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Le Parquet européen: un "Ministère public de la Confédération" de l'Union européenne?

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Le Parquet européen: un "Ministère public de la Confédération" de l'Union européenne?

LUDWICZAK, Maria, RODRIGUEZ-VIGOUROUX, Hélène

LUDWICZAK, Maria, RODRIGUEZ-VIGOUROUX, Hélène. Le Parquet européen: un "Ministère public de la Confédération" de l'Union européenne? Pratique juridique actuelle , 2019, vol.

28, no. 7, p. 705-709

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:134232

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Le Parquet européen a été créé en octobre 2017 et devrait prendre ses fonctions prochainement. À plusieurs égards, en premier lieu de par la tâche qui lui incombe, à savoir la poursuite de certaines infractions pé- nales expressément désignées, il ne manque pas de rappeler au juriste suisse le Ministère public de la Confédération. Cette contribution est une comparaison des caractéristiques essentielles (structurelles, juri- dictionnelles, matérielles et procédurales) de ces deux institutions, en apparence proches et pourtant très différentes.

Plan

I. Introduction

II. Structure et juridiction III. Champ matériel IV. Procédure V. Conclusion

I. Introduction

La première Constitution fédérale pour la Confédération suisse du 12 septembre 1848 mentionnait déjà un mi- nistère public fédéral1. Depuis, il a subi de nombreuses évolutions, notamment s’agissant de sa structure et des infractions concernées2, pour devenir le Ministère public de la Confédération (ci-après : MPC) que l’on connait aujourd’hui, mais sa mission générale est restée la même : exercer la poursuite et soutenir l’accusation devant les autorités fédérales3.

* maria lUdwiczak Glassey, Dr iur., Chargée de cours à l’Uni- versité de Genève, Chargée d’enseignement aux Universités de Genève et Neuchâtel, Enseignante à la Haute école de gestion ARC à Neuchâtel.

** hélène rodriGUez-viGoUroUx, Master en droit de l’Université de Genève.

1 Art. 107 let. a de la Constitution fédérale pour la Confédération suisse du 12 septembre 1848, RO I 32.

2 Pour un historique, voir michele lUminati, Die Entstehung der Staatsanwaltschaft in der Schweiz – ein rechtshistorischer Streifzug, forumpoenale 2018, 340 ss, 345 ss et les références ci- tées.

3 Voir les art. 43 ss de la loi fédérale sur l’organisation judiciaire fé- dérale du 5 juin 1849, RO I 65, FF 1849 II 257, ainsi que l’art. 16 al. 1 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0 (ci-après : CPP) cum art. 7 ss de la loi fédérale sur l’organi- sation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010, (LOAP ; RS 173.71).

Du côté de l’Union européenne (ci-après : UE), au terme d’un long processus, le Conseil a adopté, en octobre 2017, un Règlement4 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création d’un Parquet européen (ci-après : PE) ayant pour tâche de rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs des infractions por- tant atteinte aux intérêts financiers de l’UE5. En l’état, 22 États membres6 participent à cette coopération renfor- cée, les autres États membres de l’UE7 ayant la possibilité de les rejoindre. Le PE devrait prendre ses fonctions dès la fin 2020, au terme de trois années nécessaires à sa mise en place (art. 120 § 2 RPE).

4 Règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 met- tant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (ci-après : RPE). Le RPE se fonde sur l’art. 86 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, version consolidée, JO C 326/47, 26 octobre 2012 (ci-après : TFUE).

5 En général, voir kai amBos, European Criminal Law, Cambridge 2018, 574 ss ; PaUline dUBarry, La création d’un parquet euro- péen : L’européanisation de la lutte contre la délinquance écono- mique et financière, Revue de droit international d’Assas 2018, 152 ss, 156 ss ; leendert h. erkelens/arJen w.h. meiJ/ marta Pawlik (édit.), The European Public Prosecutor’s Office, An Extended Arm or a Two-Headed Dragon ?, La Haye 2015 ; sa-

Bine Gless/thomas wahl, Die Schweiz und das Europäische Strafrecht, in : Chronique de droit pénal suisse dans le domaine international (2017), SRIEL 2018, 336 ss ; GUillaUmethomann/ Bertrand GUittet, Le Parquet européen – Vers une meilleure protection des intérêts financiers de l’Union européenne ? Perspec- tives luxembourgeoises, ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg 2018/4, 15 ss, 22.

