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Introduction au droit suisse de la sécurité sociale

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Introduction au droit suisse de la sécurité sociale

GREBER, Pierre-Yves, KAHIL-WOLFF, Bettina

GREBER, Pierre-Yves, KAHIL-WOLFF, Bettina. Introduction au droit suisse de la sécurité sociale. 3e éd. Genève : Université de Genève/Faculté de droit, 2006, 403 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43854

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE N° 37-2006

INTRODUCTION AU

DROIT SUISSE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pierre-Yves GREBER

Professeur à l'Université de Genève

3e édition mise à jour

Bettina KAHIL-WOLFF Professeur aux Universités de Lausanne et Fribourg

(3)

CGSS

LES CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE constituent l'organe de publication de l'Observatoire sur l'évolution de la sécurité sociale

en Europe occidentale et centrale

Groupe de travail Université-Cité pour la sécurité sociale

Département de droit du travail et de la sécurité sociale, Faculté de Droit de Genève IRAL -Institut de recherches sur le droit de la responsabilité civile et des assurances,

Faculté de Droit de Lausanne Genève 2006

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PREMIÈRE PARTIE

DEUXIÈME PARTIE

TROISIÈME PARTIE QUATRIÈME PARTIE CINQillÈME PARTIE SIXIÈME PARTIE

SEPTIÈME PARTIE

HillTIÈME PARTIE

NEUVIÈME PARTIE DIXIÈME PARTIE

ANNEXES

SOMMAIRE

N° Page

ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉNÉRALE :

La notion de sécurité sociale, défis et stratégies ... 1 ... 3

L'APPROCHE GÉNÉRALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN SillSSE ... 66 ... 31

LE SYSTÈME DE SANTÉ ... 173 ... 71

L'ASSURANCE-MALADIE ... 204 ... 81• ,

L'ASSURANCE-ACCIDENTS ... 302 ... 119

L'ARCHITECTURE RELATIVE AUX PENSIONS ... 376 ... 145

LE RÉGIME DE BASE DE PENSIONS : L'assurance-vieillesse, survivants et invalidité .... 410 ... 163

LES RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES DE PENSIONS : La prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire ... 606 ... 227

L'ASSURANCE-MATERNITÉ ... 699 ... 259

ÉLÉMENTS DE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN ... 726 ... 269

A. Extraits de la Constitution fédérale ... 303

B. Rentes A VS/ AI ... 307

C. Convention de sécurité sociale entre la Confédération Suisse et le Canada ... 311

D. Accord sur la libre circulation des personnes ... 327

E. Règlement (CEE) N° 1408171 ... 365

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CGSS W 37-2006 P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF

PREMIÈRE PARTIE

ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉNÉRALE :

LES BESOINS DE PROTECTION, LA NOTION DE SÉCURITÉ SOCIALE, LES DÉFIS, LES STRATÉGIES

1. Les besoins de protection ... 1 ... 4

1.1 Les soins de santé ... 2 ... 4

1.2 Le revenu social de remplacement et les ressources de base ... 4 ... r ... 6

1.3 L'insertion et la réinsertion ... 8 ... 7

2. L'évolution historique ... 11 ... 8

2.1 Les modes anciens de protection. L'assurance privée ... 11 ... 8

2.2 L'émergence de l'assurance sociale ... 20 ... 10

2.3 L'émergence de la sécurité sociale ... 23 ... 11

3. Les notions ... 33 ... 15

3.1 Assurance sociale et assistance sociale ... 33 ... 15

3.2 La sécurité sociale ... 35 ... 16

3.2.1 Approche de la sécurité sociale ... 35 ... 16

3.2.2. Proposition d'une définition de la sécurité sociale ... 40 ... 18

3.2.3 Les qualités de la sécurité sociale ... 42 ... 19

3.2.4 Qu'attend-on aujourd'hui de la sécurité sociale? ... 44 ... 20

3.2.5 Peut-on approcher ce domaine complexe avec une méthode simple ? ... 48 ... 21

4. Les défis auxquels la sécurité sociale est confrontée ... 51 ... 22

5. Les stratégies internationales ... 54 ... 25

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P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF CGSS W 37-2006

1. Les besoins de protection

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : La sécurité sociale dans le village global. R.Sigg/C. Behrendt ( éds. ). AISS.

Peter Lang 2004.

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : La sécurité sociale demain : permanence et changements. AISS. Genève 1995.

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL: Introduction à la sécurité sociale. 3e éd. BIT. Genève 1986.

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL: La sécurité sociale à l'ho- rizon 2000. BIT. Genève 1984.

DUPEYROUX, Jean-Jacques/BORGETTO, Michel/LAFORE, Robert/

RUELLAN, Rolande: Droit de la sécurité sociale. 14e édition. Dalloz.

Paris 2001.

DURAND, Paul : La politique contemporaine de sécurité sociale. Dal- loz. Paris 1953.

EUZÉBY, Alain : Sécurité sociale : une solidarité indispensable. Revue internationale de sécurité sociale, 3/1997, pp. 3 sv.

La sécurité sociale en Europe à l'aube du XXf siècle. Helbing & Lich- tenhahn. BaseZ/ Frankfort am Main 1996.

1. L'existence comporte un certain nombre de risques ainsi que des faits positifs, qui ont en commun de générer des besoins de protection. Ainsi, chaque être humain peut être atteint dans sa santé physique, psychique ou mentale, de manière plus ou moins marquée, pour une période plus ou moins longue. A la suite d'une atteinte à la santé ou de la perte d'un emploi, chacun est susceptible d'avoir besoin d'un revenu de remplacement à court ou à long terme. La maternité, le décès du soutien de famille, le divorce, la retraite entraînent la nécessité d'une protection. Certaines personnes ont be- soin de conseils, de services, de mesures d'insertion, de réinsertion ou d'accompagnement. Ce sont des données de l'existence. Elles posent des questions fondamentales : est-ce l'affaire des individus et des familles, faut-il qu'une société adopte et applique des mesures de solidarité ? Quelle part de la richesse nationale un Etat peut-il, devrait-il, consacrer à la protection sociale?

1.1 Les soins de santé

2. Il peut être utile de rappeler quelques évidences :

chaque être humain peut être atteint dans sa santé physique, psychique ou men- tale. Certes, la prévention des maladies et des accidents, la protection des lieux

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CGSS Na 37-2006 P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF

de travail et du milieu de vie font reculer les risques. Ceux-ci ne disparaissent pas cependant. Et certaines avancées (p. ex. à l'égard de maladies infectieuses) sont contrebalancées par des risques nouveaux (SIDA) ou dont l'importance croît avec le vieillissement de la population (cancers, maladies dégénératives, dépendance du grand âge);

la médecine est devenue très performante, au moins dans les pays économique- ment développés ; elle a utilement bénéficié des progrès de la biologie, de la chi- mie, de l'informatique, mais cette médecine développée est devenue coûteuse;

un droit à la santé a émergé : «Même réduite à sa dimension raisonnable, qui impose à l'Etat une obligation de moyen non plus seulement au regard de l'hy- giène du milieu, mais aussi en vue d'assurer à tous l'égale faculté de recourir aux moyens préventifs et thérapeutiques de la médecine, 1' affirmation du droit

à

la santé a achevé de situer l'organisation des soins médicaux dans la sphère de la politique sociale assumée par la puissance publique ». 1

3. Le besoin de soins de santé peut être considéré comme une constante. Il nous amène à une alternative :

2

l'accès aux soins de santé représente-t-il une question individuelle et fami- liale? Il s'agit alors d'acquérir un bien si et dans la mesure où l'on bénéficie des moyens financiers nécessaires. Si ces moyens sont disponibles, il est possible de s'acheter une protection, en concluant un contrat avec un assureur privé. Celui- ci, œuvrant selon une perspective commerciale, cherchera les «bons risques »2,

il pratiquera ainsi la sélection et fixera les primes en fonction du risque assuré.

