• Aucun résultat trouvé

L'évaluation dynamique du lexique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "L'évaluation dynamique du lexique"

Copied!
101
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

L'évaluation dynamique du lexique

DI SCIULLO, Sarah Gabrielle Aliette

Abstract

Ces dernières années, la notion de trouble du langage oral, et plus particulièrement sa spécificité, ont été interrogées par différents auteurs. En effet, dans la pratique, ces troubles neurodéveloppementaux étant fréquemment associés à d'autres, les contours de leur définition ont été reprécisés. De cette façon, il n'est pas rare que la logopédiste évalue des enfants présentant des comorbidités. Cette réalité clinique tend également à se complexifier avec la présence de plus en plus prégnante d'enfants bilingues ou issus de milieux socio-culturels divers. Compte tenu des différents biais qu'ils contiennent, les tests traditionnellement utilisés en logopédie ne semblent pas adaptés à l'évaluation de ces enfants, conduisant le plus souvent à établir un sur-diagnostic. Dans la littérature, plusieurs auteurs ont proposé des alternatives pour apprécier au plus juste les compétences langagières, y compris chez les enfants réputés difficilement testables et ceux issus de milieux linguistiques ou socio-culturels différents...

DI SCIULLO, Sarah Gabrielle Aliette. L'évaluation dynamique du lexique. Master : Univ.

Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:153838

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

21’077 mots

Section de Psychologie Maîtrise universitaire en Logopédie

L’évaluation dynamique du lexique

Mémoire réalisé par Sarah Di Sciullo

Sous la direction du Dr. Margaret Kehoe et du Dr. Hélène Delage

Membres du Jury : Dr. Margaret Kehoe

Dr. Hélène Delage Po. Pascal Zesiger

Juin 2021

(3)

Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier très chaleureusement mes directrices de mémoire, Docteure Margaret Kehoe et Docteure Hélène Delage, pour leurs conseils avisés, leur disponibilité et leur bienveillance au cours de ces deux années de recherches et de réflexion.

Je remercie très sincèrement le Professeur Pascal Zesiger d’avoir accepté de faire partie de mon jury.

Je souhaite témoigner ma reconnaissance aux logopédistes qui m’ont accordé leur confiance et leur temps, Marie-Claire Thonet, Nathalie Gay-Perret, Edith Germanaz ainsi que le personnel de la MECS Le Val de Crêne. Je remercie également les parents pour leur intérêt et leur disponibilité, sans oublier les enfants pour leur perspicacité et leur enthousiasme parfois mis à rude épreuve.

J’adresse également un grand merci à mes camarades, Jennifer Gachoud, Claudia Gonçalo Ferreira, Katrina Pozniak et Giulia Sasso pour leur force de travail et leur humour qui ont incontestablement rendu ce travail plus riche et agréable.

Merci à Camille Guigout et à Emilie Marti, assistantes de recherche, qui ont mené à bien les passations dans les écoles.

Merci infiniment à mes collègues de la Fondation Pôle Autisme et de l’Hôpital des Trois-Chêne pour leur écoute, leurs conseils et leur générosité.

Un immense merci à ma famille, mes ami·e·s et à mon incroyable voisine, pour leur aide, leurs encouragements et leur indulgence tout au long de ces cinq années d’études.

Enfin, je souhaite avoir une pensée particulière pour Jonathan, son soutien indéfectible et sa patience, entre autres, pour ces nombreuses heures de passations à blanc.

(4)

En raison de la pandémie de COVID-19, les contenus du mémoire ont dû être adaptés par rapport au contrat initial.

(5)

Résumé

Ces dernières années, la notion de trouble du langage oral, et plus particulièrement sa spécificité, ont été interrogées par différents auteurs. En effet, dans la pratique, ces troubles neurodéveloppementaux étant fréquemment associés à d’autres, les contours de leur définition ont été reprécisés. De cette façon, il n’est pas rare que la logopédiste évalue des enfants présentant des comorbidités. Cette réalité clinique tend également à se complexifier avec la présence de plus en plus prégnante d’enfants bilingues ou issus de milieux socio-culturels divers. Compte tenu des différents biais qu’ils contiennent, les tests traditionnellement utilisés en logopédie ne semblent pas adaptés à l’évaluation de ces enfants, conduisant le plus souvent à établir un sur-diagnostic. Dans la littérature, plusieurs auteurs ont proposé des alternatives pour apprécier au plus juste les compétences langagières, y compris chez les enfants réputés difficilement testables et ceux issus de milieux linguistiques ou socio-culturels différents.

Parmi elles, l’évaluation dynamique du lexique a fait l’objet d’études aux résultats particulièrement encourageants. En nous basant sur les travaux déjà réalisés en langue française (Gubser, 2016 ; Maselli, 2018 ; Navarra, 2018), nous avons élaboré une tâche d’apprentissage de 6 pseudo-mots que nous avons testée auprès de 24 enfants au développement typique (DT), dont 8 bilingues, et 20 enfants avec trouble développemental du langage (TDL), dont 2 bilingues. L’objectif étant de vérifier si cette tâche dynamique discriminait les enfants DT des TDL, sans pénaliser les bilingues, nous avons d’abord mesuré le niveau d’étayage nécessaire pour apprendre chaque pseudo-mot. Ensuite, nous avons obtenu des scores en production phonologique, en production sémantique et en identification via un rappel immédiat, puis un rappel différé. Parallèlement, les participants obtenaient un score de modifiabilité. Tous ont également passé un test standardisé de lexique en production. Les analyses effectuées au moyen de tests de Mann-Whitney ont permis de mettre en avant des différences significatives entre les enfants DT et ceux avec TDL sur l’ensemble des scores dynamiques, excepté le niveau d’étayage et les scores en identification. De plus, au sein du groupe DT, la tâche dynamique ne pénalise pas les bilingues par rapport aux monolingues, ces deux sous-groupes obtenant des scores équivalents. Néanmoins, notre tâche dynamique ne parvient pas à discriminer significativement les enfants DT bilingues des enfants monolingues TDL, excepté pour le score de modifiabilité. En dépit de leurs limites, ces résultats sont dans l’ensemble très encourageants. Une révision de la tâche dynamique du lexique serait nécessaire pour pallier ces biais.

(6)

Mots-clés

Logopédie Orthophonie

Evaluation du langage Evaluation du lexique Evaluation dynamique Diagnostic

Apprentissage de pseudo-mots Bilinguisme

Potentiel d’apprentissage

Zone Proximale de Développement

Trouble développemental du langage (TDL) Trouble spécifique du langage (TSL)

(7)

Table des matières

Introduction ______________________________________________________________ 10 1 Le contexte de départ et sa problématique _________________________________ 11 1.1 La question de la spécificité des troubles du langage ___________________________ 11 1.2 L’évaluation du langage __________________________________________________ 13 1.2.1 Les tests statiques _____________________________________________________________ 13 1.2.1.1 Les biais de contenu ______________________________________________________ 13 1.2.1.2 Les biais linguistiques _____________________________________________________ 14 1.2.1.3 Les biais liés aux normes et à la standardisation ________________________________ 14 1.2.2 Méthodes d’évaluation alternatives _______________________________________________ 15 1.2.2.1 L’évaluation de la langue maternelle et de la L2 ________________________________ 15 1.2.2.2 Le projet européen COST Action IS0804 _______________________________________ 16 1.2.2.3 Language processing measures ______________________________________________ 16 1.2.2.4 Les questionnaires parentaux _______________________________________________ 17 1.2.2.5 L’évaluation dynamique ___________________________________________________ 18

2 L’évaluation dynamique, une alternative ___________________________________ 19 2.1 Les origines de l’évaluation dynamique ______________________________________ 19