6 Soit 20 États membres fondateurs (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Portugal, Rouma- nie, Slovaquie, Slovénie et République tchèque) et deux États ayant déclaré souhaiter participer en août 2018 (Malte et Pays-Bas). Voir Gless/wahl (n. 5), 361 ss et les références citées.

7 À savoir le Danemark, la Hongrie, l’Irlande, la Pologne et la Suède.

Die Europäische Staatsanwaltschaft wurde im Oktober 2017 gegrün- det und sollte ihre Arbeit bald aufnehmen. Sie erinnert den Schweizer Juristen in mehrfacher Hinsicht, vor allem wegen ihrer Aufgabe, be- stimmte, ausdrücklich benannte Straftaten zu verfolgen, an die Bun- desanwaltschaft. Dieser Beitrag vergleicht die wesentlichen Merkmale dieser beiden Institutionen, die dem Augenschein nach ähnlich und doch sehr unterschiedlich sind.

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délégués (art. 13 § 2 RPE), qui disposent au moins des mêmes pouvoirs que les procureurs nationaux et peuvent en même temps être membres du ministère public de leur État (art. 13 § 1 et 3 RPE). Lorsqu’ils agissent sur le ter- ritoire de leur État, les procureurs européens délégués le font exclusivement pour le compte et au nom du PE (art. 13 § 1 RPE).

Quant au MPC, il est certes structuré en quatre divi- sions en fonction du domaine concerné : Protection de l’État, terrorisme, organisations criminelles (STK) ; Cri- minalité économique (WiKri) ; Entraide judiciaire, Droit pénal international (RV) ; Analyse financière forensique (FFA) et la division WiKri est répartie sur quatre antennes (Berne, Lausanne, Lugano et Zurich, art. 1 RMPC) de- puis 2004, mais la structure du MPC ne s’apparente pas à celle – décentralisée – du PE.

Ni le PE ni le MPC ne reçoivent d’instructions venant de l’extérieur12 et ils s’administrent eux-mêmes (art. 16 al. 1 LOAP ; art. 6 § 1 RPE). La surveillance du MPC est exercée par une autorité de surveillance élue par l’As- semblée fédérale (art. 23 ss LOAP) et qui lui fait rapport (art. 29 al. 1 LOAP). Quant au chef du PE, il se présente une fois par an devant le Parlement européen et le Conseil, voire sur demande devant les parlements nationaux pour rendre compte des activités générales du PE (art. 7 RPE).

S’agissant de la compétence territoriale, celle-ci est définie pour le MPC par les règles ordinaires des art. 3–8 CP et des éventuelles dispositions de la partie spéciale du Code pénal suisse ainsi que du droit pénal accessoire.

Les principes de compétence connus du droit suisse sont la territorialité, la personnalité fondée sur la nationalité de l’auteur ou du lésé, la compétence de protection pour les infractions commises contre l’État suisse, la compé- tence fondée sur la nature universelle de l’infraction et la compétence de représentation liée à l’adage aut dedere aut judicare et l’absence d’extradition de la personne.

Le principe de compétence prévu par l’art. 16 LRCF13 d’après lequel la compétence s’étend aux fonctionnaires qui commettent, à l’étranger, des infractions contre leurs

Francesco Martucci/Fabrice Picod (édit.), La fraude et le droit de l’Union européenne, Bruxelles 2017, 127 ss, 131 ss.

12 À ce propos, voir amBos (n. 5), 574 ; thomann/GUittet (n. 5), 19 et les références citées ; michaellaUBer/alexander medved, Die Bundesanwaltschaft – Unabhängigkeit, Aufsicht und Weisung, forumpoenale 2018, 361 ss, 362 ss ; niklaUs oBerholzer, Die Aufsichtsbehörde über die Staatsanwaltschaft aus der Sicht des Präsidenten der Aufsichtsbehörde über die Bundesanwaltschaft, forumpoenale 2018, 354 ss.

13 Loi fédérale sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires du 14 mars 1958 (LRCF ; RS 170.32).

Au vu des tâches de poursuite pénale qui leur sont confiées, le MPC et le PE sont incontestablement simi- laires sur certains points. Néanmoins, et notamment du fait des différences entre l’État fédéral qu’est la Suisse et la structure particulière que connait l’Union européenne, ces deux institutions présentent également des différences majeures8. La présente contribution est un survol des caractéristiques essentielles du PE au moyen d’une ap- proche comparative basée sur quatre critères principaux, à savoir les critères structurel et juridictionnel (II.), matériel (III.) et procédural (IV.).