Sous réserve des régimes Medicare et Medicaid, c'est la voie suivie par les Etats-Unis ;

ou, au contraire, l'accès aux soins de santé est-il considéré comme une ques- tion sociale? Il s'agit alors de le garantir en fonction du besoin de protection, indépendamment de la capacité financière de l'intéressé (ou de son inexistence).

Des mécanismes collectifs, fondés sur une solidarité, doivent alors être institués.

C'est la voie indiquée par le droit international, de la Recommandation OIT N° 69 concernant les soins médicaux (1944) à la Convention OIT No 130 et à la Recommandation OIT N° 134 concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie (1969), en passant bien sûr par la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de sécurité sociale (1952). C'est la voie suivie entre autres en Europe.

Guy PERRIN : Le droit à la santé et l'évolution des régimes de soins médicaux. In : ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE: Assurance-ma- ladie et politique de santé. Documentation de sécurité sociale, série européenne, N° 2.

AISS. Genève 1979, pp. 29 sv. (p. 32).

Représente un « bon risque » pour un assureur une personne jeune, en bonne santé et qui a une situation financière lui permettant de payer régulièrement les primes.

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P.-Y. GREBER/B. KAHIL-WOLFF CGSS No 37-2006

1.2 Le revenu social de remplacement et les ressources de base

4. A nouveau, il peut être utile de rappeler quelques réalités bien connues :

chacun peut tomber malade, être accidenté, perdre son emploi et se retrouver au chômage, d'où la nécessité d'un revenu de remplacement succédant à un salaire ou à un gain d'indépendant;

la maternité et la charge d'enfants rendent nécessaires le versement de presta- tions en espèces;

la retraite, le décès du soutien de famille, le divorce, l'invalidité appellent aussi un revenu de remplacement;

pour des raisons démographiques, sociales et économiques, l'actualité met en évidence les situations de dépendance (essentiellement liée au grand âge), de précarité et d'exclusion, qui nécessitent des appuis financiers et en services.

5. Ces situations évoluent dans un contexte fragilisé, tant sur le plan social (aug- mentation des divorces, des familles monoparentales, régression des mariages, p. ex.), qu'économique (difficulté d'accéder à un premier emploi, chômage important et partiel- lement de longue durée, précarisation des emplois, globalisation), marqué par l'évolution démographique (diminution des naissances, allongement de la vie, migra- tions).

6. Il y a aussi présence d'une alternative:

la garantie d'un revenu, à court ou à long terme, plus ou moins développée, re- lève-t-elle de la responsabilité individuelle et familiale ? L'individu est alors censé assumer les risques de 1 'existence par 1' épargne, par le recours à 1' assurance privée. Un filet minimal peut être mis en place par les autorités, parce que, comme le relève si justement le préambule de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail (OIT), l'injustice, la misère et les priva- tions mettent en danger la paix sociale;

ou, au contraire - et dans des limites à définir - la garantie de revenu est- elle considérée comme une question sociale, impliquant une solidarité, une vé- ritable politique sociale, la construction d'un système (institutions, normes, fi- nancements)?

7. Dans la perspective ouverte par les assurances sociales et par l'assistance publi- que, le droit international de la sécurité sociale, nombre de législations nationales,

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ont opté pour le second terme de l'alternative. Comme pour la question de l'accès aux soins de santé, il s'agit d'un choix de société, de civilisation.

1.3 L'insertion et la réinsertion

8. Un simple rappel peut encore s'avérer utile:

certaines personnes commencent leur parcours de manière difficile, frappées dès leur naissance ou leur jeune âge par la maladie, l'invalidité ;

d'autres sont écartées de leur « cheminement normal » par des atteintes à la san- té, par d'autres chocs (tel un divorce, la mort d'un proche), par un licenciement, par 1' obsolescence de leurs connaissances professionnelles ;

d'autres vivent des situations d'exclusion dont les causes peuvent être multiples;

d'autres enfin, à un moment donné de leur vie, souhaitent changer d'orientation, commencer peut-être de nouvelles études, s'engager dans un nouveau projet (so- cial, humanitaire, culturel, artistique, artisanal).

9. Ces situations vont du subi au choisi. Elles entraînent plus qu'un besoin de res- sources : un bilan, des conseils, une formation, des services, un accompagnement pour les dernières années de vie pendant lesquelles la capacité d'indépendance faiblit.

L'accélération des mutations, notamment économiques et technologiques, exerce certai- nement une pression dans ce domaine.

10. Ici, plutôt qu'une alternative, la combinaison d'efforts privés et publics paraît adéquate. L'intégration dans une société, avec le respect de la liberté individuelle, est l'affaire de chacun, des familles, des rapports de voisinage et professionnels, des mou- vements associatifs, religieux, idéaux. Une combinaison de droits et de devoirs. L' expé- rience montre que cette intégration ne va pas de soi. Les politiques sociales, les systè- mes de sécurité sociale sont ainsi appelés à apporter leur contribution, mettant en œuvre des flux financiers comme des services. Le droit international de la sécurité sociale met l'accent sur l'insertion des personnes vivant avec un handicap et de ceux qui sont à la recherche d'un emploi. A l'époque actuelle, les législateurs nationaux placent davantage l'accent sur les mesures d'insertion et de réinsertion, singulièrement en cas de chômage ou d'invalidité.

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2. L'évolution historique

DUPEYROUX, Jean-Jacques/BORGETTO, Michel!LAFORE, Robert/

RUELLAN, Rolande: Droit de la sécurité sociale. 14e éd. Dalloz. Paris 2001, pp. 14 sv.

DURAND, Paul : La politique contemporaine de sécurité sociale. Dalloz.

Paris 1953.

PERRIN, Guy :L'assurance sociale -ses particularités -son rôle dans le passé, le présent et l'avenir. In : Beitriige zu Geschichte und aktueller Situation der Sozialversicherung. Duncker & Humblot. Berlin 1983.

PERRIN, Guy : Le plan Beveridge : les grands principes. Revue interna- tionale de sécurité sociale, 1-2/1992, pp. 45 sv.

2.1 Les modes anciens de protection. L'assurance privée

11. De tout temps, les individus ont cherché à se protéger à l'égard des risques de la vie. La famille, en tant que cellule de base, a le plus souvent assumé cette tâche, selon ses possibilités.

12. Parmi les modes de protection, qui ont précédé la sécurité sociale, il convient de citer:

l'épargne, la charité,

la responsabilité de l'employeur, la mutualité,

l'assurance privée,

1' assistance (ou aide) sociale, 1' assurance sociale,

(vu leur importance, les deux dernières protections sont examinées ci-dessous, sous chiffre 3, dans le cadre des notions).