2.1.1 Vygotsky et la Zone Proximale de Développement ___________________________________ 19 2.1.2 Feuerstein et le Learning Propensity Assessment Device ______________________________ 19 2.2 Une définition de l’évaluation dynamique du langage __________________________ 20 2.3 Les méthodes utilisées en évaluation dynamique ______________________________ 22 2.3.1 Test-enseignement-retest ______________________________________________________ 22 2.3.2 Incitation progressive __________________________________________________________ 23 2.3.3 Expérience d’apprentissage médiatisé (MLE) ________________________________________ 24 2.3.4 La modifiabilité _______________________________________________________________ 24 2.4 Les protocoles d’évaluation dynamique du lexique ____________________________ 25 2.4.1 Le DAWL de Camilleri et Botting (2013) ____________________________________________ 25 2.4.2 Le DAPPLE de Hasson et al. (2012) ________________________________________________ 26 2.4.3 Le DAPPLE de Camilleri et al. (2014) _______________________________________________ 28 2.4.4 L’étude de Kapantzoglou et al. (2012) _____________________________________________ 28 2.5 Les limites de l’évaluation dynamique _______________________________________ 29 2.6 Les précédents mémoires sur l’évaluation dynamique du lexique ________________ 30 2.6.1 Le mémoire de Gubser (2016) ___________________________________________________ 30

(8)

2.6.2 Les travaux de Maselli (2018) et Navarra (2018) _____________________________________ 31 2.7 Apport de notre mémoire _________________________________________________ 32 2.7.1 Quel type de tâche dynamique proposer ? _________________________________________ 32 2.7.2 Révision de la tâche de Maselli (2018) et Navarra (2018) ______________________________ 33 2.7.3 La question de recherche _______________________________________________________ 34 2.7.4 Les objectifs __________________________________________________________________ 34

3 Méthode _____________________________________________________________ 35 3.1 Participants ____________________________________________________________ 35 3.2 Matériel _______________________________________________________________ 36 3.2.1 Le questionnaire parental _______________________________________________________ 36 3.2.2 Les matrices progressives de Raven _______________________________________________ 36 3.2.3 Les tests statiques de lexique expressif ____________________________________________ 36 3.2.4 La tâche dynamique de lexique __________________________________________________ 37 3.2.5 La modifiabilité _______________________________________________________________ 42 3.3 Procédure _____________________________________________________________ 43 3.3.1 Phase de familiarisation ________________________________________________________ 44 3.3.2 Phase d’enseignement _________________________________________________________ 45 3.3.3 Rappel immédiat expressif ______________________________________________________ 46 3.3.4 Rappel immédiat réceptif _______________________________________________________ 47 3.3.5 Tâche intermédiaire : test statique de lexique en production ___________________________ 47 3.3.6 Rappels différés, expressif et réceptif _____________________________________________ 48 3.3.7 Adaptation de la tâche au format « visioconférence » ________________________________ 48 3.4 Plan expérimental _______________________________________________________ 48 3.5 Hypothèses opérationnelles _______________________________________________ 49 4 Résultats _____________________________________________________________ 51

4.1 Analyses statistiques _____________________________________________________ 51 4.1.1 Analyses statistiques relatives aux tâches standardisées ______________________________ 51 4.1.1.1 Dénomination de l’Evalo 2-6 ________________________________________________ 52 4.1.1.2 Dénomination de la Bilo 3C _________________________________________________ 53 4.1.2 Analyses statistiques relatives à la tâche dynamique du lexique ________________________ 53 4.1.2.1 Niveaux d’étayage ________________________________________________________ 54 4.1.2.2 Scores en production _____________________________________________________ 54 4.1.2.3 Scores en identification ____________________________________________________ 59 4.1.2.4 Scores aux échelles de modifiabilité __________________________________________ 60

(9)

4.2 Analyses exploratoires ___________________________________________________ 62 4.2.1 Analyses qualitatives relatives aux items de la tâche dynamique __________________________ 62 4.2.2 Les enfants monolingues au développement typique et les enfants monolingues avec TDL ___ 63 4.2.3 Analyses corrélationnelles ______________________________________________________ 64 4.2.3.1 Corrélations entre l’âge et les scores dynamiques _______________________________ 64 4.2.3.2 Corrélations entre le niveau d’intelligence non-verbale et les scores dynamiques ______ 64 4.2.3.3 Corrélations entre le niveau d’éducation maternelle et les scores dynamiques ________ 65

5 Discussion ____________________________________________________________ 66 5.1 Retour sur nos hypothèses ________________________________________________ 66

5.1.1 Hypothèse 1 : meilleurs résultats pour les enfants avec DT sur les mesures dynamiques _____ 66 5.1.2 Hypothèse 2 : différences entre tests statiques et tâche dynamique chez les enfants DT _____ 68 5.1.3 Hypothèse 3 : différences entre scores statiques et dynamiques chez les bilingues DT et monolingues TDL 68 5.2 Effet en escalier pour les mesures dynamiques _______________________________ 69 5.3 Limites et éléments d’amélioration pour d’éventuelles versions futures ___________ 71 5.3.1 Les limites de notre étude ______________________________________________________ 71 5.3.2 Pistes d’amélioration en vue de futures réalisations __________________________________ 71 5.3.2.1 Accentuation de la phase d’enseignement _____________________________________ 71 5.3.2.2 Réflexion sur la présentation des stimuli ______________________________________ 72 5.3.2.3 Temporalité de la tâche dynamique __________________________________________ 72 5.3.2.4 Intégration d’une tâche dynamique non-verbale ________________________________ 73 5.4 Conclusion _____________________________________________________________ 74

6 Bibliographie __________________________________________________________ 75 7 Annexes ______________________________________________________________ 81 Annexe A – Formulaire de consentement de participation __________________________________ 81 Annexe B – Autorisation de conservation des enregistrements audio _________________________ 84 Annexe C – Profil des enfants bilingues recrutés _________________________________________ 85 Annexe D – Questionnaire parental __________________________________________________ 86 Annexe E – Photographies du matériel ________________________________________________ 89 Annexe F – Extrait du script de la tâche d’évaluation dynamique _____________________________ 90 Annexe G - Échelles de modifiabilité __________________________________________________ 93 Annexe H – Ordre des items dans la version A et la version B ________________________________ 94

(10)

Annexe I – Visuels de la tâche au format visioconférence _________________________________ 95 Annexe J – Analyses descriptives relatives à la tâche dynamique du lexique ________________________ 96 Annexe K – Synthèse des analyses corrélationnelles ______________________________________ 98 Annexe L - Grille de cotation de la tâche d’évaluation dynamique _____________________________ 99

(11)

Introduction

Dans le domaine des troubles développementaux, la comorbidité constitue davantage la règle plutôt que l’exception. En effet, si les classifications internationales établissent des critères de diagnostic clairs et circonscrits, il n’est pas rare d’observer la cooccurrence de troubles de différentes natures. Les troubles du langage oral ne font pas exception et ces derniers peuvent s’inscrire dans un tableau clinique parfois complexe, ne facilitant guère leur diagnostic. Cette réalité interroge la spécificité de ces troubles et se heurte à la difficulté d’évaluer ces derniers de manière fiable. Cela représente un défi d’autant plus important lorsqu’un enfant est issu d’un milieu différent de celui de l’environnement dans lequel le diagnostic s’établit. Qu’il s’agisse d’enfants bilingues, issus de l’immigration, de milieux socio-économiques faibles ou encore présentant d’autres troubles, le risque pour les logopédistes est de sur-diagnostiquer un trouble du langage oral, les difficultés de l’enfant étant considérées comme l’expression même de ce trouble, ou à l’inverse, de le sous-diagnostiquer en mettant à tort les difficultés de l’enfant sur le compte du manque d’exposition à la langue de l’environnement. Il est pourtant nécessaire d’évaluer de manière sûre ces différents profils d’enfants, réputés difficilement testables et de mettre en place des mesures adaptées à leurs problématiques.

