIe siècle ! La Déclaration de Philadelphie s’ouvre à l’universalité pour les soins de santé ainsi que pour la garantie d’un revenu de base à tous ceux qui en ont besoin. A nouveau, il n’y a aucun problème de compatibilité : l’OIT et le Conseil de l’Europe ont la même vision humaniste, la même volonté d’améliorer la condition humaine, le souci des autres et notamment des plus faibles.

36. Pour les textes de principes, l’Union Européenne occupe une place modeste, avec la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (1989) et la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (2000). Très en retrait par rapport aux Chartes sociales du Conseil de l’Europe, elles ne posent pas non plus de problèmes de compatibilité.

3.4. Deuxième conclusion

37. Pour l’indication des buts et perspectives, objet des textes de principes, le Conseil de l’Europe occupe une deuxième place méritoire derrière les Nations Unies.

Certes l’universalité n’est que partiellement dégagée, mais il n’en demeure pas moins que les Chartes sociales européennes apportent une contribution solide à la promotion - et de nos jours : à la défense- du modèle européen de sécurité sociale. La jurisprudence permet à la CEDH de fournir un appui utile. De nouveau34, l’on peut s’appuyer sur un axe New York (ONU), Genève (OIT) et Strasbourg (Conseil de l’Europe) solide.

4. LA CONTRIBUTION GENERALE DU CONSEIL DE L’EUROPE A L’HARMONISATION (AU SENS DE RAPPROCHEMENT) DES SYSTEMES DE SECURITE SOCIALE

4.1. L’utilité du concept d’harmonisation

38. A ce stade de l’étude, nous avons constaté que le Conseil de l’Europe est au bénéfice d’une compétence sociale générale et qu’il a adopté des textes de principes soutenant utilement la sécurité sociale. Sur ces deux bases, qu’entreprendre ? Une Organisation internationale peut-elle contribuer au développement, à l’adaptation, si nécessaire à la défense des systèmes de sécurité sociale ? L’on sait que ces derniers sont de la compétence des Etats et que les législations sont très diversifiées. Il n’y a donc aucune place pour une unification.

L’Organisation internationale du Travail. Presses universitaires de France. Paris 1998, pp. 39 sv.

– Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, pp. 228 sv.

34 Voir ci-dessus le N° 16.

(17)

39. C’est l’Organisation internationale du Travail qui a joué un rôle de pionnier en matière d’harmonisation. En adoptant, en 1944, les Recommandations OIT N° 67 concernant la garantie des moyens d’existence et N° 69 concernant les soins médicaux et, en 1952, la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale, elle a participé35 à l’émergence même de la sécurité sociale. Ces instruments définissent de manière souple l’institution, ils traitent des grandes questions que sont les personnes à protéger, les éventualités à couvrir, les prestations, l’organisation ; par la suite, une série de conventions et de recommandations amélioreront les premiers standards. Il s’agit donc d’une orientation fondamentale du droit international, qui guide les Etats pour instituer un système de sécurité sociale, pour le développer et l’adapter. Les normes sont à la fois minimales, dans le sens que les Etats peuvent les améliorer, et souples, pour tenir compte de la diversité des législations nationales.36 40. Le Conseil de l’Europe s’est aussi engagé dans cette voie, comme nous allons le voir. Et le rapport explicatif du Code européen de sécurité sociale révisé rappelle judicieusement l’utilité du concept d’harmonisation : « L’harmonisation de la protection sociale et des charges qui en résultent est l’un des buts principaux du code révisé : cette harmonisation ne doit en aucune manière être comprise comme une unification ; il ne s’agit pas d’uniformiser les législations, mais de rapprocher les normes de sécurité sociale. L’harmonisation des charges (…) [est] un rapprochement des coûts globaux et non des méthodes de financement dont la détermination appartient aux législations nationales. L’harmonisation de la protection a pour objectif le rapprochement des normes nationales (telles que celles concernant par exemple le champ d’application personnel et le niveau des prestations, les conditions d’octroi et la durée de service des prestations) conformément à des normes européennes37 communes »38/39.