13. L'épargne consiste dans le fait, pour un individu, une famille ou une autre enti- té, de garder en réserve une partie de ses ressources. Elle traduit un souci, une volonté de faire face aux risques de la vie ; elle est l'expression d'un sens de la responsabilité individuelle. Ces qualités entraînent, dans certains cas, un soutien de la part des autori- tés3. Elle présente aussi des défauts : elle est peu ou pas accessible aux catégories de

Tel est le cas, en Suisse, de l'encouragement de la prévoyance individuelle vieillesse, survivants et invalidité (voir la sixième partie).

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population les plus défavorisées. Il est très difficile de faire face de cette manière à des risques tels la maladie ou le chômage de longue durée, la dépendance liée au grand âge.

Il en va de même à l'égard de la vieillesse/retraite. Ainsi, 1' épargne peut jouer un rôle de complément à des mesures plus substantielles de protection.

14. La charité est 1' expression d'une solidarité à l'égard des démunis. Elle a joué un grand rôle historique. Mais elle a pour défauts une absence de garantie quant à la protec- tion: le donateur peut se lasser ou se ruiner et l'assisté vit une situation de dépendance à son égard.

15. La responsabilité de l'employeur est historiquement liée au risque des acci- dents du travail : « ( ... ) la victime pouvait tenter de mettre en jeu la responsabilité d- vile de l'auteur de l'accident en application des principes traditionnels du droit de la responsabilité; mais ces principes traditionnels, qui supposent établie la preuve de la faute d'autrui, ne sont d'aucun secours dans trois cas : lorsque l'auteur fautif du préju- dice est insolvable; lorsque la cause de l'accident est inconnue; lorsque l'accident ré- sulte d'une faute de la victime elle-même ».4 L'évolution législative a ainsi mené à une responsabilité sans faute de l'employeur: celui-ci répond des risques survenus dans son entreprise. Même avec cette amélioration, les inconvénients de cette solution sont clairs : le travailleur doit formuler une prétention à l'égard de son employeur (risque de détérioration des relations de travail, voire de licenciement); l'employeur n'est pas un assureur (il n'a pas planifié les risques ; il peut être exposé à des situations financières difficiles, voire à la faillite). D'où le remplacement de cette solution par l'assurance- accidents.5

16. Autre est la question des tâches incombant aux employeurs dans les systèmes de sécurité sociale: ceux-ci jouent un rôle important à l'égard de la protection de leurs sa- lariés, s'affiliant à une caisse, annonçant lesdits travailleurs, payant des cotisations, sup- portant des contrôles, éventuellement versant certaines prestations.6

4 5

6

DUPEYROUX/BORGETTO/LAFORE/RUELLAN : Droit de la sécurité sociale, p. 20.

La première assurance-accidents sociale a été introduite en Allemagne (loi du 6 juillet 1884, en vigueur depuis le 1er octobre 1885). Voir ci-dessous les N° 20 sv. Cette légis- lation a exercé une influence importante sur la Suisse, où une loi sur l'assurance-ma- ladie et accidents (LAMA), du 13 juin 1911, a remplacé la responsabilité civile de l'en- trepreneur. Cf. p. ex. Alfred MAURER: Suisse. In: Un siècle de sécurité sociale 1881- 1981. L'évolution en Allemagne, France, Grande-Bretagne, Autriche et Suisse. Edité par P.-A. Kéihler/H. Zacher/P.J. Hesse. Max-Planck-Institut für auslandisches und inter- nationales Sozialrecht, München/CRHES, Université de Nantes, 1982, pp. 525 sv. (p.

557 sv.)

En Suisse, les employeurs jouent un tel rôle à l'égard de plusieurs régimes de sécurité sociale, notamment l'assurance-accidents, l'assurance-vieillesse, survivants et invalidi- té, la prévoyance professionnelle.

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17. La mutualité est une solution mise sur pied notamment par les travailleurs déci- dés de faire face ensemble aux risques de la vie. D'où la création de caisses mutuelles, sans but lucratif, encaissant des cotisations et versant des prestations. C'est une forme remarquée de solidarité ; historiquement, elle n'a parfois pas pu remplir pleinement sa mission en raison de ressources financières insuffisantes par rapport aux demandes de prestations. Selon les Etats, les caisses mutuelles peuvent gérer des régimes de sécurité sociale ou compléter ces derniers.

18. L'assurance privée met en présence deux partenaires: les personnes exposées à un risque et un assureur. Les premières transfèrent le risque au second et paient des pri- mes. Le second prend en charge ces risques et verse des prestations. Cette relation contractuelle se réfère habituellement à des conditions générales d'assurance établies par l'assureur. Il s'agit d'un mode de protection très développé sur le plan technique et présentant des garanties sérieuses de sécurité. Mais les assureurs privés poursuivent- c'est normal pour des entreprises - une politique commerciale, ils recherchent des pro- fits. Cela signifie concrètement qu'ils préfèrent assurer les «bons risques »7 : ils peu- vent refuser les «mauvais risques» ou accepter de les assurer, mais en tenant compte de cette caractéristique dans la fixation du montant des primes. Cette manière de procéder est absolument normale dans l'économie privée ; elle peut être catastrophique sur le plan social (cf. p. ex. invalidité de naissance, maladie chronique, affiliation maladie à un âge avancé, insuffisance de revenus). Dès lors, l'assurance privée- qui a beaucoup ap- porté techniquement à 1' assurance sociale8 -peut jouer un rôle utile dans les protections complémentaires.9110

19. Autre est la situation d'une compagnie d'assurance admise, dans certains Etats, à gérer un régime de sécurité sociale : elle doit alors observer une législation de droit pu- blic; elle n'est pas autorisée à pratiquer une sélection quant aux risques ni à moduler les cotisations (primes) en fonction du risque; la protection à garantir est celle prévue par la loi.11

2.2 L'émergence de l'assurance sociale

20. L'émergence de l'assurance sociale remonte à la fin du XIXe siècle, dans le cadre du deuxième Empire allemand. Le contexte est celui de l'industrialisation, de l'accroissement d'un prolétariat urbain misérable et de l'évolution des idées sociales.

7 8 9 10 11

Voir ci-dessus la note 2.

Voir ci-dessous les N° 33-34.

Complémentaires aux protections publiques.

Tel est p. ex. le cas, en Suisse, en assurance-maladie (soins) et en assurance-accidents.

Cette situation se présente en Suisse, où une partie de l'assurance-accidents sociale est gérée par des assureurs privés (voir la cinquième partie).

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L'Empereur Wilhelm I et le Chancelier impérial Otto von Bismarck recourent tant à la répression qu'à la réforme sociale dans la lutte qu'ils mènent contre les socialistes.

L'Empereur adresse, le 27 novembre 1881, un message au Reichstag, demeuré célèbre et son Chancelier pilote la réforme, qui est effectivement acceptée par le Reichstag en 1883 (loi sur l'assurance-maladie), 1884 (loi sur l'assurance-accidents) et 1887 (loi sur 1' assurance-invalidité et vieillesse). Ainsi naissent les premières législations d'assurance sociale dans le monde.