En ce sens, de nombreux auteurs ont relevé l’inadéquation des tests standardisés en raison des biais qu’ils contiennent. En effet, ces mesures peinent à rendre compte des réelles capacités des enfants issus de milieux sociaux, culturels et/ou linguistiques divers ou ceux présentant également d’autres troubles (Hasson & Joffe, 2007). Certaines alternatives à ces tests statiques ont été proposées. Parmi elles, l’évaluation dynamique du langage a montré des résultats très encourageants notamment dans les pays anglophones (Kapantzoglou, Restrepo, & Thompson, 2012 ; Camilleri, Hasson, & Dodd, 2014). Récemment, des recherches ont été menées en langue française (Gubser, 2016 ; Maselli, 2018 ; Navarra, 2018) et se sont appliquées à proposer une tâche d’évaluation dynamique du lexique dans l’objectif de discriminer les enfants bilingues présentant un trouble du langage oral de ceux avec un développement typique.

Ce mémoire s’inscrit dans la continuité de ces travaux en proposant une tâche d’apprentissage de pseudo-mots également testée auprès d’enfants monolingues, avec et sans trouble du langage. De plus, ce travail s’élabore dans un projet plus large visant la création d’une batterie pilote d’évaluation dynamique en français recoupant les composantes princeps du langage oral, à savoir la phonologie, le lexique, la morphosyntaxe et la narration.

(12)

1 Le contexte de départ et sa problématique

1.1 La question de la spécificité des troubles du langage

La définition et la terminologie des troubles du langage oral chez l’enfant ont connu au cours de ces dernières années une évolution : les notions de dysphasie, de trouble spécifique, primaire, primitif ou encore développemental du langage se sont succédé, voire ont coexisté.

Si les classifications internationales du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (5e éd. ; DSM-5 ; American Psychiatric Association, 2015) et la Classification Internationale des Maladies (11e éd. ; ICD-11 ; 2020 ; World Health Organization, 2020) reconnaissent l’aspect développemental de ce type de troubles, leur spécificité n’y apparait pas de manière explicite. En revanche, les deux manuels énoncent des critères d’exclusion bien qu’il ne soit pas rare d’observer l’association de troubles du langage avec d’autres troubles neurodéveloppementaux plus globaux (troubles de la coordination motrice, de la communication, des apprentissages, du comportement ou encore des déficits attentionnels ou sensoriels…). En effet, cette notion de « trouble spécifique du langage », d’un point de vue clinique, est loin de faire consensus. Le projet CATALISE-2 (Bishop, Snowling, Thompson,

& Greenhalg, 2017) tente de rendre compte de cette réalité en proposant la terminologie de

« trouble développemental du langage » (TDL). Les critères d’inclusion relatifs au trouble du langage oral sont notamment assouplis : d’une part, la discrépance entre les capacités verbales et non-verbales n’est plus exigée, et d’autre part, le diagnostic de trouble du langage peut être associé à d’autres troubles comme le rend compte le diagramme de la figure 1, issu du projet CATALISE-2 (Bishop et al., 2017).

La comorbidité entre les troubles du langage oral et d’autres troubles ne facilite pas l’évaluation langagière, y compris quand on recourt aux tests statiques. A cette problématique, vient s’ajouter celle de l’évaluation des enfants qui peinent à entrer dans les protocoles d’évaluation classiques, étant ainsi considérés comme difficilement testables (par exemple, les enfants présentant des troubles du comportement, un trouble du spectre de l’autisme ou un syndrome).

(13)

Figure 1. Diagramme de CATALISE-2 illustrant les relations entre les différents termes diagnostiques (Bishop et al., 2017, traduit par Maillart, 2018).

De plus, si l’on suit la proposition de CATALISE-2 (Bishop et al., 2017) en s’intéressant plus précisément à la composante « manque de familiarité avec la langue », nous pouvons également mentionner les défis que présente l’évaluation d’enfants issus de milieux linguistiques, culturels et sociaux divers, entre autres les enfants bilingues ou ceux évoluant au sein de familles à faible statut socio-économique. En ce qui concerne le bilinguisme, celui-ci représente un défi de plus en plus fréquent en matière d’évaluation du langage. En effet, les phénomènes de migration que connaissent nos sociétés entrainent une mixité culturelle allant de pair avec une diversité linguistique. De cette façon, en Suisse, le bilinguisme est devenu la règle plutôt que l’exception, puisqu’en 2014, l’Office Fédéral de la statistique indique que « deux tiers (64%) de la population résidente permanente âgée de 15 ans ou plus utilisent au moins une fois par semaine plus d’une langue, que ce soit pour communiquer avec ses proches ou au travail, ou simplement pour regarder la télévision ou surfer sur Internet. »

Pour les enfants issus de familles migrantes, l’apprentissage du français intervient souvent en deuxième langue (L2), lors de l’entrée à l’école. Celui-ci peut revêtir différents aspects et comporter un certain nombre de défis tels que l’obligation de loyauté envers la famille qui peut mener l’enfant à refuser d’investir la culture du pays d’accueil (Probst Favret,

(14)

2001), ou plus largement les difficultés de compréhension et d’expression liées à un manque d’exposition à la langue, rendant ces enfants particulièrement vulnérables quant à la maitrise des apprentissages scolaires. En ce sens, ces enfants peuvent légitimement alarmer leur entourage ou leur enseignant, ceux-ci n’hésitant pas à les adresser à une logopédiste.

Néanmoins Law, Boyle, Harris, Harkness et Nye (2000) considèrent que la prévalence des troubles du langage se situe entre 6 et 10% et, Stow et Dodd (2003) ajoutent que ce chiffre n’a pas de raison de différer au sein d’une population bilingue.

Compte tenu des différents cas de figures que nous venons d’exposer, la nécessité de poser un diagnostic de trouble du langage fiable incite à entrevoir de nouvelles possibilités quant à l’évaluation langagière, en marge des mesures statiques actuellement pratiquées.

1.2 L’évaluation du langage

1.2.1 Les tests statiques

Actuellement, les évaluations des capacités langagières s’effectuent essentiellement au moyen de tests statiques. Ces derniers permettent une évaluation standardisée répondant en théorie à des critères psychométriques garantissant leur fiabilité (validité, fidélité, normes). Du fait de cette standardisation, fournir des indications ou des feedbacks en cas d’erreur ou d’approximation est rigoureusement proscrit (Camilleri & Botting, 2013). Ces tests statiques mesurent ainsi la performance d’un individu à l’instant « t » de manière binaire (réussite / échec). S’ils ont un certain nombre d’avantages tels que l’objectivité, qui rend notamment réplicables les mesures, et la rapidité des passations, ils présentent également de nombreuses limites. Laing et Kamhi (2003) relèvent et illustrent trois biais de ce type de tests, indiquant qu’ils concourent ainsi au sur- et au sous-diagnostic des troubles langagiers.

1.2.1.1 Les biais de contenu

Les biais de contenu aussi appelés biais culturels se réfèrent au fait que les tâches standardisées sont souvent culturellement marquées. Ces tests sont la plupart du temps créés par des auteurs de culture occidentale, majoritairement européenne ou nord-américaine. En ce sens, Laing et Kamhi (2003) expliquent que l’exposition à certains éléments picturaux ou lexicaux peut être propre à un environnement culturel tout comme certaines compétences telles

(15)

que dessiner ou pointer des images, peuvent être plus ou moins attendues selon les milieux. A ces différences, s’ajoutent les expériences de vie qui diffèrent d’un enfant à l’autre, et ce d’autant plus lorsque le bain culturel et social dans lequel l’enfant évolue s’éloigne de celui qui marque les tests standardisés. De cette façon, un enfant issu d’un milieu socio-culturel différent pourrait sous-performer non en raison d’un déficit langagier, mais d’un manque d’exposition à certains stimuli ou à certaines activités (Laing & Kamhi, 2003).