II. Structure et juridiction

Tant le MPC que le PE ont à leur tête une personne défi- nie. En Suisse, il s’agit du procureur général de la Confé- dération (art. 9 LOAP ; art. 2 RMPC9) secondé par deux procureurs généraux suppléants (art. 10 LOAP ; art. 3 RMPC), tous trois élus par l’Assemblée fédérale (art. 20 al. 1 LOAP). Dans l’UE, ce rôle incombe au chef du PE (art. 11 § 1 RPE), nommé d’un commun accord par le Par- lement européen et le Conseil (art. 14 § 1 RPE), et ses deux adjoints (art. 11 § 2 RPE).

Le MPC et le PE sont composés de procureurs (procu- reurs en chef et procureurs au MPC, art. 11 et 12 LOAP ; procureurs européens au sein du PE, art. 12 RPE). Le niveau central du PE (ou Bureau central) est par ailleurs composé du collège, des chambres permanentes, du chef du Parquet européen, des adjoints au chef du Parquet eu- ropéen, des procureurs européens et du directeur adminis- tratif (art. 8 § 3 RPE)10.

La particularité du PE réside dans un niveau supplé- mentaire, à savoir le niveau décentralisé (art. 8 § 2 RPE), constitué de procureurs européens délégués affectés dans les États participants (art. 13 RPE)11. Chaque État parti- cipant doit compter au moins deux procureurs européens

8 Pour une comparaison entre le PE et le droit fédéral des États-Unis d’Amérique, voir carlos Gómez-Jara díez, European Federal Criminal Law, The Federal Dimension of the EU Criminal Law, Cambridge/Anvers/Portland 2015, 217 ss.

9 Règlement sur l’organisation et l’administration du Ministère pu- blic de la Confédération du 11 décembre 2012 (RS 173.712.22).

10 Des détails quant à la composition du MPC sont consultables sur Internet : https://www.bundesanwaltschaft.ch/mpc/fr/home.html (consulté le 24.6.2019).

11 éric david, Éléments de droit pénal international et européen, Volume 1, 2e éd., Bruxelles 2018, 456 ss, 459, N 6.2.31g ; valsa-

mis mitsileGas, EU criminal law after Lisbon : rights, trust and the transformation of justice in Europe, Oxford, Portland 2016, 106 ss ; araceli tUrmo, Le Parquet européen et la lutte contre la fraude, beaucoup de bruit pour rien ?, in : Dominique Berlin/

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devoirs de fonction ou en rapport avec ceux-ci vient com- pléter cette liste.

La compétence du PE repose alternativement sur le principe de la territorialité (commission de l’infraction en tout ou en partie sur le territoire d’un ou de plusieurs États participants, art. 23 let. a RPE), de la personnalité fondée sur la nationalité de l’auteur qui doit être un ressortissant d’un État participant (art. 23 let. b RPE) ou encore de la puissance publique, c’est-à-dire lorsque l’infraction a été commise par un fonctionnaire ou un autre agent (art. 23 let. c RPE).

À la différence du MPC pour lequel la question ne se pose pas du fait de sa structure centralisée, la détermi- nation du for entre les procureurs européens délégués a lieu en fonction de critères établis par le RPE. En règle générale, est compétent le procureur européen délégué de l’État dans lequel l’activité criminelle a eu lieu principale- ment (art. 26 § 4 RPE). Subsidiairement et si cela se justi- fie, le for peut être fixé dans l’État de résidence habituelle de l’auteur dans l’État national de l’auteur ou encore dans celui où le préjudice financier principal a eu lieu (art. 26

§ 4 let. a à c RPE). La chambre permanente du Bureau central est compétente pour trancher (art. 26 § 5 RPE).

Le MPC fait appel, pour ses enquêtes, à la Police ju- diciaire fédérale (PJF) rattachée à l’Office fédéral de la police (fedpol). Quant au PE, il dépend essentiellement des différents corps de police nationaux (consid. 69 RPE).

Leur collaboration est ainsi fondamentale pour le bon dé- roulement des poursuites pénales dans l’UE. Il bénéficie en outre du soutient d’Europol14. Par ailleurs, tant le MPC que le PE profitent de l’appui de l’Organisation internatio- nale de police criminelle (Interpol) et de l’Unité de coopé- ration judiciaire de l’Union européenne (Eurojust)15.

