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Reflexions sur l'évolution du droit international public "européen"

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Reflexions sur l'évolution du droit international public "européen"

KOLB, Robert

KOLB, Robert. Reflexions sur l'évolution du droit international public "européen". Swiss Review of International and European Law , 2012, vol. 22, no. 4, p. 605-612

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:44911

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22. Jahrgang 4/2012 22

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Inhaltsübersicht / Table des matières

Aktuell / Actualité Robert Kolb

Reflexions sur l’évolution du droit international public «européen» ... 605

Artikel / Article Christian Arnold

Die Gerichtsstandsklausel in den AGB von Facebook

aus schweizerischer Sicht ... 613 Niklaus Meier

Auslegungseinheit von LugÜ und EuGVVO –

unter besonderer Berück sichtigung der Schweizer Beteiligung

am Vorabentscheidungsverfahren vor dem EuGH ... 633

Praxis / Chronique

Christine Kaddous & Christa Tobler Droit européen: Suisse – Union européenne

Europarecht: Schweiz – Europäische Union ... 661 Laurent Killias

Rechtsprechung zum Lugano-Übereinkommen (2011) ... 697 Bundesamt für Justiz

Rechtsprechung zum Wiener Kaufrecht in der Schweiz ... 727

Bibliographie

Simon Othenin-Girard

Publications suisses en matière de droit international privé 2011

Schweizerische Publikationen zum internationalen Privatrecht 2011 ... 747

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SZIER/RSDIE 4/2012 605 Aktuell / Actualité

Reflexions sur l’évolution du droit international public « européen »

par Robert Kolb

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Résumer par grands traits les points structurellement focaux de l’histoire du droit international public de l’Europe, qui s’est étendu au monde ; y ajouter un regard sur son avenir probable ; et ne pas dépasser deux cent cinquante lignes, voici la tâche que je me suis donné en ce jour, muni d’un ordinateur lors d’un voyage en train vers un lointain lieu de randonnée pédestre. Un désavantage en découle : qui dit concision dit concentration du propos ; celui-ci ne sera dès lors entièrement intelligible qu’au connaisseur.2

1. Au sortir de l’Antiquité romaine, la République chrétienne d’Europe, cha- peautée par les pouvoirs universaux, l’Empereur et le Pape, reprit à son compte certaines règles de droit public du droit romain, comme les foeda (alliances), les traités ou des règles diplomatiques, à la fois pour ses rapports extérieurs avec des puissances non européennes, et aussi pour les rapports intérieurs entre cités, républiques et royaumes relativement indépendants les uns des autres. Les rap- ports extérieurs de cette République et de ses membres demeurèrent longtemps très sporadiques. La République chrétienne était largement centrée sur elle- même. Les rapports avec les « infidèles » étaient sujet de controverse. La ques- tion se posait de savoir dans quelle mesure ils devaient rester de purs rapports de fait et dans quelle mesure ils pouvaient être configurés comme rapports de droit, auxquels les instruments du droit public romain, repris par la doctrine de la translatio imperii, pouvaient s’appliquer. Les rapports intérieurs restèrent pendant un certain temps imprégnés par l’idée de l’unité impériale. Le Moyen Age fut en effet obsédé par l’idée d’unité, reconduite à l’unité du Dieu. La Ré- publique est donc vécue comme donnant lieu à une espèce de « droit fédéral » complexe, bien que celui-ci diffère des systèmes fédéraux modernes. A vrai

1 Professeur de droit international public à l’Université de Genève ; comité de rédaction de la RSDIE.

2 Pour une histoire du droit international, outre les contributions dans l’Encyclopedia of Public International Law (Oxford, 2012), voir par exemple : A. Truyol y Serra, Histoire du droit international public, Paris, 1995 ; W. G. Grewe, The Epochs of International Law, Berlin/New York, 2000 ; S. Laghmani, Histoire du droit des gens, Paris, 2003 ; K. H. Ziegler, Völkerrechtsgeschichte, 2. éd., Munich, 2007. Et pour le Moyen Age, voir aussi B. Paradisi, Storia del diritto internazionale nel Medio Evo, Naples, 1956.