1.2.1.2 Les biais linguistiques

Les biais linguistiques contenus dans les tests statiques s’illustrent par l’écart entre le niveau de langage ou le dialecte utilisé par le clinicien, celui employé par l’enfant et enfin, la réponse attendue par le test (Laing & Kamhi, 2003). De cette façon, un enfant pourrait être déficitaire à une tâche non du fait d’un déficit langagier, mais d’un décalage entre son propre dialecte et celui utilisé et attendu par la tâche (Laing & Kamhi, 2003).

1.2.1.3 Les biais liés aux normes et à la standardisation

Dans les tests statiques, les performances d’un enfant sont comparées à celles de ses pairs du même âge chronologique. Les normes ainsi établies sont faites sur la base d’un échantillon qui se veut représentatif de la population : généralement, celle-ci se réfère à celle du pays dans lequel le test a été développé ou va être adapté. Néanmoins, bien que ces normes soient considérées comme représentatives, des réserves peuvent être émises du fait qu’elles ne tiennent pas compte d’une certaine diversité culturelle. Par exemple, la plupart des normes sont élaborées sur des enfants monolingues. Se pose alors la question de la pertinence d’évaluer des enfants bilingues ou issus de milieux multiculturels à l’aide de tests statiques (Horton-Ikard &

Ellis Weismer, 2007 ; Restrepo & Silverman, 2001).

Au regard des nombreux biais que nous venons de mentionner, les tests statiques semblent ne pas être appropriés pour diagnostiquer tout un pan de la population : les enfants issus de milieux socio-culturels différents, les enfants bilingues ou encore ceux difficilement testables à l’instar des enfants avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Dockrell (2001) ajoute que les tests statiques sont peu informatifs : ils permettent de mesurer les capacités d’un

(16)

enfant à un moment précis, dans un cadre donné mais n’indiquent en aucun cas comment la tâche est abordée, ni quelle est la nature des difficultés éprouvées.

1.2.2 Méthodes d’évaluation alternatives

Pour pallier les limites des tests statiques, différentes possibilités ont été élaborées de sorte à proposer des évaluations diagnostiques rendant compte de la nature et de la sévérité des difficultés des enfants à profils particuliers, notamment les enfants bilingues. Nous abordons ici succinctement quelques-unes de ces alternatives.

1.2.2.1 L’évaluation de la langue maternelle et de la L2

Pour les enfants présentant un bilinguisme, certains auteurs (Thordardottir, Rothenberg, Rivard, & Naves, 2006) recommandent des évaluations bilingues de sorte à établir un diagnostic fiable. Néanmoins, dans la pratique clinique, seules 13% des logopédistes établissent un bilan logopédique dans les deux langues auxquelles l’enfant est exposé (Jordaan, 2008). La plupart du temps, la logopédiste évaluera l’enfant dans la langue qu’elle-même maitrise le mieux, ne tenant ainsi compte que d’une partie des compétences langagières de l’enfant. Cela peut en partie s’expliquer par le fait que les logopédistes maitrisent rarement deux langues au point de pouvoir mener des évaluations diagnostiques dans chacune d’elles.

L’ELAL1 d’Avicenne (Bennabi-Bensekhar & Moro, 2016) tente de répondre à cette difficulté en proposant un test facilement traduisible par un interprète. Cet outil permet d’évaluer des compétences langagières considérées comme universelles sur les versants productif et réceptif (par exemple, le nom des couleurs ou les prépositions spatiales). Parallèlement, les auteures recommandent la passation d’un test statique pour évaluer la L2. S’il peut être une alternative intéressante, le recours à un interprète n’apparait pas comme une solution toute faite. En effet, outre les aspects économiques qui peuvent en découler, selon la langue pour laquelle on souhaite y faire appel, le nombre d’interprètes peut être relativement restreint. De même, le fait de passer par une tierce personne peut non seulement entrainer des biais (approximations dans

1 ELAL : Évaluation Langagière des ALlophones et primo-arrivants.

(17)

la traduction des consignes ou dans les productions du patient), mais peut aussi entraver l’alliance thérapeutique en instituant un intermédiaire entre le patient et le thérapeute.

1.2.2.2 Le projet européen COST Action IS0804

Rassemblant des chercheurs européens, le projet COST Action IS0804 vise à préciser le profil cognitif des enfants bilingues au développement typique et ceux avec trouble du langage. Ce projet a notamment pour perspective de formuler des préconisations et de proposer des outils permettant le diagnostic de trouble du langage chez les enfants bilingues, à l’image de la tâche de répétition de pseudo-mots LITMUS-NWR-FRENCH (Ferré & dos Santos, 2015 : se référer au point 1.2.2.3) et du questionnaire parental, le PaBiQ (Tuller, 2015 : voir le point 1.2.2.4).

1.2.2.3 Language processing measures2

Ce type de mesures s’appuie sur le présupposé suivant : les compétences procédurales langagières ne dépendent pas des connaissances antérieures de l’enfant. Selon De Lamo White et Jin (2011), cette forme de test évalue de manière indirecte les fonctions de traitement sous- jacentes et prévoit des tâches de mémoire, de perception et de compétition de stimuli langagiers. Ainsi, plusieurs auteurs (Dollaghan & Campbell, 1998 ; Rodekohr & Haynes, 2001) ont pu démontrer que les language processing measures permettent de discriminer les enfants au développement typique de ceux présentant un trouble du langage, y compris pour les enfants bilingues ou issus de minorité ethnique.

Plus récemment, Thordardottir et Brandeker (2013) ont étudié des enfants âgés de 5 ans en moyenne, monolingues et bilingues, avec et sans trouble développemental du langage (TDL). Pour tous, le français était la langue dominante. Un test de vocabulaire réceptif statique, une tâche de répétition de pseudo-mots et une tâche de répétition de phrases leur ont été soumis.

Les auteures ont ainsi pu mettre en évidence que la répétition de pseudo-mots et de phrases

2 Peut se traduire par « mesures de traitement du langage ».

(18)

était un marqueur plus efficace que le test de vocabulaire réceptif pour discriminer les enfants, y compris les bilingues, avec TDL de ceux avec un développement typique.

De leur côté, Ferré et dos Santos (2015) ont réalisé une étude auprès de 64 enfants âgés de 5;6 ans à 8 ans, dont le français était la langue maternelle. Les auteurs ont montré qu’une tâche de répétition de pseudo-mots (LITMUS-NWR-FRENCH, créée dans le cadre du projet européen COST Action IS0804 présenté au point 1.2.2.2) permet de distinguer significativement les enfants avec TDL des enfants avec développement typique, qu’ils soient ou non bilingues. Ces différentes études mettent en lumière des éléments d’évaluation pertinents pour diagnostiquer les enfants avec TDL, y compris dans un contexte de bilinguisme.

Cependant, d’autres recherches (Kohnert, Windsor, & Yim, 2006 ; Stokes, Wong, Fletcher, & Leonard, 2006) ne corroborent pas ces résultats, concluant que les language processing measures ne sont pas indépendantes des connaissances linguistiques acquises et présentent ainsi certains biais linguistiques.

1.2.2.4 Les questionnaires parentaux

Souvent considérés comme une source d’informations précieuses pour l’évaluation clinique, les questionnaires parentaux balayent un ensemble de domaines utiles à la pose d’un diagnostic : le développement langagier de l’enfant, les langues auxquelles il est exposé et qu’il maitrise, le comportement de l’enfant, le niveau éducationnel et/ou professionnel des parents ou encore l’histoire familiale. En plus de repérer les éventuels facteurs de risque, ces questionnaires permettent ainsi d’appréhender l’enfant dans sa globalité en ouvrant une porte vers des éléments difficilement observables en cabinet ou accessibles via des mesures statiques.