Les actes de procédure tant du PE que du MPC sont soumis au contrôle de tribunaux décentralisés (tribunaux des mesures de contrainte cantonaux pour le MPC, art. 65 al. 1 LOAP ; tribunaux nationaux compétents pour le PE, art. 42 RPE), avec la particularité pour le MPC que l’ins- tance de recours est fédérale (Cour des plaintes du Tribu- nal pénal fédéral, art. 65 al. 3 LOAP). Tel n’est pas le cas pour les procureurs européens qui doivent agir devant les instances nationales ordinaires de recours, étant précisé que la Cour de justice de l’UE peut être saisie à titre préju- diciel (art. 42 § 2 RPE).

À la différence du MPC qui porte l’accusation devant une autorité judiciaire fédérale à savoir, depuis 2004, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral

14 Voir thomann/GUittet(n. 5), 21.

15 La Suisse participe à Eurojust par le biais de l’Accord du 27 no- vembre 2008 entre la Suisse et Eurojust (RS 0.351.6).

(art. 35 al. 1 LOAP) et, depuis peu, également devant la Cour d’appel dudit Tribunal16 (art. 38a ss LOAP), les procureurs européens portent l’accusation devant les tri- bunaux ordinaires d’un État participant (art. 36 RPE).

Cet État est celui du procureur européen délégué chargé de l’affaire ou, en cas de motifs particuliers, un autre État participant déterminé d’après la série de critères mention- nés supra pour la fixation du for (art. 36 § 3 cum 26 § 4 et 5 RPE)17.

III. Champ matériel

La création du PE repose sur le constat selon lequel les intérêts financiers de l’UE ne sont pas suffisamment pro- tégés. En effet, les infractions pénales dirigées contre ces intérêts causent, chaque année, un préjudice financier im- portant18. Le PE a donc pour mission de rechercher, pour- suivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices desdites infractions pénales (art. 4 RPE)19.

Le champ matériel des compétences tant du PE que du MPC est établi au moyen d’un catalogue d’infrac- tions20. Le RPE assigne un champ d’application matériel limité au PE : ses compétences sont restreintes aux infrac- tions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE prévues par la Directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union

16 La Cour d’appel est entrée en fonction le 1er janvier 2019, Modifi- cation de la LOAP du 17 mars 2017 (Création d’une cour d’appel au Tribunal pénal fédéral), RO 2017 5769.

17 Peter csonka/adam JUszczak/elisa sason, The Establish- ment of the European Public Prosecutor’s Office : The Road from vision to Reality, Eucrim 2017/3, 125 ss.

18 À titre d’exemple, au moins 50 milliards d’euros de recettes pro- venant de la TVA échappent chaque année aux budgets nationaux, Commission européenne, Communiqué de presse du 8 juin 2017,

« La Commission se félicite de la décision, prise par 20 États membres, de mettre en place le parquet européen ». Voir aussi andré kliP, The Substantive Criminal Law Jurisdiction of the European Public Prosecutor’s Office, European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice 2012, 367 ss, 368 ss.

19 Le PE ne remplace donc notamment pas l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). À propos de la coexistence du PE et d’OLAF, voir amBos(n. 5), 579 ; Jonathan BoUrGUiGnon, Les atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne : réponses institu- tionnelles et reconnaissance du pouvoir de punir de l’union, in : La souveraineté pénale de l’État au XXIe siècle, Actes de colloque, Paris 2018, 183 ss, 211 ss ; Gless/wahl (n. 5), 362 ; thomann/ GUittet(n. 5), 20 ss et les références citées.

20 BSK StPO-kiPFer/nay/thommen, art. 23 N 3, in : Marcel A.

Niggli/Marianne Heer/Hans Wiprächtiger (édit.), Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordung (StPO/JStPO), Basler Kommentar, 2e éd., Bâle 2014 ; yvan Jeanneret/andré

kUhn, Précis de procédure pénale, 2e éd., Berne 2018, 18.