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dire, il n’existe aucune fédération typique ou identique à une autre ; les ensem- bles fédératifs sont toujours affaire d’espèce. Au regard de ce qui précède, il est compréhensible que les questions de droit public externe (volet du droit public étatique voué aux rapports internationaux) n’aient pas reçu un développement particulièrement marqué à cette époque. Elles se consolidèrent quelque peu avec la formation d’Etats territoriaux, d’abord dans le cercle des royaumes Nor- mands, en Angleterre, en Sicile, et par ailleurs aussi en France. Ces royaumes se proclamant indépendants (selon l’adage commun rex imperatror in regno suo) entreprirent peu à peu une politique étrangère de plus en plus active. Ils abouti- rent ainsi à nourrir et à renforcer des institutions d’une espèce de droit interna- tional public pour les rapports « horizontaux » entre eux. Néanmoins, ces règles ne formèrent jamais un système à part. Elles relevaient en partie d’un droit pu- blic externe des Etats en formation et en partie de ce qui restait du droit impé- rial « fédéral ». Eclatées, partielles, non systématisées, elles forment une mosaï- que chatoyante et complexe. Un besoin de systématisation accrue ne se faisait toutefois pas sentir. Dans le supranationalisme de type fédéral du Moyen Age, mâtiné d’une dose d’internationalisme (c’est-à-dire de relations « horizontales » entre entités indépendantes) et inséré dans le réseau complexe de ce qui restait des rapports interpersonnels de vassalité, les dimensions interne et externe n’avaient pas le même caractère de division étanche qu’elles peuvent revêtir aujourd’hui. En conséquence, une nécessité de constituer le droit international public en corps autonome ne se faisait pas sentir. Il pouvait rester inextricable- ment lié au droit public interne, aux leges imperii et aux coutumes.

2. Le décor change suite à la Guerre de trente ans et aux traités de Westpha- lie (1648). Certes, ces derniers ne marquent pas un tournant instantané. Mais ils enclenchent un mouvement vers une nouvelle forme d’organisation internatio- nale. La Guerre de trente ans en avait déjà divulgué les linéaments. Le nouveau principe d’organisation est désormais celui de l’Etat souverain. Les pouvoir universaux entament leur déclin et amorcent leur lent dépérissement. Celui-ci sera formellement achevé lors des guerres napoléoniennes. Le droit impérial recule concomitamment à l’Empire qui le portait. A travers l’Etat indépendant et souverain, la société internationale s’organise selon le mode de rapports « ho- rizontaux » entre entités relativement indépendantes les unes des autres, non soumises à un souverain commun, et devant élaborer leur droit commun par voie d’accords et de pratiques coutumières. A la société « supranationale » du Moyen Age a succédé peu à peu la société « internationale » des temps moder- nes. Cette société se trouve privée d’une assise juridique. Le droit impérial est idéologiquement rejeté, car l’appliquer serait reconnaître une sujétion à l’Em- pire qu’on ne veut maintenir. Le droit public de chaque Etat, dans ses aspects externes, ne suffit plus. Les rapports internationaux deviennent de plus en plus denses et le fondement frêle d’un ordonnancement fondé sur le croisement mo-

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mentané et friable de dispositions constitutionnelles à valence externe n’est plus adéquat pour supporter l’édifice des besoins modernes. A un monde do- miné par une pluralité de puissances placées sur un pied d’égalité et formant des ensembles émancipés, sui juris à tous les effets, ne peut correspondre qu’un vrai ordre juridique international. Celui-ci, étant devenu autonome et indépen- dant de tout autre ordre juridique préexistant, ne peut se concevoir que comme un système, non pas certes encore comme un système complet, tel qu’on cher- chera à le concevoir aux 19e et 20e siècles, mais au moins comme un ensemble à part, pourvu de ses propres traits distinctifs. Ce système sera au début encore fort peu complet et assuré ; il restera poreux et ouvert aux apports d’autres or- dres juridiques pendant toute cette phase de croissance qui était promise à durer quelques siècles. La croissance du système n’a pas été l’œuvre du seul « légis- lateur » international, à savoir les Etats, entités dotées de puissance au sein du système. Du Moyen Age, cette époque de transition des 17e et 18e siècles a re- pris l’idée d’autorité. Ainsi, au Moyen Age, l’opinion de la doctrine, quand elle était suffisamment concordante (communis opinio doctorum) avait force de droit. Elle faisait partie de la « jurisprudence ». Il était admis que la doctrine aurait un rôle capital à jouer dans la constitution et dans la construction du nou- veau système jusinternationaliste.