Tableau 3 Les instruments d’harmonisation du Conseil de l’Europe

• Code européen de sécurité sociale (1964).40

• Protocole au Code européen de sécurité sociale (1964).41

• Code européen de sécurité sociale révisé (1990).42

35 A côté de l’œuvre créatrice, fondamentale, de l’OIT il convient de rappeler les initiatives nationales qui ont aussi contribué à la naissance de la sécurité sociale : Social Security Act des Etats-Unis de 1935, Social Security Act de Nouvelle-Zélande de 1938, Social Insurance and Allied Services- connu sous le nom de Plan Beveridge- du Royaume-Uni de 1942. Voir p.ex. : DUPEYROUX/ BORGETTO / LAFORE : Droit de la sécurité sociale, pp. 30 sv.

36 Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, pp. 495 sv.- Pierre-Yves GREBER : Organisation internationale du Travail : 90 années pour la sécurité sociale (1919- 2009). In : Soziale Sicherheit- Soziale Unsicherheit. Festschrift für Erwin Murer. G. Riemer- Kafka / A. Rumo Jungo (éds.). Stämpfli. Berne 2010, pp. 253 sv.

37 Dans le cadre visé, celui du Code. Mais le concept est international.

38 CONSEIL DE D’EUROPE : Rapport explicatif du Code européen de sécurité sociale révisé, N°

41.

39 Dans l’Union Européenne, le terme d’harmonisation est parfois compris comme l’unification, ce que la langue française permet, mais cela ne contribue guère à la clarté du débat

40 Ratifié partiellement par la Suisse, pour les éventualités accidents du travail et maladies professionnelles, vieillesse, survivants, invalidité, charges familiales. RS 0.831.104.

41 Non ratifié par la Suisse.

42 Non ratifié par la Suisse.

(18)

4.2. Des normes relatives au champ d’application personnel (personnes protégées)

41. La détermination de la population à protéger par un système de sécurité sociale est une question de première importance. Qui aura droit, p.ex., aux soins de santé, aux indemnités de chômage, à une pension d’invalidité ou de retraite ? Toute personne devrait pouvoir prétendre aux prestations lorsque l’éventualité se réalise. Mais cela implique des normes, un financement, des institutions. Il faut donc construire. Les textes de principes43 montrent le droit désirable, l’objectif : universalité (protection de l’ensemble de la population) dans le cadre des Nations Unies44 ; tous les salariés, les indépendants et leurs ayants droit dans le cadre du Conseil de l’Europe, avec des extensions vers l’universalité45.

42. Au stade de l’harmonisation, c’est-à-dire de la construction d’un système, il faut évaluer ce qui est possible. En d’autres termes, que peut-on attendre des Etats, où fixer le minimum, comment inciter à progresser ? Et comment tenir compte de la diversité des législations, sachant que certaines protègent des salariés, d’autres des salariés et des indépendants, d’autres enfin des résidents ?

43. L’Organisation internationale du Travail ayant réussi à définir la méthode adéquate46, le Conseil de l’Europe la reprend dans ses instruments. Ceux-ci contiennent ainsi des pourcentages de population à protéger avec des choix possibles. Les Etats peuvent se référer aux salariés, à la population active, ou aux résidents dont les ressources pendant l’éventualité n’excèdent pas certaines limites. Dans le Code européen de sécurité sociale, la règle est la protection d’au moins 50% des salariés, ou de catégories prescrites de population économiquement active formant au moins le 20%

des résidents ou de tous les résidents en dessous de limites de revenus.

44. Le Code européen de sécurité sociale révisé47 développe les normes sur le champ d’application personnel et s’approche de l’universalité. Par exemple, pour les soins de santé, l’Etat peut choisir entre trois formules : la protection de tous les salariés, apprentis inclus, ainsi que de leurs conjoints à charge et de leurs enfants ; de toutes les personnes économiquement actives, de leurs conjoints à charge et de leurs enfants ; de tous les résidents (la troisième variante atteint l’universalité).

43 Voir ci-dessus les Nos 17 sv.

44 Voir ci-dessus le N° 34.

45 Voir ci-dessus les Nos 21 sv.

46 Voir la note 36.

47 Pour entrer en vigueur, le Code révisé doit être ratifié au moins par deux Etats. La première ratification, par les Pays-Bas, a été effectuée le 22 décembre 2009. L’entrée en vigueur se rapproche !

(19)

45. Lors des cycles de contrôle, ces pourcentages doivent être justifiés par les Etats.

C’est donc un mode sérieux de détermination du champ d’application personnel des régimes de sécurité sociale. A noter qu’un Etat peut combiner les formules offertes, selon les caractéristiques de sa législation (p.ex. une assurance-accidents protégeant des salariés et une assurance pensions couvrant des salariés et des indépendants).