Ces questionnaires revêtent plusieurs avantages : ils sont simples à comprendre, rapides à remplir et permettent une bonne discrimination entre les enfants bilingues au développement typique et ceux ayant un trouble du langage oral (Tuller, 2015 ; Paradis, 2010 ; Restrepo, 1998).

Dans le cadre du projet COST Action IS0804, Tuller (2015) a proposé le questionnaire PaBiQ (Questionnaire for Parents of Bilingual Children3) qui est une adaptation de l’Alberta Language Environment Questionnaire4 (ALDeQ : Paradis, 2011). Il comporte des

3 Peut se traduire par « Questionnaire pour les parents d'enfants bilingues ».

4 Peut se traduire par « Questionnaire sur l’environnement linguistique de l’Alberta ».

(19)

informations générales sur l’enfant, une partie sur son histoire précoce, ses habiletés actuelles, les langues utilisées à la maison, celles parlées en dehors du foyer et des informations concernant les parents.

1.2.2.5 L’évaluation dynamique

En choisissant d’évaluer le potentiel d’apprentissage langagier de l’enfant plutôt que sa performance langagière à l’instant « t », l’évaluation dynamique se distingue des tests statiques. De nombreux auteurs (Gutiérrez-Clellen & Peña, 2001 ; Hasson & Joffe, 2007 ; Hasson, Camilleri, Jones, Smith, & Dodd, 2012 ; Kapantzoglou et al., 2012) la considèrent comme une alternative adéquate pour évaluer les enfants de milieux culturels et/ou linguistiques divers et, plus largement ceux peinant à entrer dans les procédures de tests statiques.

(20)

2 L’évaluation dynamique, une alternative

2.1 Les origines de l’évaluation dynamique

2.1.1 Vygotsky et la Zone Proximale de Développement

Constatant que les tests statiques attribuaient à tort aux migrants une intelligence limitée, Vygotsky (1978) a jeté les bases de l’évaluation dynamique en proposant non pas de se baser sur les performances instantanées photographiées à un moment précis, mais de considérer le potentiel d’apprentissage d’un individu dans une situation où sa performance peut être soutenue (Hasson et al., 2012). En développant sa théorie socioculturelle, Vygotsky considère que les processus de haut-niveau, tels que l’attention, la mémoire et la résolution de problèmes, se construisent dans l’interaction sociale et l’environnement (Kapantzoglou et al., 2012). En ce sens, le fait d’apprendre va d’abord être régulé par l’environnement pour progressivement s’autoréguler, permettant ainsi à l’enfant, une fois les processus d’apprentissage intériorisés, d’apprendre de manière plus autonome (Kapantzoglou et al., 2012). Vygotsky (1978) formule alors le concept de Zone Proximale de Développement (ZPD) qu’il définit comme la distance entre « le niveau de développement réel déterminé par la résolution individuelle de problèmes et le niveau de développement potentiel déterminé par la résolution de problèmes sous la supervision d’un adulte ou en collaboration avec des pairs plus expérimentés ». Selon lui, l’évaluation du potentiel d’apprentissage refléterait mieux le fonctionnement d’une personne et son évolution future en comparaison à une mesure statique de ses compétences (Hasson et al., 2012). En ce sens, Kapantzoglou et al. (2012) précisent que l’évaluation dynamique a pour objectif de déterminer la ZPD lors d’une interaction entre l’enfant et le clinicien de sorte à pouvoir mesurer sa capacité à apprendre de manière autonome dans un environnement stimulant.

2.1.2 Feuerstein et le Learning Propensity Assessment Device

5

Développé par Feuerstein (1979, 1980, cité par Gutiérrez-Clellen & Peña, 2001), le Learning Propensity Assessment Device (LPAD) visait initialement à évaluer le

5 Cette formulation pourrait se traduire par « Dispositif d'évaluation de la propension à l'apprentissage ».

(21)

fonctionnement cognitif des enfants marocains venant d’immigrer en Israël. Ainsi, cet outil a permis de mettre en avant le potentiel d’apprentissage de ces enfants alors même que ces derniers étaient en difficulté dans les tests cognitifs statiques (Gutiérrez-Clellen & Peña, 2001).

Comme le rappellent Hasson et Joffe (2007), la théorie de la Structural Cognitive Modifiability6 de Feuerstein s’appuie sur trois composants essentiels à l’évaluation et à l’intervention : l’apprenant, l’évaluateur et la tâche.

Dans sa batterie LPAD, Feuerstein inclut l’expérience d’apprentissage médiatisé (MLE, Mediated Learning Experience) dans la phase « enseignement », selon le modèle test- enseignement-retest (Hasson et al., 2012). Nous détaillerons plus loin les différents aspects de la MLE et du format test-enseignement-retest. Mais, il est important de souligner ici que dans la MLE, le rôle du médiateur est d’aider activement l’apprenant en l’aiguillant sur les aspects importants de la tâche, en l’incitant à faire des liens avec des connaissances déjà acquises et à généraliser cette expérience à d’autres situations (Haywood, 1993). En ce sens, le LPAD fournit des informations qualitatives sur les apprenants. Hasson et Joffe (2007) précisent d’ailleurs que cet outil prend en compte :

• la meilleure performance plutôt que la performance habituelle,

• les tentatives de compréhension de son succès ou de son échec,

• le niveau et le type d’intervention nécessaires (Feuerstein, Feuerstein, Falik, & Rand, 2002, cités par Hasson & Joffe, 2007).

A l’instar de Vygotsky, l’interaction sociale est donc centrale et l’évolution potentielle d’un enfant peut se mesurer selon le niveau d’aide fourni par l’évaluateur. Ce dernier prend le rôle de médiateur en donnant l’occasion à l’enfant d’acquérir de nouvelles compétences. De cette façon, en constatant qu’il est lui-même capable d’accéder à la réponse, l’enfant peut aussi expérimenter un sentiment de compétence et rester motivé (Hasson & Joffe, 2007).

2.2 Une définition de l’évaluation dynamique du langage

Pour débuter cette définition de l’évaluation dynamique, nous choisissons de citer Gutiérrez-Clellen (2000) qui la considère comme une approche permettant de définir, par des

6 Pourrait se traduire par « Modifiabilité Cognitive Structurelle ».

(22)

moyens spécifiques, le niveau de développement de l’enfant et sa capacité à acquérir de nouvelles connaissances, se distinguant ainsi de l’évaluation statique qui s’intéresse au score obtenu à un test de connaissances. En effet, Camilleri et al. (2014) considèrent que les tests statiques mesurent les compétences langagières d’un individu, autrement dit le « produit », contrairement à l’évaluation dynamique qui s’attache à mesurer la capacité à apprendre le langage. Cette opposition est aussi reprise par Hasson et Joffe (2007) : le « produit » mesuré par l’évaluation statique est le reflet des compétences de l’enfant à un moment précis, dans une situation de testing donnée. Cette mesure ne fournit aucune information quant aux stratégies d’apprentissage mises en place par l’enfant. En revanche, l’évaluation dynamique met davantage l’accent sur le « processus » d’apprentissage et la manière dont l’enfant va aborder la tâche. En ce sens, Haywood et Lidz (2007) évoquent la nécessité d’un recours à l’évaluation dynamique pour connaître le prochain niveau de développement de l’enfant, le type de prise en charge adapté à l’enfant et la réactivité de ce dernier face à l’intervention. Ces auteurs mettent ainsi en avant la capacité de l’évaluation dynamique à pouvoir investiguer les leviers permettant à l’enfant d’améliorer son fonctionnement dans les domaines où ses compétences restent extrêmement fragiles.