3. C’est à cette tâche que se sont attelés les auteurs classiques du droit inter- national. Libérés, au début, de la contrainte de pratiques étatiques bien consoli- dées, ils pouvaient largement puiser dans l’idéal du jour, à savoir les lumières naissantes, le principe de la raison humaine, donnant lieu à un droit naturel ou rationnel. En observant la structure paritaire des rapports internationaux, ils proposèrent tout un système de règles rationnelles, les plus aptes à réguler cette société selon des canons censés être praticables et justes. Ce faisant, ils n’igno- raient pas la pratique existante. A une époque où celle-ci n’était pas encore consistante, Grotius n’hésitait pas à faire appel à des sources et des récits de l’Antiquité, qui peuvent nous paraître étranges dans une lecture excessivement contemporaine. Peu à peu la pratique des Etats, par voie de traités et de coutu- mes, suivait le pas et consolidait le système. Elle le marquait d’un sceau d’ef- fectivité. On observe ainsi une évolution allant de systèmes plus fortement mar- qués par la construction purement doctrinale vers la prise en compte accrue de la pratique effective croissante. De là l’oscillation entre les blocs de droit natu- rel (devoir être, raisonnements déductifs) et de droit positif (effectivité, raison- nements inductifs). Il serait erroné de croire que ces rapports complexes fussent toujours clairement délinéés et que le droit naturel l’emportât nécessairement sur le droit positif. Déjà dans Grotius, la trame des rapports entre le droit natu- rel et le droit volontaire est des plus complexes, le droit positif l’emportant non rarement sur le droit naturel en cas de collision entre leurs préceptes, l’homme de doctrine devant se plier à l’effectivité des pratiques étatiques (tout en y ajou-

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tant parfois une critique cinglante). Par ailleurs, l’œuvre des classiques était de systématiser le droit international en le présentant comme un ensemble de rè- gles proposées à l’attention des gouvernements. Pour suffire à cette tâche, les auteurs classiques puisaient à des sources diverses : le droit rationnel déduit de la droite raison ; le droit romain ; l’ancien droit impérial et les coutumes ancien- nes ; les analogies avec le droit interne renouant avec la tradition séculaire du droit (rejetées seulement quand elles ne convenaient pas au droit international, par exemple à propos de l’ancien formalisme en matière de contrats fustigé par Grotius comme inadapté aux traités internationaux) ; la pratique des Etats, là où elle se manifestait ; etc. Le corps du droit international évoluait ainsi lentement.

Comme en droit privé, où après une longue expérience, la codification devint possible, le droit international se consolida de telle manière que l’élément posi- tif prévalut de plus en plus, jusqu’à donner lieu à des recueils de pratique inter- nationale et à des projets de codification de cette branche du droit. Parallèle- ment, l’élément de droit naturel s’essoufflait ; tenu pour de plus en plus superflu, il était perçu comme subjectif et spéculatif.

4. Au 19e siècle, l’apogée du pôle positif en droit international était atteint.

La doctrine veut désormais se borner à systématiser la pratique des Etats euro- péens, en s’abstenant de prendre axiologiquement position sur elle. Les idéaux des sciences naturelles ont décisivement influencé les sciences sociales. La science est désormais perçue comme tributaire d’un méticuleux relevé empiri- que de la réalité, sur la base duquel on extrapole des régularités ou des règles.