4.3 Des normes relatives au champ d’application matériel (éventualités couvertes)

46. Le Code européen de sécurité sociale (1964) et le Code révisé (1990), suivant les deux le modèle posé par la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale48, couvrent les neuf éventualités classiques :

• Soins de santé

• Indemnités de maladie49

• Maternité

• Accidents du travail et maladies professionnelles

• Vieillesse / retraite

• Invalidité

• Survivants

• Chômage

• Charges familiales.

Quelques éléments seront évoqués dans la cinquième partie de cette étude.

47. Si l’on prend également en considération les textes de principes50, le champ d’application matériel s’élargit à :

• L’insolvabilité de l’employeur, une éventualité proche mais à distinguer du chômage51

• La protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale, incluant un droit à l’assistance sociale et médicale

;

52, ainsi que l’accès à un dispositif global portant sur l’enseignement, la formation, la culture, l’emploi et le logement53

• La protection sociale de la personne âgée, incluant non seulement des ressources suffisantes (ce qui relève de l’éventualité vieillesse/retraite classique), mais aussi le choix du mode et du lieu de vie (à domicile ou en institution)

;

54

48 Pierre-Yves GREBER : Le droit international de la sécurité sociale. In : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht. Band XIV : Soziale Sicherheit. Ulrich Meyer (éd.). 2e éd. Helbing &

Lichtenhahn. Basel / Genève / München 2007, pp. 83 sv. (pp. 127 sv.).

.

49 Ou perte de gain en cas de maladie.

50 Voir ci-dessus les Nos 17 sv.

51 Charte sociale européenne révisée, § 25 et art. 25. Voir ci-dessus le N° 24, lettre b.

52 § 13 et art. 13 des deux Chartes. Voir ci-dessus le N° 22, lettre b.

53 Charte sociale européenne révisée, § 30 et art. 30. Voir ci-dessus le N° 24, lettre d.

54 Protocole additionnel à la Charte de 1961 de 1988, art. 4 et Charte sociale européenne révisée, § 23 et art. 23. Voir ci-dessus le N° 23.

(20)

48. De cette manière, le Conseil de l’Europe corrige le cadre classique de la sécurité sociale tel que posé, depuis 1952, par la Convention OIT N° 102. Non pas que ce cadre soit caduque (toutes les éventualités prévues continuent bien sûr de se réaliser55), mais parce qu’il se révèle trop restreint au vu des besoins de protection.

Poursuivant de manière judicieuse son approche, le Conseil de l’Europe traite également des personnes handicapées vieillissantes et des personnes âgées handicapées56. Il s’agit en d’autres termes de la perte d’autonomie ou de la dépendance. L’Europe de Strasbourg arrive ainsi à décrire le champ d’application matériel de la sécurité sociale contemporaine.

4.4 L’apport relatif aux prestations

49. Dans cette approche globale de l’harmonisation, il convient de se limiter à la détermination des prestations en espèces. Le Conseil de l’Europe reprend l’excellente méthode mise au point par l’Organisation internationale du Travail pour la Convention OIT N° 102 et pour les instruments qui l’améliorent57. Un choix est proposé aux Etats, comprenant trois modes de fixation des prestations en argent, s’adaptant respectivement aux assurances sociales, aux régimes à prestations uniformes, aux protections sous conditions de ressources.

50. Le premier mode de fixation des prestations en espèces se réfère au revenu des personnes protégées (art. 65 du Code et 71 du Code révisé). Le montant du paiement périodique, auquel sont ajoutées les allocations familiales, doit représenter au moins un pourcentage, fixé par l’instrument, du gain antérieur du bénéficiaire (ou de son soutien de famille), avec allocations familiales. Un maximum peut être prescrit par la législation nationale à condition que ces dispositions soient remplies au moins jusqu’au niveau du gain d’un ouvrier 58 qualifié.

Exemple selon le Code

Un homme ayant une épouse et deux enfants est malade. Les indemnités de maladie doivent représenter au moins le 45% de gain antérieur (avec les précisions mentionnées ci-dessus).