21. Les caractéristiques de cette nouvelle forme de protection sociale sont les suivantes:

la reprise de la technique de l'assurance privée, mais avec une finalité sociale ; l'affiliation est obligatoire de par la loi (pas de sélection selon le risque). Elle vise au départ les salariés les plus défavorisés ;

les risques sont définis par la législation ;

la gestion est confiée à des caisses indépendantes de l'Etat (tout en étant sous sa surveillance) ;

le financement est bipartite (employeurs/travailleurs) pour l'assurance-maladie, tripartite (employeurs/travailleurs/Etat) pour 1' assurance-invalidité et vieillesse et à la charge des employeurs pour 1' assurance-accidents. Les cotisations ne sont pas fixées en fonction du risque, mais elles sont proportionnelles au salaire (pas de distinction entre les «bons »et les «mauvais »risques).

22. Ce modèle a connu un retentissement mondial; il a influencé l'Organisation internationale du Travail (OIT) et beaucoup de législateurs nationaux (y compris en Suisse). Sa pertinence demeure: dès lors, la sécurité sociale n'a pas remplacé l'assu- rance sociale, mais elle a intégré celle-ci dans un ensemble de protection plus vaste12.

2.3 L'émergence de la sécurité sociale

23. L'émergence de la sécurité sociale se situe au milieu du XXe siècle. Deux évé- nements majeurs doivent être brièvement évoqués à cet égard.

12 Jacques BERRA: La structure des systèmes de sécurité sociale. Etude de droit comparé.

IRAL. Lausanne 2000, pp. 132 sv. -Anne-Françoise CAMMILLERI : La protection so- ciale en Europe. Etude de droit public comparé. GLN Joly éditions. Paris 1993.- Eber- hard EICHENHOFER : Sozialrecht. 4. Auflage. Mohr Siebeck. Tübingen 2003, pp. 17 sv. - Detlev ZOLLNER: République fédérale d'Allemagne. In: Un siècle de sécurité sociale, cité à la note 5, pp. 7 sv. (pp. 39 sv.)

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P.-Y. GREBER 1 B. KAHIL-WOLFF CGSS W 37-2006

24. Il s'agit tout d'abord de la publication du Plan Beveridge, en 1942, au Royau- me-Uni. Le contexte est donc celui de la Seconde guerre mondiale: comment concevoir une protection sociale qui réponde aux besoins et qui puisse accompagner la reconstruc- tion ? La commission présidée par William Beveridge a analysé et critiqué les institu- tions existantes, avant de proposer une vision globale de la protection.

25. Le Plan Beveridge a comme premier but l'élimination de la pauvreté. Il propose un triptyque composé d'un service national de santé, d'une assurance sociale natio- nale et d'une politique de plein emploi. Le service national de santé doit protéger l'en- semble de la population, avec un financement fiscal, en matière de prévention, de trai- tement des maladies et de réadaptation. La protection inclut les soins ambulatoires et à l'hôpital, donnés par des médecins généralistes comme spécialistes. Le Plan est consa- cré essentiellement à la partie centrale du triptyque, celle de l'assurance sociale.

26. Les caractéristiques en sont les suivantes :

application du principe de l'universalité: le plan vise la protection de l'en- semble de la population à l'égard de l'ensemble des éventualités (risques);

uniformité : le montant des prestations ne dépend pas des revenus des personnes protégées (seulement des personnes à charge), celui des cotisations non plus (le projet délimite quelques catégories : salariés, pensionnés, p. ex.) ;

unité: la protection fait l'objet d'un grand système d'assurance sociale nationa- le, sous la forme d'un service public (lequel comprend des bureaux régionaux et locaux);

intégration : plusieurs modes de protection sont associés - assurance sociale, service public, assistance sociale - au service d'une vision globale.

27. Le Plan Beveridge a lui aussi connu un retentissement mondial13 ; il a égale- ment influencé l'OIT et les législateurs nationaux. Ce sont incontestablement les prin- cipes d'universalité et d'intégration qui ont eu et qui ont toujours le plus d'impact.

!3 Voir ci-dessus le N° 22. Brian ABEL-SMITH: Le rapport Beveridge: ses origines et ses conséquences. Revue internationale de sécurité sociale, 1-2/1992, pp. 5 sv. -Peter BALDWIN : Beveridge dans la longue durée. Revue internationale de sécurité sociale, 1-211992, pp. 61 sv. -William BEVERIDGE: Social Insurance and Allied Services.

His Majesty's Stationery Office. London 1942 (American edition: The Mac Millan Company. New York 1942). - Guy PERRIN : Pour le quarantième anniversaire du Plan Beveridge. Journal des tribunaux du travail 1983, No 259, pp. 89 sv. (même article re- pris dans la Revue internationale de sécurité sociale, 1-2/1992, pp. 45 sv.).

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28. Le deuxième événement est l'adoption de trois instruments par l'Organisation internationale du Travail (OIT), qui dessinent les contours et donnent un contenu à la sécurité sociale. Il s'agit de :

la Recommandation OIT N° 67 concernant la garantie des moyens d'existence (1944),

la Recommandation OIT No 69 concernant les soins médicaux (1944),

la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952)14

29. Ces textes contiennent des normes sur le champ d'application personnel (qui doit être protégé?), le champ d'application matériel (dans quelles situations - appelées éventualités - le système doit-il intervenir ?), les prestations (lesquelles prévoir, à que1 niveau?), la responsabilité générale de l'Etat à l'égard du système. Ils ont guidé les Etats lors de la mise sur pied des systèmes de sécurité sociale puis - au moyen d'autres instruments plus exigeants -lors de leur développement.

30. L'œuvre de l'OIT est soutenue de manière significative par l'Organisation des Nations Unies, laquelle a reconnu le droit de chaque être humain à la sécurité so- ciale, sans discriminations (Déclaration des droits de l'homme, 1948 ; Pacte interna- tional relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966, Conventions interna- tionales interdisant les discriminations raciales, 1965 et à l'égard des femmes, 1979).

Mais il s'agit d'une reconnaissance symbolique, qui doit être concrétisée par les Etats.

31. En ce début de XX:f siècle, la réalité demeure cependant très en deçà de ces plans et instruments: d'après le BIT, un être humain sur deux est totalement privé de protection sociale !15 Changer cette situation représente l'un des plus grands défis de notre siècle. La question, prioritaire, est inscrite à l'agenda des Nations Unies, de l'Organisation internationale du Travail, de l'Association internationale de la sécurité sociale. L'on sent, depuis plusieurs années, un intérêt croissant des pays émergents et des pays en développement à l'égard de la sécurité sociale.

32. Trois éléments relatifs à la terminologie, à l'intérêt du droit comparé et aux sources peuvent être brièvement mentionnés :

14

15

Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale. Tome V de La sé- curité sociale. Son histoire à travers les textes. Association pour l'étude de l'histoire de la sécurité sociale. Paris 1993, pp. 228 sv., 500 sv. -La Suisse a partiellement ratifié la Convention OIT No 102 (RS 0.831.102).

Sécurité sociale : Questions, défis et perspectives. Rapport VI à la Conférence interna- tionale du Travail (89e session-2001). In : BUREAU INTERNATIONAL DU TRA- VAIL: Sécurité sociale: un nouveau consensus. BIT: Genève 2002, p. 37.