Le prestige d’une matière dépend essentiellement de son caractère scientifique : est sérieux ce qui est scientifique ; n’est guère sérieux ce qui ne l’est pas. D’où cette volonté perpétuelle de la doctrine du 19e siècle de traiter « scientifique- ment » du droit international, c’est-à-dire de se borner à systématiser le plus fi- dèlement possible les données empiriques de la pratique étatique. D’où aussi l’aveuglement volontaire quant aux valeurs dans le droit : la valeur relève d’un jugement subjectif et n’est dès lors pas scientifique dans le sens susindiqué. Il en découla un système jusinternationaliste basé sur la coexistence d’Etats sou- verains ne partageant guère autre chose que les intérêts de chacun érigés en clé de voûte du droit international. De ce système font partie le liberum jus ad bel- lum (mais pas le libre usage de la force en temps de paix, car dans ce cas les restrictions du droit de la paix s’appliquent), les traités imposés par la coerci- tion et les traités inégaux, la conquête et l’annexion comme titres valables pour l’acquisition du territoire, l’intervention dans les affaires intérieures des Etats

« secondaires », le colonialisme, etc. L’idée d’une communauté internationale est absente ou se cache derrière le voile grimaçant des Congrès des Puissances.

La coopération entre Etats reste embryonnaire. Dans un tel ensemble, le droit international se présente surtout comme instrumental. Il est le serviteur des vo- lontés étatiques. Il leur offre avant tout des instruments pour la réalisation de

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leurs volontés discrétionnaires : les négociations, les transactions (traités) et la guerre. Au contraire, il ne leur impose guère de limites : il existe peu de règles générales contraignantes et il n’en existe aucune à laquelle les États ne pour- raient déroger par leurs accords particuliers. De là aussi la règle d’or du positi- visme volontariste, selon laquelle le droit international procède tout entier de la volonté des Etats et qu’aucun Etat ne peut être lié par une règle internationale s’il n’a pas exprimé à son endroit un consentement. Tout le droit international devient ainsi un système d’accords, soit exprès (traités), soit tacites (coutume).

Ainsi, à bien regarder, tout le droit international relève au fond du droit « parti- culier », chaque règle étant portée par le consentement des Etats liés par elle, le niveau de particularité différant simplement au regard du nombre de parties liées. Les règles générales du système sont réduites à la portion congrue. La plus éminente et célèbre d’entre elles est instrumentale dans le sens susindiqué : pacta sunt servanda ; tes pactes te lient, mais seulement parce que tu as voulu être lié. Ainsi, en somme, le système est un mélange idiosyncrasique de règles positives de type surtout instrumental plutôt que directif ; il permet la déroga- tion à ses règles quand et comment les Etats le souhaitent, la règle spéciale concordée entre eux l’emportant en vertu de la lex specialis et de la lex poste- rior ; il se présente comme système requérant des abstentions plus que des ac- tions (coexistence plus que coopération) ; dans certains de ses volets, il consti- tue un système de « prédation », la guerre et la conquête étant reconnus comme modes d’opération du droit, non seulement vis-à-vis des peuples barbares et sauvages, mais aussi entre Etats de « première classe » ; il opérait au bénéfice des Etats de « première classe » faisant partie du système, les Etats de « seconde classe » étant exclus (monde sauvage ou barbare) ou soumis à une capitis dimi- nutio (Etats secondaires, petits ou peu puissants) ; il est essentiellement euro- péen, les relations avec les peuples barbares ou sauvages étant situées en dehors de ses règles (ainsi les protectorats coloniaux relevaient le plus souvent du droit interne de la puissance colonisatrice, même quand ils étaient basés sur des soi- disant « traités » avec les chefs locaux, ces traités ne relevant pas du droit inter- national public de « l’Europe ») ; il est fortement orienté à l’effectivité et au fait accompli, que le droit revêt et sanctionne de son sceau, abandonnant toute mis- sion messianique ou contrefactuelle, en n’opposant pas au fait illégal une résis- tance sinon farouche, du moins bien agencée. Le système est ainsi somme toute libéral et libertaire, limité à un minimum de règles nécessaires à l’existence d’une espèce de société (fût-elle restreinte et élitaire), un peu comme le règle- ment d’un club. Il était traversé de « contradictions », ainsi entre ses volets pro- tecteurs de la coexistence (droit de la paix, respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale) et ses volets permissifs de la prédation (droit de la guerre, librement déclarée, avec dans son sillage la permission d’envahir le territoire, et de le conquérir).