Exemple selon le Code révisé

Une personne ayant un conjoint et deux enfants est malade. Les indemnités de maladie doivent représenter au moins le 65% du gain antérieur (idem).

55 Des individus tombent malades, d’autres fondent une famille, d’autres perdent leur emploi ou partent à la retraite, etc.

56 Recommandation CM/Rec (2009) 6 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le vieillissement et le handicap au 21e siècle : cadres durables permettant une meilleure qualité de vie dans une société inclusive, du 8 juillet 2009.

57 Voir la note 36.

58 Masculin dans le Code.

(21)

51. Ce mode s’applique donc aux régimes qui fixent les prestations en relation avec le gain antérieur, ce qui est typique des assurances sociales. Dans les exemples ci- dessus59, l’on remarque deux différences significatives : le Code de 1964 est fondé sur une conception « traditionnelle » de la famille, le Code révisé de 1990 applique l’égalité de traitement entre femmes et hommes. Le premier instrument ne garantit qu’une prestation faible, le second retient un standard qui répond davantage aux besoins des intéressés.

52. Le deuxième mode de fixation des prestations en espèces se réfère au salaire du manœuvre60 ordinaire. Il s’agit de prestations à taux fixe, devant garantir un minimum vital. Comme dans le premier cas, il y a application des pourcentages à respecter (art. 66 du Code et 72 du Code révisé).

53. Le troisième mode de fixation des prestations en espèces est lié à une condition de revenus. Comme dans le deuxième mode, le minimum vital est visé, mais ici les ressources du bénéficiaire et de sa famille sont prises en compte. Suivant leur situation financière, la prestation sera la même que dans le second cas ou elle sera inférieure voire égale à zéro.

54. Lors d’une ratification, il appartient à l’Etat de choisir entre ces modes de fixations, en fonction des caractéristiques de sa législation. Un mixage est possible.

Exemple

Un Etat veut ratifier le Code européen de sécurité sociale. Il applique des régimes d’assurance sociale pour les éventualités perte de gain en cas de maladie, maternité et accidents du travail. Pour les pensions, son régime public prévoit des prestations fixes.

Enfin, chez lui, les prestations de chômage et familiales sont ciblées sur les plus défavorisé. Pour les premières protections, le mode 1 est adéquat ; pour les pensions, c’est le mode 2 ; pour les prestations de chômage et familiales, le mode 3 permet la prise en compte des ressources et donc le ciblage61.

55. C’est avec raison que le Conseil de l’Europe a repris ces techniques de fixation des prestations en espèces. En effet, cela évite de se limiter à des formules vagues, telles que prestations de base, minimales ou appropriés. Au contraire, des standards précis sont fixés, dont le respect et la justification sont attendus. Ils sont vérifiés lors des procédures de contrôle.62

59 Pour les autres bénéficiaires, hors donc de la « situation-type », la prestation doit être fixée de telle sorte « qu’elle soit dans une relation raisonnable avec celle du bénéficiaire-type » (art. 65 § 5 du Code).

60 Masculin dans le Code.

61 Ou sélectivité.

62 Ce n’est pas encore le cas pour le Code révisé ; voir ci-dessus la note 47.

(22)

4.5 Une contribution limitée à l’organisation

56. Le Code et le Code révisé n’apportent qu’une contribution limitée à l’organisation. C’est en effet une question qui est essentiellement de la compétence des Etats et il est difficile de formuler ici des règles : un type d’organisation peut très bien fonctionner dans un pays et être peu approprié dans un autre. Par exemple, la gestion paritaire présuppose l’existence d’un partenariat social. Autre exemple, la centralisation peut relever de la culture politique d’un Etat, alors qu’un autre pratique traditionnellement des solutions décentralisées. L’un des meilleurs livres sur le sujet, celui de Michel VOIRIN, est justement intitulé « L’organisation administrative de la sécurité sociale, un enjeu social et politique »63.

57. Le Code (art. 70 § 3) et le Code révisé (art. 76 § 2) demandent aux Etats d’assumer une responsabilité générale en ce qui concerne le service des prestations ; il en va de même de la gestion des institutions et services (art. 71 § 2, respectivement 77 § 3).

58. Lorsque l’administration n’est pas assumée par un département gouvernemental ou un service public, responsable devant un parlement, des représentants des personnes protégées doivent participer à l’administration ou y être associées avec un pouvoir consultatif. Sans y être obligée, la législation nationale peut aussi prévoir la participation des employeurs et des autorités (art. 71 § 1 du Code et art. 77 § 1 du Code révisé).