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a) Terminologie : Il n'existe pas de terminologie unifiée, sur le plan international comme sur un plan régional tel que l'européen. Dès lors, chaque système est dé- fini par un législateur national. Il n'est guère possible de tirer des conclusions à partir des termes employés: ce n'est pas parce qu'un pays n'emploie pas formel- lement la dénomination de sécurité sociale qu'il ignore ce concept. Cela n'est guère étonnant : les systèmes de sécurité sociale sont marqués par leur histoire, par les institutions d'un pays, par les acteurs sociaux.16

b) Intérêt du droit comparé : Dans chaque pays, des besoins de protection analo- gues sont présents (accès aux soins de santé, garanties de revenus de remplace- ment à court et à long terme, services sociaux), des choix de valeurs s'imposent (quelle part accorder à la solidarité ?), l'économie et la démographie fournissent ressources et contraintes, des débats politiques portent sur la place du social. La compréhension de son propre système, comme son application et son développe- ment, sont ainsi enrichies par une approche de droit comparé. Par exemple, l'Union européenne organise des échanges réguliers d'informations sur la pro- tection sociale des Etats membres; les pays en transition, avant de procéder à des réformes, ont étudié les systèmes notamment d'Euro~e occidentale, non pas pour les copier, mais pour tirer parti de leurs expériences. 7

c) Sources: L'accès aux sources de droit relatives à la sécurité sociale d'un Etat est plus ou moins aisé selon qu'il existe ou non une codification des règles légales.

Des législateurs nationaux se sont attelés à rassembler dans un code des régle- mentations éparpillées. C'est le cas de la France18 et de l' Allemagne19, qui dis- posent de véritables codes de sécurité sociale, adoptés dans le but notamment de systématiser et de rationaliser une matière devenue trop complexe. Pourtant la codification n'exclut pas la grande complexité (ex. France) !

16

17

18 19

Hans ZACHER : Ziele der Alterssicherung und Formen ihrer Verwirklichung. In : Al- terssicherung im Rechtsvergleich (H. Zacher éd.) Nomos. Baden-Baden 1991, pp. 25 sv., 95.- Hans-Joachim REINHARD (éd.): Demographischer Wandel und Alterssiche- rung. Nomos. Baden-Baden 2001.

Voir les études de Otto CZÛCZ, Karel PINC, Vera STANGOV

A,

Vladimir RYS et Petr TROSTER publiées dans les Cahiers genevois et romands de sécurité sociale depuis 1995 (cf. liste à la fin du volume).

Code de la sécurité sociale.

Sozialgesetzbuch (comprenant dix livres).

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INTRODUCTION AU DROIT SUISSE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

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3. Les notions

3.1 Assurance sociale et assistance sociale

33. L'assistance ou aide sociale et l'assurance sociale sont deux modes collectifs publics de protection particulièrement importants. Ils sont intégrés, au moins sur le plan théorique (doctrine contemporaine), à la sécurité sociale. 20

34. Afin de mettre en évidence leurs caractéristiques respectives, les deux modes sont présentés sous forme d'un tableau comparatif:

Assurances sociales Aide sociale

1. Conception générale

• Régimes de protection destinés en principe aux salariés; droits fondés sur le paiement de cotisations.

• Régime de protection public visant à combattre la misère ou la pauvreté.

2. Champ d'application personnel

• A 1' origine, couverture des salariés les plus défavorisés de l'industrie.

• Evolution : autres catégories de sa- lariés; ensemble des salariés;

indépendants.

• Stade ultime : assurance sociale na- tionale.

• Ensemble de la population, mais avec prescription d'une condition de ressources (ou condition de besoin).

Seul celui qui est dans le besoin bénéficie d'une protection effective.

20 En ce qui concerne la terminologie « sécurité sociale/assistance sociale », employée en droit communautaire, voir la dixième partie.

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3. Champ d'application matériel

• Référence à des risques, définis pré- cisément par la législation : maladie, accident, vieillesse, invalidité, décès du soutien de famille; plus récents protection de la maternité, chômage.

• L'état de besoin : ressources inexis- tantes ou insuffisantes, quelle que soit la cause de ce besoin (en prin- cipe ; car une législation peut com- prendre plusieurs régimes d'aide sociale).

Situation : causée involontairement.

4. Prestations

• Fixées en rapport avec le gain assuré, perdu, dans certaines limites.

• La garantie des besoins vitaux n'est pas nécessairement prévue (peu de cotisations= peu de prestations).

• Garantie du minimum vital ou d'un minimum social (un peu plus élevé).

• Prestations en espèces, en services (aide, conseils, orientation).

5. Organisation

• Coexistence de plusieurs assurances sociales; certaine autonomie vis-à-vis de l'Etat.

• Financement généralement tripartite : assurés, employeurs, Etat.

• Droit de recours.

3.2 La sécurité sociale

3.2.1 Approche de la sécurité sociale

• Organisation par les pouvoirs pu- blics.

• Financement par les pouvoirs pu- blics.

• Droit de recours dans la conception moderne de 1' aide sociale.

35. Les objectifs de la sécurité sociale peuvent être résumés comme suit :

a) La sécurité sociale doit tendre à couvrir l'ensemble des risques sociaux, appelés éventualités, vu la prise en considération de la maternité, de la retraite et des charges familiales (qui n'ont pas la qualité de risques).

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b) Les instruments internationaux entendent guider les Etats vers la réalisation çl'une protection globale (en privilégiant la prise en compte des besoins plutôt que l'évolution historique), laquelle est appelée à s'étendre progressivement (cf.

le problème du coût !) à l'ensemble de la population. Concrètement, par exem- ple, cela revient à opter pour l'institution d'un régime de retraites pour tous - des compléments étant bien sûr possibles - plutôt que pour l'existence d'une multitude de régimes de retraites (salariés du secteur public, industrie, artisanat, agriculture, etc.).

c) L'accent est mis sur le but de protection. Celui-ci peut être réalisé de plusieurs manières. Ainsi, les assurances sociales et l'aide sociale, comme d'ailleurs le service public, deviennent des techniques au service de la sécurité sociale.

Concrètement, un Etat peut opter entre l'assurance-maladie et le set'Vice national de santé21, entre une assurance sociale retraites ou un régime de retraite financé et administré par l'Etat, etc. Les choix dépendront notamment des réalisations existantes et des préférences d'une population. Le droit international ainsi axé sur la protection définira les éventualités, les personnes à protéger, les presta- tions (dans leurs toutes grandes lignes); il laisse une très grande liberté aux légi- slateurs nationaux quant à l'organisation administrative (institutions, mises en œuvre), financières (sources de financement, modes de prélèvement, techniques financières) et contentieuses (autorités de recours, procédure).

36. La sécurité sociale, au sens de la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale couvre neuf éventualités :

soins médicaux (appelés de nos jours soins de santé), indemnités de maladie,

maternité,

vieillesse (ou retraite),

survivants (ou décès du soutien de famille), invalidité,

accidents du travail et maladies professionnelles, chômage,

charges familiales (ou prestations familiales )_22

37. Ces éventualités sont prises en compte par les systèmes de sécurité sociale en Europe. Sous la pression des besoins, cette liste tend à s'élargir à deux éventualités sup- plémentaires : la dépendance (liée au grand âge) et la pauvreté (exclusion) ; certaines législations les protègent (p. ex. pour la première, la Pflegeversicherung en Allemagne, pour la seconde, le Revenu minimum d'insertion en France).

21

22 Voir la troisième partie.

Voir p. ex.: BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL: Introduction à la sécurité sociale. 3e éd. BIT. Genève 1986, pp. 21 sv.