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5. Les grandes guerres destructrices de la fin du 19e et du début du 20e siècle sonnèrent d’un certain point de vue le glas de ce droit international classique.

Du moment que la guerre était devenue un instrument de destruction à grande échelle, un véritable fléau, et ne restait pas cantonnée à un phénomène assez limité pour vider des différends ou pour pratiquer la conquête, des mouvements d’opinion divers se formèrent pour en limiter l’emploi dans les relations inter- nationales. Pour y arriver, il fallait « organiser » la société internationale, c’est- à-dire créer des institutions internationales fortes, aptes, par l’exercice de leurs compétences, à refouler l’anarchie des souverainetés. Ainsi, le droit internatio- nal moderne devait d’emblée très fortement lier son sort aux institutions inter- nationales naissantes, d’abord à la Société des Nations, ensuite aux Nations Unies, et aussi à toute une série d’autres organisations internationales, univer- selles ou régionales. L’Organisation politique mondiale devait d’abord tenter de favoriser la coopération « fonctionnelle » dans les termes de la S.d.N., la coopé- ration économique et sociale dans les termes de la Charte des Nations Unies, aux fins de traiter les germes les plus profonds des tensions internationales et dès lors de la guerre. Elle devait aussi s’occuper du règlement pacifique des différends, car ceux-ci dégénèrent également en guerres. Elle devait enfin s’ar- mer d’un bras exécutif, potentiellement militaire, pour mettre en œuvre un sys- tème de sécurité collective, censé repousser la tentation de recourir à la guerre et permettre d’y faire face quand elle a néanmoins éclaté. De cette manière, de proche en proche, et à tous les niveaux, on installait le paradigme de la coopé- ration internationale. D’abord liée au refoulement de la guerre, celle-ci devint rapidement une valeur en soi. Le droit international moderne s’évertua à servir.

De là vint aussi la conviction qu’il existe des intérêts de la « collectivité (com- munauté) des Etats dans leur ensemble », voire de « l’humanité tout entière », ainsi que de chaque être humain. L’émergence de la communauté internationale en tant que concept juridique en fut la conséquence. La coopération évoque des intérêts communs ; et ceux-ci ouvrent la voie à une « communauté ». D’où les deux couches du droit international moderne : la première sur l’axe de l’ancien droit de coexistence (dépouillé toutefois de ses éléments de prédation, par l’in- terdiction du recours à la force, de la conquête, de l’annexion, par l’autodéter- mination des peuples, par l’universalisation du droit international, désormais ouvert aux peuples extra européens, etc.) ; la seconde sur l’axe nouveau d’un droit de coopération (une première ébauche fort admirable de ce droit se trouve dans l’article 2 de la Charte des Nations Unies). Les deux plans se superposent et entrent en tension. Des résultantes diverses en découlent, selon les instants et selon les matières. Serviteur des Etats, et instrumental en ce sens, le droit inter- national l’est certainement essentiellement resté. Son volet de droit de coexis- tence l’atteste (diplomatie, traités, souveraineté et non-intervention dans les af- faires intérieures, etc.). Mais le droit de coopération est aussi un serviteur des