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au moyen de droit pénal21. De plus, l’infraction doit être commise de manière intentionnelle par un acte ou par une omission, en lien avec le territoire de deux États membres ou plus et entrainer un préjudice d’un montant total d’au moins 10’000 euros (art. 22 § 1 RPE)22. Quatre types d’infractions sont concernées (art. 3 DPIF), à savoir la production de documents faux dans le but de détourner ou de faire de la rétention indue de fonds ou d’avoirs pro- venant du budget de l’UE ; la non-communication d’une information en violation d’une obligation spécifique ; le détournement de fonds, d’avoirs ou d’avantages à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été accordés et, finalement, la présentation de déclarations relatives à la TVA correctes en apparence, mais ayant pour but de dissimuler frauduleusement une absence de paiement ou la création illégitime de droits à des remboursements de TVA. Ces infractions peuvent avoir été commises (art. 3

§ 2 DPIF) en matière de passation de marchés publics, de dépenses relatives aux marchés publics, de recettes issues des ressources propres provenant de la TVA dans le cadre d’un système frauduleux transfrontière voire d’autres res- sources23.

Le PE est également compétent pour les infractions relatives à la participation à une organisation criminelle au sens de la Décision-cadre relative à la lutte contre la criminalité organisée24 lorsque les activités de l’organi- sation consistent essentiellement à commettre une des infractions susmentionnées (art. 22 § 2 RPE).

La compétence du MPC suisse, prévue aux art. 23 et 24 CPP, est plus large que celle du PE. Le choix des infrac- tions relevant de la compétence fédérale repose sur trois critères à savoir la nature de l’infraction, la qualité spéci- fique du lésé et celle de l’auteur25. Les infractions contre les intérêts financiers de la Suisse ne sont pas désignées en tant que telles. Cependant, le MPC est par exemple com- pétent concernant la fausse monnaie (art. 23 al. 1 let. e CPP) ou encore en matière de faux dans les titres lorsqu’il s’agit de titres fédéraux (art. 23 al. 1 let. f CPP). De plus,

21 Directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen de droit pénal (ci-après : DPIF) ; tUrmo(n. 11), 138 ss.

22 À noter qu’en cas de fraude en matière de TVA, le préjudice doit être d’un montant total d’au moins 10 millions d’euros (art. 22 § 1 RPE qui renvoie à l’art. 3 § 2 let. d DPIF).

23 Il convient de souligner le fait que le PE n’est pas compétent lorsqu’une infraction pénale concerne un impôt national direct (art. 22 § 4 RPE). Voir tUrmo(n. 11), 137 ss.

24 Décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil du 24 octobre 2008 rela- tive à la lutte contre la criminalité organisée.

25 Jeanneret/kUhn (n. 20), 18 et la référence citée. Voir aussi laU-

Ber/medved (n. 12), 361 ss.

le MPC est compétent s’agissant des affaires complexes à portée intercantonale et internationale qui relèvent de la lutte notamment contre la criminalité organisée et écono- mique (art. 24 al. 1 CPP)26.

À la différence du PE, le MPC est également com- pétent notamment en matière de terrorisme (art. 24 al. 1 CPP) et de crimes commis contre l’État et la défense nationale suisses (art. 23 al. 1 let. h CPP). Toutefois, il doit être relevé que les compétences du PE pourront, à l’avenir, être étendues à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière (art. 84 § 4 TFUE), donc notamment au terrorisme affectant plusieurs États membres27. La question est actuellement discutée au sein de l’UE28.

S’agissant des conflits de compétence à raison de la matière, lorsqu’ils interviennent entre le PE et un État par- ticipant, aucune autorité n’est désignée pour trancher. Le conflit est réglé par l’art. 25 § 1 RPE selon lequel si le PE ouvre une enquête (art. 26 RPE) ou reprend une en- quête ouverte dans un État participant (droit d’évocation, art. 27 RPE), les États participants s’abstiennent d’exer- cer leur compétence à l’égard du même comportement délictueux29. À l’inverse, s’il vient à la connaissance du PE qu’une infraction pénale ne relevant pas de sa compé- tence aurait été commise, il en informe les autorités natio- nales compétentes sans retard indu et leur transmet tous les éléments de preuve pertinents (art. 24 § 8 RPE). La coopération entre les États et le PE est ainsi essentielle au bon fonctionnement de ce dernier30. Contrairement au

26 Message concernant la modification du code pénal suisse, de la loi sur la procédure pénale et de la loi fédérale sur le droit pénal admi- nistratif, FF 1998 II 1253 ; MPC, Communiqué de presse du 30 no- vembre 2001, « Le projet d’efficacité en vigueur dès le 1er janvier 2002 : Lutte contre la grande criminalité : nouvelles compétences attribuées à la Confédération en matière de procédure ».