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38. La sécurité sociale, considérée au sens large, a de plus en plus tendance à être composée de plusieurs étages de protection (ou «piliers»). En effet, il est généralement admis que l'Etat n'a pas à se charger de l'ensemble du domaine (cf. par exemple les revenus de remplacement pour la retraite) et qu'il est adéquat de laisser un certain espace aux initiatives professionnelles et individuelles. Dans cette perspective, qui peut théoriquement se présenter pour toutes les éventualités, peuvent être distingués

les régimes publics de sécurité sociale,

les régimes complémentaires de sécurité sociale, les protections individuelles complémentaires.

39. L'Europe occidentale tend vers une telle construction générale, que l'on peut re- présenter sous la forme d'une pyramide à trois étages. Cette construction est progressivement reprise par les pays en transition. Dans la conjoncture actuelle, les débats relatifs à cette répartition des responsabilités sont fréquents.23

3.2.2 Proposition d'une définition de la sécurité sociale

40. Il n'y a pas de définition unique de la sécurité sociale. On peut par exemple approcher le concept sur la base du droit international, considérer la législation d'un pays déterminé ou voir comment les ju~es communautaires ont cerné la notion dans un con-texte de coordination des systèmes. 4

41. Reprenons ici la définition proposée pour le Dictionnaire suisse de politique sociale25 :

La sécurité sociale est née au milieu du

.xxe

siècle, dans un contexte très difficile marqué par la Seconde guerre mondiale et la reconstruction. L'Organisation internationale du Travail (OIT) a joué un rôle essentiel dans l'élaboration de cette grande institution : elle a notamment adopté la Déclaration de Philadelphie (1944), la Convention OIT No 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952) et plusieurs instruments l'améliorant. Les Nations Unies ont reconnu à chaque être humain le droit à la sécurité sociale (Déclaration universelle des Droits de l'Homme, 1948 ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966). La sécurité sociale tend à une vision globale : protection de l'ensemble de la population, à l'égard des risques ou éventualités considérés comme les plus importants.

23 24 25

La question est évoquée dans la sixième partie.

Voir la dixième partie.

P.-Y. GREBER, in: Dictionnaire suisse de politique sociale. 2e édition. J.-P. Fragnière/

R. Girod éditeurs. Réalités sociales. Lausanne 2002, p. 286.

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Selon sa définition classique, la sécurité sociale couvre neuf éventualités : soins médicaux, indemnités de maladie, maternité, accidents du travail et maladies profes- sionnelles, vieillesse, survivants, invalidité, chômage, charges familiales. Cette liste tend à être complétée par la dépendance et la pauvreté. Selon sa définition fonctionnelle, la sécurité sociale a pour missions de garantir l'accès aux soins de santé, des ressources de base, un revenu de remplacement, l'insertion et la réinsertion sociale et profession- nelle.

La sécurité sociale est une institution complexe, au service des êtres humains, qui peut combiner : des conceptions de la protection (unifiée ou diversifiée); des régi- mes universels ou à portée plus réduite; des prestations en nature, en espèces et en servi- ces, inconditionnelles ou liées à des conditions de ressources; des techniques de protec- tion (assurances sociales, service public, assistance sociale), différentes institutions (pu- bliques ou privées, mais alors contrôlées); des techniques de financement (répartition', capitalisation, systèmes mixtes), liées à des sources (cotisations sur le revenu du travail, sur l'ensemble des revenus, fiscalité directe et indirecte, placements). L'assurance so- ciale joue généralement un rôle important dans les systèmes.

La sécurité sociale implique la solidarité entre revenus et entre générations.

Avec une intensité extrêmement variable (de l'ébauche de régimes à des systèmes qua- siment complets), la sécurité sociale est actuellement présente dans le monde entier. Elle constitue un mode essentiel de répartition des richesses créées et amortit les chocs cau- sés par les transitions économiques et par la mondialisation.

3.2.3 Les qualités de la sécurité sociale

42. Le « plus » apporté par la sécurité sociale est incontestablement sa vision tendant à être globale. Les besoins sociaux représentent une donnée. Si la législation procède de manière sectorielle, « par petites touches », elle va inévitablement laisser de côté des besoins réels et des personnes à protéger. La juxtaposition d'une série de modes de pro- tection, sans une certaine architecture, va cumuler une complexité extrême (et la sécuri- té sociale elle-même est déjà loin d'être simple !), des chevauchements inutiles, des lacunes qui peuvent être graves.

43. Il est nécessaire, lorsque la protection sociale connaît un certain niveau de déve- loppement, d'avoir un minimum de vue d'ensemble, d'organisation, aussi bien pour légiférer que pour gérer, de même que pour prévoir le long terme. Cela est d'autant plus vrai dans la période de mutations rapides et profondes que nous connaissons.

(22)

20

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3.2.4 Qu'attend-on aujourd'hui de la sécurité sociale?

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : La sécurité sociale dans le village global. R. Sigg/C. Behrendt ( éds ).

AISS. Peter Lang 2004.

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : La sécurité sociale demain : permanence et changements. AISS.

Genève 1995.

44. L'institution doit répondre à un besoin élémentaire de l'être humain, celui de la sécurité. Il y a un paradoxe : l'avenir est incertain (quelle sera la situation politique et économique dans un, cinq ou vingt ans ? Nul ne le sait). Une composante peut cepen- dant être relativement bien prise en compte : c'est l'évolution démographique. Une au- tre peut probablement aussi être cernée : l'évolution des besoins. Mais l'incertitude de- meure la caractéristique fondamentale du futur. Et simultanément, la revendication - légitime - de la sécurité demande d'instituer et de piloter des systèmes de protection, avec le plus d'efficacité possible. Le problème peut être envisagé de plusieurs manières, avec la conjugaison des meilleures analyses, ce paradoxe sera cependant toujours pré- sent et il faut vivre avec ! En d'autres termes, la sécurité sociale est condamnée à coexister avec une certaine insécurité, d'où la nécessité pour les autorités législatives de s'adapter aux besoins et ressources changeants. Les impondérables auxquels doit faire face la sécurité sociale expliquent en même temps que, dans ce domaine spécialement, des normes internationales ou constitutionnelles ne peuvent fixer qu'un cadre souple à l'intention du législateur.

45. Dans quels domaines ce besoin de sécurité se manifeste-t-il le plus ? Les deux secteurs prioritaires sont certainement la garantie des soins de santé (entendus au sens large, y compris notamment l'hospitalisation) et les pensions26. Une très large partie de la population pourrait être exposée à la gêne et au recours à 1' assistance - vu le coût de la médecine, science développée et largement efficace - sans une socialisation de la sauvegarde et du rétablissement de la santé. La prise en charge, par exemple, d'une opération et d'un séjour de quelques semaines dans un hôpital - au coût réel- est hors de portée de beaucoup ou entraînerait la création de dettes longues à rembourser.

L'évolution prévisible n'indique pas de tendance contraire27Les «cas bagatelles»

pourraient en revanche être supportés par la majorité de la population, à condition de bien tenir compte du revenu familial et du nombre de personnes qui en vivent. Ce be- soin de protection sociale vaut aussi à 1 'égard de la retraite, du décès du soutien de la famille et de l'invalidité. Il est très difficile de gérer convenablement sur le plan indivi- duel des réserves suffisantes pour la retraite (cf. inflation, durée de vie, besoins particu-

26

27

En sécurité sociale, le terme de pensions regroupe les prestations de retraite (ou vieil- lesse), de survivants et d'invalidité.