Parallèlement, l’évaluation dynamique entend réduire les biais culturels et linguistiques contenus dans les évaluations statiques (DeLamo White & Jin, 2011 ; Peña, Iglesias & Lidz, 2001)et ainsi diminuer le risque de diagnostic erroné pour les enfants difficiles à tester. Selon Peña (2000), l’évaluation dynamique est davantage valide pour évaluer les enfants bilingues, issus de milieux culturels différents ou ayant des besoins éducationnels ou cliniques particuliers. En effet, elle permet de contrer ce que l’auteure appelle les biais situationnels et psychométriques. Les premiers sont liés aux variables pouvant affecter la performance de l’enfant comme les contraintes et les attentes liées à la tâche, ou encore l’attitude de l’examinateur7. Peña (2000) explique qu’en enseignant à l’enfant des stratégies pour améliorer sa propre performance dans une tâche donnée, l’évaluation dynamique limite ces biais situationnels. En particulier, en ce qui concerne les enfants bilingues, l’évaluation dynamique a pour avantage de remédier au problème du manque d’input dans la langue testée étant donné que l’examinateur fournit l’input nécessaire à l’enfant au cours de la tâche. Ensuite, les biais psychométriques se réfèrent au manque de représentativité des enfants issus de milieux

7 Nous pouvons rapprocher les biais situationnels de Peña de ce que nous avons appelé biais de contenu et biais linguistiques au point « 1.2.1 Les tests statiques ».

(23)

linguistiques et culturels divers dans les échantillons de référence. Pour l’auteure, l’évaluation dynamique permet de parer à cette limitation du fait que le sujet devient son propre contrôle.

Très justement, Peña (2000) explique que l’évaluation dynamique ne se satisfait pas d’une faible performance telle qu’elle pourrait être relevée au cours d’un test statique, mais qu’elle en fait son point de départ.

En somme, l’évaluation dynamique entend répondre principalement à deux objectifs.

Premièrement, elle tend à limiter les biais de contenu, linguistiques et de standardisation présents dans les tests statiques et ainsi réduire le risque de diagnostic erroné pour les enfants issus de milieux culturels et/ou linguistiques divers (Gutiérrez-Clellen, 2000 ; Hasson & Joffe, 2007) et ceux présentant par ailleurs d’autres troubles (Hasson & Joffe, 2007). Deuxièmement, elle permet de récolter des informations utiles à la mise en œuvre de la thérapie telles que le niveau de développement actuel de l’enfant, sa zone proximale de développement, et les stratégies qui semblent lui bénéficier.

2.3 Les méthodes utilisées en évaluation dynamique

L’évaluation dynamique s’appuie sur trois méthodes qui, le plus souvent, peuvent se cumuler au cours d’une même évaluation : le test-enseignement-retest (test-teach-retest), l’incitation progressive (graduated prompting) et l’expérience d’apprentissage médiatisé (Mediated Learning Experience, MLE).

2.3.1 Test-enseignement-retest

Cette méthode a pour objectif de mesurer la capacité de l’enfant à généraliser les nouvelles stratégies enseignées (Gutiérrez-Clellen, 2000 ; Gutiérrez-Clellen & Peña, 2001).

Elle se déroule en trois étapes, détaillées comme suit par Gutiérrez-Clellen et Peña (2001) : 1) La phase de test : celle-ci vise à identifier les compétences de l’enfant via un test qui

peut être issu d’une batterie d’évaluation statique.

2) La phase d’enseignement durant laquelle, l’évaluateur interagit avec l’enfant en explicitant les principes de la tâche et en enseignant des stratégies pour y parvenir.

3) La phase de retest : la performance au post-test renseigne sur la capacité de l’enfant à transférer les stratégies apprises au cours de la phase d’enseignement.

(24)

Cette méthode a notamment été employée par Camilleri et Botting (2013) pour évaluer la capacité des enfants à effectuer des correspondances mot-référent (l’étude est détaillée au point 2.4.1). Lors du prétest, une épreuve statique de désignation d’images est proposée à l’enfant de sorte à identifier les mots qu’il ne connait pas et qui seront travaillés dans la phase d’enseignement. Celle-ci permet à l’expérimentateur d’enseigner à l’enfant ces mots inconnus via une série d’indications qui amènent l’enfant à identifier le référent en question. Lors du retest, la même épreuve de désignation d’images que celle utilisée lors du prétest est à nouveau administrée.

2.3.2 Incitation progressive

Cette méthode se base sur une hiérarchie prédéterminée d’indices, allant du moins aidant au plus soutenant. L’objectif est de déterminer le potentiel d’apprentissage d’une part, selon le niveau d’étayage nécessaire pour obtenir la réponse attendue, et d’autre part, selon le niveau de transfert des compétences apprises (Gutiérrez-Clellen & Peña, 2001). Hasson et Joffe (2007) expliquent ainsi que moins l’enfant a besoin d’indices, plus son potentiel de changement est grand. Le nombre d’indices peut d’ailleurs permettre de mesurer la ZPD (Campione &

Brown, 1987).

Dans l’étude de Camilleri et Botting (2013), la phase d’enseignement intègre une incitation progressive permettant à l’enfant d’identifier sur une image composite, le référent du nouveau mot qu’il est en train d’apprendre. Le premier niveau consiste à demander à l’enfant de décrire l’image et de désigner le nouveau mot (« Peux-tu me montrer le « balcon » ? »). S’il ne peut pas le faire, l’expérimentateur passe au deuxième niveau d’aide en ajoutant une description de l’objet (« La fille est debout devant la maison. La femme est debout sur le balcon

»). Si l’enfant peine toujours à identifier le nouveau mot, l’examinateur lui propose une définition du mot (« Un balcon fait partie d’une maison, mais c’est à l’extérieur. Tu peux sortir sur le balcon et mettre des plantes sur le balcon. »). Le quatrième niveau d’indice correspond à l’emploi d’une phrase simple combiné à un regard vers le référent cible (« Regarde ! la femme est debout sur le balcon »). Enfin, le dernier niveau d’indice associe une affirmation et un pointage vers l’item cible (« C’est le balcon »).

(25)

2.3.3 Expérience d’apprentissage médiatisé (MLE)

Cette méthode est issue de la théorie de la Structural Cognitive Modifiability de Feuerstein, que nous avons évoquée précédemment. Gutiérrez-Clellen (2000) précise que la MLE se définit par quatre aspects :

1) Le sens de la tâche et de cet apprentissage : il s’agit d’expliciter ce pour quoi cette activité est utile.

2) L’intentionnalité correspond à l’objectif de l’apprentissage.

3) La transcendance : l’évaluateur va expliquer à l’enfant le lien entre ce qu’il est en train d’apprendre et ses expériences quotidiennes.

4) Enfin, l’évaluateur veille à développer et renforcer le sentiment de compétence en fournissant des feedbacks clairs sur les réponses apportées par l’enfant et en encourageant ses tentatives de réponses.

Dans la MLE, l’évaluateur essaye d’amener l’enfant à comprendre ce qu’il fait et pourquoi il est en train de réaliser cet apprentissage. Selon Feuerstein, la MLE permet de ne pas réduire l’évaluation à des compétences enseignées pour un test spécifique, mais de faciliter le transfert de celles-ci à d’autres tâches (Gutiérrez-Clellen, 2000). Généralement, la MLE est intégrée à la phase d’enseignement de la méthode test-enseignement-retest. Par exemple, Kapantzoglou et al. (2012) ont proposé une étude sur les compétences d’apprentissage de mots.

L’objectif de la tâche proposée à l’enfant était clairement explicité (à savoir, « jouer et apprendre de nouveaux mots en essayant de se rappeler le nom des objets. »). Puis, l’évaluateur proposait des liens entre l’activité d’apprentissage et les expériences de vie des enfants (« As- tu des jouets ? Quels jouets as-tu ? ») et attirait l’attention de l’enfant sur sa propre progression à la fin de chaque activité (« Tu apprends de nouveaux mots ! »).