27 BoUrGUiGnon (n. 19), 209 ss ; UmBelina isaBel naves, L’en- traide pénale entre le Parquet européen et les États, Université de Genève, Mémoire de Maîtrise, 2018, 12 ss et les références ci- tées, disponible sur Internet : https://archive-ouverte.unige.ch/

unige:114598 (consulté le 24.6.2019) ; thomann/GUittet(n. 5),

28 22.Voir Commission européenne, Communiqué de presse du 12 sep- tembre 2018 suite au discours du Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker sur l’état de l’Union, « L’état de l’Union en 2018 : un Parquet européen renforcé pour lutter contre le terrorisme transfrontière ». Voir aussi Commission européenne, Communication au Parlement européen et au Conseil européen du 12 septembre 2018, « Une Europe qui protège : une initiative pour étendre les compétences du Parquet européen aux infractions terro- ristes transfrontières », COM(2018) 641 final.

29 Voir david (n. 11), 459, N 6.2.31f ; thomann/GUittet(n. 5), 22.

30 À noter que l’art. 5 § 6 RPE in fine indique que tous les actes, po- litiques et procédures menées au titre du RPE sont guidés par le principe de coopération loyale. À propos de la coopération entre

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régime applicable au PE, lorsqu’un conflit de compétence intervient entre le MPC et une autorité pénale cantonale, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est compé- tente (art. 28 CPP cum art. 37 al. 1 LOAP)31.

Sur le fond, le PE applique, par renvoi de l’art. 22 § 1 et 2 RPE, la DPIF et la Décision cadre contre la crimina- lité organisée. Le système se rapproche de celui du MPC.

Toutefois, d’une part, la Directive et la Décision-cadre doivent être mises en œuvre par les États membres32. D’autre part, l’absence d’un tribunal pénal européen unique appelé à statuer sur le fond peut avoir pour consé- quence des différences dans l’application desdites règles.

Le recours, mentionné supra, aux questions préjudicielles que les tribunaux des États peuvent poser à la CJUE revêt ainsi une importance toute particulière.

IV. Procédure

À la différence du système du CPP applicable en Suisse, l’UE ne connait pas de code de procédure pénale unique, et ce malgré une importante harmonisation des législa- tions33. Ainsi, bien que le PE ait pour but de centraliser les compétences en matière de fraude et d’infractions pénales financières, il sera confronté, sous réserve des règles de base prévues par les art. 34 ss RPE, à la diversité des sys- tèmes de procédure pénale des États membres34. Le rôle des procureurs européens délégués sera donc essentiel, du fait de leur connaissance de la langue et des particularités procédurales de l’État du for35.

Il y a lieu de préciser ici que les preuves recueillies légalement dans un État participant ne pourront pas être déclarées inadmissibles devant les tribunaux d’un autre État participant au seul motif qu’elles l’ont été dans un autre État (art. 37 RPE).

le PE et les États membres, voir andrékliP, European Criminal Law, Ius Communitatis II, 3e éd., Cambridge 2016, 510 ss, 519 ss ; naves(n. 27), 17 ss et les références citées.

31 Voir par exemple TPF, BG.2018.28, BG.2018.34-37, 2.4.2019, c. 1.1.

32 À ce propos, voir Gless/wahl(n. 5), 361.

33 Voir dUBarry(n. 5), 164 ss ; daniel Flore, Droit pénal euro- péen : les enjeux d’une justice pénale européenne, 2e éd., Bruxelles 2014, 327 ss ; kliP (n. 30), 247 ss.

34 amBos (n. 5), 578 ; tUrmo(n. 11), 145 ss.

35 Voir thomann/GUittet(n. 5), 20.

V. Conclusion

La différence majeure opposant les autorités de poursuite pénale que sont le PE et le MPC réside dans le caractère central du MPC et décentralisé du PE. Alors que le MPC fonctionne comme un organe unique, en appliquant des règles de procédure unifiées et en présentant l’accusation devant une juridiction fédérale, le PE fait largement appel aux États membres participants par l’intermédiaire des procureurs européens délégués, que ce soit concernant le droit procédural qu’il applique ou au moment de la mise en accusation devant les tribunaux de ces États. Par ail- leurs, le champ matériel des compétences du PE est, à ce jour, restreint. Il n’en est pas moins que le PE, tel que mis en place par le RPE en 2017 représente un pas – considé- rable – dans la mise en place d’un système répressif pour l’Union européenne.

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