Cf. le développement de nouveaux diagnostics et de thérapies plus efficaces, de même que l'allongement de la durée de vie.

(23)

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liers du grand âge). Il suffit de rappeler ici que l'espérance de vie est actuellement à la naissance d'environ 76 ans dans les pays de l'OCDE?8 Quant aux risques décès et inva- lidité, ils sont aussi difficilement planifiables à l'échelon individuel si l'on veut une ga- rantie à long terme, sous forme de revenus périodiques.

46. Le besoin de sécurité se manifeste ensuite à 1' égard des risques professionnels : accidents du travail et maladies professionnelles (besoin de soins, de revenus à court et à long terme), chômage. Ici également, les pertes de revenus peuvent être lourdes (par exemple invalidité totale survenue à l'âge de cinquante ans; chômage de longue durée).

Un besoin réel existe enfin en matière de perte de gain maladie ou maternité, de charges familiales (ces dernières, de manière prioritaire évidemment pour les familles nombreuses à petits revenu) et de formation (reconversion non considérée par 1' assurance-chômage).

47. Quelle garantie apporter: une protection minimale pour toute la population ou un revenu de remplacement établi en fonction des gains perdus et préservant le niveau de vie? Face à ces deux sortes de besoin, les systèmes de sécurité sociale et leurs com- pléments doivent tenter de répondre aux deux demandes. Des régimes universels de soins de santé, des prestations en espèces de base (avec ou sans condition de ressour- ces29), des services sociaux peuvent ainsi être combinés avec des régimes d'assurance sociale. Les protections de base et plus développées ~euvent faire l'objet d'une réparti- tion des tâches entre l'Etat et les partenaires sociaux.3

3.2.5 Peut-on approcher ce domaine complexe avec une méthode simple ?

48. Il faut partir du général pour aller aux points particuliers : avoir une idée généra- le de la grande ville avant d'en explorer toutes les rues ... Il convient dans cette perspec- tive de voir comment un système national de sécurité sociale est conçu : système unifié,

28

29

30

Cf., p. ex. Colin GILLION/John TURNER/Denis LATULIPPE (Eds) : Social security pensions. Development and reform. International Labour Office. Geneva 2000, p. 641.

On distingue en droit de la sécurité sociale : a) les prestations inconditionnelles (ou non sélectives), qui ne sont pas soumises à des conditions de ressources ; une personne peut prétendre à cette forme de protection quel que soit le montant de ses revenus et de sa fortune (p. ex. en Suisse : l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité) ; b) les presta- tions sous conditions de ressources (dites aussi sélectives ou ciblées), qui elles ne sont octroyées qu'après un examen de ressources: seul celui qui se trouve en dessous des limites fixées par la législation a droit à la protection (p. ex. en Suisse : les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité). Pour cette probléma- tique complexe et très actuelle, voir p. ex. James SCHULZ: Le débat continue, sélecti- vité, oui mais jusqu'où? In: ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURI- TÉ SOCIALE : La sécurité sociale demain : permanence et changements, pp. 45 sv.

Voir la sixième partie.

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présence de grands régimes, multitude au contraire de régimes, en se rappelant les neuf, voire onze, éventualités couvertes (cf. ci-dessus).

49. A l'intérieur du système considéré, tout régime peut ensuite être analysé selon la méthode simple suivante31 :

Critère 1 : La conception de la protection (but, grands principes, législation applica- ble).

Critère 2: Le champ d'application personnel (personnes assujetties au régime ; obligatoire ou facultatif).

Critère 3 : L'éventualité ou les éventualités couvertes (p. ex. comment l'invalidité est -elle définie? par rapport à l'atteinte à la santé ou à la perte de la ca- pacité de gain?; quel est l'âge d'ouverture à une pension de retraite?).

Les prestations (conditions générales d'octroi, sortes de prestations, du- rée de service, indexation).

Critère 4:

Critère 5 : L'organisation administrative (les institutions de sécurité sociale, les enti- tés et personnes avec lesquelles elles collaborent, p. ex. le corps médical), financière (méthode de financement : répartition, capitalisation ; sources, modalités de prélèvement) et contentieuse (droit de recours, autorités compétentes).

50. Cette méthode est appliquée pour l'analyse proposée ci-dessous des régimes suisses d'assurance-maladie, accidents, vieillesse, survivants et invalidité et de pré- voyance professionnelle. Elle peut faciliter la comparaison entre systèmes nationaux?2

4. Les défis auxquels la sécurité sociale est confrontée

51. Pour terminer cette approche sommaire de la sécurité sociale, considérée de ma- mere générale, l'on peut mentionner brièvement les défis auxquels l'institution est confrontée:

a)

31

32

Une sélection adéquate et humaine des besoins sociaux qui seront pris en compte par la législation. Il ne sera pas possible de répondre pleinement à toutes les demandes, en toutes circonstances (p. ex. évolutions démographique et éco- nomique défavorables). Les besoins élémentaires doivent en tout cas être satis- faits (soins, revenu de remplacement jusqu'à un niveau à prescrire pour les éven- tualités de la sécurité sociale, garantie minimale de ressources et d'insertion). Il Cette méthode, si utile, était utilisée par le Professeur Guy PERRIN lors de ses ensei- gnements. Cf. L'apport de Guy Perrin à la théorie générale de la sécurité sociale. Par P.-Y. Greber. In: Repenser la sécurité sociale. J.-P. Fragnière (éditeur). Réalités socia- les. Lausanne 1995, pp. 177 sv.

Voir ci-dessus le No 32.

(25)

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b)

33 34

35

36

convient de bien délimiter les responsabilités des collectivités publiques, des partenaires sociaux et des individus ; il en découle presque naturellement plu- sieurs formes de protection appelées à se superposer33. Parmi les questions ac- tuelles les plus importantes, 1' on peut citer : 1' accès de toute personne aux soins de santé; le risque de dépendance (ou perte d'autonomie) des grands âgés, dont le nombre s'accroît de manière significative; l'allongement de l'espérance de vie; la non-concordance pour certains entre l'âge normal ouvrant le droit à une pension de retraite et l'âge effectif réel de la retraite ; la diversification et la fra- gilisation des familles (nombre des divorces, familles monoparentales, unions li- bres) ; l'accroissement des travaux dits atypiques34 ; le chômage (singulière- ment: des jeunes, des travailleurs proches de la retraite ; de longue durée). Au vu de ces éléments, il apparaît que les demandes adressées aux systèmes de sé- curité sociale, en Suisse, en Europe comme dans le Monde, ne vontpas diminuer à l' avenir35 ;

L'évolution des valeurs : quelle importance accorder à la sécurité d'existence, à la solidarité (entre revenus, générations, biens portants et malades, travailleurs et chômeurs), à l'égalité (entre femmes et hommes, nationaux et étrangers, entre catégories professionnelles)? La sécurité sociale n'est pas «naturelle», mais

« construite » ; elle nécessite des consensus, à confirmer, au moins implicite- ment, ou à renégocier ;36

Voir la sixième partie.

Des travaux qui s'écartent des «travaux typiques», c'est-à-dire: salariés, basés sur un contrat de durée indéterminée, exercés à plein temps ; ou qui relèvent des activités indé- pendantes « classiques » : paysannerie, artisanat, professions libérales, commerce.