2.3.4 La modifiabilité

La modifiabilité peut être définie comme le « changement observé chez un enfant lorsque celui-ci a l’opportunité d’apprendre dans un environnement soutenant, à travers l’apprentissage médiatisé » (Feuerstein, 1980 ; Feuerstein, Rand, & Hoffman, 1979 ; Vygotsky, 1986, cités par Peña, 2000).

(26)

Pour la mesurer, deux échelles ont initialement été proposées par Lidz (1991). Sous forme d’échelle de Likert, la Modifiability Scale8 (MS) renseigne l’effort fourni par l’examinateur en termes de soutien nécessaire à l’enfant pendant la phase d’apprentissage et la réponse de l’enfant. Quant à la Learning Strategies Checklist9 (LSC), elle permet d’évaluer la réactivité de l’enfant selon plusieurs critères, notamment l’attention et la discrimination, la capacité à comparer, la planification, l’autorégulation, le transfert des savoirs et la motivation.

En adaptant ces deux échelles, Peña (2000) a ainsi démontré que ce concept permettait de différencier les enfants ayant une faible capacité langagière de ceux ayant un développement typique, issus de contextes culturels et linguistiques différents. En ce sens, la modifiabilité est reliée à la capacité langagière et par conséquent, elle peut être utile au diagnostic, comme l’ont notamment montré Kapantzoglou et al. (2012).

2.4 Les protocoles d’évaluation dynamique du lexique

Relativement à ce mémoire, nous allons nous intéresser plus spécifiquement aux protocoles dynamiques qui ont permis de discriminer les enfants avec TDL et les enfants avec développement typique (DT) dans le domaine lexical.

2.4.1 Le DAWL de Camilleri et Botting (2013)

Ayant dressé le constat que les faibles scores obtenus aux tâches statiques de lexique étaient souvent assimilés à de faibles capacités langagières, Camilleri et Botting (2013) ont entrepris de créer une tâche d’évaluation dynamique permettant de mesurer la capacité d’apprentissage de nouveaux mots : le DAWL (Dynamic Assessment of Word Learning10). Cet outil s’appuie sur l’apprentissage incidentiel rapide de nouveaux mots via l’utilisation d’images composites de sorte à évaluer les capacités de fast mapping11. En ce sens, le DAWL teste uniquement le versant réceptif. Il a ainsi été soumis à 15 enfants âgés de 3 à 7 ans, dont 10

8 Cette formulation peut se traduire par « Échelle de modifiabilité ».

9 Cette expression peut se traduire par « Checklist des stratégies d’apprentissage ».

10 Cette formulation peut se traduire par « Évaluation dynamique de l'apprentissage de mots ».

11 Le fast mapping se réfère à la capacité de pouvoir établir rapidement une correspondance entre un mot et son référent pour en inférer le sens.

(27)

orientés en logopédie. Cependant, il convient de mentionner que les analyses ne portent que sur les enfants âgés de 3 et 4 ans et que lors du recrutement, il n’a pas été fait de distinction entre les bilingues et les monolingues. La méthode utilisée ici est le test-enseignement-retest : le test correspondant à une évaluation statique du vocabulaire réceptif, la phase d’enseignement intégrant des incitations progressives, le retest correspondant à celui du test statique de vocabulaire et à un post-test de processus avec des mots nouveaux de sorte à mesurer les capacités de transfert de la stratégie d’apprentissage apprise.

Dans cette étude, l’intérêt des auteurs s’est focalisé sur les qualités psychométriques du DAWL. Ainsi, les mesures liées au fast-mapping ainsi que celles relatives à la rétention ont montré une bonne validité externe avec les tests statiques, en plus d’avoir une validité prédictive convenable. De plus, il apparait que la fidélité inter-juges et la consistance interne du DAWL sont également des plus correctes. Ces éléments sont encourageants dans le sens où ils suggèrent que l’évaluation dynamique peut répondre à des critères psychométriques précis, garants de sa fiabilité. Il est à noter que Camilleri et Botting (2013) estiment que le DAWL doit être considéré comme un outil complémentaire aux évaluations statiques, permettant notamment de mettre en lumière les stratégies employées par l’enfant au cours de sa performance.

2.4.2 Le DAPPLE de Hasson et al. (2012)

En ce qui concerne l’évaluation dynamique du langage, Hasson et al. (2012) ont créé le DAPPLE (Dynamic Assessment of Preschoolers’ Proficiency in Learning English12) alors pensé comme un outil de dépistage n’excédant pas 40 minutes. Il comporte à la fois des tâches statiques verbales, non-verbales et des tâches dynamiques de vocabulaire, de syntaxe et de phonologie.

Nous allons plus précisément nous intéresser à la partie lexicale du DAPPLE. Celle-ci vise à mesurer la capacité d’apprentissage et de mémorisation de nouveaux mots. Pour ce faire, les auteurs utilisent les méthodes dynamiques de test-enseignement-retest et l’incitation progressive. Pour la modalité réceptive, la tâche s’inspire du protocole de Camilleri et Law

12 Cette expression pourrait se traduire par « Évaluation dynamique des compétences des enfants d’âge préscolaire dans l’apprentissage de l’anglais ».

(28)

(2007) : en amont et via un test statique, les examinateurs identifient 6 mots inconnus de l’enfant, puis procèdent à l’enseignement de ces mots lors d’une interaction autour d’un Posting Game13. Lors de ce dernier, les examinateurs apprennent à l’enfant une stratégie d’élimination : il s’agit de repérer parmi trois images, les deux illustrant les mots connus, pour déduire que la troisième correspond au mot inconnu. La cotation s’effectue selon le nombre d’indices nécessaires pour identifier le nouveau mot, ce qui permet d’obtenir un score de médiation de 1 à 3. Pour la modalité expressive, il est prévu un rappel immédiat lors duquel on demande à l’enfant quelle carte il souhaite poster en premier, et un rappel différé servant de mesure de rétention.

Ici, les objectifs sont d’une part, d’explorer la capacité à apprendre des nouveaux mots en testant ces derniers aussi bien sur le versant productif que réceptif, et d’autre part, de pouvoir discriminer les enfants bilingues porteurs d’un trouble de ceux ayant des difficultés en raison de leur contexte d’apprentissage linguistique. Cet outil a ainsi été testé auprès de 26 enfants bilingues âgés de 3 à 5 ans : 12 suivis en logopédie et 14 considérés comme ayant un développement typique.

Il ressort que le DAPPLE a permis une bonne discrimination des deux groupes d’enfants : ceux suivis en logopédie avaient d’une part, besoin de davantage de temps et d’aide pour identifier les mots ciblés. D’autre part, ils témoignaient de plus de difficultés pour conserver la forme expressive des mots appris lors du rappel différé. En revanche, les auteurs n’ont pas constaté de différence entre les deux groupes pour le rappel immédiat. De cette façon, le DAPPLE semble donc pouvoir servir d’outil de dépistage pour repérer les enfants à risque de développer un trouble du langage. Comme l’indiquent les auteurs, cet outil pré-diagnostique ne dispense pas d’approfondir l’évaluation dans la langue maternelle et en anglais. Ils précisent également qu’il serait intéressant de poursuivre les recherches dans une perspective longitudinale de sorte à mesurer la sensibilité et la spécificité du DAPPLE.

13 La traduction française de ce terme pourrait être « le jeu de la poste ».

(29)

2.4.3 Le DAPPLE de Camilleri et al. (2014)

L’étude de Camilleri et al. (2014) revisite les résultats obtenus par Hasson et al. (2012) au moyen du DAPPLE, en accordant une importance particulière aux groupes d’enfants bilingues bénéficiant d’une prise en charge, en explorant leurs réponses au niveau individuel.