4.6 Quels point forts et quelles limites ?

59. Le Conseil de l’Europe s’est inspiré judicieusement de l’Organisation internationale du Travail pour entreprendre une harmonisation générale des systèmes de sécurité sociale. Ce point fort ne vise pas l’unification, mais le rapprochement des législations nationales. Pour quelles raisons ? Pour guider les Etats lors de la détermination des composantes essentielles de la sécurité sociale.

60. Ainsi, les normes européennes accompagnent le développement du champ d’application personnel avec le but d’obtenir davantage de personnes protégées, la cible ultime étant l’universalité. Elle est d’ailleurs largement atteinte de nos jours en Europe. La limite sera en conséquence la persistance d’exclus de la protection.

61. Le Conseil de l’Europe a très bien traité la question du champ d’application matériel. Il prend comme base les neuf éventualités classiques, réunies pour la première fois par l’OIT64 ; elles figurent aussi dans le Code et le Code révisé. Mais l’Europe de Strasbourg va encore davantage à la rencontre des besoins des populations et elle parvient à dessiner le contenu de la sécurité sociale pour le XXI siècle.

63 Michel VOIRIN : L’organisation administrative de la sécurité sociale. Un enjeu social et politique. Bureau international du Travail. Genève 1991.

64 Dans la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952).

(23)

62. La détermination des prestations en espèces reprend les modes de fixation mis au point par l’OIT. Cela permet d’éviter des formules vagues et d’appliquer des pourcentages vérifiables lors des procédures de contrôle. Les limites peuvent résulter ici de pourcentages trop faibles pour garantir une bonne protection lorsqu’une éventualité se réalise. Or, en plus, les Etats ont tendance, depuis plusieurs années, à diminuer les revenus de remplacement dans les régimes publics (cf. les réformes des pensions). Ils ont souvent65 une marge pour reculer (abaisser les prestations) avant d’atteindre les pourcentages européens.

63. La contribution relative à l’organisation est limitée. On n’y trouve qu’une règle de responsabilité générale et une place pour la participation. Nonobstant la diversité des systèmes nationaux, des traditions, le respect des solutions qui fonctionnent bien, l’on peut se demander s’il n’y aurait pas un espace à développer pour des règles européennes de bonne gouvernance et pour un renforcement de la participation des populations à la détermination de la sécurité sociale de demain.

4.7 Compatibilité ou opposition avec les instruments de l’ONU, de l’OIT et de l’UE ?

64. L’approche générale de la protection sociale par les Nations Unies est réalisée par des instruments non obligatoires. Elle se situe au niveau de grandes perspectives, une sorte de transition entre les textes de principes66 et l’harmonisation. Plusieurs instruments relient la sécurité sociale au progrès et au développement67, à l’élimination de l’extrême pauvreté68, aux défis de la mondialisation69. Ces textes à portée générale reconnaissent la nécessité de développer des systèmes de sécurité sociale70. Leur approche dynamique s’associe très bien avec les instruments plus précis du Conseil de l’Europe.

65. Il n’y a évidemment aucune opposition entre l’harmonisation pratiquée au Conseil de l’Europe et à l’Organisation internationale du Travail. En effet, le Code européen de sécurité sociale est calqué sur la Convention OIT N° 102, dont il représente une amélioration71

65 Cela dépend du niveau atteint par la sécurité sociale dans l’Etat considéré.

. Le Protocole est fondé sur le Code qu’il élève sur certains points. Le Code révisé, aux standards plus élevés, reste dans la même architecture ; d’ailleurs l’OIT a également des normes supérieures. La compatibilité entre les normes d’harmonisation adoptées par l’OIT et par le Conseil de l’Europe, voulue et très bien

66 Voir ci-dessus les Nos 17 sv.

67 Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social (résolution 2542 [XXIV]), du 11 décembre 1969.

68 Résolution 59/186 sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, du 20 décembre 2004.

69 Déclaration de Shanghai, du 16 juillet 2004.

70 Pierre-Yves GREBER : Le droit international de la sécurité sociale, cité à la note 48, pp. 121- 123.

71 Charles VILLARS : Le Code européen de sécurité sociale et le Protocole additionnel.

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