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE: Sécurité sociale et mutations du monde du travail. Série européenne, N° 28. AISS. Genève 2002. - COMMISSION EUROPÉENNE : Moderniser et améliorer la protection sociale dans l'Union européenne.COM(97) 102, 12 mars 1997.- Alain EUZÉBY: Sécurité sociale:

une solidarité indispensable. Revue internationale de sécurité sociale, 311997, pp. 3 sv.- Francis KESSLER : Premier inventaire des approches nouvelles et renouvelées de la sé- curité sociale. In: ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIA- LE : Réunion régionale européenne «Formes nouvelles et renouvelées de la protection sociale en Europe». Budapest, 13-15 novembre 2002 (ISSA/EUR/BUDA/02).- OIT.

CONFÉRENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (89e session-2001) : Rapport VI:

Sécurité sociale. Questions, défis et perspectives. BIT. Genève 2001.-Hedva SARFATI /Giuliano BONOLI (éds) : Mutations du marché du travail et protection sociale dans une perspective internationale. Voies parallèles ou convergentes? AISS. Peter Lang.

Bern 2002. -Social Security at the Dawn of the 2151 Century. D. Hoskins/D. Dobber- nack/C. Kuptsch (editors). Transaction Publishers. New Brunswick/London 2001.

Alain et Chantal EUZÉBY (éds): Les solidarités. Fondements et défis. Economica.

Paris 1996. -Numéro spécial: L'évolution des valeurs des Européens. Futuribles, N°

200, juillet-août 1995.- Numéro spécial: Les valeurs des Européens. Les tendances de long terme. Futuribles, N° 277, juillet-août 2002.- Pierre ROSANV ALLON: La nou- velle question sociale. Repenser l'Etat-providence. Seuil. Paris 1995. -La sécurité so- ciale en Europe à l'aube du XXf siècle. Mutations, nouvelles voies, réformes du finan- cement. Helbing & Lichtenhahn. Basel1996.

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26

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les services répondant à ses besoins fondamentaux et à garantir à ceux dont les ressources sont insuffisantes un revenu minimum de subsistance. Ce premier ni- veau est l'une des bases de la politique de protection sociale( ... ) » ;42

un «niveau solidarité» : «Il s'agit d'un système de protection obligatoire fi- nancé sur un fonds public alimenté par les cotisations des employeurs et des as- surés (ou éventuellement par l'impôt) et versant aux ayants droits, lors de la ré- alisation de certains risques, des rentes d'un montant minimum équivalant aux normes fixées par les conventions de l'OIT »43 ;

un «niveau complémentaire» : «La séparation opérée entre responsabilité publique et responsabilité privée influe sur la gamme des prestations assurées au titre du niveau «solidarité» et sur la nécessité éventuelle de compléter le dispo- sitif de protection, sous une forme ou une autre, c'est-à-dire individuellement ou en groupe, par le truchement de l'employeur, directement ou dans le cadre de fonds de pension privés ou de compagnies d'assurance commerciales. Ce volet devrait viser dans tous les cas à fournir un complément de revenu répondant aux besoins de l'individu et s'ajouter à la protection sociale fondée sur la solidarité, mais sans y porter atteinte ».44

56. Ces propositions relatives aux niveaux de base, de solidarité et complémentaires font partie d'une stratégie, qui devrait tendre à garantir une « protection sociale à des couches plus larges de la population mondiale et ( ... ) rendre cette protection plus con- forme aux buts fixés par les déclarations et normes internationales ».45 Cette stratégie vise l'extension des programmes à la population non protégée, ce qui touche avant tout les pays en développement46, la garantie de prestations suffisantes pour que les person- nes dans le besoin reçoivent une aide efficace, la rationalisation des institutions compé- tentes afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins des bénéficiaires.

57. Les structures flexibles proposées par l'OIT confirment les responsabilités pu- bliques en matière de sécurité sociale- c'est un non clair à la privatisation pour les deux premiers niveaux- tout en prévoyant un relais par un niveau complémentaire, de nature professionnelle.

58. Le Bureau international du Travail continue son travail exploratoire. En 2001, il a adressé à la Conférence internationale du Travail un important « Rapport· VI : Sécu-

42 43 44 45 46

Idem, p. 87.

Idem, p. 88.

Idem, p. 89.

Idem, p. 83.

Voir ci-dessus les N° 30-31.

(27)

INTRODUCTION AU DROIT SUISSE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

coss w

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rité sociale. Questions, défis et perspectives ».47 Au titre de «questions fondamenta- les », ce document traite des liens entre sécurité sociale, emploi et développement, l'extension du champ d'application personnel, l'égalité entre femmes et hommes, le financement durable de la protection, le dialogue social.

59. La Conférence internationale du Travail (89e session-2001) a bien accueilli le rapport, lequel devrait être pris en compte dans la planification des activités de l'OIT.

La Conférence a adopté des conclusions, dont le § 3 est cité ici :

« 3. Si elle est bien gérée, la sécurité sociale favorise la productivité en assurant des soins de santé, une sécurité du revenu et des services sociaux. Associée à une éco- nomie en expansion et à des politiques actives du marché du travail, elle ést un instru- ment de développement économique et social durable. Elle facilite les changements structurels et technologiques qui exigent une main-d' œuvre adaptable et mobile. Il est à noter que si elle représente un coût pour les entreprises la sécurité sociale est également un investissement dans l'être humain ou un soutien à celui-ci. Dans le contexte de la mondialisation et des politiques d'ajustement structurel, la sécurité sociale devient plus

. . ' . 48

que Jamats necessatre ».

60. La stratégie proposée par le BIT et acceptée par la Conférence internationale du Travail a d'autant plus d'importance qu'elle peut s'appuyer sur une série de conven- tions et de recommandations, adoptées dès 1944. Ces instruments normatifs traitent des grandes composantes des systèmes et des régimes de sécurité sociale (champs d'application personnel et matériel, prestations, organisation)49150. Ils guident les Etats pour le développement, l'adaptation et le pilotage de leurs systèmes.

61. La stratégie de la Banque Mondiale51 a une toute autre orientation. La Banque Mondiale estime que le vieillissement de la population, dans toutes les régions du mon- de, va conduire à une crise aiguë des systèmes de sécurité sociale. Elle considère les régimes publics et professionnels de retraite comme inefficaces et propose un recours

47 48

49 50

51

Cf. la note 35.

Résolution et Conclusions concernant la sécurité sociale, Conférence internationale du Travail, 89e session 2001. In : BIT : Sécurité sociale : un nouveau consensus, cité à la note 15, p. 2.- La Résolution et les Conclusions ont été reproduites, avec l'autorisation du BIT, dans le CGSS No 30-2003, pp. 155 sv.

Cf. ci-dessus le N° 49.

Hector BARTOLOMEI DE LA CRUZJAlain EUZÉBY: L'Organisation internationale du Travail. Presses universitaires de France. Paris 1997.- S. Günter NAGEL/Christian THALAMY: Le droit international de la sécurité sociale. Presses universitaires de France. Paris 1994.- Guy PERRIN: Histoire du droit international de la sécurité socia- le, cité à la note 14, pp. 228 sv., 500 sv.

Rapport sur la crise du vieillissement. Mesures destinées à protéger les personnes âgées et à promouvoir la croissance. Washington 1994.

Références

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