Elle porte sur 12 enfants bilingues âgés entre 3 et 5 ans. Les méthodes d’évaluation dynamique employées sont les mêmes que celles de Hasson et al. (2012), à savoir celles du test- enseignement-retest et de l’incitation progressive. En ce qui concerne le lexique, le versant expressif ainsi que le réceptif sont testés de sorte à mesurer la capacité d’apprentissage de nouveaux mots et à les mémoriser.

D’un point de vue général, pour 11 des 12 enfants suivant une thérapie logopédique, les résultats obtenus via le DAPPLE de Camilleri et al. (2014) confirment la présence d’un trouble langagier. En ce qui concerne le niveau lexical, la tâche de rappel différé s’avère être la plus informative. Les auteurs nous invitent néanmoins à prendre un certain recul sur ces résultats, notamment au vu du faible nombre de sujets. Tout comme Hasson et al. (2012), les chercheurs soulignent aussi la nécessité de tester le DAPPLE auprès d’un plus large échantillon afin de vérifier la validité de cet outil.

2.4.4 L’étude de Kapantzoglou et al. (2012)

De leur côté, Kapantzoglou et al. (2012) ont également cherché à identifier parmi les enfants bilingues, ceux présentant un TDL à l’aide d’une évaluation dynamique visant les capacités lexicales et n’excédant pas 30 à 40 minutes. Celle-ci se démarque du DAPPLE (Hasson et al., 2012 ; Camilleri et al., 2014) par le fait d’être une tâche d’apprentissage de pseudo-mots, testés en production et en réception. La méthode employée est celle du test- enseignement-retest. La phase d’enseignement intègre les principes de la MLE et s’articule autour du script suivant : une marionnette fête son anniversaire et ses amis lui apportent chacun un cadeau. Trois d’entre eux sont des objets familiers, connus de l’enfant et trois autres sont des objets non familiers correspondant aux pseudo-mots que l’enfant va devoir apprendre. La complexité syntaxique des phrases dans lesquelles ils sont insérés ainsi que le nombre de présentations de ces items ont été contrôlés. En ce qui concerne la construction de ces pseudo- mots, les auteures ont respecté deux critères : une faible densité du voisinage phonologique et la probabilité phonotactique dans les langues concernées. Il s’agissait en l’occurrence, de

(30)

l’espagnol (langue dominante des enfants et dans laquelle la tâche était effectuée) et de l’anglais.

En marge des deux scores en production et en réception, Kapantzoglou et al. (2012) prévoient également deux échelles de modifiabilité : la Learning Strategies Checklist (LSC) et la Modifiability Scale (MS) (Lidz, 1991).

Kapantzoglou et al. (2012) ont donc étudié 28 enfants bilingues, âgés de 4 et 5 ans. Un premier groupe de 15 enfants connaissait un développement typique (Groupe DT) et un deuxième groupe de 13 enfants avait reçu un diagnostic de TDL (Groupe TDL). Les résultats ont montré que la combinaison des scores issus de la LSC et de l’identification des pseudo- mots après 9 expositions permet une meilleure prédiction pour différencier significativement un enfant issu du groupe TDL d’un enfant provenant du groupe DT. Néanmoins, même en étant exposés à 27 répétitions des pseudo-mots, les enfants n’arrivent pas à les produire correctement. Kapantzoglou et al. (2012) suggèrent alors que la tâche est trop difficile et qu’une seule session d’apprentissage n’est peut-être pas suffisante.

2.5 Les limites de l’évaluation dynamique

Il convient de tenir compte de certains points faibles de l’évaluation dynamique, notamment le fait qu’elle prenne davantage de temps par rapport à la passation de tests standardisés en raison de la phase d’apprentissage qu’elle intègre.

De plus, la subjectivité importante au cours de l’interaction entre le clinicien et l’enfant peut constituer une de ses limites (Kapantzoglou et al., 2012). Cette part d’interprétation personnelle qui a pour but premier de contrer les différents biais des tests statiques peut alors devenir elle-même un point de tension. En effet, quand il s’agit d’obtenir des résultats reproductibles, valides et fiables, l’objectivité de l’expérimentateur est requise, sans quoi, nous nous retrouvons inévitablement face à d’autres biais induits par l’interaction et la proximité établies avec l’enfant au cours de l’évaluation. Pour tenter de réduire cette subjectivité, les différentes méthodes dynamiques s’efforcent de donner un cadre permettant de structurer l’évaluation, notamment via l’utilisation de scripts préétablis.

(31)

Deux études ont mis à mal l’évaluation dynamique concernant ses capacités de discrimination des enfants bilingues, avec et sans trouble. Dans son article, Restrepo (1998) souhaitait rendre compte des différentes mesures langagières permettant une telle discrimination. Elle a alors testé des enfants dans leur langue maternelle, l’espagnol (L1). Deux tâches d’évaluation dynamique ont été utilisées pour discriminer les enfants bilingues DT de ceux ayant un trouble du langage. Elles portaient respectivement sur l’apprentissage de nouveaux mots et la généralisation d’un nouveau morphème. Aucune n’a permis de discriminer de manière satisfaisante les deux groupes d’enfants contrairement aux autres mesures langagières effectuées, à savoir le questionnaire parental, l’héritage familial, le nombre et la longueur des phrases produites lors d’une tâche de narration.

De son côté, Lazewnik (2013) aboutit à ce même résultat : la tâche dynamique visant l’apprentissage de mots selon la méthode test-enseignement-retest et celle de la MLE a certes permis d’obtenir des informations utiles pour le diagnostic et l’intervention mais n’a pas pu mettre en évidence une différence entre les enfants porteurs d’un trouble du langage et ceux n’en ayant pas.

Compte tenu de ces limites, il nous apparait d’emblée qu’il ne s’agit pas d’opposer de manière manichéenne les mesures statiques à celles dynamiques, mais que les deux approches doivent être considérées comme complémentaires et non mutuellement exclusives.

2.6 Les précédents mémoires sur l’évaluation dynamique du lexique

2.6.1 Le mémoire de Gubser (2016)

Le mémoire de Gubser (2016) est le premier projet pilote d’évaluation dynamique mené en langue française et auprès d’une population d’enfants bilingues. Il s’articule autour d’une tâche d’apprentissage de pseudo-mots en se basant principalement sur celle imaginée par Kapantzoglou et al. (2012) mais aussi sur la tâche dynamique du lexique du DAPPLE (Hasson et al., 2012 ; Camilleri et al., 2014). La tâche conçue par Gubser (2016) s’articule autour d’une phase de familiarisation avec trois pseudo-mots, d’un rappel immédiat puis un rappel différé de ces pseudo-mots. Gubser (2016) intègre également un test de vocabulaire statique en

Références

Documents relatifs

résultant pour ces Etats d'accords en vigueur à la date à laquelle ils sonc devenus parties à la présence convention. Nonobstant les dispositions du paragraphe l, les

In: Sujet, activité, environnement : approches, problèmes,

[r]

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

Consigne 2 : Après avoir déterminer le nombre de molécules de NaCI contenues dans 100 mg de sel, Identifier les ions contenus dans une solution d'eau salée de 500 mg 3 pts

Ainsi, nous avons comparé le nombre d’indices nécessaires à la production des structures cibles de 24 enfants DT (monolingues ou bilingues) âgés entre 6 et 11 ans

Ainsi, si notre tâche dynamique évaluant la morphosyntaxe expressive permet de différencier un groupe contrôle d’enfants à développement typique d’un groupe d’enfants

Pour chaque vache, les fonctions de croissance, de reproduction, d’ingestion, de production laitière sont prises en compte par le modèle tout comme les variations de note