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Etats, bien que d’un type différent. Le droit international moderne cherche des voies et développe des instruments voués à rendre plus facile la coopération entre Etats, si et quand ceux-ci souhaitent s’engager dans un tel processus. Le droit ne les y contraint pas ; mais il les y invite et leur rend à cet effet plus aisée la tâche. Souvent, les instruments classiques sont embrigadés à cette nouvelle fin. Tel est le cas par exemple des traités. Ils peuvent être embrigadés pour ser- vir des fins de coexistence, mais ils peuvent servir aussi comme véhicule de coopération. Les organisations internationales elles-mêmes l’attestent : elles sont fondées sur un traité interétatique mais servent à dépasser les seuls intérêts des Etats en « collectivisant » une matière donnée. En même temps, le droit in- ternational moderne prétend toutefois aussi être un maître des Etats. Il se des- tine à en limiter les excès, en tout premier lieu celui de la guerre, mais encore à promouvoir la protection des droits de l’homme, celle de l’environnement, à garantir le refoulement de traités ayant un objet illégal (jus cogens), etc. De là aussi l’insuffisance croissante d’un positivisme se bornant à enregistrer la pra- tique effective des Etats sans boussole propre, ni réflexion sur les causes finales de l’ordre juridique international. Ce droit international moderne est par consé- quent d’une belle complexité : il régit un nombre sans cesse croissant de sujets et de matières ; il oscille entre la politique internationale effective et des aspira- tions insérées en son sein à travers un attention plus grande prêtée aux valeurs ; ses diverses couches de coexistence et de coopération (voire de valeurs hu- maines universelles) s’entrechoquent et s’entrecroisent ; enfin, il n’a plus un soubassement culturel ferme et unique, comme du temps du « droit public de l’Europe ».

6. Quel avenir pour ce droit international public ? Difficile d’être prophète.

Le scénario le plus prévisible touche à une « fédéralisation » progressive du monde, probablement d’abord à travers des ensembles régionaux. Il en décou- lera pour le droit international une « constitutionnalisation » rampante. L’Union européenne (UE) pourrait en constituer un prototype particulièrement avancé.

Cette constitutionnalisation aura aussi comme un volet l’interpénétration crois- sante des ordres juridiques internationaux et internes. Au plan international, les questions de fragmentation du système et de ses normes resteront à l’ordre du jour. Des problèmes de collision entre blocs de normes – dont nous avons de nos jours un avant-goût à travers les avatars de l’article 103 de la Charte des Nations Unies, bloc normatif de la Charte contre bloc normatif des droits de l’homme de l’UE, par exemple – deviendront de plus en plus fréquents. Le droit international devra développer des mécanismes institutionnels et normatifs pour y faire face. Dans un temps plus reculé, la fédéralisation pourrait s’emparer plus fortement aussi du niveau universel. Face à ces tendances centripètes, les tendances centrifuges ne resteront toutefois pas muettes. Les peuples n’aime- ront pas tous et n’aimeront pas toujours la perte d’indépendance et de souverai-

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neté que ces tendances vers la fédéralisation impliquent. Il y aura des retours plus ou moins violents, plus ou moins révolutionnaires, plus ou moins opiniâ- tres. La force d’attraction de l’Etat et le micro-nationalisme n’ont pas manqué de se faire sentir ces dernières années ; leur essor est loin d’être essoufflé. Cette contre-tendance aura tendance à produire des chocs politiques et juridiques.

Parfois le droit interne de telle ou telle collectivité tentera de faire « sécession » de l’ordre juridique international en essayant d’imposer sa propre primauté. La tension entre le niveau centralisé (international) et le niveau particulier (étati- que) sera ainsi particulièrement vive. Elle produira des institutions et normes tendant à les discipliner. Il demeure impossible de dire quel sera le dénouement de cette lutte et de quelles formes particulières ce droit international de l’avenir se parera. Pour terminer sur une boutade, si tant est que des aliènes débarquent sur terre, nous assisterions soit à la formation d’un nouveau système de droit international entre l’humanité et les aliènes, parallèle et interactif avec notre droit international interhumain, posant ses propres problèmes de concurrence entre blocs normatifs, ou alors à notre sujétion à la civilisation aliène dans un nouveau droit impérial dont nous ne serions pas les acteurs. De quel côté que l’on regarde vers l’évolution future du droit international, les perspectives sont et restent à la fois diverses et variées.

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